Domitia est la revue du CRHiSM (Centre de Recherches Historiques sur les Sociétés Méditerranéennes); son secrétaire de rédaction est Aymat Catafau, directeur du département d’Histoire de l’Université de Perpignan. Le CRHiSM, regroupant historiens et historiens de l’art, est présidé par le professeur Jean-Marcel Goger. 1. Maurice Bardèche, Lettre à François Mauriac, La Pensée Libre, 1947, p. 14. 2. Les principaux mouvements NR français sont issus les uns des autres, ce sont: les Groupes Nationalistes-Révolutionnaires (GNR; 1976), le Mouvement Nationaliste Révolutionnaire (MNR, 1979), Troisième Voie (TV; 1985), Nouvelle Résistance (1991) et Unité Radicale (UR; 1998). L’attitude du GUD dépend des époques, il participe actuellement à UR. 3. En ces Réflexions sur la violence (1906), Sorel définit le mythe comme une expression de volonté mobilisatrice, un élément irréfutable, traduction des convictions d’un groupe en langage de mouvement. 4. Cf. Ghislaine Desbuissons, Itinéraire d’un intellectuel fasciste: Maurice Bardèche, thèse de doctorat, I.E.P. de Paris, 1990; Anne-Marie Duranton-Crabol, L’Europe de l’extrême droite de 1945 à nos jours, Complexe, 1991; Valérie Igounet, Histoire du négationnisme en France, Le Seuil, 2000. 5. Maurice Bardèche, L’œuf de Christophe Colomb, Les Sept Couleurs, 1951, pp. 1-137. 6. Qu’est ce que le nationalisme?, Europe-Action, numéro spécial, mai 1963. L’information selon laquelle M. Venner fut le principal rédacteur de ce numéro provient d’Alain de Benoist, courrier à l’auteur. La revue est née de la Fédération des Etudiants Nationalistes, fondée par Duprat et François d’Orcival afin d’offrir une «couverture» à JN. Une partie des membres ira fonder Occident (MM. Duprat, Longuet, Madelin, Robert), puis Europe-Action se scindera entre le GRECE (Alain de Benoist, Pierre Vial) et la revue Militant (les anciens Waffen SS Jean Castrillo, Bousquet, Pauty). Celle-ci participe à la fondation du FN qu’elle quitte à la fin 1980, refusant de collaborer plus avant avec Stirbois, accusé d’être Juif et sioniste. Militant fonde en 1983 le Parti Nationaliste Français (dont le sigle fait référence au PNF de Mussolini), dont le PNFE est une scission plus ouvertement néo-nazie. 7. Christophe Bourseiller, Les Maoïstes, Plon, 1996; Frédéric Laurent, L’Orchestre noir, Stock, 1978; René Monzat, Enquêtes sur la droite extrême, Le Monde éditions, 1992. Le nom de Jeune Europe avait déjà été utilisé pour un ouvrage de 1933 de Marc et Dupuis, du groupe anti-conformiste Ordre nouveau, pour une revue d’Evola en 1942, et était celui d’un mouvement de la France vichyste dont le logo a été repris par le Parti Communautaire-National européen, dont le dirigeant, disciple autoproclamé de Thiriart et ancien membre du mouvement néo-nazi FANE (Fédération d’Action Nationale et Européenne), estimait au temps de l’URSS que celle-ci était l’héritière du IIIe Reich. Le PCN, sans activité réelle en France, se présente comme le concurrent de l’autre mouvement national-bolchevique, UR, proche de Bruno Mégret. 8. Sur Versailles et la SDN, M. Milza note: Pacifisme, respect du statu quo territorial et démocratie se trouvent ainsi étroitement associés pour constituer un bloc politico-idéologique ayant à la fois des implications nationales et internationales, toute atteinte à l’un de ses éléments débouchant sur une remise en question de l’ensemble. D’une certaine façon le fascisme est né de cette remise en cause globale. Il s’inscrit dans une perspective révisionniste et correspond à une attitude de refus de l’ordre international fondé sur les traités. (Pierre Milza, «Fascisme et relations internationales», Relations internationales, printemps 1980, p. 36) 9. François Duprat, Les Mouvements d’extrême droite en France de 1944 à 1971, Les Editions de l’Homme libre, 1998, première édition: 1972, pp. 36-39. 10. Philippe Buton et Laurent Gervereau, Le Couteau entre les dents. 70 ans d’affiches communistes et anticommunistes, préface d’Annie Kriegel, Chêne, 1989, p. 110; Géraud Durand, Enquête au cœur du Front National, Jacques Grancher,1996, p. 126. Michel Winock, Nationalisme, Antisémitisme et fascisme en France, Le Seuil, 1990, pp. 50-83. 11. Jean-Yves Camus, René Monzat, Les Droites nationales et radicales en France, P.U.L., Lyon, 1992, p. 79; Olivier Dard, La Synarchie ou le mythe du complot permanent, Perrin, 1998, pp. 162-169; François de Fontette, Sociologie de l’antisémitisme, P.U.F., 1991, p. 66; Léon Poliakov, «La Russie au XXe siècle», dir. Léon Poliakov, Histoire de l’antisémitisme 1945-1993, Le Seuil, 1994, p. 289. Selon M. Monzat les ventes totales des livres de M. Coston «démontrant» l’existence du complot juif mondial représenteraient quarante mille exemplaires (Le Monde, 22 novembre 1996). 12. Cf. Jean-Pierre Faye, Langages Totalitaires, Hermann, 1972; Pierre Milza, Fascisme français. Passé et présent, Flammarion, 1991; Luciano Cheles, «Le “New look” du néo-fascisme italien», in Droite, Nouvelle droite, extrême droite. Discours et idéologie en France et en Italie, Mots, mars 1986, dir. Simone Bonnafous, Pierre-André Taguieff, pp. 29-42. Le concept de la périphérie est repris par le GRECE. Franco Freda écrivait en 1970 que La dénonciation du pacte atlantique et de son organisation militaire, ainsi que la coupure des liens qui rattachent… l’Italie aux structures néo-capitalistes supra-nationales… devra provoquer l’insertion active de l’Etat populaire dans l’aire des Etats qui refusent… les blocs impérialistes au pouvoir. L’Etat populaire fera alliance avec les Etats réellement anticapitalistes et favorisera les mouvements de lutte contre les systèmes capitalistes (démocraties «occidentales» et «socialistes») (cité in Franco Ferraresi, Les Références théorico-doctrinales de la droite radicale en Italie, in Mots, ibid., pp. 19-21). En France le nazi-maoïsme ne prendra guère, même si Duprat a affirmé l’existence de similitudes entre national-socialisme et marxisme-léninisme (François Duprat, Les Nouveaux communistes. Les Partis pro-chinois dans le monde, Défense de l’Occident, numéro spécial, janvier 1968, et «Révolution du nihilisme au pays de Mao », in Rivarol, 19 janvier 1967, quoique l’on note en ce dernier une légère confusion avec le trotskysme de tendance pabliste — qui prophétisait d’ailleurs l’alliance mondiale de tous les opposants à l’impérialisme américain, quelle que soit leur origine idéologique). Cette sympathie pour le maoïsme peut peut-être également s’expliquer pour part par la tendance de ses militants européens au décalque de la propagande chinoise. Or, les codes de celle-ci comptaient effectivement de lourdes analogies avec ceux de l’Allemagne nazie et de l’Italie fasciste (cf. Pierre Fresnault-Deruelle, «L’Avenir d’une régression (à propos d’une affiche de l’ère fasciste)», Matériaux pour l’Histoire de notre temps, octobre-décembre 1990). En fait, l’un des résumés les plus simples et les plus justes fut sans doute donné par un ancien membre des Jeunes de l’Europe Nouvelle (dont le premier Jeune Europe était une scission), ancien Waffen SS, qui tenait un stand maoïste dans la Sorbonne occupée de Mai 68: Avec les Chinois, je continue mon vieux combat, à la fois contre les soviétiques et contre les Américains. (Pierre-Phillipe Lambert, Gérard Le Marec, Partis et mouvements de la Collaboration. Paris 1940-1944, Jacques Grancher, 1993, pp. 149-151) 13. Gaspar Lorand, Histoire de la Palestine, Maspero, 1978; Yohanan Manor, «L’Antisionisme», Revue française de sciences politiques, avril 1984; Léon Poliakov, Les Nouveaux antisémites, colloque du MRAP, 15 décembre 1979, cité in compte-rendu interne de l’association; Léon Poliakov, «La Russie au XXe siècle», ibid.; Pierre-André Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion. Faux et usages de faux, Berg International, 1992. 