1. Doc CDJC XXV b-20, IV J. Paris, le 13 mai 1942, concerne: affectation du matériel ferroviaire pour les transports de Juifs, signé: Dannecker, capitaine SS, dans S. KLARSFELD, Deutsche Dokumente 1941-1944, Die Endlösung der Judenfrage in Frankreich, herausgegeben von Serge Klarsfeld, Paris, 1977, p. 56. 2. J. BILLIG, La Solution finale de la question juive, p. 94. 3. R. FAURISSON, «Une enquête du Monde diplomatique sur les chambres à maz [mars 1988]», dans Annales d’Histoires révisionnistes, 4, printemps 1988, p. 144). Le numéro de mars 1988 du Monde diplomatique comportait une enquête d’Alexandre Szombati sur «la mémoire sans défaillance des bourreaux, les nazis parlent». Y était rapportée (p. 5) la «grande surprise» du juge d’instruction des procès du camp de Treblinka, l’Allemand Kurt Schwedersky d’être «tombé» sur un document aussi explicite que le rapport Dannecker sur «le but de [la] déportation» en dépit de l’interdiction de «parler ouvertement de l’extermination des Juifs» dans le IIIe Reich. 4. R. FAURISSON, Réponse à Pierre Vidal-Naquet, Paris, 1982, p. 29; voir aussi l’exposé sur «le convoi n° 1 du 27 mars 1942», dans S. KLARSFELD, Le Mémorial de la déportation des Juifs de France, non paginé). 5. O[ffice] C[entral de la] S[écurité du] R[eich], IV B 4, Paris, le 1er juillet 1942, concerne: conférence de service en vue de l’imminente évacuation de France, avec le capitaine S.S. Dannecker, Paris, signé: Dannecker, capitaine S.S., Eichmann, lieutenant-colonel S.S., dans S. KLARSFELD, Deutsche Dokumente, p. 71. 6. Dannecker lui-même est un ancien de la section II du service de sécurité de la S.S. chargée des «adversaires idéologiques» (voir «le service des questions juives au SD. Le II-112 sous le signe du sionisme» dans J. BILLIG, La Solution finale de la question juive, p. 22 ss). En Belgique, les affaires juives relevèrent de la section II des «adversaires idéologiques» de la police de sécurité jusqu’au printemps 1943 (voir à ce sujet sur la Belgique le chapitre «La mission antijuive de la police S.S.» dans M. STEINBERG, Dossier Bruxelles-Auschwitz, p. 16). 7. Voir doc. EG-183. Le chef de la police de sécurité et du service de sécurité, IV B 4 a, au Ministère des Affaires Etrangères, conseiller de légation Rademacher, Berlin, le 22 juin 1941, dans S. KLARSFELD et M. STEINBERG, Dokumente. Die Endlösung der Judenfrage in Belgien, p. 28. 8. CDJC V- 59. Mémoire de Dannecker sur l’office central juif, daté du 21 janvier 1941, cité d’après J. BILLIG, Le Commissariat General aux Questions Juives (1941-1944), Paris, 1955, t. I, p. 46. 9. Avant même que les chargés des affaires juives à l’Ouest eussent atteint les quota fixé le 11 juin, l’«aktion» de «transport des Juifs vers l’Est» prit, sur instruction de Berlin, «le caractère d’une évacuation générale», comme le signalait dès septembre l’autorité militaire d’occupation à Bruxelles (voir Rapport d’activité n° 21 de l’administration militaire en Belgique et au Nord de la France, le 15 septembre 1942, p. A 38, dans S. KLARSFELD et M. STEINBERG, Dokumente, p. 44)  10. Doc. CDJC XXVb-87, IV-J, Paris, le 20 juillet 1942, concerne: Voyage en zone non-occupée - inspection des camps juifs, signé: Dannecker, capitaine S.S., publié dans S. KLARSFELD, Deutsche Dokumente, p. 95. 11. R. FAURISSON, Réponse à Pierre Vidal-Naquet, p. 29; voir aussi l’exposé sur «le convoi n° 1 du 27 mars 1942» , dans S. KLARSFELD, Le Mémorial de la déportation des Juifs de France, non paginé). 12. «Interview de R. Faurisson à Storia illustrata», août 1979, n° 261, rééditée par La Vieille Taupe, p. 11. 13. Voir l’extrait du verdict de Kiel publié, dans S. KLARSFELD et M. STEINBERG, Le Mémorial de la déportation des Juifs de Belgique. 14. Voir Tribunal Supérieur du Schelswig-Holstein, décision dans l’affaire pénale contre E. Ehlers, C. Canaris, K. Asche et K. Fielitz, le 8 mars 1977, dans M. STEINBERG, Dossier Bruxelles-Auschwitz, p. 197. 15. Ibidem, p. 204. 16. Formulaire, daté du 18 juillet 1942, publié dans G. WELLERS, Les chambres à gaz ont existé, p. 83-84. 17. Le journal du Dr. Goebbels, Paris, 1949, p. 246. 18. Sermon de l’évêque de Munster, Clemens von Galen en l’Eglise Saint Lamberti à Munster, le 3 août 1941, reproduit dans W. HOFER, Le National-Socialisme par les Textes, p. 161-163. 19. Général S.S. Victor Brack à Heinrich Himmler, RFSS , Berlin le 23 juin 1942, d’après E. KOGON, H. LANGBEIN, A. RUCKERL, Les Chambres à gaz, secret d’État, p. 136-137. Au total, 92 hommes «de la chancellerie du Führer [participèrent à] l’exécution de l’opération Reinhard» sur les 450 que Globocnik eut sous ses ordres, jusqu’au 19 octobre 1943. (Lettre du Général de Brigade S.S. Globocnik à la direction du personnel du R.S.H.A à Berlin, le 19 octobre 1943, ibidem, p. 135). 20. Journal de Kremer , p. 226. 21. R. FAURISSON, Mémoire en défense, p. 31. 22. P. VIDAL-NAQUET, Les assassins de la mémoire. p. 68 et p. 73. 23. R. Hilberg a même exigé de son éditeur Fayard que le mot d’«extermination ne [soit] pas […] utilisé dans son texte: on parlera donc, sous sa plume d’“opérations mobiles de tuerie” et de “camps de mise à mort”». [Voir l’avertissement de l’éditeur, dans R. HILBERG, La destruction des Juifs d’Europe, p. 7] Ce choix personnel est malheureux. il multiplie les impasses dans la traduction des documents [Voir au chapitre VIII, Les déportations, p. 338, 341, 345…]. Plus fondamentalement, l’option morale de Hilberg nourrit la confusion chez le lecteur entre les «camps de la mort» que sont les camps de concentration et les «camps d’extermination» qui n’immatriculent pas les déportés voués au massacre, dès leur arrivée. Voir le compte rendu de M. STEINBERG, dans Annales, Economies, Sociétés, Civilisations , 43e année, n° 3, mai-juin 1988, p. 666-669. [C’est cette revue scientifique que parodie les Annales d’histoire révisionniste dans sa quête d’une respectabilité].   24. Voir «Une lettre de M. Faurisson», dans Le Monde, 16 janvier 1979. 25. En réponse à Faurisson, Vidal-Naquet souligne qu’avec cette note sur «le camp de l’extermination», Kremer «ne fait pas, c’est vrai, référence à un concept juridico-administratif qui ne figurait pas, c’est encore vrai, sur les tablettes officielles du IIIe Reich, il parlait tout simplement de ce qu’il voyait».Dans la traduction de Vidal-Naquet toutefois, «Kremer parle du camp de l’anéantissement»). Voir P. VIDAL-NAQUET, Les assassins de la mémoire, p. 72-73. 26. R. FAURISSON, Mémoire en défense, p. 22. 27. La note est citée dans la traduction d’Oswiecim (voir le Journal de Kremer, p. 235). Pierre Vidal-Naquet remarque que «Faurisson, si soucieux d’exactitude en matière de traduction, ne s’est pas aperçu que Kremer n’emploie pas, pour le typhus, le verbe vernichten, il écrit le 3 octobre: “A Auschwitz, des rues entières sont abattues par le typhus” (In Auschwitz liegen ganze Strassenzüge an Typhus darnieder)».(Voir P. VIDAL-NAQUET, Les assassins de la mémoire.p. 71-72. Le recueil reprend Un Eichmann de papier, publié dans Esprit, 9, septembre 1980.). Dans son Mémoire en défense sorti de presse en novembre de 1980, Faurisson rectifie, en traduisant par «étaient couchées, malades» (p. 20). 28. R. FAURISSON, Mémoire en défense, p. 25. 29. «Une lettre de M. Faurisson», dans Le Monde, 16 janvier 1979. 30. R. FAURISSON, Mémoire en défense, p. 32. 31. Ibidem, p. 34. 32. Ibidem, p. 32. 33. Journal de Kremer , p. 226. 34. Télex de l’office central de l’administration économique de la S.S., le 22 juillet 1942, dans E. KOGON, H. LANGBEIN, A. RUCKERL, Les Chambres à gaz, secret d’État, p. 201. 35. Lettre du 14 septembre 1942, citée dans G. WELLERS, «Qui est Robert Faurisson», dans Le Monde juif, n° 27, juillet-septembre 1987, p. 103. 36. Télex de l’office central de l’administration économique de la S.S., le 26 août 1942, et ibidem, le 2 octobre 1942, dans E. KOGON, H. LANGBEIN, A. RUCKERL, Les Chambres à gaz, secret d’État, p. 201. 37. Journal de Kremer, n.52, p. 227. 38. Du temps de Kremer, la rampe n’était pas à Birkenau, mais à la gare de marchandises d’Auschwitz. 39. H. LANGBEIN, Der Auschwitz-Processs, Eine Dokumentation, t. I, p. 73. 40. Voir le doc.NO-365, Ministère du Reich pour les territoires occupés de l’Est, projet de lettre signé: Wetzel, 25 octobre 1941, reproduit dans Eichmann par Eichmann, p. 162-163. 41. Sur le rôle de V. Brack dans l’exécution technique du génocide, voir R. HILBERG, op. cit., p. 757, 760, et surtout p. 776 ss.    42. G. WELLERS, «Les deux gaz toxiques», dans E. KOGON, H. LANGBEIN, A. RUCKERL, Les Chambres à gaz, secret d’État, p. 259. 43. La formule est de R. Faurisson, dans son Mémoire en défense, p. 48. Il ne l’utilise évidemment pas en relation avec le document Wetzel du 31 octobre 1941. R. Faurisson feint d’ignorer cette pièce du dossier des chambres et des camions à gaz. Il s’étonne d’autant plus facilement que Kremer «ne peut rien dire sur la façon de pénétrer dans la “chambre à gaz” pour en retirer les corps. C’est bien pourtant à cet instant fatidique, dans ces heures cruciales de la manipulation de centaines de cadavres pénétrés de cyanure qu’en tant que médecin, il aurait eu éventuellement à intervenir». L’argument lui sert à invalider un témoignage judiciaire où l’accusé — Kremer — rapporte la préoccupation de la vie des exécutants S.S. de l’extermination des Juifs.   44. Justiz und NS Verbrechen, vol. XVII, p. 17. 45. Journal de Kremer, p. 229. 46. H. LANGBEIN, Der Auschwitz-Processs, Eine Dokumentation, t. I, p. 74. 47. Ibidem, p. 72. 48. R. FAURISSON, Mémoire en défense, p. 48 ss. 49. Ce bénéfice du doute que le verdict accorde à l’accusé ne décide pour autant Faurisson à réviser sa théorie des procès en sorcellerie intentés aux criminels nazis. Ibidem, p. 53. 50. Ibidem, p. 55. Chez Faurisson, l’argument sert à prouver que Kremer, par crainte de la justice, continue «à réciter» la «leçon» apprise en Pologne. Selon lui, Kremer aurait opté, dans sa défense, pour le «système, adopté par tous les avocats de ce type de procès, […] consiste à ne remettre en cause aucun tabou et à déclarer: “oui, sans doute, les gazages ont existé, mais personnellement, je n’y ai participé que de très loin et sur ordre”» (Ibidem). La défense de Kremer fut bien différente de l’analyse «révisionniste»: il ne plaida pas coupable. 51. Ibidem, p. 48 ss. 52. Faurisson s’étonne des déclarations du témoin sur le geste du S.S. qui «lançait[!] le contenu d’une boîte de Zyklon B par une ouverture dans le mur[!] et que par cet orifice[!] on entendait les cris des victimes […]». Et de s’interroger. «Mais ce médecin, qu’a-t-il vu, de ses yeux vu, en fait de “chambre à gaz”? Exactement rien», conclut-il. 53. Voir au chapitre IV, la discussion sur «le gazage».

