« Notre ami Israël Shamir »
Henri Pasternak
L'Arche, n° 543, mai 2003.
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Le 3 avril 2003, le quotidien Libération publie un article de son correspondant à Marseille, Michel Henry, intitulé « Charge antisémite d’une association pro-palestinienne ». On y apprend que l’Association médicale franco-palestinienne de Marseille (AMFP) a publié le 20 mars, dans sa lettre d’information, « un texte ouvertement antisémite ». Suite à cette publication, l’Association France Palestine Solidarité (AFPS), à laquelle l’AMFP était affiliée, a exprimé sa désapprobation. L’article cite le président de l’AFPS, Bernard Ravenel: « Ce n’est pas possible, il n’y a pas d’excuse, le gars de l’AMFP qui a traduit ce texte a démissionné et nous avons annulé la référence du groupe de Marseille à notre association ».
Le texte ainsi mis en cause, apprend-on, est une traduction d’un article signé Israël Shamir et intitulé « Les oreilles de Midas », où, dit Libération, il soutient « que la “juiverie organisée” serait responsable de la guerre en Irak, comme elle l’était, selon lui, de la seconde guerre mondiale »1. Libération ajoute que cet article, dont la traduction française a été effectuée par Marcel Charbonnier, a été diffusé « par l’AMFP dans la lettre qu’elle distribue, via e-mail, à plus de 6 800 destinataires ».
« Persécutions »
Le lendemain, le quotidien Le Monde, dans son édition datée du 5 avril, revient sur le cas d’Israël Shamir. Celui-ci, « journaliste et écrivain qui habite à Jaffa », pratique un « militantisme anti-israélien » qui l’a « déjà conduit à flirter avec l’antisémitisme ». Mais le dernier en date de ses articles, ne laisse, dit la journaliste du Monde, Ariane Chemin « plus aucune place au doute ». Pourtant, Pierre-Alexandre Orsoni et Marcel Charbonnier, les deux responsables de Point d’information Palestine, le bulletin diffusé sur internet par les militants pro-palestiniens marseillais, ne regrettent pas d’avoir traduit et publié ce texte. Au contraire: ces deux hommes, décrits comme « plutôt franchement de gauche », sont furieux d’avoir été désavoués par l’AFPS.
Pierre-Alexandre Orsoni, dit Le Monde, ne se dissocie nullement de l’auteur du texte antisémite: « Israël Shamir est un provocateur un polémiste, mais il est loin d’être idiot. On sent que, derrière lui, il y a des réseaux, c’est aussi pour cela qu’il est intéressant. » Et il persiste: « On continuera à le passer ». Le Monde rapporte également que M. Orsoni s’estime « victime d’une persécution » et menace: « Sinon, on arrêtera Point d’information Palestine, puisque c’est ça qu’ils veulent. Et ça nous obligera à partir là-bas. »
En fait, au-delà du comportement bizarre des militants marseillais, l’attitude de l’Association France Palestine Solidarité est elle-même plutôt étrange. Si on lit bien la déclaration faite au Monde par le président de l’AFPS, Bernard Ravenel, on voit qu’il a été surtout « choqué » que ce texte « explicitement antisémite » ait été publié sans « aucune mise en garde ». Quelques mots bien placés auraient donc fait l’affaire, et évité des désagréments aux uns comme aux autres ?
Le plus étonnant, dans l’affaire, est le temps qu’il a fallu aux propalestiniens français pour découvrir la nature antisémite des textes signés Israël Shamir. Une trentaine de ces textes, traduits le plus souvent par le fidèle Marcel Charbonnier, enrichissent de longue date les sommaires des bulletins pro-palestiniens — mais aussi de publications d’extrême droite (comme le bulletin Faits & Documents d’Emmanuel Ratier) et négationnistes (comme l’aaargh et La gazette du Golfe et des banlieues, de Serge Thion). Personne ne s’était avisé de leur contenu.