14. Rouge définit le sionisme comme expansionniste, raciste, colonialiste. L’organe de la LCR conspue ce nouvel apartheid mis en place par l’Etat sioniste sans que cela ne déclenche les protestations des démocrates bon teint (Rouge, 24 août 1973). Un tract unitaire gauchiste, signé par L’Humanité rouge (maoïste), la LCR, etc., s’applique consciencieusement à recopier le style mis en place. Ils affirment ici leur SOUTIEN TOTAL aux peuples palestinien et libanais contre l’agression sioniste, conspuent la tentative d’extermination de la population palestinienne et libanaise, les projets impérialistes sionistes et réactionnaires de l’Etat sioniste, ennemi face auquel il en est appelé par trois fois à la résistance (une fois écrit avec majuscule). Le tract dénonce encore: les troupes sionistes poursuivent leur guerre d’extermination contre l’existence même des peuples palestinien et libanais, tandis que les milieux sionistes européens manœuvrent pour les soutenir. (A.N. 79AJ44) 15. Cf. MM. Bresson et Lionet, Le Pen Biographie, Le Seuil 1994; Pierre Brinbaum, Un Mythe politique: la «République juive», Fayard, 1988; Arnaud Déroulède, L’OAS. Etude d’une organisation clandestine, doctorat d’Histoire, Université de Paris IV, 1993; in dir. Pierre-André Taguieff, L’Antisémitisme de plume. 1940-1944. Etudes et documents, Berg International, 1999. 16. Jean-Paul Brunet, La Police de l’Ombre. Indicateurs et provocateurs dans la France contemporaine, Le Seuil, 1990; Christophe Bourseiller, courrier à l’auteur; Xavier Raufer, ancien responsable d’Occident puis adjoint d’Albertini, criminologue aujourd’hui directeur de collections aux P.U.F. , entretien avec l’auteur; Michel Schneider, Les Cahiers du CDPU, octobre 1972; étude du matériel propagandiste produit par Duprat. 17. François Duprat, L’Agression israélienne, Défense de l’Occident, juillet-août 1967. Ailleurs en Europe d’autres néo-fascistes se saisissent de la propagande soviétique / populiste arabe: en Allemagne un journal d’extrême droite titre alors sur L’Auschwitz israélien du désert (cité in Pierre-Vidal Naquet, Les Assassins de la mémoire, La Découverte, 1987, p. 173), La Nation européenne, journal de JE diffusé principalement en Belgique et dans le monde arabe, se spécialise dans cette dénonciation des «Juifs nazis». Thiriart y affirme que la meilleure solution serait de délocaliser Israël aux USA, où se devraient d’émigrer tous les Juifs d’Europe non-patriotes car il n’y aura aucune place pour une cinquième colonne permanente. Cette décision serait imposée par le fait que les Juifs contrôlent entre 40 et 90% de notre cinéma, de notre radio, de la télévision, de la politique, de la presse. La conspiration politique juive n’est pas un phantasme. La Seconde Guerre mondiale aurait été provoquée par l’entourage juif de Roosevelt et la victoire que les Juifs y auraient acquise, de par la création de leur Etat, les aurait menés à penser qu’ils étaient sur la voie de la domination mondiale. En fait, la juiverie mondiale, à 99,99%, soutient de tout cœur l’Etat d’Israël et sa politique d’extermination du peuple palestinien. […] A côté d’Israël, il existe un Etat juif invisible de dimensions mondiales. Aussi, l’organe de JE met-il en cause Les Ignobles méthodes gestapistes d’Israël. (La Nation européenne, octobre 1967; novembre 1968; février 1969) 18. Notre Europe, mars 1970 — il s’agit de l’organe de la FANE; interview in Grégory Pons, Les Rats noirs, Jean-Claude Siméon, 1977. Duprat considérait les mouvements nationalistes arabes et palestiniens comme étant généralement d’obédience néo-fasciste, une fois qu’on leur aurait retiré leurs oripeaux marxistes. Il s’intéressait tout particulièrement au néo-ba'th syrien (cf. François Duprat, Le Fascisme dans le monde, Défense de l’Occident, numéro spécial, octobre-novembre 1970; Le Néo-fascisme dans le monde arabe et en Amérique, Supplément à La Revue d’Histoire du fascisme, courant 1974; déclaration faite à la première conférence de presse du mouvement Ordre Nouveau dont il était l’idéologue, citée in Alain Rollat, Les Hommes de l’extrême droite, Calmann-Lévy, 1985, p. 50; point de vue également émis dans ses conversation privées selon l’un de ses camarades, ancien responsable à ON et au GUD, correspondance avec l’auteur). Ce qu’il définit comme étant l’idéologie NR (il est largement responsable de la popularisation de cette étiquette) emprunte amplement aux nationalismes arabes, quant à l’Etat fasciste à édifier il le stipule devoir être celui du Peuple tout entier, une reprise mot pour mot de la constitution de Brejnev, apparaissant déjà dans le projet de Bakounine (François Duprat, Le Manifeste nationaliste-révolutionnaire, Supplément aux Cahiers Européens-Notre Europe, novembre 1974?; René Gallisot, «Unités et figures du national-populisme», in Populismes du Tiers-Monde, L’Harmattan, Association pour la recherche de synthèses en sciences humaines, 1997, pp. 281-316). Duprat, et à sa suite tous les NR, fait reposer implicitement sa perception du fascisme sur le système idéal-typique weberien. 19. In Cahiers Européens Hebdo (CEH), 13 juillet 1976; il s’agissait de l’organe des GNR, formation animée par Duprat à la lisière du Front National (FN) et qu’il concevait comme devant entretenir avec lui les mêmes rapports que ceux que les SA avaient avec le NSDAP (Duprat, idem, p. 14). Le journal portait en sous-titre: Pour la Cause du Peuple et de la Nation, référence à une formule de Lénine devenue devise des nationaux-bolcheviques allemands — et qui fusionnèrent un temps avec un groupe maoïste. (Christian Bouchet, entretien avec l’auteur; M. Bouchet a été militant à l’OLP, aux GNR, au MNR, à TV, qu’il a transformé en Nouvelle Résistance puis en UR.). 20. CEH, 10 août 1976. 21. Cf. Jean-Pierre Faye et Anne-Marie de Vilaine, La Déraison antisémite et son langage, Actes Sud, 1996, pp. 199-206; Adolf Hitler, Mein Kampf, Nouvelles Editions Latines, p. 302 et p. 325. Ce rejet du racialisme et de la théorie de la lutte des races signifie que le qualificatif de néo-nazi, usité par beaucoup d’auteurs pour désigner Duprat, ne convient pas pour le caractériser. Lorsque Valérie Igounet demande à Maurice Bardèche si Etre révisionniste, c’est être antisémite… et antisioniste?, celui-ci répond sans fioriture que C’est la même chose. (entretien de Bardèche avec Valérie Igounet, très aimablement communiqué à l’auteur). 22. In Grégory Pons, op. cit., p. 69. 23. Militant, octobre 1980. La FANE était soupçonnée à tort d’être la responsable de l’attentat de la rue Copernic. Son sigle avait signé cinq attentats, quoiqu’elle se défendît d’en être l’auteur. Elle avait adressé peu auparavant à des personnalités juives un courrier proférant: Pour Kippour la FANE vous souhaite… de TOUS crever! Heil Hitler! Son numéro d’avril 1980 portait en couverture: La FANE? … Une certaine idée de la France… avec en illustration deux hommes en costume stylisé d’Unterfcharführer SS. 24. CEH, 20 juillet 1976. Les éditions de Freda ont une ligne politique claire, ainsi rééditent-elles des textes antisémites évoliens (Julius Evola était le théoricien de la race et de la Tradition, doctrine d’ésotérisme fasciste) et Les Protocoles des Sages de Sion, avec des annexes visant à démontrer que des événements prédits se seraient déjà déroulés (CEH, 03 août 1976). 