Maxime Steinberg

Les yeux du témoin
et le regard du borgne

L’Histoire face au révisionnisme

«L’histoire à vif». Les éditions du Cerf, Paris 1990. ISBN 2-204-04107-6.
© Les éditions du Cerf 1990, Maxime Steinberg 2009.
Droits de reproduction — Reproduction rights

Chapitre 6
Appeler les choses par leur nom

«L’extermination totale»

Les documents Dannecker occupent la toute première place dans la série macabre des sources documentaires nazies les plus explicites sur le massacre des Juifs ouest-européens. Le journal du médecin S.S. d’Auschwitz est daté du lieu de «l’extermination» et le télex d’avril 1943 accompagne sa réputation «inquiétante» jusqu’à l’Ouest. C’est ce circuit sinistre dont Dannecker à Paris annonçait l’ouverture fatale au printemps 1942. L’officier S.S. en charge de la déportation juive y dévoile son sens réel: sans les précautions de langage habituelles, la lettre du texte parle en clair de «l’extermination totale», en allemand «restloser Vernichtung». Cette pièce d’archives datée du 15 mai 1942 fait état de l’entretien du chargé de Dannecker, le 13, avec le lieutenant-général Kohl. Pendant une heure et quart, le S.S. a exposé à cet officier supérieur de la Wehrmacht «une vue d’ensemble sur la question juive et la politique concernant les Juifs en France». Très satisfait, le policier nazi de Paris a «pu constater qu’il est un adversaire sans compromis des Juifs et qu’il approuve à 100% une solution finale de la question juive ayant pour but l’extermination totale de l’adversaire1». Le propos est tout-à-fait remarquable. Joseph Billig, l’analysant dans La solution finale, essai sur ses principes dans le IIIe Reich et en France sous l’occupation souligne combien «la conclusion que le général [Kohl] a tirée des longues explications de Dannecker […] est sans équivoque. Le principe de l’anéantissement sans reste [restlose Vernichtung] de la population juive est posé et les déportations à l’Est sont organisées précisément pour cette extermination totale, “sans reste”». Si, ajoute l’historien français,

«les moyens d’extermination ne sont pas précisés […], l’expression en question ne laisse place à aucune équivoque. Celui qui dit qu’une armée ennemie a été anéantie, détruite, n’affirme pas forcément, du même coup, que tous les hommes qui la composaient ont été tués. Sans conclure à une telle éventualité, il entend exprimer seulement que la troupe ennemie a été liquidée en tant qu’organisation de combat. Mais l’expression “la destruction de l’ennemi sans reste” n’offre pas cette liberté d’interprétation. Elle précise bien qu’il n’y a pas survivants dans l’armée détruite en tant que telle2».

L’analyse de Billig est pertinente, mais datant de 1977, elle sera, onze ans après, démentie sur un seul point. C’est qu’on peut fort bien, dans un discours sur l’histoire, s’accorder la liberté d’interpréter tout autrement la déclaration du militaire allemand. «Ce général est pour l’anéantissement de l’ennemi», il n’y a là pour Faurisson en 1988 «rien que de banal3». Dans sa négation des exterminations, il lui a aussi fallu répondre à l’objection Dannecker. Le «révisionnisme» n’y lit rien qui l’obligerait à réviser ses négations. Dans cette relecture, Faurisson a découvert «une très grave troncation» dans la citation du document de l’officier S.S. de Paris. D’innocents points de suspension y laisseraient «croire que le Général Kohl était un partisan d’un anéantissement physique des Juifs alors qu’il s’agissait d’un anéantissement de leur influence “comme de celui des églises politiques”4». Les guillemets «révisionnistes» sont, en l’occurrence moins innocents que les points de suspension. Ils n’authentifient aucunement la propre citation de Faurisson. Dans le texte de Dannecker, le lieutenant-général Kohl n’a jamais comparé l’«extermination» [Vernichtung] «de l’adversaire» juif avec l’anéantissement de l’influence politique des Eglises. Tout heureux de l’excellente compréhension du militaire allemand, l’officier S.S. avait seulement noté qu’«il se montre aussi un adversaire des églises politiques». C’est que, dans ses confidences, le chargé des affaires juifs avait informé son interlocuteur étranger aux affaires de police politique des autres activités de la section dont il relevait. Dans la police nazie, il n’y avait pas à proprement parler une section «juive». La cote «IV J» qui identifie les rapports de Dannecker signifie qu’il était, dans la section «IV» du service parisien de la Sécurité du Reich, le réferendaire compétent pour les questions juives. Le «IV J» d’usage à Paris correspondait, à Berlin, au «IV B 4» de Eichmann. Cette cote figure sur le compte rendu, contresigné par Dannecker, de son entretien avec Eichmann à Paris le 1er juillet 1942 sur l’«imminente évacuation de France5». A l’Office central de la sécurité du Reich comme dans ses détachements opérant à l’Ouest, le «B» designait les «adversaires idéologiques». Chacun avait son référendaire qualifié, à l’exception des communistes relevant de la section IV A. Dans la IV B, le chargé des affaires juives formait équipe avec les officier S.S. compétents, l’un pour «les Eglises et sectes», l’autre pour la «Franc-Maçonnerie6». Cette cohabitation n’impliquait pas qu’ils poursuivaient, chacun dans son secteur d’activités, un objectif identique. Des explications de Dannecker sur le combat contre les Eglises politiques, le lieutenant-général Kohl n’avait absolument pas pu conclure le 13 mai que celui contre le judaïsme aboutirait au même résultat. Dannecker ne lui avait demandé aucun train pour déporter les adeptes des Eglises politiques!

