Pour eux «c’était le bon temps», la vie ordinaire des bourreaux nazis

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Traduit de l’allemand par Métais-Bührendt. Éditions Plon, 1989.
© Éditions Plon 1989
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Document original en allemand / Deutsches Original


Avant-propos

«Le bon temps»: tel est le titre que porte l’album souvenir du dernier commandant de Treblinka. «Le bon temps», en exergue, sur des images du camp d’extermination. Là où 700 000 êtres humains, au moins, ont été envoyés «au gaz».

Un professeur de médecine reçut l’ordre de se rendre à Auschwitz pendant les vacances universitaires. Ce qu’il y vit l’horrifia. Pourtant, son journal fait l’éloge des repas et de la cuisine (une merveilleuse glace à la vanille). Mais sans cesse, il notait: «Prélevé et fixé du matériel vivant et frais provenant d’un foie, d’une rate et d’un pancréas.» Ce médecin, qui ne perdit pas l’appétit à Auschwitz, faisait des recherches sur les effets de la dénutrition sur l’organisme humain.

«Il ne faut pas se faire d’illusions», dit un policier en parlant de ses collègues qui participaient au massacre des Juifs, «pour eux, c’était la fête, il y avait de l’or et de l’argent... Il y avait toujours quelque chose à prendre lors des opérations juives». Les acteurs ne s’apitoyaient que sur leur propre sort. Alors qu’en l’espace de deux jours, 33771 Juifs étaient fusillés à Babij Yar, un homme du peloton d’exécution disait: «Personne ne peut s’imaginer les nerfs qu’il fallait avoir...»

Qui donc étaient ces hommes, qui consentaient à ce que le crime devienne leur travail quotidien? C’étaient des hommes tout à fait normaux. Hormis le fait qu’ils pouvaient se comporter comme «des seigneurs», décider de la vie ou de la mort, ils avaient le pouvoir. Des chances inespérées d’ascension sociale s’ouvraient à eux. A cela s’ajoutait la solde, les congés et les avantages en nature (l’alcool et les cigarettes). Et surtout le sentiment de puissance: l’État leur enlevait toute responsabilité personnelle.

Certes, il y eut quelques protestations isolées venant de la Wehrmacht. Les commandants en chef des opérations à l’Est regrettaient le déchaînement d’instincts bestiaux et pathologiques. Des hommes des pelotons de la mort s’écroulèrent, d’autres se suicidèrent (afin de préserver les hommes, quelques commandos pratiquaient la mise à mort dans des véhicules de gazage, mais augmentaient ainsi la souffrance et l’agonie des victimes). Certains des SS et des policiers ont même refusé d’obéir aux ordres. Malgré l’impact de la propagande, ils considéraient encore les Juifs comme leur prochain et non comme de la vermine, ils ne pouvaient pas tirer sur des innocents sans défense. Ils étaient traités de lâches et de couards, puis, conformément à un ordre de Himmler, ils étaient mutés dans d’autres unités ou relevés. Contrairement aux légendes qui circulent, aucun de ceux qui ont refusé de massacrer les Juifs ne fut jamais ni fusillé ni interné dans un KZ.

Certaines exécutions en public étaient des divertissements populaires. A Kowno, en Lituanie, les autochtones, parmi lesquels on trouvait des mères et leurs enfants, applaudissaient chaque fois qu’un Juif était lynché. Les bravos et les rires fusaient. Des soldats allemands étaient présents et prenaient des photos. L’état major de l’armée le savait et n’intervenait pas. Les troufions allemands étaient prêts à parcourir de longues distances pour décrocher les meilleures places lors de ces sanglantes «fêtes de chasseurs». Il faudrait presque parler d’un tourisme du massacre. Ce livre confirme que les massacres se sont déroulés longtemps en public.