25. Démocratie moderne, 21 mai 1970. Leader de la mouvance solidariste (GAJ) puis du mouvement NR après l’assassinat de Duprat, il organise le rapprochement de cette nébuleuse avec le FN à la fin des années quatre-vingts. Editeur, il publie les textes d’Evola ou La France juive de Drumont. Exclu de TV par Christian Bouchet, il est devenu un cadre d’Idées-Action, le club politique d’Alain Madelin, son ancien camarade d’Occident. 26. Christophe Bourseiller, Les Ennemis du système, Robert Laffont, 1989, p. 38. 27. François Duprat, Défense de l’Occident, février 1967, pp. 112-120. La FEN avait déjà préconisé que les allocations sociales soient réservées aux Français (Cahiers universitaires, septembre-octobre 1962; il s’agit de l’organe de la FEN). 28. François Duprat, Le Fascisme dans le monde, ibid. 29. François Duprat, «La Marche vers le pouvoir», in François Duprat, Michel Faci, La Montée du nationalisme en Grande-Bretagne, 1977, Supplément à la Revue d’Histoire du fascisme, juin-juillet 1977, pp. 33-35. 30. Cf. Pour un Ordre Nouveau; ON, Ordre Nouveau, supplément à Pour un Ordre Nouveau, juin 1972; Henri Laux, La Formation du Front National pour l’Unité Française (octobre 1972-juin 1973), mémoire de diplôme, I. E. P. de Paris, 1974; Le Figaro, 12 février 1974. A notre sens, c’est là une étape de l’édification du néo-racisme qu’omet à tort M. Taguieff (cf. son article fondateur sur le sujet: «Présences de l’héritage nazi: des “nouvelles droites” intellectuelles au “révisionnisme”», Droit et liberté, janvier 1981 [PHDN: Cette étude a été republiée avec quelques modifications dans Les Nouveaux Cahiers, no 64, printemps 1981, en ligne sur PHDN]). 31. Le National, janvier 1978. 32. CEH, 10 mai 1977. Nous faisons nôtre, pour les NR, particulièrement pour la tendance nazi-maoïste, la définition de la problématique de M. Faye en son ouvrage sur Les Langages totalitaires: un lieu bien déterminé de la topographie sera lié à une fonction singulière: celle de faire éclater les langages idéologiques et d’introduire en eux ce qui a été désigné comme la Verschänkheit (Thomas Mann), l’entrecroisement; ou encore le Schwanken, l’oscillation, l’alternance. Cette zone de l’éclateur idéologique, c’est le syndicalisme-révolutionnaire dans l’exemple italien; c’est le national-bolchevisme dans la topographie allemande. 33. CEH, 13 septembre 1977. 34. In Présent, 10 juin 1988. 35. Cité in Chronique quotidienne de l’extrême droite France 1991, brochure du MRAP, 1992. 36. Cité in Mmes Cuminal, Souchard, Wathier et M. Wahnich, Le Pen Les Mots, préface de Jean-Pierre Faye, Le Monde éditions, 1997, p. 160. 37. CEH, 31 janvier 1978. 38. Interview au Figaro magazine, 22 septembre 1991. 39. Libération, 07 novembre 1991. L’année 1991 est exemplaire: M. Raoult défend les valeurs communes RPR-FN, M. Poniatowski (PR) tient toute l’année un délire franchement raciste, M. Chirac se lamente sur le bruit et l’odeur, Mme Cresson fait l’apologie des charters, M. Longuet propose d’appliquer la préférence nationale aux versements du RMI. A l’automne, la compréhension affichée par les sondés envers le vote FN est en hausse de dix points par rapport à l’année précédente, M. Le Pen arrive en tête des hommes politiques proposant une politique satisfaisante en matière d’immigration, près de la moitié des sondés réclament l’instauration de la préférence nationale. 40. La Croix, 29 novembre 1991. 41. In National-Hebdo, 06-12 août 1998. Suite au tollé déclenché, M. Le Pen félicita publiquement M. Peltier. 42. François Duprat, CEH, 05 décembre 1974. La tactique est d’autant plus importante, que le PFN, rival du FN fondé par les-ON après leur brouille avec M. Le Pen, a une attitude hésitante envers les intégristes. Duprat cherche en conséquence à les attirer dans l’orbite du FN, la dénonciation de l’IVG fait partie de ces mains tendues. Il appelle Présent, au nom de l’unité d’action, par-delà l’affrontement idéologique entre contre-révolutionnaires et NR, à rejoindre le FN (CEH, 26juillet 1977). Il fulmine face à la constitution par les giscardiens du mouvement démocrate-chrétien: depuis plus de deux ans, je ne cesse de demander aux camarades «Nationaux-Catholiques» de créer un «Parti Social-Chrétien», afin d’utiliser cette étiquette chrétienne et d’empêcher les régitimistes de l’utiliser à leur profit. (CEH, 24 mai 1977). Le leader des GNR impose au IVe congrès du FN une motion de soutien à Mgr.Lefebvre, non sur le fond religieux, spécifié ne pas concerner le parti, mais au nom de la liberté d’expression (Le Monde, 03 novembre 1976). Les nationaux-catholiques quitteront justement la droite dite républicaine pour le FN en 1984 par refus de suivre «la juive avorteuse» aux élections européennes. 43. Cités in Maurice Szafran, Les Juifs dans la politique française, Flammarion, 1990, p. 215. 44. Le NOE adopte cette théorie immédiatement (cf. bulletin interne du NOE reproduit in Bernard Brigouleix L’Extrême droite en France, Fayolle, 1977, p. 221). Comme souvent, Duprat ne fait que vulgariser et systématiser une idée de son mentor: dès 1960 Bardèche conspue l’immigration en la décrivant telle un véritable génocide moderne (reproduit in William Karel, Histoire d’une droite extrême, deuxième partie, Arte, 3 février 1999) mais il n’insiste pas sur ce thème. 45. François Duprat, Le Manifeste nationaliste-révolutionnaire, ibid., pp. 6-7. 46. CEH, 20 juillet 1976. 47. François Duprat, Année Zéro, mai 1976, p. 5. Le nom agit en référence: c’était celui que s’était choisi un groupe terroriste né d’Ordine Nuovo, le mouvement de Pino Rauti, également fort impliqué dans la stratégie de la tension. Il a été récemment utilisé par la presse du GUD. 48. Alain Rollat, «Le Front National vingt ans après», Le Monde, 04 février 1992. 49. Le Combat européen, affilié au NOE, usait des articles de Christophersen comme accroche, sa couverture de son numéro de février 1976 titrant ainsi La Vérité sur Auschwitz. Le Combat européen a été fondé par Clémenti, célèbre collaborateur et cadre de la LVF. Duprat en fut le rédacteur-en-chef quelques semaines. Le titre fait référence au Combattant européen, l’ancien journal de la LVF dont Saint Loup (Marc Augier, dit) était le rédacteur en chef, avant que René Binet ne le reprenne brièvement en 1946, en lui donnant un axe plus ou moins national-bolchevique, dans l’espoir de regrouper les anciens Waffen SS. Michel Caignet (Miguel Caignet, dit) sera un des cadres de la FANE. Il fut vitriolé par un commando sioniste. Il se réorienta vers la métapolitique en produisant le journal Gaie France, mélange de néo-nazisme et d’idéologie néo-droitière, revue pédophile sous couvert de pédérastie. Il a été condamné en 1997 à quatre ans de prison dont dix-huit mois avec sursis, quarante mille francs d’amende et à l’interdiction de redevenir éditeur. 50. Patrice Chairoff, Dossier Néo-nazisme, préface de Beate Klarsfeld, Ramsay, 1977, pp. 210-241; Nadine Fresco, «Les Redresseurs de morts», Les Temps modernes, mai 1980, pp. 2150-2211; Valérie Igounet, op. cit., p. 175; Pierre Vidal-Naquet, op. cit., p. 207. Patrice Chairoff (Yvan Calzi, dit) a été entre autres: escroc diverses fois condamné, collaborateur du SAC et des RG, membre du Parti National Socialiste Prolétarien et cadre de la Worl Union of National-Socialists. Cette opération se situe à l’été 1977, or la saison estivale implique une période de creux journalistique et de globale inactivité des associations antiracistes, celles-là même qui portent plainte dans le cadre de la Loi Pleven. La date est donc parfaite pour assurer le maximum de chances de promotion par le scandale, avec un minimum de risques légaux. 