1. Germar Rudolf, The Rudolf Report, Ruediger Kammerer — Armin Solms (Hg), Das Rudolf-Gutachten, Gutachten ueber die Bildung nach Nachweisbarkeit von Canidverbindungen in den "Gaskammern" von Auschwitz, Cromwell Press, London 1993. Ce rapport est interdit en Allemagne et donc un peu difficile à trouver [ce n’est — hélas — plus le cas aujourd’hui. Note de Mithridate – Bulletin d’histoire des poisons] Je suis reconnaissant à Margret Chatwin pour avoir mis la main dessus et à Gord McFee pour avoir traduit de l’allemand la section 2.5 et la note 16. Ulrich Rœssler a contribué à la traduction d’autres parties dont certaines mentionnées plus loin. Une version en anglais, sous une forme très résumée, a été publiée à Londres en 1993 par Cromwell: The Rudolf Report. [Note de PHDN: une version en Français a été publiée en 1997 par l’officine néo-nazie belge Vrij Historisch Onderzœk, sous le titre Le rapport Rudolf: rapport d’expertise sur la formation et le contrôle de la présence de composés cyanurés dans les "chambres à gaz" d’Auschwitz] 2. Leuchter Fred A., THE LEUCHTER REPORT The End of a Myth: A Report on the Alleged Execution Gas Chambers at Auschwitz, Birkenau and Majdanek, Poland by an Execution Equipment Expert,Samisdat, 1988. 3. Markiewicz, Gubala, and Labedz,Z Zagadnien Sqdowych, z. YYY, 1994 17-27, disponible à cette adresse:
https://phdn.org/negation/markiewicz.html 4. Rudolf, Germar. The Gas Chambers of Auschwitz and Majdanek. 5. Shermer, Michael, private communication. 6. Bailer, Amoklauf gegen die Wirklichkeit. Praca zbiorowa (B. Gallanda, J. Bailer, F. Freund, T. Geisler, W. Lasek, N. Neugebauer, G. Spenn, W. Wegner). Bundesministerium fuer Unterricht und Kultur Wien 1991. 7. Robin, M. B., and P. Day, Adv. Inorg. Chem. Radiochem., 10, 247 (1967). 8. Holtzman, H., Ind. Eng. Chem. 37, 855 (1945). 9. Rembiszewski, Sarah, The Final Lie: Holocaust Denial in Germany. A Second-Generation Denier as Test Case, Tel Aviv: Tel Aviv University’s printshop, (1996). 10. Gauss, E. (a.k.a. Germar, Rudolf), Vorlesungen über Zeitgeschichte Strittige Fragen im Kreuzverhœr, Tuebingen, 1993. Je remercie Margret Chatwin pour avoir obtenu ce document et Gord McFee pour sa traduction. 11. Powell, H. M., Proc Chem. Soc., p. 73 (1959). 12. M.A. Alich, D.T. Howarth, M.F. Johnson, J. Inorg. Nucl.Chem. 1967, 29, pp. 1637-1642. 13. de Wet and Rolle in Z. Anorg. Allgem. Chem 336, 96 (1965). 14. Alich et al, op. cit. p. 1640. 15. Mark Van Alstine a utilement trouvé les références qui suivent concernant le tuyau d’évacuation vers le bas des chambres à gaz: 16. Alich et al, op. cit. p. 1639. 17. Markiewicz et al, op. cit.. 18. Rudolf, The Rudolf Report, op. cit. Je suis reconnaissant à Ulrich Rœssler pour la traduction de ce passage.

Leuchter, Rudolf
et les bleus de Prusse

Richard J. Green

Traduction française de Franck Canorel (mars 2012)

Copyright © 1997, 1998, 2012 Richard J. Green. All rights reserved.
Reproduction interdite sauf autorisation de l’auteur

Article original: Richard J. Green, «Leuchter, Rudolf & the Iron Blues»

