Mais qui c’est, cette Poumier que personne ne connaît?

L’Arche, n° 551-552, janvier-février 2004.

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Le discours «gauchiste révolutionnaire» de cette universitaire, militante pro castriste de longue date, dissimule mal une féroce obsession antijuive entretenue au contact des négationnistes et de l’extrême droite. Découvrons l’éditrice d’Israël Shamir… et de Roger Garaudy.

En septembre 2000, Didier Daeninckx publiait dans le journal en ligne Amnistia un article intitulé «Sciences inhumaines à l’Harmattan», où il s’élevait contre la parution aux Editions de l’Harmattan d’un livre de Roger Garaudy (dont le contenu n’était pas expressément négationniste, mais qui s’inscrivait dans l’ensemble des publications de cet auteur condamné par ailleurs pour négationnisme). Parmi les personnes impliquées, Didier Daeninckx citait une enseignante nommée Maria Poumier. Cette dernière était, soulignait-il, liée de longue date à Garaudy: elle avait été précédemment mise à l’écart d’une équipe de recherche dans son domaine professionnel (l’histoire des Antilles hispaniques) en raison de son soutien à la diffusion des thèses négationnistes au sein de l’université Paris VIII. Par ailleurs, Maria Poumier avait fondé, avec Roger Garaudy et Isabelle Coutant Peyre (personnalité du milieu «rouge-brun» avocate puis épouse du terroriste Carlos, antisémite converti à l’islam), la revue A Contre Nuit. Une publication qu’Emmanuel Ratier, l’un des principaux journalistes de l’extrême droite antisémite française, définit dan son bulletin Faits et Documents comme une «courageuse revue anticonformiste» — cet éloge sous sa plume, se passant de commentaire.

AVEC GARAUDY

L’article d’Amnistia suscita une série de réactions, dont celle de Maria Poumier. Sous le titre «Mais qui c’est, cette Poumier que personne ne connaît?» (que nous avons repris pour le présent article), elle publia une «mise au point» où elle ne rétractait nullement son engagement aux côtés de Roger Garaudy mais ajoutait un certain nombre de précisions d’ordre autobiographique. «Née en 1950 dans une famille bourgeoise, écrivait-elle, à dix sept ans j’ai ressenti l’assassinat du Che comme un sacrifice extraordinnaire (lui qui exigeait, tout simplement, que l’on suive ses traces.» Dans une interview à Radio La Havane, elle faisait état d’un lien personnel avec Cuba un peu plus ancien, puisqu’elle disait avoir été «à l’école à Cuba de 56 à 57». Quoi qu’il en soit, dans la version qu’elle veut en donner aujourd’hui, son engagement est essentiellement politique: «Je suis allée offrir mes services à la révolution cubaine, et j’ai enseigné à l’université de La Havane plusieurs années, jusqu’en 1979». Son retour en France est vécu comme un «échec personnel». Agrégée d’espagnol, elle enseigne dans le secondaire et milite «à gauche».

Maria Poumier écrit encore:

«Voilà comment je retrouve Roger Garaudy, et j’épouse globalement son aventure intellectuelle, avec la redécouverte du religieux, et sa relecture de l’islam comme source d’une nouvelle jeunesse pour la pensée en Europe. Une fois nommée maître de conférences à l’université Paris VIII (Saint Denis, ex Vincennes). avec le soutien des hispanistes et spécialistes de Cuba réputés les plus à gauche dans le monde universitaire j’ai donc eu le plaisir de l’inviter à faire une conférence publique sur “Islam et modernité”».

Nous sommes en 1996. La date n’est pas sans importance: Garaudy, l’ancien communiste converti au christianisme puis à l’islam, vient tout juste de publier Les mythes fondateurs de la politique israélienne, un livre de facture plutôt indigente qui marque son entrée publique dans la secte des négateurs de la Shoah. Sa vieillesse indigne sombre dans l’antisémitisme. Sa disciple, Maria Poumier, avait sans aucun doute de fortes prédispositions en ce sens: pour quelqu’un qui affirme n’avoir eu jusque là aucune idée arrêtée concernant les Juifs, elle leur témoigne bientôt un intérêt obsessionnel.

«LE SIONISTE COHEN»

Des Juifs, Maria Poumier en voit partout. Dans son domaine de recherche, l’Amérique latine. Et dans ses activités militantes, procastristes et anti américaines. Les Juifs sont partout, et évidemment ils ne peuvent être que malfaisants.