51. Cf. Le Monde, 17 août 1977. Ce type de provocation publicitaire sera très usité pour les affaires Faurisson-Guillaume et Garaudy-Abbé Pierre. Duprat et Rassinier partagent une manie, outre leur antisémitisme: tous deux se sont inventés des diplômes universitaires. 52. Richard E. Harwood, Six Millions de morts le sont-ils réellement?, pp. 1-3 (format A4 édité d’après internet, nous ne connaissons pas la présentation initiale). 53. CEH, 26 juillet 1977. M. Renault fut le bras droit de Duprat. Ancien d’ON, le secrétaire-général du FN jusqu’en 1980. Il épousera la veuve de Duprat. Il édite en 1979 Les Protocoles des Sages de Sion —; qui ne furent interdits à la publication que par un arrêté du ministère de l’Intérieur en date du 22 mai 1990. Il quitte le FN avec le groupe Militant, puis se rapproche à nouveau du mouvement lepénien en entrant dans le capital de Minute en 1990. Peu après, il rejoint néanmoins l’entourage de Philippe de Villiers. 54. CEH, 07 mars 1978. Le thème du baîllon occupera une place centrale dans la propagande frontiste durant les années quatre-vingt jouant sur un double niveau: pour le grand public la dénonciation du complot politico-médiatique antilepénien, pour les extrêmes droites la dénonciation du complot judéo-maçonnique antifrontiste. 55. Source: P., camarade de Duprat, membre des GNR, candidat FN durant les années quatre-vingt, aujourd’hui cadre NR, entretien avec l’auteur; témoignage in MM. Bresson et Lionet, op. cit., p. 374. 56. In Le National, avril 1978. Cet hommage anonyme a très souvent été attribué à tort à M. Le Pen — sans que celui-ci ne porte plainte. Selon M. Taguieff, son auteur serait en fait André Delaporte (Valérie Igounet, op. cit., p. 179). Avis intéressant car cet ancien membre du Comité Central du FN, journaliste aux CEH et à Militant écrivait dans ce titre en septembre 1980: Le lobby sioniste est à l’origine de la politique de génocide visant à assassiner notre peuple pour le supplanter par des masses d’allogènes hébétées, exploitables et malléables, et à prévenir par l’arsenal répressif mis en place depuis 1972, toute réaction nationale populaire (cité in René Monzat, «Voyage au sein du FN», Cahiers Bernard Lazare, janvier 1984). Par cette mort, Duprat devient le martyr par essence. Aujourd’hui la plupart des extrémistes de droite ne connaissent guère de lui que son assassinat par les sionistes. Lors du conflit l’opposant à Stirbois, critiquant l’opportunisme politique de l’ancien dirigeant du RPR, Bruno Mégret ira chercher sa légitimité en affirmant continuer le combat de Duprat (Bruno Mégret, «Carnet de route», Présent, 23 mars 1988). Suite à la scission du FN, M. Mégret a tenu meeting le 18 mars 1999 à Rouen, la ville de Duprat. Depuis 1978, M. Le Pen menait chaque année à cette date une délégation nombreuse sur la tombe de son ancienne éminence grise. Le premier geste du groupe parlementaire FN élu en 1986 sera de se rendre sur cette tombe, afin de marquer que leur élection par le système républicain ne signifiait en rien une trahison des idéaux originels. Avant les dernières élections régionales, M. Le Pen avança la cérémonie de quelques jours, afin qu’elle puisse se dérouler avant le scrutin et ainsi montrer à M. Mégret que sa tactique d’alliances avec la droite ne se ferait pas en sacrifiant la nature du parti. Depuis la partition, tous les NR ayant suivi M. Mégret, M. Le Pen a abandonné la tenue de cette cérémonie annuelle. 57. Alain Renault, «Pour une tactique nationaliste-révolutionnaire», Défense de l’Occident, décembre 1979, pp. 71-74. 58. CEH, 26 juillet 1977. Bon nombre de ses travaux d’historien sont consacrés à ce sujet. 59. IFN, Militer au Front, dir. Bruno Mégret, Editions Nationales, 1991, p. 138; il s’agit du guide du militant. L’argument est asséné inlassablement par M. Le Pen. 60. In Le Figaro, 3 décembre 1991. 61. La propagande anti-communiste utilise l’amalgame communisme=nazisme dès l’origine de la guerre froide. 62. Propos tenus: en meeting à Nogent-sur-Marne (Le Monde, 18 février 1986), en meeting à Besançon (Le Monde, 23-24 février 1986), aux BBR de 1987 (MM. Fredet et de Saint Affrique, Dans l’Ombre de Le Pen, Hachette, 1998, p. 121) et de 1988 (MM. Bariller et Timmermans, 20 Ans au Front, préfaces de MM. Lang et Mégret, postface de M. Le Pen, Editions Nationales, 1992, p. 94). 63. Le Choc du Mois, juillet-août 1988. Le journal est dirigé par l’ex-Waffen SS M. de la Mazière (TV) et M. Brigneau (FN), antisémite et négationniste farouche qui a été milicien, premier vice-président du FN, et le journaliste le plus en vu de la presse d’extrême droite d’après-guerre. Suite à la partition du FN, il a publié un livre intitulé Le Pen m’a tuer. 64. In Le Figaro magazine, 15 septembre 1990. La dite «idéologie totalitaire» est nommée droidl’hommisme. Cette expression, qui durant des années n’a été utilisée que par la presse ou les dirigeants FN, s’est retrouvée ces dernières années chez une certaine gauche «républicaine», visiblement ignorante de l’origine du concept. 65. Etude du Choc du Mois, d’Identité, de Minute, de National-Hebdo, de Présent et de Rivarol sur la période 1980-1993, portant sur à peu près mille cinq cents exemplaires. Cf. Henry Rousso, Le Syndrome de Vichy de 1944 à nos jours, Le Seuil, 1990. 66. Durant la campagne des présidentielles de 1988, Présent édite une brochure sur cette affaire, avec consigne de lui assurer une diffusion sans cesse grandissante, et impossibilité d’en commander moins de quinze (!). Soixante-dix mille exemplaires en auraient ainsi été vendus. 67. Note interne publiée par M. Taguieff in Commission nationale consultative des Droits de l’Homme, La Lutte contre le racisme et la xénophobie, La Documentation française, 1991, pp. 152-153; M. Brigneau, «Le Journal d’un homme libre», National-Hebdo, 12 avril 1990. La journaliste Anne Tristan a infiltré le FN quelques mois. Elle narre qu’au départ il n’était question que du danger représenté par les Arabes. Et seulement au bout de cinq mois, ils m’ont dit: «Enfin, le vrai problème, ce sont les Juifs, la ploutocratie, la mainmise des Juifs sur tous les journaux, sur tous les pouvoirs…» (Différences, mars 1990). 68. Jeune Nation Solidariste, juin 1984 (JNS); Libération, 11 novembre 1985. Evolution d’importance puisque Duprat refusait et de mettre en cause le cadre de l’Etat-Nation et le principe d’homogénéité raciale. Sa conception internationale, adoptée par ON, exigeait une union mondiale des mouvements nationalistes préparant la co-existence mondiale des régimes nationalistes. On notera que ce refus de l’expansionnisme se place dans la lignée des fascistes parisiens, ce désir d’entente cordiale dans celle du co-nationalisme prêché par Szálasi, le leader des Croix fléchées hongroises (cf. François Duprat, article non signé, «Un Programme de politique étrangère: nationalisme et Occident», in ON, op. cit., pp. 226-261; François Duprat, sous le pseudonyme de Robert Cazenave, «Naissance et développement du fascisme hongrois», La Revue d’Histoire du fascisme, septembre-octobre 1972). 69. Guillaume Faye, GRECE, interview in JNS, octobre 1984 — M. Faye a eu une influence théorique sur les NR. 70. JNS, novembre 1984. 71. Le Monde, 17 avril 1984, faisant le compte rendu des deux derniers numéros d’Eléments (no 48 et 49). 72. Identité, novembre-décembre 1989; IFN, Militer au Front, op. cit., p. 46; FN, 300 Mesures pour la renaissance de la France, dir. Bruno Mégret, Editions Nationales, 1993, p. 127. 