Résumé

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Leuchter et Rudolf ont publié des rapports pseudoscientifiques prétendant démontrer que les résidus chimiques présents dans les chambres à gaz d’Auschwitz-Birkenau étaient incompatibles avec des gazages meurtriers à l’acide cyanhydrique (HCN). Markiewicz, Gubala, et Labedz ont démontré sans la moindre ambiguité que des résidus cyanurés sont présents dans les Krema I à V et dans le bunker 11, à des niveaux supérieurs aux résidus présents dans les autres installations non exposés de façon récurrente à l’HCN, prouvant ainsi l’utilisation régulière d’acide cyanhydrique, le poison mortel gazeux dégagé par le Zyklon B, dans les chambres à gaz des crématoires et du bunker 11, où témoignages et historiographie situent classiquement les assassinats par gazages. Leuchter et Rudolf quant à eux ont trouvé plus de composés cyanurés dans les installations d’épouillage où le Zyklon B était également utilisé pour la désinfestation des vêtements. Les résidus bleutés présents dans les chambres de désinfection appartiennent aux cyanures de fer bleus, une classe de composés incluant le bleu de Prusse, également dénommée de façon générique «bleus de Prusse». Markiewicz, Gubala, et Labedz ont distingué ces composés des autres résidus cyanurés, et les ont exclus de leurs mesures, contrairement à Leuchter et Rudolf qui n’ont mesuré que les bleus de Prusse. Les résultats de ces derniers n’apportent que peu d’information par rapport à ce que l’on peut constater à l’œil nu, à savoir qu’il y a du bleu de prusse dans les chambres à gaz de désinfection mais pas dans les chambres à gaz d’assassinat. Leuchter et Rudolf tirent notamment leur conclusion de la prémisse suivante: il devrait nécessairement se former du bleu de Prusse en présence d’HCN. Le présent article démontre que cette prémisse est fausse. Cela disqualifie le raisonnement des négationnistes qui déduisent in fine de l’absence de bleu de Prusse dans les lieux d’assassinat par gazage, la non survenue de ces meurtres, d’autant plus que des résidus cyanurés (n’appartenant pas à la famille des bleus de Prusse) ont bien été détectés dans les chambres à gaz d’assassinat. La compréhension des processus de formation du bleu de Prusse est essentielle pour comprendre l’importance des résultats de l’étude de Markiewicz, Gubala, et Labedz, à savoir qu’il faut comparer les résidus cyanurés en excluant la famille des bleus de Prusse. Les méthodes industrielles de production du bleu de Prusse sont rapidement passées en revue. Le mécanisme de formation proposé par Rudolf est examiné. Il est très peu probable que du bleu de Prusse ait pu se former dans les conditions qui régnaient dans les chambres à gaz utilisées pour les assassinats de masse. De légères variations influent considérablement sur la probabilité de formation de ces composés et c’est sans doute la raison pour laquelle ils sont présents dans les chambres à gaz d’épouillage et dans la chambre à gaz de Maïdanek. Alich et al. ont établi que la formation de bleu de Prusse est extrêmement sensible à la concentration en cyanure et au pH. Plusieurs tentatives afin de susciter la formation de bleu de Prusse en exposant des matériaux de construction au HCN ont échoué. La preuve que du bleu de Prusse doit absolument s’être formé dans les conditions régnant dans les chambres à gaz n’a pas été apportée par les négationnistes.

(cacher le résumé…)

Récemment, un certain nombre de rapports présentés par les négationnistes à des fins judiciaires prétendent démontrer que des gazages homicides à Auschwitz Birkenau n’ont pas eu lieu. L’arme du crime dans les chambres à gaz d’Auschwitz Birkenau était le Zyklon B. Le Zyklon B est un support solide imprégné de cyanure d’hydrogène. Une discussion sur la chimie du meurtre de masse au Zyklon B ainsi qu’une analyse de plusieurs de ces rapports pseudo-scientifiques et une analyse médico-légale authentique due à l’Institut de recherche médico-légale de Cracovie (FICR) figurent dans l’article The Chemistry of Auschwitz (la chimie d’auschwitz).

Germar Rudolf1 a affirmé, à l’instar d’autres négationnistes, que les gazages homicides n’auraient pu se produire dans les chambres à gaz homicides d’Auschwitz Birkenau. Son argument repose sur le fait qu’on peut observer une coloration bleue sur les installations où le Zyklon B a été utilisé pour l’épouillage, mais pas de façon apparente dans les installations dans lesquelles le Zyklon B a été utilisé à des fins meurtrières. Il affirme avoir mesuré une teneur plus importante de cyanure dans les murs tachés que dans les murs non colorés et conclut que les niveaux de cyanure présents dans les chambres à gaz homicides ne sont pas compatibles avec des gazages homicides. Leuchter2 a également effectué des mesures analogues et en a tiré des conclusions comparables.

