L’article 24bis
de la loi sur la liberté de la pressedit «Loi Gayssot»
Le 1er juillet 1972 est adoptée une loi, dite loi Pleven, qui sanctionne la provocation à la haine ou à la discrimination, la diffamation et l’injure raciale.
Le 13 juillet 1990, cette loi est renforcée par une loi «tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe», adoptée par l’Assemblée nationale.
Cette loi porte sur des aménagements techniques du code pénal. Son apport principal réside dans l’ajout, après l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse d’un article 24 bis dont la forme est aujourd’hui la suivante:
«Art. 24 bis. (L. n. 90-615, 13 juill, 1990, art. 9). - Seront punis des peines prévues par le sixième alinéa de l’article 24 ceux qui auront contesté, par un des moyens énoncés à l’article 23, l’existence d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité tels qu’ils sont définis par l’article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945 et qui ont été commis soit par les membres d’une organisation déclarée criminelle en application de l’article 9 dudit statut, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale;[...]»
C’est cet article-là qu’on désigne communément par «Loi Gayssot». Il n’y a aucune ambiguité sur ce à quoi il se rapporte: la contestation des crimes contre l’humanité «tels qu’ils sont définis par l’article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945». Les crimes contre l’humanité sont définis dans l’alinéa c (l’alinéa b définit les crimes de guerre) de l’article 6. Voici cet alinéa:
«c) Les crimes contre l’Humanité: c’est-à-dire l’assassinat, l’extermination, la réduction en esclavage, la déportation, et tout autre acte inhumain commis contre toutes populations civiles, avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux lorsque ces actes ou persécutions, qu’ils aient constitué ou non une violation du droit interne du pays où ils ont été perpétrés, ont été commis à la suite de tout crime rentrant dans la compétence du Tribunal, ou en liaison avec ce crime.»
Ce que l’on désigne communément par «négationnisme», à savoir la contestation de l’ampleur ou de la réalité du génocide juif, tombe clairement sous le coup de cette loi. Par contre la loi Gayssot n’interdit en aucun cas l’étude de l’histoire du génocide, ni la réflexion. Elle ne sanctionne que l’expression publique d’un discours niant la réalité du génocide. Point barre. Ceux qui racontent autre chose racontent n’importe quoi. Michel Troper écrit:
«Il faut souligner avant tout que la loi Gayssot punit l’opinion négationiste ou même toute expression de cette opinion. Cette expression ne constitue un délit que si elle est faite par l’un des moyens énumérés dans la loi, c’est-à-dire dans l’espace public. En d’autres termes, c’est seulement la diffusion de cette opinion qui est punie, parce que, plus qu’une opinion, elle est alors un acte susceptible de produire des effets indésirables.» (Michel Troper, «La loi Gayssot et la constitution», Annales, Histoire, Sciences Sociales, 54(6), novembre-décembre 1999, p. 1253)
Il est clair aussi que la diffamation ou l’incitation à la haine raciale ne relève pas de cet article. S’ils sont contraires à la loi, c’est grâce à la loi Pleven, et non à la loi Gayssot. Il est donc parfaitement faux de prétendre que les discours racistes sont interdits par la loi Gayssot. Seuls les discours négationnistes le sont.
D’autre part, seuls les actes qui répondent à la définition de crimes contre l’humanité telle que donnée ci-dessus tombent sous le coup de la Loi Gayssot. Ainsi, il serait erroné de dire que Nuremberg ne peut être contesté à cause de la loi Gayssot...
Ceux qui prétendent, par exemple, que le massacre de Katyn (perpétré par les Soviétiques mais figurant dans l’acte d’accusation du procès de Nuremberg à la charge des accusés) est concerné par cet article sont des menteurs ou des incompétents. Katyn ne relève juridiquement pas des crimes visés par l’article 24 bis, et ce pour deux raisons:
- Katyn ne relève pas, au sens strict du statut, des crimes contre l’humanité. En effet, tout ce qui relève du meurtre des prisonniers de guerre (entendez par là, des soldats prisonniers de guerre) relève de l’alinéa b de l’article 6, c’est-à-dire des crimes de guerre. Katyn apparait bien dans le chef d’accusation n°3, «crimes de guerre», qui fait explicitement référence au «Statut, article 6, spécialement 6, b)»
- Même si Katyn avait figuré dans l’acte d’accusation dans le chef d’accusation des crimes contre l’humanité, dans la mesure où les accusés ne furent pas condamnés pour Katyn, Katyn ne relèverait pas de l’article 24bis.
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12/01/2000 — mis à jour le 15/02/2000