73. Nationalisme et République, été 1990, et tract cités in Eric Rossi, Jeunesse Française des années 80-90: la tentation néo-fasciste, préface de Hugues Portelli, L.G.D.J., 1995, p. 73 — l’auteur est à cette date un cadre NR. Nationalisme et République cherchait à ancrer le FN vers une ligne NR, son responsable fut nazi-maoïste, élu sur une liste d’union de la gauche, conseiller de Jacques Chirac. Le nom vise bien sûr à «adoucir» le sigle NR. Parmi les rédacteurs se trouvaient de futurs responsables de Nouvelle Résistance et UR. 74. Ce qui avait été préconisé mais non réalisé par Duprat (François Duprat, La Construction du parti révolutionnaire. Principes et méthodes, Dossiers Nationalistes, supplément aux Cahiers Européens-Notre Europe, juillet 1975). 75. Dépêches France Presse Action (i.e OAS-Métro) no 26, 17 août 1962 et no 41, 7 novembre 1962 (A.N. 79AJ30); tracts conservés aux archives du siège national du MRAP. OAS fait référence à la branche de la Résistance nommée Armée Secrète, elle jouit d’un CNR présidé par Bidault, l’ex président du CNR de la Résistance. L’un des principaux autocollants de Nouvelle Résistance reprend l’illustration d’une affiche maoïste du PCMLF. 76. In L’Idiot international, 28 décembre 1991, cf. Didier Daeninckx, «L’Obscène alliance des contraires», in Négationnistes: Les Chiffonniers de l’Histoire, Golias, Syllepse, 1997, pp. 145-164. 77. Cf. Jean-Yves Camus, «Une Avant-garde populiste: peuple et nation dans le discours de Nouvelle Résistance», Mots, juin 1998, pp. 128-138. 78. Cf. illustrations. Le titre de ce colloque est-il une allusion à l’ouvrage de Céline D’un château l’autre (1957)? L’écrivain y décrivait la fuite à Sigmaringen des ultras de la collaboration… Parmi les intervenants du colloque on notera M. Figueras. Celui-ci publie en 1997 un ouvrage dont National-Hebdo assura la publicité, mettant en avant le qualité de «vieux» résistant de M. Figueras, dont la brochure présente une Amérique complice de la Shoah, une épuration ethnique à seule fin de réserver à quelques élus la domination mondiale. Selon l’auteur les Juifs américains auraient manipulé le IIIe Reich afin d’éliminer les ashkénazes racialement dégénérés et d’obtenir cette domination. Après avoir fait main basse sur le Moyen-Orient, les USA et l’URSS, ils s’attaqueraient à l’Europe, via le Traité de Maastricht, successeur des Protocoles des sages de Sion, traité destiné à organiser ce pouvoir mondialiste auquel ceux qui escomptaient l’établir aspiraient héréditairement depuis des millénaires. (Vigilance républicaine, mars-avril 1997; postérité des thèses soviétiques d’union entre nazis et sionistes?). 79. Offensive, avril 1997. 80. National-Hebdo, 09 octobre 1997; Dépêche AFP FRS FRA / AFP-RR22 (0224); l’expression n’est pas sans rappeler celle de l’hommage funèbre à Duprat. M. Holeindre profère à propos de ces contre-manifestants que demain nous les mettrons au pas si nous sommes au pouvoir. Ils pleureront des larmes de sang! Lors de la convention frontiste de 1998, durant laquelle les militants de l’œuvre Française (à cette date satellisé par le FN) firent pleuvoir sur la contre-manifestation des tracts Dreyfus était coupable, Romain Marie lança à ceux qui brandissent des banderoles «No pasaran», une fois de plus, nous passerons! (Renaud Dély, Histoire secrète du Front National, Grasset, 1999, p. 107 et p. 153; témoignage personnel). 81. I.e: Zionist Occupation Governement, terme skinhead, inventé par les néo-nazis américains et repris par tous leurs homologues. Sa présence ici se justifie par la volonté d’attirer ces militants, UR étant résolument NR et non néo-nazi. A UR, le Juif n’est pas stigmatisé pour cause «raciale» mais en tant que type et propagateur du capitalisme et du cosmopolitisme. 82. Terme le plus souvent utilisé par les frontistes et les royalistes mais sans exclusive. 83. Terme utilisé par les NR, dont Nouvelle Résistance. 84. Reproduit in Ras l’Front, mai 1998. 85. Couverture de Résistance!, mai-juin 1998. 86. Recommandation de Carl Schmitt pour procéder à l’analyse politique, cf. Stefan Breuer, Anatomie de la Révolution conservatrice, Maison des Sciences de l’homme, 1996. 87. Guy Konopnicki, Les Filières noires, Denoël, 1996. 88. Le Monde, 29-30 octobre 1973. 89. Les royalistes seront la seule famille à refuser de participer au compromis nationaliste. Ce refus, pour cause doctrinale, n’a cependant jamais empêché qu’il existe des passerelles. 90. François Duprat, Les Journées de Mai 68, Les Dessous d’une Révolution, préface de Maurice Bardèche, Nouvelles Editions Latines, 1968, p. 172. 91. François Duprat, Le Néo-fascisme dans le monde arabe et en Amérique, ibid. 92. MM. Bresson et Lionet, op. cit., p. 187. 93. Selon Raoul Girardet c’est toujours en ce type de période que fonctionne un tel mythe, cf. Raoul Girardet, Mythes et mythologies politiques, Le Seuil, 1986. 94. Les NR se revendiquent autant du Che Guevara, du sous-commandant Marcos, que du Ba'th, de Codreanu, Evola, Mussolini, Nasser, Niekisch, Perón, Thiriart, Sorel, Strasser ou de la RSI. Nous avons préféré ne pas aborder ici la question de l’utopie NR qui, si elle n’est que très peu traitée, a déjà bénéficié néanmoins de quelques analyses (fort intéressantes) — précisons seulement que sa complexité a pour conséquence que bien peu de personnes deviennent NR par leurs lectures: dans la militance générale la désignation de l’ennemi est prépondérante. L’aspect provocateur et sophistiqué des NR («je suis fasciste, comme Che Guevara») leur apporte sans doute un certain parfum de séduction et de rupture avec l’image du skinhead ou du «beauf» écervelé , icônes souvent véhiculées concernant le militant d’extrême droite (ainsi d’un ex-militant nationaliste s’auto-définissant comme nazi, anticapitaliste, d’extrême gauche; entretien avec l’auteur). 95. Romain Marie déclare que l’IVG est un génocide et que est-ce tabou de le dire? Tout est organisé pour qu’il y ait de moins en moins de petits Européens et de plus en plus de Maghrébins. Cela va dans le sens de l’Europe cosmopolite et affairiste prônée par Guy Sorman (Présent, 26 novembre 1984). Dans Militant est affirmé: On pourrait croire qu’une main invisible dirige une opération monstrueuse d’épuration ethnique d’un continent entier, détruisant d’un côté toute procréation de petits aryens plus ou moins christianisés pour les remplacer doucement mais fermement par des allogènes […]. Tous les gouvernements européens poussés au derrière par les USA déjà dépravés, colorisés à la manière de leurs films et multiracialisés, ont-ils été contaminés, convaincus ou sont-ils simplement bouchés? (Militant, novembre 1999) 96. Puisque tous les ouvrages relatifs aux extrêmes droites stipulent que c’est M. Taguieff qui, en 1984, mena le concept de national-populisme en France, précisons que la première citation provient en fait de Duprat, Le Néo-fascisme en Occident III Amérique latine, Supplément à La Revue d’Histoire du fascisme, novembre 1975?, p. 25. 97. François Duprat in CEH, no 25 non daté, première ou deuxième semaine de juin 1974; Jean Castrillo, membre du PPF, de la Waffen SS, d’Europe-Action, membre fondateur de Militant et du FN, membre du comité central et du bureau politique du FN, actuellement rédacteur en chef de Militant et animateur de l’Association des Amis de François Duprat, entretien avec l’auteur; la couverture de François Duprat, Le Néo-fascisme en France en 1973, Cahiers Européens, Supplément à la Revue d’Histoire du fascisme, septembre 1975, porte en illustration la flamme FN, et le texte va en ce sens. 98. Entretien avec l’auteur.