Le 20 janvier 1942, dans une villa de Wannsee, à Berlin, les représentants des ministères, des SS et des services de la police se sont rencontrés. Ordre du jour: «La solution finale du problème juif.» la «Conférence de Wannsee» avait pour but d’informer les divers services des décisions qui venaient d’être prises et d’organiser la poursuite du massacre à grande échelle. Car en fait, le génocide avait commencé depuis longtemps: les groupes spéciaux et les commandos spéciaux de la Sicherheitspolizei (Sipo) et du Sicherheitsdienst (SD) faisaient des ravages au sein des populations juives dans les territoires occupés. A partir de la mi octobre 1941, plusieurs dizaines de milliers de Juifs provenant du Reich avaient été déportés dans les ghettos polonais. Bon nombre d’entre eux qui avaient été dirigés vers les villes soviétiques de Kowno, Riga et Minsk furent passés par les armes dès leur arrivée. A Chelmo, les véhicules de gazage, dans lesquels des êtres humains étaient cruellement asphyxiés, roulaient déjà. Au KZ d’Auschwitz, l’utilisation du cyclon B avait commencé depuis longtemps et le camp d’extermination de Belzec était en construction.

Himmler avait chargé un SS, le chef de la police du district de Lublin, le SS Brigadeführer Odilo Globocnik, d’organiser la «Solution finale» dans le Gouvernement général de Pologne. Par la suite, on attribua à ce programme le nom de code de «Opération Reinhard», sans doute en souvenir de Reinhard Heydrich (directeur du Reichssicherheitshauptamt), décédé lors d’un attentat en juin 1942. Pourtant il était impossible de procéder à l’anéantissement total des Juifs avec les méthodes habituelles: exécutions en masse ou véhicules de gazage. Par conséquent, Himmler fit appel à un procédé dérivé, déjà utilisé en 1940 1941 lors de l’opération «Euthanasie», le massacre des malades mentaux, des infirmes et autres «êtres inutiles». Si, dans les centres de Grafeneck, Brandenburg, Bernburg, Hadamar, Sonnenschein et Hartheim les malades étaient assassinés à l’oxyde de carbone provenant de bonbonnes livrées par IG Farben, on utilisait désormais les gaz d’échappement de moteurs diesel.

Trois camps d’extermination furent construits: Belzec (dans les environs de Lemberg), Sobibor (à proximité de la ville de Wlodawa) et Treblinka (près de la petite ville de Malkinia). Le camp d’extermination de Belzec commença à pratiquer le gazage en masse en mars 1942, Sobibor en mai et Treblinka en juillet. Les anciens auxiliaires de l’opération «Euthanasie» y occupaient des positions clés. A Belzec, le massacre cessa en décembre 1942, et en automne 1943 à Sobibor et Treblinka où les Juifs des commandos de travail s’étaient révoltés en août et en octobre. Les hommes de «l’Opération Reinhard» furent ensuite envoyés sur les côtes de l’Adriatique, où ils collaborèrent à la déportation des Juifs de ces régions vers Auschwitz. A l’époque, Auschwitz était une gigantesque usine de la mort.

Les hommes qui prennent la parole dans cet ouvrage ne sont pas tous des criminels au sens juridique du terme. Certains d’entre eux n’étaient que des maillons de la chaîne, ils participaient par exemple au transport des victimes ou verrouillaient les lieux du crime. D’autres, ceux qui donnaient les ordres comme ceux qui les recevaient, ont pu bénéficier d’un acquittement, même s’il était dû à un manque de preuves formelles. Rappelons nous aussi ces «aumôniers militaires» qui, dans une ville d’Ukraine, Bielaia Tserkov, assistèrent à la mort d’enfants et se contentèrent de rédiger des rapports «pour que l’on cesse de parler de cette affaire». Il n’est pas un seul avocat général qui accuserait ces ecclésiastiques (après la guerre, deux des hommes impliqués sont devenus évêques coadjuteurs) de ne pas avoir rendu publique une affaire aussi inhumaine. Sans parler de tous les curieux, des voyeurs ou de ceux qui assistaient au massacre des Juifs sans réagir. Pourtant, qu’ils l’eussent voulu ou non, ils étaient tous complices.

Les textes que nous présentons ici n’ont pas été réécrits d’un point de vue stylistique. Seules les fautes d’orthographe par trop évidentes ont été corrigées pour faciliter la lecture et certaines abréviations ont été complétées. La plupart des acteurs tentent de nier leur propre collaboration au massacre ou de minimiser les faits. Mais derrière ces échappatoires et ces tentatives de dissimulation, on reconnaît malgré tout une vérité cruelle et insupportable. Pour bon nombre d’entre eux, les années du national socialisme furent «le bon temps», même dans les camps de la mort.