Le propos que l’officier S.S. prête au lieutenant-général Kohl est à situer dans le contexte de la déportation. Le document qui rapporte l’entretien a pour «objet»: l’«affectation de matériel roulant pour les transports juifs». L’officier supérieur de l’armée n’est pas un général qui livrerait des combats sur les champs de bataille. Son état-major s’occupe des chemins de fer, et ce, en dehors de toute opération dans la zone de guerre. L’attribution de trains pour déporter hors programme un contingent de 5000 Juifs dépendait du chef de l’unité des transports ferroviaires du Reich installée à Paris. Le 13 mai, Eichmann n’avait pas encore réuni les chargés des affaires juives de l’Ouest pour leur communiquer la décision d’entamer la déportation dans leur ressort territorial respectif. Berlin avait autorisé Paris à anticiper le mouvement avec un premier contingent, pour autant que Dannecker réglât sur place la question des trains. Cette nécessité où il s’est trouvé de négocier avec le lieutenant-général Kohl rend compte de l’originalité du compte rendu rédigé après l’entretien: pour lever les obstacles bureaucratiques, Dannecker a sondé ses dispositions et le sentant réceptif, lui a délibérément dévoilé le but réel des déportations. Ce militaire de haut rang était si compréhensif qu’il devançait la modeste requête du S.S.. Selon Dannecker, il lui «a déclaré littéralement […]: “si vous me dites, je veux transporter 10000 ou 20000 Juifs à l’Est, vous pouvez comptez dans tous les cas que je mettrai à la disposition le matériel roulant nécessaire et les locomotives”». Le concours que cet officier supérieur de l’armée était prêt à apporter à la «solution finale» atteste bien jusqu’à quel point l’homme était cet «adversaire sans compromis des Juifs». Il l’était tout autant que l’officier S.S.. A travers ce compte rendu, Dannecker lui prête ses propres dispositions. Vieux routier de l’action antijuive, le S.S. en poste à Paris était dans son zêle bureaucratique, un fanatique «à 100%».

Les 100% de l’officier S.S.

L’antisémitisme frénétique de Dannecker invite à lire ses textes avec prudence. Ses comptes rendus ne sont pas les plus fidèles. Son fanatisme ne l’incline pas seulement à rompre les consignes de secret dans ses écarts de langage. Cet officier S.S. manipule aussi les décisions pour s’attribuer le rôle principal dans l’action antijuive. Selon son texte, la réunion du 11 juin chez Eichmann aurait fixé la première vague de déportation vers le «KL Auschwitz» à 100000 Juifs de l’Ouest. Dans le détail, le gros du travail revenait … à la France. Dannecker laissait une part incongrue à son collègue de La Haye. Dans ses comptes, Zœpf n’avait à déporter que 10000 Juifs, soit le contingent attribué au chargé des affaires juives de Bruxelles. Les chiffres d’Eichmann établissaient pourtant une tout autre répartition des tâches. Le nombre de Juifs des trois pays à acheminer à Auschwitz était fixé à 90000 et les 2 référendaires «juifs» en compétition avaient obtenu une part égale: 40000 pour Zœpf et tout autant pour l’impatient officier S.S. «français7». Dannecker s’était, dès 1941, préparé avec empressement à ce «temps utile» de la déportation où il allait enfin pouvoir, selon ses propres termes, «agir avec une efficacité à 100%8». Membre depuis 1937 du service de sécurité de la S.S. où il avait été le collègue d’Eichmann dans les affaires juives, l’homme anticipait toujours les décisions. Dans son acharnement antijuif, le nombre exact à déporter n’avait pas d’importance9. Ce qui comptait, à ses yeux — comme à ceux d’Eichmann non moins empressé —, c’était que les trains roulent et livrent leur contingent aux camps d’extermination. Dans sa conception raciste, l’«adversaire» juif à détruire n’était pas une idéologie. Le racisme nazi ne fait pas la différence entre les Juifs et le judaïsme. Pour cet officier S.S., c’était des êtres physiques, biologiques, des personnes qui étaient les sujets de l’«extermination totale». Dannecker a exprimé cette radicale volonté de génocide dans un autre document. L’officier S.S. y parle à nouveau de la «restlose Vernichtung» sans plus faire la moindre référence à la lutte contre le catholicisme «politique». Les termes utilisés sont ici on ne peut plus univoques. Dannecker était si imprégné de sa résolution meurtrière qu’il s’imaginait que tout un chacun devait immédiatement la décrypter dans les mesures pratiques prises en France. Trois jours après le début — le 17 juillet 1942 —  de la grande vague de déportation de ce pays, Dannecker exposait au colonel Knochen que «le judaïsme mondial se rend clairement compte que les Juifs qui se trouvent dans les zones de domination allemande s’acheminent vers leur extermination totale», en allemand «ihrer restlosen Vernichtung10».

Le commentaire de Billig sur «l’extermination sans reste de l’adversaire» cite également cet autre document du 20 juillet. La référence s’imposait à un historien scrupuleux. L’acharnement de Dannecker rend compte de la conclusion sinistre que le lieutenant-général Kohl avait tirée de son exposé, le 13 mai. A l’inverse, la référence à l’hostilité de ce dernier aux «Eglises politiques» n’ajoute rien à son adhésion totale à l’extermination des Juifs. A bon droit, Billig avait jugé tout a fait incongru de l’introduire dans une expertise sur la connaissance du sens réel de la «solution finale» par l’un des inculpés du procès de Cologne. Comme il se doit, il signalait l’omission des «Eglises politiques» par le signe typographique conventionnel. Dans son obsession démystificatrice, la lecture «révisionniste» s’est emparé des points de suspension. Ils se prêtaient, en faisant abstraction du contexte historique, à insinuer le soupçon d’une «très grave troncation11». Sur sa lancée, Faurisson a voulu laisser croire à son lecteur que du côté des historiens de la solution finale, «chacun a pu ainsi dire: “voilà enfin une preuve de la volonté d’extermination. La seule preuve à vrai dire”». L’érudition plus que sélective de l’universitaire «révisionniste» fait l’impasse — et sciemment — sur le deuxième document de Dannecker. Faurisson ne l’ignorait pas. Billig s’y référait exactement 25 lignes après ces «points de suspension» si suspects au regard borgne du «révisionnisme». Le Mémorial de la déportation des Juifs de France de Serge Klarsfeld publiait, quant à lui, les deux extraits sur la même page. Son cas était plus «grave» car selon Faurisson, «la troncation est d’autant plus consciente qu’avant de publier Le Mémorial, Klarsfeld avait publié pour la justice allemande ayant à juger Lischka: Deutsche Dokumente 1941-1944, Die Endlösung der Judenfrage in Frankreich». Le document y est, en effet, intégralement reproduit. Le plus sérieusement du monde, Faurisson a découvert une raison à ce paradoxe. «Dans cet ouvrage, écrit-il, il était impossible de faire tout à coup apparaître trois points au beau milieu d’une lettre de Dannecker»! L’argument du professeur d’université ne s’avance pas au-delà. Le verdict du procès de Cologne n’est surtout pas à examiner. C’est que le jugement allemand reproduit lui aussi tout le document et, qui plus est, il a fondé — pour une part — son argumentation sur le but réel de la déportation juive tel que l’exprimait ce témoignage d’époque. Et les juges allemands, établissant les responsabilités criminelles des officiers S.S. impliqués dans le massacre des Juifs n’ont pas prêté la moindre attention à «l’anéantissement de [l’] influence des Eglise politiques» si utile à la dénaturation du document d’époque.