L’invention d’une doxa néo-fasciste: le rôle de l’avant-garde nationaliste-révolutionnaire

Idéologie négationniste, propagandes anti-américaine, anti-immigration, anti-juive

Par Nicolas Lebourg

Domitia, no 1, octobre 2001.

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Sommaire
 Présentation de la version web
1.Introduction
2.De l’Etat français à la Nation-Europe
3.Du Fascisme comme anti-impérialisme
4.Une praxis: la propagande contre l’immigration maghrébine
5.Invention du «génocide anti-français»
6.Le Mensonge seul serait-il révolutionnaire?
7.Je suis partout!
8.Du bon usage de l’anti-totalitarisme: «La Liberté, c’est l’esclavage!»
9.Étudie la situation: où est l’ennemi?

Présentation de la version web


L’étude qui est présentée dans les pages qui suivent a été publiée dans le numéro d’octobre 2001 (p. 99-132) de la revue Domitia. Elle a ici été structurée en neuf parties afin d’en faciliter la lecture. La numérotation de ces parties ne figurait pas dans l’article original mais les titres en sont repris sauf pour l’«introduction» qui ne portait pas d’intitulé.

Domitia était la revue du CRHiSM (Centre de Recherches Historiques sur les Sociétés Méditerranéennes), rattaché à l’Université de Perpignan Via Domitia. Nous remercions son équipe, ainsi que l’auteur, de nous avoir autorisés à reproduire l’article sur PHDN.

Nicolas Lebourg est historien, spécialiste des extrêmes droites. Faisant suite à ses recherches sur François Duprat, l’un des premiers grands propagandistes négationnistes, il a consacré à sa thèse (soutenue en 2005) aux Nationalismes-révolutionnaires en France: Idéologies, Propagandes, Influences (1940-2002). Il est l’un des responsables du site Fragments sur les Temps Présents.


1. Introduction


La fin de la Seconde Guerre mondiale et la révélation de l’existence des camps d’extermination avaient placé l’extrême droite sous une opprobre morale des plus difficiles à assumer: elle était le champ idéologique dont l’exercice mena à forger le mot génocide, à créer la notion de crime contre l’humanité. La mise en pratique de l’assassinat de masse a délégitimé la théorie raciste, mais, en France, c’est surtout le discours ultra-nationaliste de l’extrême droite qui est mis en cause: collaboratrice du IIIe Reich elle est montrée du doigt en tant que traître à la Nation. Elle ne paraît plus habilitée à donner des leçons patriotiques au PCF qui, dès la Libération, place sa propagande sous le signe de la France et du «parti des fusillés». Maurice Bardèche, beau-frère de Brasillach, qui s’auto-définira une décennie après comme écrivain fasciste, se doit de reconnaître que l’esprit du temps veut que Quiconque n’a pas été un résistant a été un mauvais Français1.

La condamnation morale et civique qui frappe l’extrême droite a eu pour effet de frapper d’anathème son idéologie. Si elle veut être efficace, il n’est plus possible pour elle de recourir à son moteur naturel, à son élément premier, qu’était l’antisémitisme. Exsangues, les néo-fascistes voient leurs rangs se re-développer avec le refus du processus de décolonisation. L’échec sera flagrant mais il mène d’aucuns à s’interroger sur la nature de leur mouvement, toujours du camp des vaincus. Ses intellectuels se sont chargés de réaliser une restructuration théorique et propagandiste, tant il était certain que les mêmes vieux slogans ne pouvaient être réutilisés directement — d’autant plus que la législation antiraciste de 1881 devait être complétée en 1949, 1966, 1972, et 1990. Ceux qui choisirent d’importer en France l’étiquette de nationaliste-révolutionnaire (NR) jouèrent en ce sens un rôle de premier plan, quelque peu occulté par la masse des recherches et publications relatives au GRECE et au Front National2.

icône du GUD (Groupe union défense, 1998)
Icône du GUD (Groupe Union Défense, 1998)

En s’appuyant largement sur les langages d’autres horizons politiques que les leurs, plus légitimes, ils allaient pouvoir mettre en place un nouveau mythe mobilisateur, au sens sorélien d’un tel terme3. Pour cela, il leur faudra réhabiliter leur courant politique, acquérir une tactique et une stratégie, c’est-à-dire une propagande apte à séduire les masses et une idéologie revitalisée.