Par exemple, le Cuba Solidarity Project (CSP), un groupe de discussion sur internet auquel Maria Poumier participe régulièrement, annonce le 5 octobre 2001 une réunion publique qui aura lieu le 10 octobre, sous l’égide de France Cuba Paris, dans le cadre de la Journée internationale de solidarité avec Cuba. Au programme: «Rencontre avec James Cohen, professeur en sciences politiques originaire des U.S.A., auteur notamment d’un livre sur le sous continent: Amérique Latine, démocratie et exclusion.» On suppose que si James Cohen prend la parole à une telle réunion publique, ses sentiments le portent plutôt à soutenir Cuba. Mais Maria Poumier a d’autres choses en tête. Elle réplique aussitôt aux responsables du Cuba Solidarity Project:

«N’oubliez pas de signaler à vos lecteurs qu’il y a aussi un paquet de résolutions de l’ONU à faire appliquer par les Israéliens, par exemple à M. James Cohen, petit sioniste qui ira loin et qui fera toute sa vie tout ce qu’il pourra pour saboter l’anti impérialisme de fond.»

(Remarque les citations du Cuba Solidarity Project que l’on trouve dans cet article ne proviennent pas d’un travail d’espionnage. Les archives de ce groupe de discussion sont librement consultables sur internet.)

Mise en appétit par le seul nom de James Cohen, présumé juif et présumé sioniste, Maria Poumier joint à son courrier deux textes d’Israël Shamir, un homme dont les positions sont «courageuses, honnêtes et vraiment dangereuses pour le sionisme». Oubliée, la solidarité avec Cuba. Sus au sionisme (et au «petit sioniste» James Cohen). La prose de Shamir est, explique-t-elle, «drôlement utile pour comprendre le beau spectacle des tours écroulées en direct». Elle dévoile «toutes ces choses moches qu’on veut non cacher».

Cela est écrit le 6 octobre 2001, moins d’un mois après le attentats du 11 septembre. Le discours conspirationniste, selon lequel les attentats seraient le fruit d’un complot judéo-israélo-sioniste ne perce pas vraiment. Même à l’extrême gauche, on est gêné par ces rumeurs, répandues dans la totalité du monde arabo-musulman, sur les milliers de Juifs qui auraient déserté le tours de Manhattan parce qu’on les aurait prévenus de l’imminence de l’attaque. Israël Shamir tente de répercuter ces rumeurs, affirmant que «les preuves s’accumulent d’une connivence israélienne» Mais sa voix est bien isolée en Occident. Les ficelles sont trop grosses, l’antisémitisme est trop visible Et Maria Poumier d’apostropher les militants pro cubains: «Ne soyez pas complices de l’abêtissement de la gauche!»

Pour comprendre contre quel «abêtissement» lutte Maria Poumier, il faut reproduire ici quelques passages d’un texte d’Israël Shamir qu’elle joint à son courrier:

«Aussi longtemps que l’État convaincu de la suprématie juive existera, celui ci veillera à maintenir la violence et à éviter la paix. (…) Pour les mystiques juifs le Messie n’est pas celui des chrétiens Dans leur Livre, il n’est pas le doux Jésus porteur d’un message à l’intention de l’humanité tout entière. Leur Messie à eux réduira les nations de la Terre en esclavage pour toujours, et fera du Peuple élu le maître de l’univers. Leur Messie, le Seigneur qui asservira les peuples de la Terre est l’Antéchrist des prophéties. (…) Animés par un esprit de vengeance et de haine, certains sont prêts à s’emparer de l’anneau magique qui confère le pouvoir, le Mont du Temple, afin d’imposer et de perpétuer le règne de l’Antéchrist.»

On comprend mieux ce que voulait dire Maria Poumier en parlant de sa «redécouverte du religieux»… Pour compléter le tableau, elle envoie aux membres du CSP — un groupe qui, rappelons-le, est censé œuvrer pour le soutien à Cuba — un texte publié sur le site des négationnistes français (aaargh), dans la dernière livraison en date de leur bulletin d’information. On y trouve le bref récit d’une rencontre avec Israël Shamir, où celui-ci, après avoir exprimé son «agnosticisme complet» sur «la question du révisionnisme», avait motivé ainsi sa position:

«Il a dit que, pour lui, la question n’avait guère d’importance parce que l’existence de l’État d’Israël ne lui paraît pas fondée sur “l’Holocauste” ou toute autre idéologie, mais sur l’argent et le contrôle de l’argent. »