Ces procès de la solution finale à l’Ouest de l’Europe ne conviennent pas au discours du «révisionnisme». Ils n’entrent pas dans le schéma qu’il applique aux procès d’après 1945. Faurisson s’est ému du «drame de ce type d’accusés allemands12». Il l’a volontiers comparé «à celui des sorciers et des sorcières du Moyen Age». On accusait les sorcières d’avoir eu commerce avec un diable qui n’existait pas. «La plupart du temps», explique Faurisson, elles «ne pouvaient pas croire aux faits qui leur étaient reprochés, mais elles partageaient ou affectaient de partager avec les juges-accusateurs la croyance au diable». Des procès médiévaux aux procès des S.S., le «révisionnisme» saute allégrement le pas. Avec ses guillemets d’inexistence, la «chambre à gaz» vient y relayer le mythe diabolique. Et comme dans les procès de sorcellerie, «l’accusé allemand, lui, s’efforce de démontrer qu’il n’avait rien à voir avec les “chambres à gaz”». L’argument «révisionniste» ne fonctionne pas avec les anciens officiers S.S. en poste à l’Ouest. Poursuivis pour complicité d’assassinat, ils sont tout penauds. Ils n’ont pas à ruser, comme les sorcières pathétiques de Faurisson avec la «façon» diabolique d’Auschwitz. Dans les procès «occidentaux», l’assassinat des déportés par le gaz définit seulement le caractère «abject», «perfide» et «cruel» du crime dont les complicités sont jugées. Le verdict de Kiel déclarant l’ancien lieutenant S.S. de Bruxelles «coupable d’avoir contribué au meurtre d’au moins 10000 Juifs» a estimé que:

«le massacre des Juifs dans les chambres à gaz d’Auschwitz, planifié et exécuté par les dirigeants nazis pour des raisons de haine raciale fanatique, au mépris de tout principe d’humanité, a été effectué pour des motifs abjects».

Et d’ajouter que :

«la mise à mort des Juifs dans les chambres à gaz était horriblement sournoise et cruelle. Dans la mesure où ils n’étaient pas sélectionnés pour le travail, les juifs arrivant dans des trains de marchandises, étaient conduits dans les chambres à gaz; les nazis abusant de leur confiance et du fait qu’ils étaient sans défense, les faisaient mourir à la suite d’horribles souffrances provoquées par l’absorption de gaz toxiques. Cette manière de tuer dictée par un système inhumain, brutal et impitoyable n’en était que plus cruelle13».

Cela dit, la Cour d’assises allemande n’a pas condamné Kurt Asche comme auteur du crime abject, cruel et perfide. Dans l’épiloque judiciaire de la solution finale à l’Ouest, l’ancien officier S.S. qui acheminait les convois vers Auschwitz passe en jugement pour autant qu’«il y […] suffisamment d’éléments pour considérer qu’[il] a compté avec la possibilité qu’une grande partie des déportés serait mise à mort14». Il n’est même pas requis de démontrer que l’inculpé était «informé en détail sur l’exécution technique». Dans la décision contre Ehlers, le tribunal supérieur du Schleswig-Holstein a constaté que:

«il manque des données concrètes pour affirmer qu’il savait que les déportés étaient pour la plupart tués au gaz toxique à Auschwitz. Cependant, cela n’exclut pas que les mises à mort étaient perfides et cruelles. La perfide, explique la décision judiciaire, ressort sans aucun doute du télex déja cité à plusieurs reprises de [l’Office Central de la Sécurité du Reich] du 29 avril 1943 par lequel il était à nouveau insisté auprès du service d’[Ehlers] qu’il y avait lieu de faire en sorte que les victimes arrivant à Auschwitz ne se doutent de rien et soient sans défense. La cruauté de la mise à mort ressortait déjà de la façon dont les Juifs furent déportés vers l’Ouest15».

Cette lecture judiciaire du télex d’avril 1943 s’attachait à ce que la pièce d’archives révélait de la notoriété sinistre d’Auschwitz parmi les policiers S.S. impliqués à l’Ouest dans le processus d’extermination. La référence aux «travaux urgents» du camp et leur relation avec la «répartition ultérieure» des déportés n’apportait rien de décisif à la cause. La «façon» d’opérer à Auschwitz n’y était pas dévoilée. Une lecture historique des sources documentaires relatives au massacre des déportés de l’Ouest ne saurait, quant à elle, ignorer leur discrétion à ce sujet. Le silence est aussi un témoignage en histoire. Et ce, d’autant plus que les archives nazies les plus autorisées dévoilent, quant à elles, la «raison du secret»

En raison du secret

Les S.S. affectés aux camps d’extermination étaient dûment informés que «les faits et circonstances relatifs au transfert de la population juive constituent un secret d’Etat16». Ils s’engageaient — et par écrit — à ne «faire, en aucune circonstance, de communication […] sur le cours, la réalisation et les circonstances du transfert de la population juive, que ce soit par écrit ou oralement». Peu avant l’arrivée du docteur Kremer à Auschwitz, c’était le cas aux camps de Treblinka, Sobibor et Belzec. Ils n’étaient pas situés comme Auschwitz dans la partie de la Pologne incorporée au Reich. Ils relevaient du Chef supérieur de la S.S. et de la Police du district de Lublin, Odilo Globocnik. Ces camps sont comme Auschwitz des camps d’extermination. «On y emploie un procédé assez barbare», actait le 27 mars 1942 Goebbels dans son journal intime et ce dirigeant du IIIe Reich n’osait en confier le «détail» même à ce confident17. Le procédé, lit-on dans cette note, n’était «pas [à] décrire en détail». Le Reichsleiter de la propagande nazie actait pour mémoire que «les Juifs du Gouvernement général sont refoulés vers l’Est, à partir de Lublin» et qu’avec le «procédé assez barbare» utilisé, «il ne reste pas grand chose des Juifs. En gros 60% doivent être liquidés et 40% peuvent être utilisés à des travaux». Le ministre de la propagande et de l’information du IIIe Reich notait encore que Globocnik, «l’ancien Gauleiter de Vienne qui dirige cette action le fait avec assez de circonspection et en employant des procédés qui n’attirent pas trop l’attention».

Goebbels n’en disait pas plus sur la «méthode Brack» utilisée dans les camps du Gouvernement Général en Pologne. Le Général S.S. Brack attaché au personnel de Hitler avait «depuis déjà longtemps» et «sur instructions du Reichsleiter Bouhler», le chef de la chancellerie du Führer, «mis une partie de […] hommes à la disposition du Général de Brigade Globocnik pour l’exécution d[e cette] mission spéciale». Victor Brack le rappelle à Himmler, le 23 juin 1942, en lui signalant qu’il venait encore de «détacher d’autres effectifs en réponse à une nouvelle demande de sa part. A cette occasion», insiste Brack, «le général de brigade Globocnik a souligné qu’il fallait exécuter le plus vite possible toute l’opération juive afin qu’on ne reste pas embourbé au milieu de l’opération si quelque difficulté venait à en rendre l’arrêt nécessaire». Brack insistant sur ce risque, se souvenait de ses propres déboires dans l’action T4. Il avait fallu interrompre le massacre euthanasique des malades mentaux suite aux remous provoqués par la plainte de l’évêque de Munster auprès du procureur de la république du Tribunal régional. Dans son sermon en l’Elise Saint Lamberti à Munster, Clemens von Galen avait, le 3 août 1941, rappelé aux «Allemands et Allemandes le paragraphe 211 du code pénal […] toujours en vigueur» dans le IIIe Reich nazi. Il stipulait que «celui qui tue un homme avec préméditation sera puni de la peine de mort». Selon l’évêque, «c’est probablement pour protéger de l’application de cette loi ceux qui tuent avec préméditation que l’on déporte au loin ces pauvres gens […] destinés à la mort» et que «les cadavres sont immédiatement incinérés18». Les services S.S. appliquant désormais la «méthode Brack» aux Juifs n’avaient pas manqué de tirer les leçons de l’expérience. Dans sa lettre à Himmler, Brack signale précisément que le Reichsführer S.S. en personne avait «déjà exprimé en son temps, écrit-il, la nécessité de travailler aussi vite que possible en raison du secret19».