« Inquiétudes »
En France, du moins. Car, aux États-Unis, deux des principaux animateurs du mouvement propalestinien, Ali Abunimah et Hussein Ibish, avaient tiré la sonnette d’alarme dès 2001. Dans une lettre ouverte datée du 16 avril 2001, les deux hommes faisaient part de leurs « sérieuses inquiétudes au sujet d’Israël Shamir ». Indiquant que cet homme, « qui se présente comme étant un journaliste russo-israélien », avait depuis quelques mois acquis une grande renommée et que ses écrits étaient souvent cités dans les milieux pro-palestiniens, ils soulignaient leur caractère ouvertement antisémite.
Ali Abunimah et Hussein Ibish ajoutaient:
« De nombreuses personnes ont accueilli les contributions d’Israël Shamir en toute bonne foi, mais il nous semble qu’elles n’ont pas prêté suffisamment d’attention à ce qu’il dit. Cela s’explique peut-être parce que beaucoup d’entre nous sont heureux d’entendre des critiques d’Israël provenant de quelqu’un qui semble être “de l’intérieur”, parce que la soif que nous avons de voir nos thèses validées par des Juifs israéliens nous conduit parfois à agir sans l’esprit critique qui s’imposerait, ou à ne pas prendre en compte des excès qu’autrement nous n’aurions pas acceptés. Peut-être certains sont-ils disposés à ne pas critiquer des sentiments antisémites lorsque celui qui en est l’auteur se présente comme étant juif. Mais l’identité de cet auteur ne rend pas de telles déclarations moins dangereuses. »
Ceux qui écrivent ne sont pas, il faut le souligner, des « modérés » (Ali Abunimah avait été à l’origine d’une campagne contre le dirigeant palestinien Sari Nusseibeh, accusé de renoncer au « droit au retour »; il vient de publier dans le quotidien libanais The Daily Star un article, en date du 23 avril 2003, accusant Mahmoud Abbas et Mohammed Dahlan de « vendre la Palestine »). Mais ils comprennent l’opinion publique americaine. Au-delà du souci de maintenir le combat contre l’État d’Israël dans des limites moralement acceptables, on sent chez eux la crainte que l’association avec de tels hommes ne porte du tort à la cause palestinienne aux États-Unis.
Cette lettre, cependant, entraîna un vif échange de courriers. Israël Shamir, puis ses partisans dans les milieux pro-palestiniens, accusèrent MM. Abunimah et Ibish de l’avoir diffamé. Une campagne se déchaîna contre les deux hommes, soupçonnés même d’avoir partie liée avec le « lobby juif »... C’est alors que, le 23 avril 2001, Hussein Ibish se résolut à rendre public le compte rendu d’une rencontre avec Israël Shamir, qui avait eu lieu quelques semaines auparavant.
Il faut souligner ici que Hussein Ibish est le porte-parole de l’American-Arab Anti-Discrimination Committee (ADC), une des principales organisations arabes aux États-Unis. Israël Shamir, dont c’était la première visite aux États-Unis, avait ainsi l’occasion d’entrer en contact avec un dirigeant du « lobby » arabe, à. qui il pouvait parler en toute franchise. Son erreur était de n’avoir pas compris que son interlocuteur serait choqué par ses propositions. Voici le compte rendu rédigé par Hussein Ibish2:
« Sans entrer dans les détails, Shamir suggéra que les Juifs contrôlent effectivement les États- Unis. Il compara leur rôle dans ce pays au rôle des alaouites en Syrie [la minorité religieuse dont est issue la famille Assad, et sur laquelle repose en grande partie la dictature au pouvoir à Damas - NDLR]. La comparaison me parut ridicule. De ses propos, il ressort qu’il ne comprend pas la complexité des relations de pouvoir dans ce pays, où il ne s’est jamais rendu auparavant mais qu’il semble convaincu de connaître parfaitement.