Markiewicz, Gubala et Labedz de l’Institut de recherche médico-légale de Cracovie ont démontré que l’acide cyanhydrique (HCN) était présent dans les chambres à gaz homicides, c’est-à-dire dans les Krema I, II, III, IV et V, ainsi que dans les caves du bunker 11, et ce à des niveaux supérieurs à ceux trouvés dans d’autres installations du complexe d’Auschwitz Birkenau3. Ils ont collecté plusieurs échantillons du bunker 11 et du Krema IV et trouvé des niveaux de cyanure significativement plus élevés que les niveaux de fond constatés dans l’ensemble de ces sites de gazage homicide. Pour ce faire, ils ont utilisé une méthode soigneusement calibrée avec une courbe d’étalonnage s’appuyant sur les normes reconnues dans le traitement de l’échantillon. L’analyse a été menée par une équipe distincte de l’équipe de prélèvement afin de garantir l’objectivité des résultats. Contrairement aux négationnistes, ils ont eu recours à une méthode discriminante envers les composés cyanurés comme le bleu de Prusse, jugés responsables de la coloration bleue observable sur les murs des chambres d’épouillage.

Le but de cet essai est de revenir de plus près sur cette coloration bleue, ce qu’elle est, dans quelles conditions elle aurait pu apparaître, et si son absence dans les chambres à gaz homicides d’Auschwitz Birkenau peut raisonnablement être interprétée comme l’absence de gazages homicides. Compte tenu du fait que Rudolf et Leuchter n’ont pas utilisé de méthode discriminante vis-à-vis des ferrocyanures, le fait qu’ils en mesurent plus dans les chambres d’épouillage que dans les chambres à gaz homicides ne diffère pas fondamentalement de l’observation visuelle selon laquelle la coloration bleue est présente dans les chambres d’épouillage et non dans les chambres homicides. En d’autres termes, ils n’ont rien trouvé qui ne soit déjà visible sans mesure. Grâce à une expérience mûrement réfléchie, Markiewicz, Gubala et Labedz ont quant à eux produit de réelles informations.

Le fait que soit observée une coloration bleue dans les chambres à gaz d’épouillage et non dans les chambres homicides d’Auschwitz Birkenau n’est pas discuté ici. Il convient toutefois de mentionner que dans le camp d’extermination de Majdanek, on observe cette coloration bleue dans les chambres à gaz homicides4,5. En outre, cette coloration n’est pas présente dans toutes les chambres d’épouillage connues. On est donc en droit de se demander pourquoi l’utilisation de cyanure d’hydrogène se traduirait nécessairement par l’apparition de cette coloration bleue.

Compte tenu du fait qu’il ne peut penser à un mécanisme par lequel le bleu de Prusse pourrait se former à partir de Fe(III) (tel que présent dans la brique), Bailer6 spécule que la présence de composés ferriques bleus peut avoir pour origine de la peinture plutôt que l’exposition au cyanure d’hydrogène sous forme gazeuse (les composés ferriques bleus sont couramment utilisés comme pigments dans les peintures). La spéculation de Bailer, même si elle est certainement plus raisonnable que les déclarations de Rudolf selon lesquelles des gazages homicides n’ont pas eu lieu à Auschwitz Birkenau, doit être appréhendée avec scepticisme. Si de la peinture a en effet été utilisée dans ces installations, il devrait être possible de trouver des preuves de son achat et de son utilisation. Pour être recevable, cette hypothèse doit être accompagnée de preuves.

Par souci de clarté, les points suivants doivent être soulignés:

  1. Certaines des chambres d’épouillage présentent une coloration bleue, tandis que d’autres en sont exemptes. Rudolf et Leuchter ont choisi d’inclure cette matière bleue dans leurs échantillons, mais leurs mesures n’apportent rien de plus qu’une simple inspection visuelle des installations, même s’ils habillent d’un chiffre ce qui est visible à l’œil nu pour tromper le public. En n’ayant pas recours à une méthode discriminante vis-à-vis du bleu de Prusse, ils ont ainsi introduit un biais, en l’occurrence l’utilisation des chambres à gaz d’épouillage comme moyen de contrôle. Ils n’ont pas contribué à comprendre pour quelles raisons il y a des différences quant à la quantité de bleu de Prusse observée.
  2. Le matériau bleu teinté est caractéristique d’une classe de composés appelés les ferrocyanures, dont le bleu de Prusse. Bien que Bailer6 ait suggéré que la couleur bleue puisse provenir de la peinture, cette explication semble peu probable. Ceux qui ont noté cette coloration à Majdanek la décrivent sous forme de tâches et saturée en profondeur dans les matériaux de construction.
  3. Pour que le bleu de Prusse se forme, il est nécessaire d’avoir soit une source de Fe(II), Fe(0), ou un agent capable de réduire Fe(III) en Fe(II). Si un agent réducteur est présent, il faut aussi les conditions idoines pour qu’ait lieu cette réduction. Ce point est détaillé plus loin.
  4. L’Institut de recherche médico-légale de Cracovie a utilisé une méthode discriminante vis-à-vis des composés du bleu de Prusse afin de ne pas introduire un biais dans le contrôle. Il a été constaté sans équivoque que tous les bâtiments en contact avec l’acide cyanhydrique à Auschwitz Birkenau présentaient des traces de cyanures significativement supérieures à celles observées dans d’autres bâtiments à Auschwitz Birkenau.

Le bleu de Prusse une fois formé est beaucoup moins sensible aux intempéries que d’autres formes de cyanures. Rudolf lui-même reconnaît ce fait4:

Si l’acide cyanhydrique émis par le Zyklon B n’avait noué des liens avec la maçonnerie qu’à travers le processus d’adsorption, en raison de sa volatilité (point d’ébullition: 25.7°C), il ne serait plus possible aujourd’hui d’en détecter d’éventuels résidus dans les parois restantes.

Cette argumentation omet le fait que le cyanure d’hydrogène est un acide faible pouvant former des sels tels que le cyanure de potassium et ne répond pas à la question de la chimisorption, ou la formation d’autres composés de cyanure, bien qu’elle ne soit pas pour autant dénuée de fondement. Plus significatif, peut-être, est le fait que les sels de cyanure sont très solubles dans l’eau contrairement au bleu de Prusse. Markiewicz et al ont déclaré qu’ils n’étaient pas optimistes quant à la détection de cyanures tant d’années après l’exposition au HCN. Cependant, compte-tenu du fait qu’ils avaient un accès légal aux échantillons, ils étaient en mesure d’en planifier la collecte de façon telle qu’ils auraient pu détecter la présence de cyanures dans des endroits ayant été relativement épargnés par les intempéries. Le fait qu’ils aient mesuré des traces de cyanures non liés au fer dans les chambres à gaz homicides à des niveaux supérieurs à ceux observés dans d’autres bâtiments, réfute les allégations selon lesquelles ces traces ne seraient pas mesurables.

Afin de démontrer l’importance de leurs résultats, il était nécessaire pour Leuchter ou Rudolf de prouver la nécessité de la formation du bleu de Prusse dans les conditions d’utilisation des chambres à gaz homicides. Montrer que le bleu de Prusse est présent dans les chambres d’épouillage et absent dans les chambres à gaz homicides ne prouve rien, si on ne peut démontrer que les conditions dans les chambres à gaz étaient de nature à produire du bleu de Prusse. Je vais donc tourner mon attention vers le bleu de Prusse, sa formation et les conditions présentes dans les chambres à gaz.

Les ferrocyanures ferriques et leur préparation industrielle

Il existe un certain nombre de composés connus familièrement sous l’appellation générique de ferrocyanures ferriques. Insoluble, le bleu de Prusse, Fe4[Fe(CN)6]3 peut être formé par l’addition de Fe(II) à [Fe(III)(CN)6]-3. Il convient de noter ici que la distinction entre solubles et insolubles repose sur la facilité avec laquelle se forment des suspensions colloïdales plutôt qu’à une réelle différence de solubilité7. Ce point est important lorsqu’on aborde la possible dégradation du bleu de Prusse. Bien que je ne prétende pas que la dégradation du bleu de Prusse soit la cause de son absence dans les chambres à gaz homicides, cette hypothèse ne devrait pas être écartée d’un simple revers de main.