Tous les S.S. impliqués dans la «mission spéciale» dont parlait le père de la «méthode Brack» étaient soumis à cette double contrainte. A Auschwitz aussi, ils recevaient, dès leur affectation, «des instructions à caractère très secret». Le journal du sous-lieutenant S.S. Kremer le signale le jour de son arrivée. Sa note du 30 août n’en dit pas plus20. Les autres notes ne dérogent pas à cette discipline du secret. Sa chronique des «actions spéciales» et les rares commentaires sinistres qui la ponctuent ne dévoilent jamais la «façon» d’Auschwitz. Les confidences du médecin S.S. ne vont pas au-delà du «camp de l’extermination». Cette note du 2 septembre — on le sait — confirme que le secret n’était pas toujours respecté. A Auschwitz, la direction du camp n’ignorait pas de tels manquements. Le télex d’avril 1943 en porte témoignage. Cette pièce émanant de la Sécurité du Reich indique bien que c’est «le camp d’Auschwitz» qui «réitére sa demande de ne pas faire […] la moindre révélation inquiétante». Les «instructions à caractère très secret» que le capitaine S.S. Kurt Ulhenbrock communique à Kremer, dès son arrivée, témoignent tout autant de cette préoccupation. Le contenu exact n’en est pas connu. Les lacunes des archives n’autorisent toutefois pas à conclure à la manière de Faurisson qu’«il n’y a lieu de spéculer […] sur des instructions “très secrètes” dans quelque armée que ce soit et surtout à Auschwitz dont toutes les activités devaient être en principe tenues secrètes à cause notamment de son importance pour l’industrie de guerre et pour la recherche scientifique21». Au demeurant, ces «instructions à caractère très secret» du journal ne seraient pas si secrètes dans la «révision» des notes de Kremer. Dans sa lecture de la première «action spéciale» du médecin S.S., Faurisson les réduit à quelque conseil d’ordre professionnel de son collègue le capitaine-médecin S.S. Uhlenbrock. Ce 2 septembre 1942, écrit-il, «le Dr. Kremer se rappelle ce qu’on lui avait dit de ce camp. On lui avait dit, soit quand il a reçu son affectation […], soit quand il est arrivé, soit quand le médecin de la garnison [Dr. Uhlenbrock] lui avaient remis ses instructions, qu’Auschwitz était appelé “le camp de l’anéantissement”[…]». Et Faurisson pour qui «il n’y a lieu de spéculer» n’avance pas moins que «si on lui avait dit cela, c’était probablement à la fois pour le prévenir de la tâche qui l’attendait et pour le mettre personnellement en garde contre les dangers qu’y courrait sa propre santé». En passant, cette relecture du témoignage nazi sur Auschwitz en a évacué tout à la fois l’extermination et son caractère très secret. «Le camp de l’anéantissement» du journal de Kremer n’a pas dans la traduction du professeur de lettres de l’Université de Lyon II le sens que lui donnent les historiens.

L’«anéantissement» revu et corrigé

Tout comme Faurisson dont l’interprétation est, à son estime et pour s’en tenir au seul aspect philologique, un «contresens», Pierre Vidal-Naquet lit également «le camp de l’anéantissement» dans la note du 2 septembre22. Le texte de l’édition en langue française du Musée d’Oswiecim traduit «Vernichtung» par «extermination». La traduction est tout a fait appropriée. Le terme est d’époque. Il n’y a pas lieu dans  la lecture du fait historique d’avoir le moindre scrupule moral à utiliser le terme en usage chez les S.S.23. Historiquement, les camps de la solution finale sont des camps d’extermination. Le traducteur du musée d’Oswiecim, Georges Tchegloff a toutefois commis l’erreur d’introduire le concept historique dans le texte du médecin S.S. d’Auschwitz. Le «das Lager der Vernichtung» du 2 septembre est devenu sous sa plume le camp d’extermination. L’absence du der laissait un bel espace typographique sur lequel Faurisson s’est précipité. Dans l’espace vierge, il a aperçu un sombre complot. Comme si le Musée d’Oswiecim n’avait pas également publié une version allemande conforme au manuscrit, le philologue a protesté avec véhémence jamais Kremer n’avait écrit qu’«Auschwitz était un Vernichtungslager, c’est-à-dire, selon la terminologie inventée par les Alliés après la guerre, “un camp d’extermination”, [entendez par là: un camp doté d’une “chambre à gaz”]24!»

Sommé de s’expliquer sur «l’anéantissement» auquel il réduit le témoignage de Kremer, le philologue a convenu que ce sens de «Vernichtung» n’est pas strictement étymologique25. Le «mot peut signifier, selon le contexte, soit “extermination” (ou, plutôt d’ailleurs: “destruction”), soit “anéantissement”». Dans le premier cas, explique Faurisson, le terme «désigne une action ou le résultat  d’une action», mais ce sens-là qui fait l’histoire, le «révisionnisme» se garde de l’explorer jusqu’au départ des convois vers Auschwitz et s’il lui est opposé, un autre détail typographique lui suffit à évacuer tout le contexte occidental de l’«extermination totale» des Juifs. Le seul sens qui convienne à la «révision» du journal de Kremer est celui d’un «état26». «Au sens étymologique du terme», avait écrit Faurisson dès son premier commentaire sur le «Lager der Vernichtung», «le typhus anéantit ceux qu’il frappe». Donc, si Kremer «parle des horreurs d’Auschwitz, c’est par allusion aux horreurs de l’épidémie de typhus de septembre-octobre 1942. Le 3 octobre, [le médecin] écrira: “A Auschwitz, des rues entières sont anéanties27 par le typhus[…]”». De ce point de vue tronqué, «une lecture tant soit peu attentive du texte et du contexte [de la note du 2 septembre 1942] impose le sens d’“anéantissement”28». Cela posé, Faurisson avance que «le tri des malades et des bien-portants, c’était la “sélection” ou l’une des formes de l’“action spéciale” du médecin. Ce tri se faisait soit à l’intérieur des bâtiments, soit à l’extérieur29».

Cette interprétation de l’«action spéciale» est tout sauf historique. Elle ignore délibérément le fait des convois arrivant à Auschwitz les jours où Kremer renseigne sa participation. La coïncidence répétée quatorze fois et documentée neuf fois est évacuée de la lecture «révisioniste». Tout au plus, Faurisson concède-t-il, à propos de la première, qu’«on dit parfois que cette action spéciale concernait l’arrivée d’un convoi de Drancy à Auschwitz, le 2 septembre. Ce n’est pas impossible. Il faudrait vérifier l’heure d’arrivée». Dans sa deuxième relecture, cette vérification n’est plus nécessaire. Cette fois, Faurisson «n’a pas de peine à imaginer cette arrivée de gens non atteints d’épidémie dans un camp en proie au typhus. La tâche du médecin n’est pas seulement de trier les aptes et les inaptes au travail. Elle est aussi de réceptionner les “sanitaires” des wagons dits “sanitaires”30». Enfin, il y a, chez Faurisson, une troisième version à l’«action spéciale». La «Sonderaktion aus Holland» du 5 septembre revue et corrigée suggère qu «il s’agissait du nettoyage des wagons, soit de 3e classe, soit surtout de marchandises dans lesquels les déportés venaient d’arriver31». Le sort des 677 déportés de Westerbork disparus ce 5 septembre à l’arrivée du convoi n° XVI n’est pas pris en compte dans cette manipulation du journal de Kremer. Le fait que le médecin S.S. inscrive toutes ses «actions spéciales» dans une seule et même série débutant avec la révélation de «l’extermination» n’est pas plus pris en considération. Faurisson tient tout aussi peu compte, dans ses lectures successives de la note du 2 septembre, du nombre des déportés immatriculés qui entrent effectivement dans le camp. Au départ de Drancy, le 31 août, le convoi n°XXVI comptait 1000 personnes. A l’arrêt de Kosel, au plus 220 déportés masculins âgés de 15 à 50 ans y descendirent. Quel que fût le nombre des déportés restés dans le train, la sélection à Auschwitz leur attribua seulement 39 matricules. Il n’y eut donc pas plus de 12 hommes et de 27 femmes qui entrèrent dans le camp. Faurisson, professeur de littérature qui s’est hasardé par «révisionnisme» sur le terrain de l’histoire, lui, il va «loger tous ces arrivants dans les différents blocs du camp. Or, partout ou presque partout, il y a sur place des malades ou des mourants [victimes du typhus-MS]. Il faut imaginer la promiscuité. Assister à cela pendant des heures, soit en pleine nuit, soit à l’aube, soit en plein jour, cela doit être dantesque. On imagine l’angoisse affreuse des déportés arrivant dans cet enfer32».