Le plus troublant, sans doute, est qu’il a catégoriquement rejeté l’idée que les Arabes américains pourraient jamais aider la cause de la libération palestinienne, pour la raison que nous ne pourrons jamais faire jeu égal avec la puissance et l’influence des Juifs pro-israéliens, et que nous perdons absolument notre temps à nous y essayer. Il m’a déclaré que je ne comprends pas “la manière dont cette communauté fonctionne depuis plus de 1000 ans, peut-être 2000 ans” et que nous n’avons aucune chance face à eux.
Il a suggéré que la seule chose qui pourrait aider la cause de la libération palestinienne serait la marginalisation de la communauté juive américaine. J’ai eu le très net sentiment qu’il signifiait par là une campagne visant à répandre, au sein de la majorité chrétienne aux États-Unis, la méfiance envers la communauté juive, car il insistait sur le fait que “seule la majorité peut contrôler ce groupe minoritaire”. Je lui ai demandé si c’était là l’objet essentiel des textes qu’il écrivait, et il m’a répondu: “C’est possible”. Je lui ai demandé d’être plus précis; mais il a été évasif m’expliquant que “c’était la première fois que nous nous rencontrions”.
Il me dit ensuite qu’il était venu dans ce pays pour trouver un soutien financier [sponsor] qui l’enverrait faire une longue tournée de conférences dans les églises américaines. Je lui ai demandé comment il comptait prôner l’antisionisme à une congrégation qui attend le combat de la fin des temps [Armageddon]. Il a dit qu’il les convaincrait que Sharon est “l’Antéchrist juif”.
Puis il a dit qu’il cherchait activement une source de financement, sous forme de bourse ou de salaire, pour payer ses articles. Il me dit que c’était “une marque d’immaturité”, de la part de notre communauté, qu’aucun Arabe américain n’ait encore veillé à cela. »
On peut rêver, à la lecture de ce compte rendu, aux rencontres de ce genre qu’Israël Shamir, ou d’autres que lui, ont pu avoir aux États-Unis (ou en d’autres pays), avec des organisations (pas nécessairement arabes) dotées de moyens financiers conséquents — des rencontres qui se sont pas achevées, comme celle-ci, sur une conclusion négative... Quoi qu’il en soit, la publication de ce texte ne suffit pas à convaincre tous les militants pro-palestiniens américains.
Les plus avisés, cependant, comprirent qu’à fréquenter un tel personnage — et à diffuser ses textes — il risquaient de faire du tort à leur cause. Les articles d’Israël Shamir n’ont donc été relayés, depuis lors, que par les organisations pro-palestiniennes les plus extrémistes — en plus des négationnistes et des antisémites d’extrême droite, qui continuent de les publier jusqu’à ce jour. Cependant, un homme comme Edward Saïd, qui est souvent présenté — à tort, sans doute — comme un Palestinien modéré, continuait de citer Israël Shamir comme étant l’un des Israéliens « intrépides » qui trouvent grâce à ses yeux3.
Zones d’ombre
L’avertissement d’Ali Abunimah et Hussein Ibish a été publié il y a deux ans exactement. D’autres informations sur la personnalité de l’auteur ont fait jour, depuis lors. Si sa biographie officielle4 comporte des zones d’ombre et des étrangetés, si ses affirmations selon lesquelles il aurait été chroniqueur dans divers journaux israéliens ont été démenties par les intéressés, si ses sources de financement demeurent plus opaques que jamais, on connaît mieux ses liens avec les milieux d’extrême droite — notamment en Russie, son pays d’origine, où il collabore régulièrement au journal Zavtra, appartenant à la mouvance « rouge-brun », et où il s’était signalé en dénonçant le militant des droits de l’homme André Sakharov comme « un agent sioniste ». On sait qu’il s’est fait recommander, auprès du public américain, par divers agitateurs antisémites (Michael Hoffman, Christopher Bollyn). On sait que, dans des conversations privées aux États-Unis5, il s’est présenté comme étant « à la fois » juif et chrétien, l’appartenance juive revendiquée servant manifestement à faire passer un discours chrétien fondamentaliste où il accuse les Juifs — dans la grande tradition de l’antisémitisme russe — d’avoir tué le Christ et de comploter pour dominer le monde. On sait aussi que dans une interview au site Internet anti-israélien The Struggle il a défini Roger Garaudy comme « un grand homme »6.