2. De l’Etat français à la Nation-Europe


Bardèche est, en importance comme en chronologie, l’un des premiers théoriciens de ce néo-fascisme. Dès 1948, il publie le premier ouvrage négationniste, Nuremberg ou la Terre promise, qui lui vaudra quelques jours de prison et un prestige incommensurable à l’extrême droite. Il participe à la tentative de création d’une internationale néo-fasciste, le Mouvement Social Européen (MSE). Essai avorté mais qui contribuera au mythe de «l’Internationale noire», et de ce nouvel «internationalisme» qui se nourrit de la vision européïste de la Waffen SS (dont la moitié des membres étaient des non-Allemands en 1944). Le MSE prône la construction d’un empire européen anticommuniste, corporatiste, placé sous la direction d’un chef désigné par plébiscite. L’empire formé devrait disposer de règles de défense et d’économie communes à ses nations intégrées, dont, à certaines conditions, des colonies. Au MSE, il y a également Mosley, le chef de file historique du fascisme britannique, auteur en 1947 et 1958 des deux ouvrages fondateurs du concept de la Nation-Europe, jouissant d’un gouvernement unique, éliminant trusts et syndicats, libérée de la tutelle américaine et de la menace soviétique, annexant un tiers de l’Afrique à son profit en une Eurafrique. Bardèche se voit confier la tâche de fédérer les divers groupes néo-fascistes français, puis, face au peu de goût de l’écrivain pour ce genre d’opérations, de créer une revue devant diffuser les thèses du MSE en France. Ce sera Défense de l’Occident qui, de 1952 à 1982, disposera des contributions des principaux intellectuels extrémistes de droite et jouera un important rôle en tant que laboratoire d’idées. La revue va chercher à diffuser de nouveaux thèmes, dont le négationnisme et l’antisionisme.4

Toujours dans l’optique de propagande du MSE, Bardèche publie un ouvrage de définition de sa conception géopolitique, qui influencera toute une conception du nationalisme. Il y expose longuement que les USA ont tué le mauvais cochon durant la Seconde Guerre mondiale, l’antifascisme ne s’étant avéré qu’un artifice de la domination bolchevique. Seuls les nationalistes ayant toujours combattu le communisme, ils seraient les seuls aptes à construire l’Europe anticommuniste, naturellement alliée aux pays nationalistes du monde arabe. Cet anticommunisme ne saurait cependant avoir pour corollaire une accointance avec les USA, l’Europe nationaliste se devant d’être indépendante des blocs:

Si la pensée de certains est de faire une Europe antifasciste et apatride, qui serait pour ainsi dire télécommandée de New-York ou Tel-Aviv, cette Europe colonisée ne nous intéresse pas du tout, et nous croyons d’autre part qu’une telle conception ne ferait que préparer l’infiltration communiste et la guerre. 5

La guerre d’Algérie va à la fois saper pour un temps toute idée d’entente avec les nationalistes arabes, mais aussi donner une dynamique à l’unité d’action entre les nationalistes d’Europe, apportant volontiers leur soutien à l’OAS. Dominique Venner, idéologue du parti néo-fasciste Jeune Nation (JN) impliqué dans l’OAS, publie en 1962 Pour une critique positive (assez inspiré du Que faire? de Lénine) où il tente de redéfinir ce que doivent être l’action et la pensé nationaliste. Il complète ce texte dans Qu’est ce que le nationalisme? affirmant entre autres une idéologie nationale-sociale d’entraide européenne, racialiste, antisémite, négationniste, et une volonté révolutionnaire sans concession aucune faite au «Régime». Il affirme que la Révolution ne sera faisable qu’une fois l’idéologie révolutionnaire définie, le parti révolutionnaire construit, idéologie que ne trouve pas encore l’extrême droite.6

Le Belge Jean Thiriart va aller beaucoup plus loin. Cet ancien membre de l’Association des Amis du Grand Reich Allemand a fondé le mouvement Jeune Europe (JE) pour soutenir le combat de l’OAS. Il devient un collaborateur des services de différentes nations arabes, entretient des liens étroits avec le camp palestinien, avec le bloc soviétique, et proposerait même à Zhou Enlai que la lutte tricontinentale devienne quadricontinentale, les nationalistes-européens œuvrant avec la Chine maoïste pour bouter les Américains hors d’Europe.7

L’influence de Thiriart sur les nationalistes d’Europe va être fondamentale — complétée par les thèses national-bolcheviques d’Otto Strasser, l’ancien idéologique scissionniste du NSDAP. Le Traité de Yalta est désigné comme un pacte où USA et URSS seraient des alliés objectifs dans le dépeçage de l’Europe. En fait, cette conception géopolitique a le grand avantage de redessiner spatialement l’opposition théorique du fascisme au communisme et au capitalisme. «Yalta» et le duopole USA-URSS prennent ici le rôle que tenaient le Traité de Versailles et la SDN dans l’économie politique mussolinienne.8 Cependant, l’ennemi désigné n’est plus tant le bolchevisme que les USA, colonisateurs de l’Europe, et, Israël, colonisateur du monde arabe. Les USA représentent l’ennemi principal car ils sont perçus comme les diffuseurs du cosmopolitisme et du matérialisme — même si Thiriart fait l’apologie du terrorisme anticommuniste.

Le premier mouvement nationaliste français à avoir explicitement utilisé le slogan US Go home! fut le Parti Républicain d’Unité Populaire (1946). Fondé par René Binet, également co-fondateur du MSE, puis responsable de sa scission donnant naissance au Nouvel Ordre Européen (NOE), ce groupuscule comptait essentiellement d’anciens communistes et d’anciens trotskystes, souvent passés par la Waffen SS — tel Binet, qui illustre bien ces deux derniers cas. D’orientation national-bolchevique, le PRUP prônait l’indépendance européenne et la violence anticommuniste. Ce mouvement sert de base en 1948 à la constitution d’un autre groupuscule mené par Binet et Bardèche, et dont les idées-forces sont cette fois la constitution de l’Europe, l’antisionisme, la revendication d’un Etat fort et populaire9.

Pour d’autres raisons, le PCF mène bientôt une campagne Us go home! d’une toute autre importance pour les masses. C’est d’ailleurs lui qui invente l’expression d’Europe des Patries, dès 1965. Alors que la propagande vichyste assimilait Israël et USA, le PCF amalgame vertement les USA et le IIIe Reich. Il dénonce en une affiche les hommes politiques anti-URSS comme les nouveaux COLLABOS de l’occupation américaine, tandis que ses membres seraient LES PATRIOTES [qui] ne pactisent pas avec l’occupant! Selon Michel Winock le thème anti-américain qui pénètre le plus la société est celui de la résistance face à la colonisation américaine, et l’imposition d’un nouveau totalitarisme, plus sournois.10

C’est également l’évolution du capitalisme qui est mise en cause sous cet angle et sous celui du conspirationnisme. La dénonciation de la montée du pouvoir technocratique donne lieu à une reconversion du mythe synarchique: la commission Trilatérale, club néo-libéral fondé en 1973 par Rockefeller, est accusée de créer des hommes d’Etat (MM. Barre, Carter et Giscard d’Estaing), aussi bien par la presse d’extrême droite que par Le Monde diplomatique ou L’Humanité. A travers la prose communiste, il est fait état du caractère néo-fasciste de la Trilatérale, la résistance devant s’organiser face aux ambitions totalitaires de l’empire américain.

L’extrême droite ne bénéficie bien sûr ni des mêmes relais ni exactement de la même vision. Henry Coston travaille à la diffusion de l’idée d’une Trilatérale dernier avatar de la Synarchie et du complot juif mondial. Créant des chefs d’Etat, la Trilatérale préparerait ainsi le gouvernement juif mondial. M. Coston est justement le théoricien du complot juif, depuis les années trente jusqu’aux colonnes de la presse frontiste, et l’inventeur de la dénonciation du B’nai B’rith. Il est à noter que ce dernier est également mis en cause par une publication soviétique de la même époque, le rapport Emilanov, publié en 1977. Ce document établit la liste des supposés Juifs et francs-maçons membres du gouvernement de Jimmy Carter — de même qu’en France on avait fait le compte des membres de la Trilatérale en son entourage. M. Carter aurait été élu sur ordre de l’organe suprême de la confédération sioniste-maçonnique, l’ordre B'nai Brith [face auquel l’URSS ne peut se défendre que par] la création d’un large front mondial antisémite et antimaçonnique sur le modèle des fronts antifascistes. Autrement l’inévitable génocide attend tous les goyim, car la menace d’une domination mondiale du sionisme fixée pour l’an 2000 pèse sur tous les goyim de la terre.11 Ce sont là des idées que l’on allait retrouver chez les nationalistes français.
 