Ce que le journal de Kremer autorise à imaginer, ce n’est pas l’angoisse de ces 39 déportés du convoi XXVI à répartir «pendant des heures», ce 2 septembre, dans l’enfer typhique. Le témoin qui parle de «l’enfer» dantesque, c’est le S.S. Kremer, dans sa note de ce jour. Et le médecin d’Auschwitz ne vient pas, à cette date, de faire l’expérience des ravages du typhus. Il est sur place depuis quatre fois vingt-quatre heures. Dès le 30 août, son journal a signalé la «quarantaine au camp à cause de nombreuses maladies infectieuses [typhus exanthématique, malaria, dysentrie]». Le lendemain a été notée sa «première vaccination contre le typhus exanthématique». Le 1er septembre, à la veille de découvrir la fonction d’Auschwitz dans «l’extermination», le médecin a, dans l’exercice de ses fonctions, assisté «à la désinfection d’un bloc pour le débarrasser des poux au moyen d’un gaz, le cyclone B33». Très significativement, le journal de Kremer ne qualifie pas cette activité d’«action spéciale». La note n’est pas codée. Son sens littéral dit sa signification réelle. Et, tout autant, dans les archives du camp, l’autorisation du 22 juillet pour «le voyage d’Auschwitz, à Dessau [où une filiale de la D.E.G.E.S.C.H fournissait le gaz en cristaux], aller et retour d’un camion de cinq tonnes afin d’aller prendre livraison du nécessaire au gazage du camp pour combattre l’épidémie qui s’est déclarée34». C’était plus d’un mois avant l’affectation de Kremer. Quatre jours avant son arrivée, une autre «autorisation de transport pour un camion allant chercher à Dessau des produits pour traitement spéc.» parvenait à Auschwitz. Ce que signifiait le «traitement spécial» pratiqué au moyen du cyclone B n’était pas précisé. Un autre document daté cette fois du temps de Kremer autorise, le 12 septembre, le «transport immédiat des camions alloués vers le camp de concentration d’Auschwitz: ces véhicules devant être immédiatement utilisés pour des actions spéciales35». Le 2 octobre — toujours pendant la mission de Kremer — une autre autorisation de voyage indique encore qu’Auschwitz obtenait de Dessau les «produits nécessaires à la transplantation des Juifs36». A tout le moins, le cyclone B servait aussi à d’autres fins qu’à combattre l’épidémie. Kremer, notant cet usage le 1er septembre, ne mentionne jamais dans son journal les autres emplois. Le silence de ses notes à ce sujet est significatif.

Kremer n’a rompu avec les consignes «à caractère très secret» qu’après coup pour sa propre défense devant la justice polonaise. Non pas qu’il ait pu, du fait de ses révélations, espérer de ses juges un traitement de faveur - si l’on ose encore utiliser un terme si connoté de son sens nazi. C’est son système de défense qui le faisait apparaître en témoin oculaire des exterminations d’Auschwitz. Il lui fallait, pour masquer sa propre responsabilité criminelle, se présenter comme l’observateur pour ainsi dire fortuit du processus de mise à mort des déportés à leur arrivée.

L’«action spéciale» du témoin oculaire

Confronté à son journal, l’ancien médecin S.S. d’Auschwitz veut bien dire que «tous les médecins S.S. exerçant leur service au camp participaient à tour de rôle dans cette mise à mort par le gaz». Mais cela dit, son propre rôle s’est réduit à la seule fonction … d’assistance médicale. «Ma participation, en tant que médecin, dans ces mises à mort par le gaz, appelées les “actions spéciales” consistait à me tenir prêt sur place, près du bunker», a-t-il expliqué. «On m’y amenait en voiture. J’étais assis près du chauffeur en arrière, il y avait un infirmier S.S. muni d’un appareil avec de l’oxygène destiné à ranimer les S.S. employés au gazage, au cas où l’un d’eux aurait été empoisonné37». Au procès de Francfort, un des chauffeurs a donné une tout autre version de la présence d’infirmiers dans le véhicule. Sur question du procureur, Karl Höblinger, confirmant qu’il conduisait aussi la nuit «quand arrivaient les transports de Juifs sur la rampe à Birkenau38», a ajouté: «alors, je devais conduire les infirmiers et les médecins à la rampe. Ensuite, nous roulions jusqu’aux chambres à gaz. Là, les infirmiers sont montés sur les échelles, munis de leur masque à gaz et ont vidé les boîtes [de cyclone B]39».

Cette déposition portant plutôt sur la période postérieure au temps de Kremer n’infirme pas ses explications sur la présence d’un médecin mandaté pour secourir au besoin les S.S. chargés du gazage des Juifs. L’assassinat de masse au moyen du gaz, le «procédé employé n’[était] pas sans présenter quelque danger» pour ceux qui l’utilisaient. «Brack», l’inventeur de la méthode, «[l’avait] fait remarquer», en octobre 1941, quand on envisagea dans les services chargés des affaires juives, de «liquider, selon la méthode Brack, les juifs inaptes au travail40». L’avertissement de ce «chef supérieur de la chancellerie du Führer» confère toute sa vraisemblance au témoignage du médecin S.S. d’Auschwitz, d’autant que dans ce camp, on utilisait un gaz plus toxique que le monoxyde de carbone41. Le cyclone B — acide cyanhydrique dit aussi acide prussique — est trente-quatre fois plus efficace. «Dans le cas d’intoxication par acide cyanhydrique, la mort survient beaucoup plus vite qu’après l’empoisonnement par le monoxyde de carbone», explique Georges Wellers, également maître de recherche honoraire au CNRS en physiologie et biochimie42. Cette foudroyante efficacité du cyclone B rend plausible l’affectation spéciale d’un médecin S.S. auprès des tueurs S.S., à «l’instant fatidique43» où ils ouvraient les boîtes fatales pour les déverser dans les «bunkers»: en effet, un médecin «aurait eu éventuellement à intervenir» en cas de fausses manœuvres. Le journal de Kremer signale sa présence lorsqu’on utilisait l’acide cyanhydrique aux fins auxquelles le fabricant de Francfort l’avait commercialisé comme agent de désinfection. Son témoignage judiciaire sur son rôle pendant la mise à mort des déportés est, à cet égard, tout à fait plausible. Il l’est moins pour ce qui des faits survenant à la rampe de débarquement des déportés.

Médecin devant les «bunkers», l’accusé Kremer cessait de l’être à cet endroit du processus d’extermination. Du moins d’après ses dépositions! Par la force des choses, son rôle s’y serait réduit à n’être que celui d’un témoin passif. C’est qu’il y arrivait en retard! L’ancien professeur de l’Université de Munster insista sur ce point devant la cour d’assises de sa ville: il n’avait pas trouvé à se loger à proximité du camp et il lui avait fallu prendre une chambre à l’hôtel de la gare, la chambre 26, d’après son journal44. Ce point de la déposition judiciaire de Kremer n’invalide pas — en regard de l’histoire — son témoignage sur les faits eux-mêmes. Son journal l’habilite pleinement à en témoigner pour la recherche historique: la note du  5 septembre 1942 le montre «de service aujourd’hui et demain45». On n’est donc pas allé chercher l’hôte de la chambre 26 pour l’«action spéciale» du «midi» et surtout celle du «soir, à huit heures». En tout état de cause, ce jour-là, Kremer était présent à l’arrivée «des gens en provenance de Hollande», à savoir le convoi XVI des Pays-Bas. Le témoin Kremer parle d’expérience. La mise en forme judiciaire de sa déposition relate qu’

«au moment de l’arrivée à l’embranchement de la voie ferrée du camp d’un convoi avec les gens destinés à être gazés, les officiers S.S. […] choisissaient parmi les nouveaux venus les personnes aptes au travail, aussi bien hommes que femmes et tout le reste — parmi eux les vieillards, tous les enfants, les femmes portant les petits enfants dans leurs bras, ainsi que d’autres personnes incapables de travailler — était chargé sur des camions et transporté dans les chambres à gaz».