On sait encore qu’en 1998 — il vivait alors à Moscou — il s’était adressé au négationniste britannique David Irving pour tenter de lui vendre un certain nombre de documents provenant essentiellement de l’Allemagne nazie7. Ce dernier épisode semble confirmer l’interprétation selon laquelle l’homme qui se fait appeler Shamir, et dont le nom était précédemment Schmerling, était à l’origine un des « agents provocateurs » que les services soviétiques (KGB) avaient implantés dans la masse des Juifs émigrant en Israël. Le rôle de ces agents était initialement de démoraliser les nouveaux immigrants, et d’envoyer pour publication dans la presse soviétique des « témoignages » sur leurs horribles conditions de vie en Israël. Mais, après la chute de l’URSS, ces agents se sont retrouvés orphelins. Certains — tout comme d’autres agents infiltrés, chargés de travaux d’espionnage, et dont quelques-uns ont été arrêtés — se sont fondus dans le paysage, heureux parfois d’avoir trouvé une vie nouvelle. D’autres sont demeurés irréductiblement liés à leurs anciens patrons, qui se sont reconvertis dans l’utilisation mafieuse des dépouilles de l’ex- URSS (d’où la tentative de vente des manuscrits nazis) ou dans l’agitation nationaliste et antisémite d’inspiration « rouge-brun ».
Supposons que les militants pro-palestiniens français, qui ont si chaleureusement accueilli Israël Shamir, n’aient pas été informés de la plupart de ces faits. Mais ils ne pouvaient pas ignorer le contenu des articles de Shamir. Or l’antisémitisme y est omniprésent. Étaient-ils à ce point heureux de s’être trouvé « un bon Juif » anti-israélien qu’ils ne lisaient pas ses textes? Ou, au contraire, les lisaient-ils trop bien, et étaient-ils en symbiose avec les obsessions antijuives qui les émaillaient ?
Il suffit de se reporter à un texte8 proprement délirant, intitulé « Apocalypse Now », où tous les maux de l’univers sont attribués à un groupe nommé « les Mammonites, les adorateurs de Mammon », qui ont « combattu les anciennes élites, partout dans le monde », à commencer par la Russie, où ils ont « exterminé et envoyé en exil les élites russes traditionnelles ». Tant que les anciennes élites existaient, les Mammonites soutenaient les forces favorables à l’égalité. Mais, aujourd’hui, ils ont jeté le masque, et une lutte est entamée dont l’aboutissement est l’Apocalypse. Au premier rang des Mammonites figurent, explique Israël Shamir, « les banquiers, les juristes et les propriétaires des journaux de New York ». (Pour qui aurait le moindre doute sur ce qu’il entend par là, il suffit de se reporter à la « liste de Juifs américains » qui figure dans son article « Les oreilles de Midas ».)
« Stratégie juive »
Dans ce texte très long, on apprend que « les idées nationalistes » de Hitler ont été « empruntées » par lui « à l’arsenal intellectuel de la pensée juive ». Hitler, en effet, était « horrifié par le succès des Juifs » et il a décidé de « singer » leur stratégie. Les mesures prises par Hitler contre les Juifs (« boycott des commerces » et « expulsion massive » sont, selon Israël Shamir, les seules mesures antijuives des nazis) ont toutes été inspirées des mesures prises « par les Juifs sionistes » à l’encontre des Palestiniens. Déclarant que « la stratégie juive est mauvaise en soi, qu’elle soit mise en application par des Allemands, des Juifs ou des WASP », l’auteur appelle à « une réponse totalement différente, non-juive ».