Document original en allemand / Deutsches Original

Einführung

»Schöne Zeiten« heißt eine Überschrift im Fotoalbum des letzten Kom- mandanten von Treblinka. »Schöne Zeiten« stand über Bildern aus dem Vernichtungslager. Mindestens 700000 Menschen sind hier »ins Gas« geschickt worden.

Ein Medizinprofessor wurde in den Semesterferien nach Auschwitz be- ordert. Was er sah, ließ ihn schaudern. Doch in seinem Tagebuch rühmt er das ausgezeichnete Essen (»herrliches Vanilleeis«). Und immer wieder heißt es: »Lebendfrisches Material von Leber, Milz und Pankreas entnommen und fixiert«. Der Mediziner, dem in Auschwitz der Appetit nicht verging, forschte über die Einwirkung des Hungers auf den menschlichen Organismus.

»Machen wir uns doch nichts von«, so ein Polizist über Kollegen, die an Juden-Massakern teilnahmen, »das war für die ein Fest, da gab es Gold und Geld... Bei den Judenaktionen war immer was zu holen«. Mitgefühl entwickelten die Täter in eigener Sache. Als in Babi-Yar innerhalb von zwei Tagen 33771 Juden erschossen wurden, meinte einer der Schützen: »Man kann sich gar nicht vorstellen, welche Nervenkraft es kostete ...«

Was waren das für Männer, die Mord als Alltagsarbeit billigten? Es waren ganz normale Menschen. Nur: Sie konnten sich als »Herrenmenschen« aufführen, entschieden über Leben und Tod, hatten Macht. Ungeahnte Beförderungschancen taten sich auf. Es gab zusätzlichen Sold, Urlaub und Vergünstigungen (z. B. Alkohol und Zigaretten). Und, bei allem Machtgefühl: Der Staat nahm ihnen jede persönliche Verantwortung bereitwillig ab.

Sicher, es gab vereinzelt Proteste seitens der Wehrmacht. So beklagte der Oberbefehlshaber Ost das Austoben tierischer und pathologischer Instinkte. Mordschützen brachen zusammen, einige verübten Selbstmord (zur Schonung der Schützen tötete man bei einigen Kommandos mit Gaswagen, was die Qual der Opfer noch erhöhte). Es gab sogar SS- Leute und Polizisten, die sich weigerten, Mordbefehle auszuführen. Sie sahen trotz aller Propaganda Juden noch als Mitmenschen und nicht als Ungeziefer an, konnten nicht auf Wehrlose und Unschuldige schießen. Sie wurden deshalb als Feiglinge und Schwächlinge beschimpft - und einem Befehl Himmlers entsprechend in andere Einheiten versetzt oder ausgetauscht. Entgegen allen Legenden: Niemand wurde erschossen oder ins KZgesperrt, wenn er sich weigerte, Juden zu morden.

Ein Volksfest waren vielfach die öffentlichen Massen-Exekutionen. Im litauischen Kowno beklatschten Einheimische - Mütter mit ihren Kindern darunter - jeden Juden, der öffentlich erschlagen wurde. Immer wieder gab es Bravo-Rufe und Lachen. Deutsche Soldaten standen dabei und fotografierten. Der Armeestab wußte davon und griff nicht ein. Deutsche Landser nahmen mitunter lange Wege in Kauf, um beim blutigen »Schützenfest« die besten Plätze zu ergattern. Mitunter muß man schon von Hinrichtungs-Tourismus sprechen. Das Buch dokumentiert, daß der Massenmord lange Zeit in aller Öffentlichkeit geschah.

Am 20. Januar 1942 trafen sich in einer Villa am Großen Wannsee in Berlin Vertreter von Ministerien, SS- und Polizeidienststellen. Thema: die »Endlösung der Judenfrage«. Die »Wannsee-Konferenz« hatte die Aufgabe, die einzelnen Dienststellen von den bereits getroffenen Entscheidungen zu unterrichten und die Fortsetzung des Massenmordes in noch größerem Maßstab zu organisieren. Denn der Massenmord war längst im Gange: Die Einsatzgruppen und Einsatzkommandos der Sicherheitspolizei und des Sicherheitsdienstes (SO) wüteten unter der jüdischen Bevölkerung in den besetzten Gebieten. Ab Mitte Oktober 1941 waren mehrere zehntausend Juden aus dem Reichsgebiet in polnische Ghettos deportiert worden. Viele Juden, die aus dem Reichsgebiet in die sowjetischen Städte Kowno, Riga und Minsk kamen, wurden gleich nach ihrer Ankunft erschossen. In Chelmno fuhren schon die Gaswagen, in denen die Menschen qualvoll erstickten. Im KZ Auschwitz hatte man längst mit der Verwendung von Zyklon B begonnen, und das Vernichtungslager Belzec war im Bau.