L’accusé Kremer reste fort discret sur les compétences médicales de ces «officiers» capables de jauger à l’allure du déporté s’il s’adapterait à la condition de forçat concentrationnaire. Quelle que soit la part personnelle de l’«officier» Kremer dans le choix des personnes destinées à l’«action spéciale», lui aussi,

«il «suivai[t] un tel convoi jusqu’au bunker. Là, on faisait d’abord entrer les prisonniers dans les baraques. Les victimes s’y déshabillaient et ensuite allaient nues, dans la chambre à gaz. Le plus souvent, tout se passait dans le calme, car les S.S. tranquillisaient les gens en leur disant qu’ils allaient, aux bains et à l’épouillage. Quand ils étaient déjà tous dans la chambre à gaz, on en fermait la porte, et ensuite, un S.S. protégé par un masque, lançait le contenu d’une boîte de cyclone par une ouverture dans le mur. Par cet orifice, on entendait, de la chambre à gaz, les cris des victimes, on entendait que ces gens luttaient pour vivre. On n’entendait ces cris que pendant un court laps de temps. Je dirais quelques minutes, mais il m’est impossible de le définir d’une façon plus précise».

L’accusé de Cracovie retrouve, dans cette déposition, l’impassibilité clinique dont ses notes de guerre portent témoignage.

Au procès de Francfort, le chauffeur Höblinger dont les phares éclairaient les «bunkers» la nuit, a témoigné, pour sa part, du «cri de terreur» qu’«on entendait», «quand le gaz entrait» dans le bunker. A son estime, c’est «après sept minutes […] tout était calme». Un collègue de Höblinger, Bock, l’a «une fois» accompagné, «le soir». «Un transport de Hollande était arrivé», précise-t-il. Selon lui, «les gens ont crié pendant dix minutes46». A ce grand procès d’Auschwitz, le témoin Kremer — il était alors âgé de 80 ans — se souviendra seulement de la passivité des victimes: «seuls quelque-uns ont résisté, ceux-là ont été pris à part et abattus», ajouta-t-il. Dans sa mémoire de vieillard, l’homme garde le souvenir pénible de ce qui à l’époque l’avait tant affecté. Le président de la cour, lui, en veut davantage. Il lui pose la question des «cris»; Kremer en avait parlé dix-sept ans auparavant, à Cracovie. «Oui, répond le témoin, c’était la peur de mourir. Ils donnaient des coups de pied contre la porte». Et d’ajouter: «je suis assis dans la voiture47». Ce détail serait capital!

Le «fait capital»

De l’«aveu» du médecin, il ressort un fait «capital», selon Faurisson. C’est que «le Dr. Kremer était assis dans sa voiture près du chauffeur!48». A son procès à Munster, l’ancien médecin d’Auschwitz l’avait affirmé et le parquet n’avait pu établir le contraire. Le doute profitant à l’accusé, le verdict lui en accorde le bénéfice: «qu’il soit sorti de sa voiture et qu’il ait pris une part active à l’action meurtrière n’a pas pu être prouvé», y lit-on49. A Francfort, comparaissant comme témoin à charge, Kremer «n’allait» toutefois «pas […] renoncer» à ce système de défense. S’il n’a plus le même souci de ses intérêts, il se garde bien d’avouer quoi que ce soit qui contredise ses dépositions antérieures50. Paradoxalement, la lecture «révisionniste» du témoignage judicaire interprête ce point capital de sa défense comme «aveu». Le glissement conduit à la conclusion que Kremer «n’était pas sur place», qu’«il ne peut décrire la “chambre à gaz”», qu’«il ne décrit rien du processus proprement dit51». Ce qu’en a dit le témoin oculaire n’est jamais assez52. En revanche, les pièces d’archives sur la «Vergasungskeller» et la «gaskammer» d’Auschwitz en disent toujours trop53. Ces tours de passe-passe escamotent le fait capital du témoignage judiciaire de Kremer sur la mise à mort par les gaz des déportés à leur arrivée. Lisant son journal de guerre devant les tribunaux, l’ancien médecin S.S. d’Auschwitz y déchiffre ces «actions spéciales» où la critique historique repère la dernière trace d’au moins 6732 déportés d’Europe occidentale. Cette lecture de Kremer par Kremer dévoile le chiffre du secret. Une telle lecture s’authentifie dans d’autres sources nazies.


Notes.

1. Doc CDJC XXV b-20, IV J. Paris, le 13 mai 1942, concerne: affectation du matériel ferroviaire pour les transports de Juifs, signé: Dannecker, capitaine S.S., dans S. KLARSFELD, Deutsche Dokumente 1941-1944, Die Endlösung der Judenfrage in Frankreich, herausgegeben von Serge Klarsfeld, Paris, 1977, p. 56.

2. J. BILLIG, La Solution finale de la question juive, p. 94.

3. R. FAURISSON, «Une enquête du Monde diplomatique sur les chambres à maz [mars 1988]», dans Annales d’Histoires révisionnistes, 4, printemps 1988, p. 144). Le numéro de mars 1988 du Monde diplomatique comportait une enquête d’Alexandre Szombati sur «la mémoire sans défaillance des bourreaux, les nazis parlent». Y était rapportée (p. 5) la «grande surprise» du juge d’instruction des procès du camp de Treblinka, l’Allemand Kurt Schwedersky d’être «tombé» sur un document aussi explicite que le rapport Dannecker sur «le but de [la] déportation» en dépit de l’interdiction de «parler ouvertement de l’extermination des Juifs» dans le IIIe Reich.

4. R. FAURISSON, Réponse à Pierre Vidal-Naquet, Paris, 1982, p. 29; voir aussi l’exposé sur «le convoi n° 1 du 27 mars 1942», dans S. KLARSFELD, Le Mémorial de la déportation des Juifs de France, non paginé).

5. O[ffice] C[entral de la] S[écurité du] R[eich], IV B 4, Paris, le 1er juillet 1942, concerne: conférence de service en vue de l’imminente évacuation de France, avec le capitaine S.S. Dannecker, Paris, signé: Dannecker, capitaine S.S., Eichmann, lieutenant-colonel S.S., dans S. KLARSFELD, Deutsche Dokumente, p. 71.

6. Dannecker lui-même est un ancien de la section II du service de sécurité de la S.S. chargée des «adversaires idéologiques» (voir «le service des questions juives au SD. Le II-112 sous le signe du sionisme» dans J. BILLIG, La Solution finale de la question juive, p. 22 ss). En Belgique, les affaires juives relevèrent de la section II des «adversaires idéologiques» de la police de sécurité jusqu’au printemps 1943 (voir à ce sujet sur la Belgique le chapitre «La mission antijuive de la police S.S.» dans M. STEINBERG, Dossier Bruxelles-Auschwitz, p. 16).

7. Voir doc. EG-183. Le chef de la police de sécurité et du service de sécurité, IV B 4 a, au Ministère des Affaires Etrangères, conseiller de légation Rademacher, Berlin, le 22 juin 1941, dans S. KLARSFELD et M. STEINBERG, Dokumente. Die Endlösung der Judenfrage in Belgien, p. 28.

8. CDJC V- 59. Mémoire de Dannecker sur l’office central juif, daté du 21 janvier 1941, cité d’après J. BILLIG, Le Commissariat General aux Questions Juives (1941-1944), Paris, 1955, t. I, p. 46.

9. Avant même que les chargés des affaires juives à l’Ouest eussent atteint les quota fixé le 11 juin, l’«aktion» de «transport des Juifs vers l’Est» prit, sur instruction de Berlin, «le caractère d’une évacuation générale», comme le signalait dès septembre l’autorité militaire d’occupation à Bruxelles (voir Rapport d’activité n° 21 de l’administration militaire en Belgique et au Nord de la France, le 15 septembre 1942, p. A 38, dans S. KLARSFELD et M. STEINBERG, Dokumente, p. 44) 

10. Doc. CDJC XXVb-87, IV-J, Paris, le 20 juillet 1942, concerne: Voyage en zone non-occupée - inspection des camps juifs, signé: Dannecker, capitaine S.S., publié dans S. KLARSFELD, Deutsche Dokumente, p. 95.

11. R. FAURISSON, Réponse à Pierre Vidal-Naquet, p. 29; voir aussi l’exposé sur «le convoi n° 1 du 27 mars 1942» , dans S. KLARSFELD, Le Mémorial de la déportation des Juifs de France, non paginé).

12.«Interview de R. Faurisson à Storia illustrata», août 1979, n° 261, rééditée par La Vieille Taupe, p. 11.

