a. [Note de PHDN] Olga Wormser n’est pas, en 1963, au courant des nombreux mensonges proférés par Rassinier sur sa résistance. Voir ici. b. [Note de PHDN] Ici encore, Rassinier commettait un mensonge éhonté, qu’Olga Wormser Migot soupçonne — d’où son scepticisme — mais ne peut démontrer. La démonstration se trouve ici.

Rassinier lu en 1963

Compte-rendu par Olga Wormser


En 1961, reparaissait Le mensonge d’Ulysse de Rassinier, publié par l’antisémite professionnel, Henry Coston. A cette occasion, un compte-rendu de l’ouvrage serait publié sous la plume de l’historienne Olga Wormser dans la Revue de la Deuxième Guerre Mondiale, n°51, juillet 1963, p. 83-84. Voici donc ce compte-rendu, jugement des historiens sur Rassinier, avant que le négationnisme soit devenu un scandale public. Cette date en fait un document intéressant.


Les camps de déportation un « mensonge »?

Il n’y aurait pas lieu d’analyser un ouvrage paru en 1950 et qui a soulevé déjà de brûlantes polémiques si les circonstances de sa réédition, ou plutôt les motifs invoqués par l’auteur pour cette réédition, n’appelaient une analyse ce n’est pas le hasard qui a fait rééditer le livre au moment où les phases du procès Eichmann rappelaient à l’opinion mondiale le génocide des Juifs. Paul Rassinier a éprouvé le besoin de proclamer de nouveau que les chambres a gaz n’avaient jamais existé et, par extension, le génocide non plus (1).

Ouvrage passionnel, Le mensonge d’Ulysse peut-il être abordé dans un climat d’objectivité historique? Avec un moindre génie du verbe, Rassinier appartient à la famille spirituelle de Louis-Ferdinand Céline : pour ce dernier, qui n’aurait certainement pas livré un Juif à la Gestapo, tout ce qu’il haïssait, réprouvait ou dédaignait, était qualifié « Juif », qu’il s’agit de Mauriac voire du général de Gaulle. Pour Rassinier, et surtout depuis son passage à Buchenwald, « l’ennemi », « l’autre », c’est le communiste. Tout ce qui est nuisible est communiste. Donc, le mal au camp n’est pas incarné, par le S.S., mais par le communiste. Tel est le premier jalon d’une position idéologique que les luttes politiques poursuivies depuis la libération ont dangereusement durcie. Dans le Complément au Mensonge d’Ulysse, paru en 1961, en plein procès Eichmann, Rassinier se réclame plus ouvertement de Céline, puisque, ergotant sur le nombre des Juifs morts en déportation, il en arrive à prouver que la solution finale est une invention des communistes, jetant en pâture à l’opinion publique des millions de prétendues victimes pour dissimuler leurs propres forfaits. Puisque le génocide des Juifs est une légende, les prétendus instruments du crime, les chambres à gaz, sont elles-mêmes invention pure. Aux dernières nouvelles, Rassinier cherchait il réunir les preuves de la non- existence des chambres à gaz d’Auschwitz : Ulysse a menti, tous les déportés rescapés des camps ont menti, Hoess a menti, Eichmann aussi.

Rassinier croit-il sincèrement qu’ils ont menti, ou pratique-t-il les règles de propagande instaurées par Goebbels : plus un mensonge est gros, plus il a des chances de réussir? Sincère, il semble qu’il le soit, comme il l’était en adhérant au parti communiste en 1922, en le quittant, en entrant au parti socialiste en 1934 ou en partageant les doctrines pacifistes de Félicien Challaye.