Il y a trois méthodes généralement utilisées pour la préparation des ferrocyanures ferriques solubles décrits par Holtzman8. Les insolubles peuvent être préparés avec des cations métalliques solubles différents (voir tableau II de Holtzman). Les trois méthodes sont:

  1. le mélange de Fe(III) avec un sel de ferrocyanure Fe(II),
  2. le mélange de Fe(II) avec le sel de ferricyanure Fe(III),
  3. le mélange d’un sel ferreux avec un ferrocyanure suivi d’une oxydation.

Il faut noter qu’il est nécessaire d’avoir du fer dans plusieurs états d’oxydation et, peut-être, avec une résonance mixte. C’est précisément pour cette raison que Bailer plaide pour l’improbabilité de la formation de bleu de Prusse.

Le mécanisme proposé de Rudolf

Rudolf1,4 sous son nom propre et sous le pseudonyme9 Gauss E.10, a critiqué Bailer avec une certaine emphase, lui reprochant de ne pas avoir noté la possibilité que HCN puisse être l’agent responsable de la réduction de Fe(III) en Fe(II). D’autres synthèses des ferrocyanures ont été mentionnées11. Rudolf cite à l’appui de ses déclarations un document d’Alich, Howarth et Johnson12. Apparemment, il ne l’a pas lu très attentivement. Les auteurs étudient la réduction de [Fe(CN)6]3- par des solutions aqueuses et éthanolique de CN-. Ils suggèrent que le CN- est en effet l’agent réducteur, mais leur incapacité à observer CNO- empêche de conclure de façon définitive. DeWet et Rolle ont affirmé que Fe(III)Fe(III)(CN)6 peut être réduit avec de l’eau pour obtenir un composé de bleu de Prusse13. L’observation d’Alich et al selon laquelle l’addition d’eau pourrait bloquer la réaction rend plausible le fait que HCN soit l’agent réducteur, en dépit de l’incapacité des auteurs à observer CNO-.

Connaître l’agent réducteur est peut être une question un peu «académique». Par contre, ce qu’il est pertinent de savoir, c’est si un tel mécanisme pour former le bleu de Prusse a nécessairement eu lieu dans les chambres à gaz.

Alich et al montrent que le bleu de Prusse ne se forme pas dans l’eau sauf s’il y a un excès d’ions CN- par rapport à Fe(III) ou avec une forte alcalinité14.

La dilution des solutions de Fe(III) et Fe(CN)63- avec de l’éthanol pur a donné un complexe rouge qui a perduré pendant environ 1 heure, par rapport à la disparition de ce complexe dans les milieux aqueux à une dilution de 3,3x10-4M. Le complexe rouge dans l’éthanol s’est assombri dans l’heure et la réduction du bleu de Prusse a été complète en deux jours (fig. 3)

Venons-en maintenant à la partie importante de cet essai:

Il faut noter que le complexe en solution aqueuse, dans les mêmes conditions, se décompose immédiatement dans le sens inverse pour donner des ions Fe(CN)63-. En sus, l’addition d’une quantité d’eau aussi faible qu’un volume de 13% a entraîné la décomposition du complexe rouge en ions Fe(CN)63-.

Les conditions dans les chambres à gaz homicides à Auschwitz Birkenau

En d’autres termes, le bleu de Prusse ne se forme uniquement qu’avec de très fortes concentrations de CN-. Les concentrations dans les chambres à gaz étaient telles que l’eau ambiante, avec le temps pour atteindre l’équilibre, pourraient théoriquement avoir approché des concentrations de 0,2 ou 0,3 M — mais plus probablement de l’ordre de 0,1 M ou au-dessous — comme indiqué dans l’annexe I.

Qu’une telle concentration à l’équilibre ait pu être atteinte dans le laps de temps imparti pour un gazage est douteux. Cette concentration est la valeur d’équilibre. L’absorption de HCN par l’eau serait sans doute limitée cinétiquement, entre autres parce que la concentration serait limitée par la vitesse à laquelle le processus d’absorption peut se produire. La concentration d’équilibre suppose que l’eau ait été exposée à HCN suffisamment longtemps pour que le taux de HCN s’échappant de la solution en phase gazeuse soit égal à la vitesse à laquelle HCN en phase gazeuse soit absorbée par l’eau.