13. Voir l’extrait du verdict de Kiel publié, dans S. KLARSFELD et M. STEINBERG, Le Mémorial de la déportation des Juifs de Belgique.

14. Voir Tribunal Supérieur du Schelswig-Holstein, décision dans l’affaire pénale contre E. Ehlers, C. Canaris, K. Asche et K. Fielitz, le 8 mars 1977, dans M. STEINBERG, Dossier Bruxelles-Auschwitz, p. 197.

15.Ibidem, p. 204.

16. Formulaire, daté du 18 juillet 1942, publié dans G. WELLERS, Les chambres à gaz ont existé, p. 83-84.

17.Le journal du Dr. Goebbels, Paris, 1949, p. 246.

18. Sermon de l’évêque de Munster, Clemens von Galen en l’Eglise Saint Lamberti à Munster, le 3 août 1941, reproduit dans W. HOFER, Le National-Socialisme par les Textes, p. 161-163.

19. Général S.S. Victor Brack à Heinrich Himmler, RFSS , Berlin le 23 juin 1942, d’après E. KOGON, H. LANGBEIN, A. RUCKERL, Les Chambres à gaz, secret d’État, p. 136-137. Au total, 92 hommes «de la chancellerie du Führer [participèrent à] l’exécution de l’opération Reinhard» sur les 450 que Globocnik eut sous ses ordres, jusqu’au 19 octobre 1943. (Lettre du Général de Brigade S.S. Globocnik à la direction du personnel du R.S.H.A à Berlin, le 19 octobre 1943, ibidem, p. 135).

20.Journal de Kremer, p. 226.

21. R. FAURISSON, Mémoire en défense, p. 31.

22. P. VIDAL-NAQUET, Les assassins de la mémoire. p. 68 et p. 73.

23. R. Hilberg a même exigé de son éditeur Fayard que le mot d’«extermination ne [soit] pas […] utilisé dans son texte: on parlera donc, sous sa plume d’“opérations mobiles de tuerie” et de “camps de mise à mort”». [Voir l’avertissement de l’éditeur, dans R. HILBERG, La destruction des Juifs d’Europe, p. 7] Ce choix personnel est malheureux. il multiplie les impasses dans la traduction des documents [Voir au chapitre VIII, Les déportations, p. 338, 341, 345…]. Plus fondamentalement, l’option morale de Hilberg nourrit la confusion chez le lecteur entre les «camps de la mort» que sont les camps de concentration et les «camps d’extermination» qui n’immatriculent pas les déportés voués au massacre, dès leur arrivée. Voir le compte rendu de M. STEINBERG, dans Annales, Economies, Sociétés, Civilisations , 43e année, n° 3, mai-juin 1988, p. 666-669. [C’est cette revue scientifique que parodie les Annales d’histoire révisionniste dans sa quête d’une respectabilité].  

24. Voir «Une lettre de M. Faurisson», dans Le Monde, 16 janvier 1979.

25. En réponse à Faurisson, Vidal-Naquet souligne qu’avec cette note sur «le camp de l’extermination», Kremer «ne fait pas, c’est vrai, référence à un concept juridico-administratif qui ne figurait pas, c’est encore vrai, sur les tablettes officielles du IIIe Reich, il parlait tout simplement de ce qu’il voyait».Dans la traduction de Vidal-Naquet toutefois, «Kremer parle du camp de l’anéantissement»). Voir P. VIDAL-NAQUET, Les assassins de la mémoire, p. 72-73.

26. R. FAURISSON, Mémoire en défense, p. 22.

27. La note est citée dans la traduction d’Oswiecim (voir le Journal de Kremer, p. 235). Pierre Vidal-Naquet remarque que «Faurisson, si soucieux d’exactitude en matière de traduction, ne s’est pas aperçu que Kremer n’emploie pas, pour le typhus, le verbe vernichten, il écrit le 3 octobre: “A Auschwitz, des rues entières sont abattues par le typhus” (In Auschwitz liegen ganze Strassenzüge an Typhus darnieder)».(Voir P. VIDAL-NAQUET, Les assassins de la mémoire.p. 71-72. Le recueil reprend Un Eichmann de papier, publié dans Esprit, 9, septembre 1980.). Dans son Mémoire en défense sorti de presse en novembre de 1980, Faurisson rectifie, en traduisant par «étaient couchées, malades» (p. 20).

28. R. FAURISSON, Mémoire en défense, p. 25.

29.«Une lettre de M. Faurisson», dans Le Monde, 16 janvier 1979.

30. R. FAURISSON, Mémoire en défense, p. 32.

31.Ibidem, p. 34.

32.Ibidem, p. 32.

33.Journal de Kremer , p. 226.

34. Télex de l’office central de l’administration économique de la S.S., le 22 juillet 1942, dans E. KOGON, H. LANGBEIN, A. RUCKERL, Les Chambres à gaz, secret d’État, p. 201.

35. Lettre du 14 septembre 1942, citée dans G. WELLERS, «Qui est Robert Faurisson», dans Le Monde juif, n° 27, juillet-septembre 1987, p. 103.

36. Télex de l’office central de l’administration économique de la S.S., le 26 août 1942, et ibidem, le 2 octobre 1942, dans E. KOGON, H. LANGBEIN, A. RUCKERL, Les Chambres à gaz, secret d’État, p. 201.

37.Journal de Kremer, n.52, p. 227.

38. Du temps de Kremer, la rampe n’était pas à Birkenau, mais à la gare de marchandises d’Auschwitz.

39. H. LANGBEIN, Der Auschwitz-Processs, Eine Dokumentation, t. I, p. 73.

40. Voir le doc.NO-365, Ministère du Reich pour les territoires occupés de l’Est, projet de lettre signé: Wetzel,25 octobre 1941, reproduit dans Eichmann par Eichmann, p. 162-163.

41. Sur le rôle de V. Brack dans l’exécution technique du génocide, voir R. HILBERG, op. cit., p. 757, 760, et surtout p. 776 ss.   

42. G. WELLERS, «Les deux gaz toxiques», dans E. KOGON, H. LANGBEIN, A. RUCKERL, Les Chambres à gaz, secret d’État, p. 259.

43. La formule est de R. Faurisson, dans son Mémoire en défense, p. 48. Il ne l’utilise évidemment pas en relation avec le document Wetzel du 31 octobre 1941. R. Faurisson feint d’ignorer cette pièce du dossier des chambres et des camions à gaz. Il s’étonne d’autant plus facilement que Kremer «ne peut rien dire sur la façon de pénétrer dans la “chambre à gaz” pour en retirer les corps. C’est bien pourtant à cet instant fatidique, dans ces heures cruciales de la manipulation de centaines de cadavres pénétrés de cyanure qu’en tant que médecin, il aurait eu éventuellement à intervenir». L’argument lui sert à invalider un témoignage judiciaire où l’accusé — Kremer — rapporte la préoccupation de la vie des exécutants S.S. de l’extermination des Juifs.  

44.Justiz und NS Verbrechen, vol. XVII, p. 17.

45.Journal de Kremer, p. 229.

46. H. LANGBEIN, Der Auschwitz-Processs, Eine Dokumentation, t. I, p. 74.

47.Ibidem, p. 72.

48. R. FAURISSON, Mémoire en défense, p. 48 ss.

49. Ce bénéfice du doute que le verdict accorde à l’accusé ne décide pour autant Faurisson à réviser sa théorie des procès en sorcellerie intentés aux criminels nazis. Ibidem, p. 53.

50.Ibidem, p. 55. Chez Faurisson, l’argument sert à prouver que Kremer, par crainte de la justice, continue «à réciter» la «leçon» apprise en Pologne. Selon lui, Kremer aurait opté, dans sa défense, pour le «système, adopté par tous les avocats de ce type de procès, […] consiste à ne remettre en cause aucun tabou et à déclarer: “oui, sans doute, les gazages ont existé, mais personnellement, je n’y ai participé que de très loin et sur ordre”» (Ibidem). La défense de Kremer fut bien différente de l’analyse «révisionniste»: il ne plaida pas coupable.

51.Ibidem, p. 48 ss.

52. Faurisson s’étonne des déclarations du témoin sur le geste du S.S. qui «lançait[!] le contenu d’une boîte de Zyklon B par une ouverture dans le mur[!] et que par cet orifice[!] on entendait les cris des victimes […]». Et de s’interroger. «Mais ce médecin, qu’a-t-il vu, de ses yeux vu, en fait de “chambre à gaz”? Exactement rien», conclut-il.

53. Voir au chapitre IV, la discussion sur «le gazage».