Résistant de la première heurea, il n’aurait, dit-il, échappé à la vindicte communiste que grâce à son arrestation par la Gestapob. Ainsi, selon ses affirmations, sa déportation en octobre 1943 lui aurait sauvé la vie, mais pour le jeter de nouveau dans la gueule du loup communiste : Buchenwald. Dans toute cette période de la vie de Rassinier, on voit donc naître une idée fixe, fortifiée au camp par les inimitiés, les haines personnelles engendrant de véritables psychoses. A Buchenwald, dans ce « grouillement d’humanités diverses aux Portes des enfers », il distingue les catégories sociales avec toutes les haines et les préjugés du temps de paix (couleur politique, race). Et l’on peut regretter que l’apriorisme de haine de l’auteur rende son témoignage pour le moins suspect. Il constate une fois de plus que l’administration intérieure du camp est aux mains des détenus auxquels les S.S. ont délégué leurs pouvoirs. Il constate que, lorsqu’un kapo tue, lorsqu’un Schreiber désigne un déporté pour un transport, le S.S. n’est pas là. Donc, par un raisonnement fort simpliste, le kapo, le Schreiber, tous les kapos, tous les Schreiber de tous les camps sont seuls responsables de la mort des détenus et non les S.S., puisqu’ils n’étaient pas toujours présents! Puisque à Buchenwald nombre de postes de direction de l’administration détenue sont passés aux mains des communistes allemands, qui en ont éliminé les verts, ou de leurs protégés russes, tchèques, etc., ce sont les communistes qui ont tué les détenus, C.Q.F.D., et puisque les communistes français figuraient aussi dans la direction clandestine, même en sous-ordre, ils sont complices, et tous les Ulysses du retour ont menti puisqu’ils ne l’ont pas tous dit ! La faiblesse de ce raisonnement apparaît plus nettement encore devant des extrapolations que nous empruntons à l’auteur : « les S.S., aussi bien que les détenus, ne s’acharnaient généralement pas sur les enfants » — les enfants aryens, s’entend, parce que si l’on songe à Auschwitz, sans parler de mille Oradour, sans parler des enfants cobayes de Neuengamme exterminés en cours d’évacuation... Mais les enfants juifs sont-ils des enfants pour Rassinier, ou les enfants russes, communistes « en puissance »? Autre affirmation : « A Dora, il n’y avait pas de blocks de cobayes et on ne pratiquait pas de piqûre. » A Monowitz non plus, à Farge non plus : pas de blocks de cobayes dans les kommandos créés dans un but « productif » déterminé : on envoyait les inutiles mourir ailleurs dans le château de Hartheim ou dans les chambres à gaz d’Auschwitz. Mais, puisque dans les kommandos que Rassinier a connus il n’y avait ni piqûres, ni cobayes, ni chambres à gaz, pourquoi admettrait-il les affirmations de tous les Ulysses qui disent les avoir vus ailleurs, même si ces Ulysses s’appellent Hoess et Eichmann?

Même des déportés communistes ont su dénoncer les perversions que l’ombre de pouvoir concédée par les S.S. créait chez des communistes, déshumanisés par de longues années de concentration, ou chez de jeunes communistes dans l’espoir de survivre, ou même croyant « servir » en pratiquant des choix entre la vie et la mort, au nom de critères politiques ou ethniques. Nul n’a jamais dit que le camp faisait fleurir les apôtres et les saints, ni que la souffrance bestiale élevait l’âme. Mais que la perversion de certains détenus soit à mettre au crédit du système concentrationnaire, que la Staat SS (2), de l’aveu même de ses créateurs, soit fondée en partie sur l’utilisation des haines et des compétitions mortelles qui déchirent des êtres voués à la mort et qui croient s’en préserver par la mort des autres, il n’est pas possible que Rassinier puisse l’ignorer. Aussi son livre ressortit davantage à la psychanalyse qu’à l’histoire.

Olga WORMSER.

(1) Paul Rassinier, Le mensonge d’U1ysse, 5e édition, La Librairie française, 1961, 236 p.
(2) L’État S.S.


Notes de PHDN

a. Olga Wormser n’est pas, en 1963, au courant des nombreux mensonges proférés par Rassinier sur sa déportation. Voir: http://www.phdn.org/negation/rassinier/resistance.html.

b. Ici encore, Rassinier commettait un mensonge éhonté, qu’Olga Wormser Migot soupçonne — d’où son scepticisme — mais ne peut démontrer. La démonstration se trouve ici: http://www.phdn.org/negation/rassinier/condamne.html.

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