Plus important encore, il faut rappeler que les chambres à gaz ont été arrosées avec de l’eau après les gazages afin de nettoyer le sang et les excréments15. La quantité d’eau due à l’humidité du bâtiment a due être modeste, de telle façon que même si une centaine de dilutions se sont succédées, il s’agit d’un phénomène quantitativement peu important. Cependant, il peut expliquer la présence du bleu de Prusse dans les chambres à gaz d’épouillage et son absence dans les chambres homicides. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour étayer cette hypothèse.

La formation de bleu de Prusse est extrêmement sensible à la concentration et au pH. De très petites variations physico-chimiques pourraient faire pencher la balance entre la formation, ou non, de bleu de Prusse. Alich et al notent une forte dépendance de la réaction au pH. La présence d’êtres humains dans les chambres à gaz pourrait aussi aider à faire pencher la balance. Le CO2 est un anhydride d’acide et, du fait de la respiration des personnes enfermées, il y en aurait eu beaucoup dans les chambres à gaz homicides. Or, un anhydride d’acide augmente l’acidité de la solution lorsqu’elle devient solvatée. Même des concentrations atmosphériques de CO2 à 360 ppm aujourd’hui (environ 330 ppm à l’époque), sont suffisantes pour entraîner le ruissellement d’eau pure avec un pH de 5,6. Les êtres humains exhalent environ 4% de CO2, de sorte que le pH pourrait être un peu plus bas. Par exemple à 2% de CO2, le pH serait inférieur à 4,8. L’annexe II expose la relation entre la concentration du dioxyde de carbone et le pH.

Un pH bas inhibe la réaction. En outre, un pH inférieur favorisera la migration du HCN hors de la solution, d’où une dilution des ions CN- dès le départ. Par souci d’exhaustivité, il convient d’ajouter que ces facteurs peuvent être quelque peu atténués par l’utilisation de lait de chaux (Ca(OH)2), puisque le lait de chaux est légèrement soluble dans l’eau et pourrait stimuler le pH. Une solution pure de Ca(OH)2 peut atteindre un pH plus élevé que 12 (voir le Merck Index), mais les revêtements à la chaux ne fournissent guère de telles conditions.

Un autre point doit être souligné. Les conditions énoncées ici le sont pour la formation du bleu de Prusse en présence d’ions cyanure et Fe(CN)63-. Dans les chambres à gaz, il y aurait eu du Fe(III) dans la maçonnerie et des ions cyanure du HCN lui-même, mais Alich et al notent: «Le spectre des solutions ne contenant que Fe(III) et l’ion CN- ont seulement montré l’hydrolyse acide de Fe(III)16». Autrement dit, le bleu de Prusse ne s’est pas formé.

La preuve expérimentale que la formation de bleu de Prusse ne découle pas systématiquement de l’exposition des matériaux de construction à HCN est forte. Markiewicz et al17 n’ont pas été en mesure de produire ces pigments en exposant des matériaux de construction au HCN. En outre, Rudolf a mené une expérience dans laquelle il a exposé une brique au HCN et n’a trouvé aucun niveau de cyanures qui puisse être détecté avec la sensibilité de sa méthode d’analyse18. Ces échecs pour produire du bleu de Prusse suffisent à démontrer que la formation de ce composé à des niveaux détectables ne découle pas nécessairement de l’exposition au HCN.

Conclusion

Considérant qu’il serait prématuré de prétendre que j’ai expliqué pourquoi le bleu de Prusse est présent dans les chambres à gaz d’épouillage et non dans les chambres à gaz, j’ai néanmoins montré qu’il est peu probable que le mécanisme proposé par Rudolf ait eu lieu dans les chambres à gaz homicides. Plus important encore, j’ai montré que la formation du bleu de Prusse est soumise à de très subtiles influences des conditions physico-chimiques. De légères modifications de ces conditions peuvent avoir été suffisantes pour faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre pour la formation de bleu de Prusse.