Le 9 décembre 2001, Maria Poumier diffuse son compte rendu d’un «voyage en Palestine». Elle le fait précéder de cette invocation: «Chers amis de CSP c’est dans un de vos textes que j’ai trouvé l’expression “industrie du génocide”, que j’ai reprise dans le texte ci dessous». Maria Poumier souligne qu’«à ce voyage participaient P. Braouzek [sic], A. Krivine, A. Casanova, des journalistes…» Voici ce qu’elle en a retenu, sous l’intitulé «Bilan d’une universitaire»:

«Le sionisme emprunte toutes les nationalités, toutes les confessions, toutes les origines familiales, tous les aspects physiques; il est le plus petit dénominateur commun qui relie ceux qui œuvrent dans le sens voulu par Sharon et par Bush, pour l’extension à la planète entière de l’industrie du génocide qui se déploie sous nos yeux, sous prétexte de traquer quelques terroristes.»

Ayant ainsi cerné l’ennemi, notre «universitaire» s’en prend dans son «compte rendu de voyage» aux «lois Pleven et Gayssot» [la loi Pleven de 1972 sanctionne la provocation à la haine ou à la discrimination, la diffamation et l’injure raciale; la loi Gayssot de 1990 réprime notamment la négation de la Shoah — ndlr]. «On découvre, écrit-elle, que certains en sont à détourner ces lois pour intimider les antisionistes, assimilés abusivement à des antisémites.» Et Maria Poumier de défendre, dans le langage habituel aux négationnistes, les «historiens» qui, «accumulant les recherches sur des documents irréfutables autour du sionisme réel», encourent «les persécutions dans le monde entier» et «en sont réduits à faire circuler leurs textes dans le ghetto mondialisé que constitue à certains égards l’internet». D’où ce vibrant appel, dans le plus pur style paranoïaque:

«Il est temps de rendre public qu’en France aussi, les sionistes exercent des pressions énormes pour réduire les antisionistes au silence. (…) Il est salutaire que les agents français du Mossad se démasquent par là même, et démasquent aussi ceux qui agissent comme leurs otages.»

Nous avons mentionné, plus haut, les fonctions de Maria Poumier au sein de la revue de Roger Garaudy, À Contre Nuit. Dans le numéro de la revue distribué en janvier 2002, et qui est annoncé le 15 janvier dans le bulletin d’extrême droite Faits et Documents, elle publie un long article intitulé «Le sionisme en Amérique latine». Cet article est diffusé dès le 13 janvier aux abonnés du Cuba Solidarity Project, et reproduit le 19 janvier dans le bulletin de Marcel Charbonnier, Point d’information Palestine. Quant à la Gazette du Golfe et des banlieues, la revue internet du négationniste Serge Thion, elle l’a repris dans son numéro d’avril 2002.

MONICA LEWINSKY

Ce sont donc des milliers de personnes qui ont reçu cet article: bien plus que le nombre des acheteurs du livre d’Israël Shamir. Une partie de ces personnes en ont répercuté le contenu autour d’elles. Cela mérite qu’on s’y attarde. Voici ce qu’ont lu — et peut être cru — votre voisin de palier, votre collègue de bureau ou le professeur de vos enfants.

L’article s’ouvre sur un hommage appuyé au livre de Norman Finkelstein L’industrie de l’holocauste, où Maria Poumier a trouvé des indications sur «les liens précis entre mouvements de capitaux, lieu réel du pouvoir et mystifications de la propagande sioniste».

Développant le thème de «l’État mondial masqué et démasqué par l’empire médiatique de l’Holocauste», Maria Poumier dénonce «l’influence hégémonique du lobby juif dans la logique de l’impérialisme nordaméricain toutes confessions confondues» et «la main mise croissante du lobby en question sur les dirigeants américains». Qui en douterait? «Depuis l’origine, d’ailleurs, les dirigeants de la CIA sont iuifs.»

Afin de démontrer le rôle pernicieux des médias américains et leur inféodation au fameux «lobby», Maria Poumier revient sur la relation entre le président Bill Clinton et la jeune Monica Lewinsky. La chaîne de télévision CNN, écrit-elle, «montra jusqu’aux moindres détails» de cette affaire, mais elle «cacha l’information décisive: cette jeune femme appartient à une importante famille juive conservatrice». D’ailleurs, chacun sait (chacun, c’est à dire tous les lecteurs des écrits conspirationnistes) que Clinton est «otage du lobby depuis l’alfaire Monica Lewinsky». Puissance des fantasmes.