Mit der »Endlösung« im Generalgouvernement Polen hatte Himmler den SS- und Polizeiführer im Distrikt Lublin, SS-Brigadeführer Odilo Globocnik, beauftragt. Als Tarnbezeichnung wurde später der Name »Aktion Reinhard« gewählt - wohl in Erinnerung an den im Juni 1942 nach einem Attentat gestorbenen Reinhard Heydrich (Chef des Reichssicherheitshauptamtes). Die restlose Ermordung der Juden war jedoch mit den üblichen Methoden - Massenerschießungen oder Gaswagen - unmöglich. Deshalb bediente sich Himmler eines etwas abgewandelten Mordverfahrens, das man 1940/41 bei der »Euthanasie«, dem Massenmord an psychisch Kranken, Behinderten und anderen »Baliastexistenzen«, angewandt hatte: Waren die Kranken in den Vergasungsanstalten Grafeneck, Brandenburg, Bernburg, Hadamar, Sonnenstein und Hartheim mit CO-Gas aus Gasflaschen der IG-Farben ermordet worden, verwendete man nun die Abgase von Dieselmotoren.

Es wurden drei Vernichtungslager errichtet: Belzec (in der Nähe von Lemberg), Sobibor (nahe der Stadt Wlodawa) und Treblinka (nahe des Ortes Malkinia). Das Vernichtungslager Belzec begann im März 1942 mit den Massenvergasungen, Sobibor im Mai und Treblinka im Juli. Die SChlüsselpositionen wurden mit ehemaligen »Euthanasie«-Gehilfen besetzt. Der Mordbetrieb in Belzec endet im Dezember 1942, in Treblinka und Sobibor im Herbst 1943, nachdem es dort im August bzw. Oktober zu Aufständen der »Arbeitsjuden« gekommen war. Die Angehörigen der »Aktion Reinhard« wurden anschließend in den adriatischen Küstenraum befohlen, wo sie mithalfen, die dortigen Juden nach Auschwitz zu deportieren. Zu dieser Zeit war Auschwitz ein gigantisches Mordzentrum.

Nicht alle, die in diesem Buch zu Wort kommen, sind Täter im streng juristischen Sinne. Manche waren nur kleine Rädchen im Mordgetriebe, halfen z. B. beim Transport der Opfer oder beim Absperren des Mordgeländes. Mancher - Befehlsgeber wie Befehlsempfänger - könnte auf einen juristischen Freispruch, und sei es aus Mangel an Beweisen, verweisen. Oder denken wir an die »Kriegspfarrerc« (so die damals übliche Bezeichnung), die in dem ukrainischen Ort Bjelaja-Zerkow dem Sterben von Kindern zusahen und lediglich Berichte verfaßten, «damit über die Zustände nicht noch mehr geredet« werde. Kein Staatsanwalt würde die Geistlichen - zwei von ihnen wurden nach dem Kriege Weihbischöfe - anklagen, weil sie Unmenschlichkeit nicht öffentlich anprangerten. Ganz zu schweigen von jenen, die den Judenmord neugierig begafften oder fassungslos zusahen. Doch sie wurden alle, gewollt oder ungewollt, zu Mitwissern.

Die hier vorgelegten Texte wurden in keiner Weise stilistisch überarbeitet. Es wurden lediglich offenkundige Schreibfehler korrigiert und der besseren Lesbarkeit wegen Abkürzungen aufgelöst. Die meisten Täter versuchen, ihre eigene Beteiligung an den Morden abzuleugnen oder Tatsachen zu verharmlosen. Aber selbst hinter ihren Ausflüchten und Verschleierungsversuchen bleibt die grausige Wahrheit unerträglich deutlich zu erkennen. Für viele waren die Jahre unter nationalsozialistischer Herrschaft »schöne Zeiten«, selbst im Vernichtungslager.

Ernst Klee / Willi Dreßen / Volker Rieß, »Schöne Zeiten« Judenmord aus der Sicht der Täter und Gaffer, S. Fischer Verlag GmbH, Frankfurt am Main, 1988.