C’est aux négationnistes d’apporter la preuve de ce qu’ils avancent. Ils prétendent en effet prouver que les gazages n’auraient pu se produire dans les chambres à gaz. Ils doivent démontrer que le mécanisme de formation du bleu de Prusse qu’ils proposent doit être opérationnel dans les chambres à gaz dans les conditions précises dans lesquelles elles ont été exploitées. Leur tâche est monumentale. En l’état, toute déclaration s’appuyant sur l’absence de bleu de Prusse n’est que spéculation puérile. Ajoutons à cela la preuve que les cyanures étaient bien présents dans les chambres à gaz homicides, les témoins des gazages, le fait que les auteurs des gazages aient admis leurs crimes et que 1 à 1,5 million de personnes aient été déportés à Auschwitz Birkenau et ne soient jamais revenues, et nous pouvons qualifier de les travaux de Rudolf de distorsions délibérées des preuves.


Annexe I: L’absorption par l’eau et la loi de Henry

Annexe II: L’effet du dioxyde de carbone sur le pH

Voir également l’article The Chemistry of Auschwitz (la chimie d’auschwitz)


Notes.

1. Germar Rudolf, The Rudolf Report, Ruediger Kammerer — Armin Solms (Hg), Das Rudolf-Gutachten, Gutachten ueber die Bildung nach Nachweisbarkeit von Canidverbindungen in den "Gaskammern" von Auschwitz, Cromwell Press, London 1993. Ce rapport est interdit en Allemagne et donc un peu difficile à trouver [ce n’est — hélas — plus le cas aujourd’hui. Note de Mithridate – Bulletin d’histoire des poisons] Je suis reconnaissant à Margret Chatwin pour avoir mis la main dessus et à Gord McFee pour avoir traduit de l’allemand la section 2.5 et la note 16. Ulrich Rœssler a contribué à la traduction d’autres parties dont certaines mentionnées plus loin. Une version en anglais, sous une forme très résumée, a été publiée à Londres en 1993 par Cromwell: The Rudolf Report. [Note de PHDN: une version en Français a été publiée en 1997 par l’officine néo-nazie belge Vrij Historisch Onderzœk, sous le titre Le rapport Rudolf: rapport d’expertise sur la formation et le contrôle de la présence de composés cyanurés dans les "chambres à gaz" d’Auschwitz]

2. Leuchter Fred A., THE LEUCHTER REPORT The End of a Myth: A Report on the Alleged Execution Gas Chambers at Auschwitz, Birkenau and Majdanek, Poland by an Execution Equipment Expert,Samisdat, 1988.

3. Markiewicz, Gubala, and Labedz,Z Zagadnien Sqdowych, z. YYY, 1994 17-27, disponible à cette adresse:
https://phdn.org/negation/markiewicz.html

4. Rudolf, Germar. The Gas Chambers of Auschwitz and Majdanek

5. Shermer, Michael, private communication.

6. Bailer, Amoklauf gegen die Wirklichkeit. Praca zbiorowa (B. Gallanda, J. Bailer, F. Freund, T. Geisler, W. Lasek, N. Neugebauer, G. Spenn, W. Wegner). Bundesministerium fuer Unterricht und Kultur Wien 1991.

7. Robin, M. B., and P. Day, Adv. Inorg. Chem. Radiochem., 10, 247 (1967).

8. Holtzman, H., Ind. Eng. Chem. 37, 855 (1945).

9. Rembiszewski, Sarah, The Final Lie: Holocaust Denial in Germany. A Second-Generation Denier as Test Case, Tel Aviv: Tel Aviv University’s printshop, (1996).

10. Gauss, E. (a.k.a. Germar, Rudolf), Vorlesungen über Zeitgeschichte Strittige Fragen im Kreuzverhœr, Tuebingen, 1993. Je remercie Margret Chatwin pour avoir obtenu ce document et Gord McFee pour sa traduction.

11. Powell, H. M., Proc Chem. Soc., p. 73 (1959).

12. M.A. Alich, D.T. Howarth, M.F. Johnson, J. Inorg. Nucl.Chem. 1967, 29, pp. 1637-1642.

13. de Wet and Rolle in Z. Anorg. Allgem. Chem 336, 96 (1965).

14. Alich et al, op. cit. p. 1640.

15. Mark Van Alstine a utilement trouvé les références qui suivent concernant le tuyau d’évacuation vers le bas des chambres à gaz:

16. Alich et al, op. cit. p. 1639.

17. Markiewicz et al, op. cit.:
https://phdn.org/negation/markiewicz.html

18. Rudolf, The Rudolf Report, op. cit.. Je suis reconnaissant à Ulrich Rœssler pour la traduction de ce passage.

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