En revanche, les médias latino américains non inféodés à l’américano sionisme sont porteurs de la vérité. Exemple, selon Maria Poumier:

«C’est du Brésil que s’est répandue la nouvelle que les scènes de liesse soi disant tournées en Palestine le 11 septembre dataient en fait de vieilles image tournées en 1991 pendant la guerre du Golfe, et bricolées dans l’urgence pour la circonstance. »

Pour qui l’aurait oublié, la «nouvelle» en question dura exactement vingt quatre heures Un étudiant brésilien l’avait postée sur internet, en affirmant qu’un de ses enseignants détenait une cassette vidéo datant de 1991 qui était identique à l’image des Palestiniens célébrant les attentats du 11 septembre. Mais l’enseignant déclara aussitôt qu’il ne détenait rien de tel, l’agence Reuters apporta aisément la preuve que les images filmées par elle étaient authentiques, et l’étudiant se rétracta en présentant des excuses. Cette «nouvelle» qui, partie du Brésil, s’était répandue dans le monde comme une traînée de poudre, était un vulgaire hoax; une de ces fausses information que le réseau internet produit longueur de journée.

Pour Mme Poumier, cependant une fausse information, même si elle est immédiatement démentie, reste vraie pourvu qu’elle soit conforme à ses propres préjugés. Et vice versa. Ce n’est pas pour rien que Mme Poumier fréquente les négationnistes depuis si longtemps: elle est blindée contre les atteintes de la vérité. D’ailleurs. «les propriétaires des grands médias sont juifs, certains ardents partisans avoués de la suprématie juive dans le monde entier». Et de broder sur «la pression sioniste à travers les mésias nationaux», sur «l’impact» du «lobby juif de New York», et sur «l’impact des dirigeants de l’état d’Israël, principalement militaires, et de leurs services secrets».

DANS LE TALMUD

Tout cela, il faut le dire, n’est pas très original On lit cela à toute heure dans les médias islamistes et néo-nazis — et aussi, de plus en plus, dans les médias altermondialistes gagnés par la fièvre «rouge-brune». Mais Maria Poumier y ajoute une variante qui, si elle n’est pas non plus de son cru, provient d’une source à laquelle elle est professionnellement plus sensibilisée: la variante latino américaine. Suivons la dans son développement. «Il y a aussi, écrit-elle, une dynamique de type sioniste autochtone et ancienne en Amérique latine», et cette dynamique «constitue le terrain favorable sur lequel les deux forces précédentes [le «lobby juif» et «l’impérialisme nord américain» — ndlr] fructifient aisément.»

La contribution de Maria Poumier au discours antisémite français concerne donc son insertion dans une dynamique particulièrement porteuse et populaire auprès d’un grand nombre de militants: celle des «luttes» en Amérique latine, où s’exercent — aussi — les méfaits du «lobby juif». On repère, en effet, «des interventions israéliennes (…) partout où se produisent des phénomènes de répression militaire et policière sur la paysannerie latino américaine». Et ces interventions ont un «contenu idéologique, voire religieux» dont Maria Poumier a trouvé le secret chez le «courageux israélien Israël Shahak». Ce secret, c’est que les Israéliens éprouvent un «mépris raciste envers les paysanneries en général considérés comme peuplades devant être délogées soit soumises par tous les moyens, à l’instar de ce qui se pratique systématiquement en Palestine depuis 1948». D’où vient ce «mépris»? Son «expression canonique» se trouve «dans le Talmud».

Après cette incursion dans la philosophie du judaïsme, l’auteur redescend vers les pentes ordinaires du conspirationnisme contemporain. Ainsi, les attentats commis à Buenos Aires, contre l’ambassade d’Israël (en 1992) puis contre l’association juive AMIA (en 1994), ont été attribués «par certains» aux «services secrets israéliens », et cette interprétation semble «plausible» à Mme Poumier. Les Israéliens sont également crédités «de nombreux assassinats politiques», par exemple «l’assassinat des six jésuites de l’université José Siméon Canas, au Salvador en 1989».