Comment? Israël Shamir — toujours dans la traduction du fidèle et « plutôt franchement de gauche » Marcel Charbonnier — l’explique: « Nous devrions apprendre auprès de nosfrères palestiniens à aimer nos villages et nos villes ». Or « les Juifs (de la diaspora) sont enclins à détruire le paysage naturel qui leur est par essence étranger (pour eux, non pour les autres) et à le remplacer par un paysage créé par l’homme, dans lequel ils savent comment développer leur stratégie ». Shamir ne pense pas que les auteurs d’environnements artificiels, destructeurs de la nature, « travaillaient consciemment dans l’intérêt de la domination de la diasporajilive sur le monde ». Mais « les propriétaires juifs de médias » ont formé l’opinion « afin de lui faire adopter l’artificiel », conjuguant ainsi leurs forces avec « des financiers juifs » et « des agents immobiliers juifs ». Tel est le visage de l’Apocalypse selon Shamir: « Le Destructeur sans visage est apparu ».
Nul n’a hurlé lorsque ce texte est paru, lorsque sa traduction française a été encensée par l’extrême droite. Nul ne s’est avisé de demander des comptes à Marcel Charbonnier. Il est vrai que le délire antisémite y était mêlé avec un discours antisioniste. Or n’est-il pas permis de critiquer Israël?
Les anti-israéliens français, décrits comme « plutôt franchement de gauche », n’ont pas réagi non plus lorsqu’au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle, le 23 avril 2002 exactement, Israël Shamir a donné son interprétation des événements dans un article intitulé « Liaisons dangereuses. Est-ce le commencement de la fin pour l’ascendant juif d’après-guerre ? »
Voici ce qu’écrivait Shamir:
« En qualifiant le leader traditionaliste Jean-Marie Le Pen pour le deuxième tour des élections présidentielles, le peuple français a envoyé au monde un message important. Il ne s’agissait pas seulement là de l’expression d’un mécontentement général, contrairement à ce que le New York Times a soutenu. Le premier tour des élections en France a eu lieu alors que les troupes juives assiègeaient l’église du la Nativité, affamant des religieuses, tuant des prêtres, violant le pays du Christ. Les bulldozers israéliens s’activaient, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, afin d’ensevelir les fosses communes remplies de ses victimes innocentes dans le camp de réfugiés palestiniens de Jénine; des soldats juifs détruisaient des églises et des mosquées à Naplouse, faisaient des cartons sur la statue de la Sainte Vierge à Bethléem, au moment où cent cinquante mille Juifs défilaient à Paris et ailleurs, en soutien au génocide en Palestine. Agitant des drapeaux israéliens et drapés dans les couleurs bleue et blanche de leur drapeau “national” (le drapeau tricolore étant largement oublié), les Juifs ont défilé de la place de la République à la place de la Bastille, à Paris, criant des slogans en français et en hébreu et portant, parmi leurs pancartes, notamment celle-ci, où l’on pouvait lire: “Hier, New York, aujourd’hui Jérusalem, demain Paris”. »
Le Pen
Ainsi s’explique, dit Israël Shamir, le score électoral de Le Pen: « Le peuple de France a expérimenté la conquête nazie, dans les années quarante, et ils ne veut pas goûter à l’occupation judéo-nazie. Tel est le message principal envoyé par l’électorat français. » Les Juifs, en effet, ont perdu toute mesure, non seulement en Palestine mais dans le restant du monde: « En Palestine, ils ont créé une entité toxique, férocement nationaliste et religieusement fanatique, basée sur les lois de Nuremberg d’Adolf Hitler. Ailleurs, en France comme en Grande-Bretagne, ils ont été les promoteurs du projet pseudo-libéral consistant à démanteler le contenu national et culturel de l’Europe au plus grand profit de la mentalité judéo-américaine. » Et le souvenir du meurtre de Jésus revient naturellement sous la plume de l’auteur: « On a l’impression d’entendre les Juifs crier “tuez-le !” comme il y a deux mille ans. »