INNOCENCE

Plus comique est l’assertion selon laquelle «le groupe Loubavitch — dont est membre Ariel Sharon — dispose en Argentine d’écoles rabbinico-militaires ». Une autre certitude de Mme Poumier pourrait elle aussi prêter à sourire, n’était la réalité souvent tragique: celle selon laquelle «comme ailleurs, il n’existe pratiquement plus de Juifs pauvres en Argentine». Enfin, l’important est de savoir — et de dire — que les Juifs sont «sur-représentés dans les professions libérales, ils contrôlent presque entièrement certaines branches, telles la psychanalyse, l’édition et la presse».

Le 15 février 2003, Maria Poumier distribue aux membres du Cuba Solidarity Project «un article très intéressant»: il s’agit d’un extrait du bulletin d’extrême droite Faits et Documents. Cette initiative suscite, chez les membres du CSP, des protestations indignées. «C’est scandaleux!», dit l’un, qui a identifié une publication «antisémite». Un autre, prénommé José, est persuadé que «Maria nous transmet ce courrier sans doute en toute innocence». Mais, souligne-t-il, «il faut savoir ce qu’est cette “lettre confidentielle”, et qui est son auteur. Nous entrons dans les ramifications plus ou moins souterraines de la droite de l’extrême droite». Et José de donner des informations sur Faits et Documents et sur Emmanuel Ratier, tout en répétant: «Qu’il soit bien clair que je n’accuse pas Maria d’une quelconque accointance avec ces gens-là».

Maria Poumier lui répond sur un ton quelque peu condescendant:

«Ami José, tout cela je le savais déjà, mais il se trouve que Emmanuel Ratier diffuse souvent des infos très fiables, et en général bien avant d’autres informateurs. Je te suggère de ne pas faire la vierge effarouchée en découvrant que les gens du FN ne sont pas seulement des brutes sanguinaires et mal désodorisées, ce qui est un analyse un tout petit peu superficielle, qui laisse tous les avantages et les initiative aux autres, parfois plus malins.»

Le 13 mars 2003, Maria Poumier diffuse sur CSP le bulletin Point d’information Palestine du 10 mars 2003, qui contient un article de Shamir traduit par Marcel Charbonnier (on y apprend que Trotsky «aimait les Goyim et ne pouvait pas encadrer les Juifs», mais que malheureusement il devint «l’âme (damnée) de la campagne d’éradication de l’Église russe», de sorte que «des milliers d’églises furent détruites [sur ses ordres] et l’avenir du communisme russe fut dès lors scellé »).

Le 29 mars 2003, Maria Poumier diffuse un texte de Michel Schneider intitulé «Irak: Les États Unis et Israël contre le reste du monde», qui s’en prend au «lobby sioniste». On y lit:

«Quel est le point commun à MM. Glucksmann, Lellouche, Kouchner, Bruckner, Adler, Wiesel ou Klarsfeld rares défenseurs «français» de la guerre américaine? Les pressions multiples des lobbies juifs internationaux et le pathos holocaustique obsessionnel de tous les grands media sous contrôle permanent d’une «police de la pensée» sont parvenus jusqu’à présent à assurer une rente de situation, une imunité permanente à Israël. Mais dans le contexte actuel, combien de temps encore les membres de la communauté internationale toléreront-ils “l’exception israélienne”?»

L’auteur de ce texte est présenté comme «ancien directeur des revues Stratégie et Défense et Nationalisme et République». En fait, Michel Schneider (ne pas confondre avec l’écrivain du même nom) est un agitateur se réclamant ouvertement du fascisme. Il a appartenu à divers mouvements d’extrême droite, d’Occident au Front national, et a participé à des coalitions de type «rouge-brun», notamment en Russie avec des ex communistes et des néo-nazis, et avec des organisations palestiniennes. Le texte de Michel Schneider, que Maria Poumier a diffusé chez ses amis pro castristes, avait été publié le 15 février 2003 sur www.voxnr.com, le site internet «nationaliste, révolutionnaire et solidariste» du fasciste Christian Bouchet.

Il est vrai que ce texte était publié, au même moment, par le site «altermondialiste» www.e-conoclast.net, où il figurait encadré par des publicités pour Le Monde diplomatique, pour les livres de Pascal Boniface, Serge Halimi, Joss Dray et Denis Sieffert, et pour l’Institut des études palestiniennes. On voit, comme dans le cas de Faits et Documents, la structuration de la mouvance «rouge-brun» autour de thématiques «anti impérialistes» où le «complot juif» joue un rôle central. Et on ne s’étonnera pas que, là encore, Maria Poumier ait servi de relais.