Mais les Juifs, explique l’auteur, ont perdu le sens de la mesure. « Dans le monde, les Juifs ont été tout aussi odieux que les Juifs en Palestine. (...) De Moscou à Brooklyn, de Marseille à Hampstead, les Juifs parlent d’une seule voix. » Et d’en tirer des conclusions: « La Gauche française et, d’une manière générale, européenne, ferait bien d’en tirer la leçon tant qu’il en est encore temps. Ses liaisons avec les Juifs se sont avérées compromettantes et embarrassantes. Elles étaient sans doute justifiées, historiquement, mais elles n’ont plus aucune raison d’être. D’ailleurs, on voit bien que même la mainmise juive sur les médias ne permet plus d’obtenir le petit plus électoral. Au lieu de seconder le lobby juif la Gauche devrait rivaliser avec la Droite à la résolution des problèmes de la classe laborieuse du pays et de ceux créés par les disparités de richesses au plan mondial. Il faut absolument arrêter l’immigration, et cette tâche essentielle exige que l’on mette un terme aux menées des principaux générateurs d’immigration, l’inique mondialisation judéo-américaine et la guerre de Bush & Blair contre l’Islam. »
Argumentaire
Voilà le type de littérature qui a été diffusé sous couvert de défense des droits du peuple palestinien. Voilà sur quoi fantasment ceux qui dénoncent, dans les rues, les méfaits de l’État sioniste. Voilà le genre d’argumentaire figurant à l’arrière-plan de bien des appels au boycott, pétitions sur Internet et manifestations de solidarité, qui se multiplient un peu partout en France.
On le voit, l’antisémitisme de celui que le négationniste Serge Thion appelle « notre ami Israël Shamir » ne date pas d’hier. Il ne s’agit pas d’un dérapage accidentel. Les bonnes consciences qui, aujourd’hui, font mine de se scandaliser d’une publication un peu trop visible (et surtout effectuée sans « mise en garde ») devraient plutôt s’interroger sur les sources de l’obsession antisioniste qui a gagné certains milieux.
H. P.
Notes.
1. Sur l’article « Les oreilles de Midas », voir, dans ce dossier, l’article de Pierre-André Taguieff.
2. Le texte a été publié à l’époque par le militant pro-palestinien américain Nigel Parry, sur son site http://nigelparry.com.
3. Edward Saïd, « La torture avec minutie », Al-Ahram Weekly du jeudi 8 août 2002, article traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier et publié dans le Bulletin 201 de l’Association médicale franco-palestinienne de Marseille.
4. Voir son site personnel: www.israelshamir.net. Ce site contient des articles signés Israël Shamir, traduits dans un nombre étonnant de langues, dont le français. Lorsque l’on sait les problèmes financiers auxquels l’auteur devait faire face il y a deux ans encore (voir son entretien avec Hussein Ibish), on ne peut que s’interroger sur les moyens avec lesquels ces traductions sont réalisées.
5. Rapportées par Nigel Parry, dans le dossier qu’il a mis en ligne au sujet de Shamir.
6. Il faut souligner que l’interviewer, Stanley Heller, était manifestement choqué par ces propos. Voir le texte sur http://www.TheStruggle.org/interview.html.
7. David Irving a rejeté la proposition, et a publié sur Internet l’ensemble de sa correspondance avec Israël Shamir. Voir http://www.fpp.co.uk/online/98/09/Shamir020998.html.
8. Ce texte figure ici à titre d’exemple. On pourrait en citer bien d’autres, comme l’article d’Israël Shamir « Les Sages de Sion et les Maîtres du Discours », dont le site islamiste francophone alfutuhat.edaama.org, qui le reproduit intégralement, dit à juste titre « qu’il ne suffit pas de lire les lignes mais ce qu’il y a entre elles ». Et de renvoyer au texte intégral des Protocoles des Sages de Sion, sur le site négationniste Radio-Islam...
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29/10/2003