Le 24 mai 2003, Maria Poumier publie dans la revue cubaine El Pueblo un article qui sera repris en français le 25 août 2003 par le site Indymedia Paris, sous le titre: «Palestine et Cuba, les coïncidences et les urgences». Elle y revient sur quelques uns de ses thèmes favoris, comme l’affirmation que «certaines conclusions révisionnistes pour la période 1939-1945 sont interdites d’expression dans les pays occidentaux». Elle discerne par ailleurs «une dynamique ancienne et profonde qui s’actualise en ce moment, dans les rapports entre les garants du sionisme aux États Unis et Cuba». Conclusion: il importe de «mettre en lumière le lien charnel entre sionisme et impérialisme sous les latitudes les plus éloignées».

LA LOI GAYSSOT

Le 25 octobre 2003, le site internet islamiste Quibla publie un article de Maria Poumier dont le seul titre semble fait pour susciter la répulsion: «Sur le gaz: l’Espagne, les Juifs et Israël». Cela commence ainsi:

«Dans bien des langues, toutes celles de l’Europe du moins, juif est depuis la nuit des temps synonyme d’escroc, à tout le moins radin. Les dictionnaires n’ont pas d’exemple à donner pour convaincre que le terme se soit jamais sublimé dans l’inconscient collectif, devenant métaphore de beau, généreux ou chevaleresque. »

L’auteur s’en prend ensuite aux «gens qui ont les moyens de faire et de répandre la version gazeuse de l’histoire»…

Au sujet des «restrictions juridiques» imposées aux Juifs d’Espagne avant l’expulsion de 1492, on apprend qu’elle étaient justifiées car «le Talmud interdisait aux Juifs les rapports égalitaires avec les Chrétiens». L’expulsion a certes un peu gêné tout cela, mais les Juifs sont de retour:

«Depuis 1955, année de l’entrée de l’Espagne dans l’ONU, on assiste à une indéniable reconquête de l’Espagne, marquée par l’implantation d’institutions à caractère religieux, présidées par des chefs d’entreprises à la réputation internationale tels que Max Mazin, Jacques Hachuel, César Kajon, Samuel Toledano, tous associés au célèbre escroc Marc Rich, qui a la nationalité espagnole, et tout aussi contestés quant à leur moralité en affaires.»

Simultanément, on assiste à une «résurrection » de la culture marrane, en Espagne. Résultat: «Comme dans le reste de l’Europe, médias et maisons d’édition sont animés par des directions massivement philosémites. (…) Culmination de cette dynamique, le soutien du premier ministre Aznar à l’invasion de l’Irak». Aznar est effectivement «celui qui a vendu l’Espagne à Israël».

Enfin, une bonne nouvelle: «un premier livre du savant Israël Shamir est en librairie: L’autre visage d’Israël, Balland Blanche éd., 418 p. » Shamir, dit Maria Poumier qui oublie de préciser la part qu’elle a prise à l’édition du livre, «a remis en circulation les petits secrets honteux de l’histoire juive la plus reculée, bien au delà des questions d’histoire immédiate».

Hélas pour notre amie Maria, ce beau projet ne se réalisera pas. Le jour où même son article paraît sur le site islamiste, Israël Shamir doit diffuser à ses admirateurs l’adresse électronique de… Maria Poumier, afin qu’ils se procurent le livre chez elle.

Maria Poumier publie alors, le 6 décembre 2003, toujours sur le site islamiste Quibla, un étrange article intitulé «Ab ipso ferro». On y entend, au delà des cris de haine, l’écho douloureux d’une histoire familiale. Les thèmes de la trahison et de la maladie mentale y reviennent, obsédants. Pour pathétique qu’il soit par moments, cet article ne laisse pas d’être odieux. Ainsi: lorsque l’auteur déplore que «la loi Gayssot pousse les historiens à éviter les sujets chauds», dénonce «la persécution des intellectuels qui ne donnent pas des gages absolus de philosémitisme» et «les manœuvres pour que les intellectuels continuent à relayer l’idéologie sioniste, de préférence sans s’en apercevoir».

Il est des gens chez qui la haine est une seconde nature. Elle n’est pas la conséquence de leurs choix idéologiques ou politiques, au contraire, c’est leur potentiel de haine qui oriente ces choix. Israël Shamir ne pouvait se trouver une meilleure avocate en France.

J. V.

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