3. Du Fascisme comme anti-impérialisme


Affiche de l’Œuvre Française détournée (voir plus bas)
affiche de l’œuvre française

Suite à la guerre du Vietnâm, la critique de l’impérialisme américain, comme celle du sionisme, a été largement menée par la contestation gauchiste estudiantine. L’apparition et l’internationalisation de ce mouvement vont être parmi les principales chances du néo-fascisme, parce qu’elles vont permettre aux nationalistes de jouer la carte de la contre-révolution préventive, et en raison des idées et langages qu’elles popularisent.

affiche de l’œuvre française

L’anti-américanisme paravent des mythologies fascistes: une ancienne affiche de l’Œuvre Française est détournée lors du défilé frontiste du premier mai 1992. À cette date, le secrétaire départemental de cette section était ouvertement néo nazi. Il devint directeur national adjoint du FNJ, rédacteur en chef de la revue du DPS, puis participa à la scission mégretiste.

C’est en Italie, dans le cadre de la stratégie de la tension ouverte par l’attentat de la Piazza Fontana, qu’est d’abord saisie la chose. Longtemps avant que le GRECE et M. de Benoist n’imposent cette idée en France, Almirante, ancien responsable de la République de Salò et leader du MSI, constate en 1972 que le fascisme doit savoir s’exprimer autrement car, dit-il, Nous sommes tous victimes, ces vingt-cinq dernières années, d’une guerre des mots. Cette guerre, les communistes l’ont gagnée. Franco Freda fonde le mouvement Lotta di Populo, dit «nazi-maoïste» pour ses mots d’ordre tels que Vive la dictature fasciste du prolétariat! ou Hitler et Mao unis dans la lutte! Contre «l’impérialisme américano-sioniste», il retrouve les principes du Goebbels première manière et en appelle à la lutte de la Périphérie contre le système, nationalistes, trotskystes et maoïstes se devant de s’unir.12

En France, les nationalistes ont les yeux rivés sur leurs camarades italiens. D’anciens militants de JE tentent d’importer les conceptions de Franco Freda en fondant l’Organisation Lutte du Peuple. Un nom qui sonne autrement que celui de Mouvement Occident, un sigle (OLP) qui fait explicitement référence au mouvement palestinien.

Le thème anti-impérialiste a intégré depuis déjà des années la question du conflit israélo-arabe. Les campagnes antisémites staliniennes se sont rapidement orientées sur l’antisionisme. Lors du procès Eichmann (1960-1961) la presse soviétique amalgame Israël et le IIIe Reich, accuse les Israéliens de s’être alliés à la RFA afin de provoquer la Troisième Guerre mondiale. En 1963, la publication soviétique Le Judaïsme sans fard représente des soldats de Tsahal affublés du faciès des caricatures antisémites mais portant croix gammées et casques à pointes. En 1969 Prudence: Sionisme, fantasmant sur l’alliance entre sionistes et nazis, et sur l’équivalence doctrinale entre sionisme et nazisme, est tiré à cinq cent mille exemplaires. Cette pente dialectique mènera l’URSS à être un producteur effréné de textes mêlant antisionisme et antisémitisme et, à la fin des années soixante-dix, le premier éditeur mondial d’écrits sur les complots des «Sages de Sion».

Les responsables arabes empruntent à la propagande soviétique l’amalgame Juifs = sionisme = nazisme. Illustration en est faite dans la charte de l’Organisation de Libération de la Palestine: en sa forme initiale (1964) l’article dix-neuf stigmatisait le sionisme en tant que mouvement foncièrement colonialiste, agresseur et expansionniste, raciste et séparatiste de par sa structure, fasciste dans ses objectifs et moyens; en sa forme révisée (1968) le vingt-deuxième article affirme que Le sionisme est un mouvement politique organiquement lié à l’impérialisme international et opposé à toute action de libération et à tout mouvement progressiste dans le monde. Il est raciste et fanatique par nature, agressif, expansionniste et colonial dans ses buts, et fasciste dans ses méthodes. Israël est l’instrument du mouvement sioniste et la base géographique de l’impérialisme mondial. En 1964, une brochure de l’OLP voit dans les Palestiniens les victimes d’un complot conjoint entre les anglo-américains et la Juiverie mondiale et tendant à transformer la Palestine en un Etat juif, devant servir de base au colonialisme et de suppôt au capitalisme monopolistique.13

L’impérialisme américano sioniste est présenté avec la symbolique nazie: recto d’un tract de l’Œuvre Française contre la guerre du Golfe (1990).
 
L’impérialisme américano sioniste est présenté avec la symbolique nazie: recto d’un tract de l’Œuvre Française contre la guerre du Golfe (1990)

La guerre des Six Jours ouvre pleinement cette période d’internationalisation de l’antisionisme. L’ONU offre une formidable légitimité aux dérives en adoptant le 10 novembre 1975 sa résolution 3379 (abrogée le 16 décembre 1991) qui considère que le sionisme est une forme de racisme et de discrimination raciale. La conférence des non-alignés à la Havane en 1979 va encore plus loin dans l’assimilation avec le nazisme en considérant le sionisme comme un crime contre l’humanité.

A l’origine, c’est l’extrême gauche qui porte cette accusation, plus encore que les staliniens, et alors que l’extrême droite française est, quant à elle, massivement pro-israélienne14. Ce pro-sionisme s’explique par différentes raisons qui sont loin de tenir du philosémitisme: désir de voir les Juifs résider hors de France, admiration pour les aspects nationalistes et socialistes d’Israël, mythe du paysan-soldat, jubilation de voir la défaite des armées arabes après l’humiliation de la guerre d’Algérie, perception d’Israël tel un bastion contre le communisme. Durant le conflit de Suez, l’officier Jean-Marie Le Pen se serait écrié qu’il était prêt à mourir pour Israël, et il avait songé à déserter avec son unité pour rejoindre Tsahal dans le combat… 15

C’est un jeune militant néo-fasciste, François Duprat, qui va transformer cet état de fait. Affirmant provenir du trotskysme, peut-être de sa composante lambertiste, ancien de JN et de l’OAS, responsable d’Occident récemment exclu pour ses liens avec les Renseignements Généraux de la Préfecture de Police, Duprat va toute sa vie chercher à recycler les propagandes gauchistes aussi bien que fascistes.16 Quoiqu’il ait été brouillon et mythomane, son action se révèle a posteriori particulièrement importante dans l’Histoire des extrêmes droites européennes.

Il réalise, avec des contributions de Bardèche, Fontaine et Rassinier, un essai sur L’Agression israélienne, document fondamental dans l’évolution doctrinale des extrêmes droites françaises. Il y expose que les USA agissent au Moyen-Orient selon les ordres du lobby juif, alors que l’intérêt occidental serait de voir Nasser réussir l’unité arabe. Il ne cesse d’y clamer que diaspora et Etat israélien constituent un ensemble solidaire. Réfutant tour à tour tous les arguments pro-sionistes extrêmes droitiers, il use de l’ensemble de l’argumentaire soviético-arabe: impérialisme, expansionnisme, racisme, bellicisme, déportations des Palestiniens, cosmopolitisme. Il vilipende la mainmise des Juifs sur les media et sur les hommes politiques en vue d’assurer la puissance du lobby sioniste. Il spécifie enfin:

Bâti sur une injustice et sur un véritable génocide (car l’expulsion de tout un peuple de sa patrie est un génocide, au même titre que son extermination), Israël poursuit, grâce au soutien inconditionnel de la juiverie internationale, sa «Solution Finale» du problème arabe. Et, à la différence de la solution finale des SS du IIIe Reich, il est bien question là d’une liquidation globale du fait arabe au sein de l’Etat juif. […] Les juifs ont tort de montrer trop ostensiblement leur puissance et de prouver que leur puissance belliciste en 1939 était aussi puissante que de nos jours. […] Il est bien possible que les mêmes causes finissent par produire les mêmes effets. […] Au moment où les agresseurs impérialistes d’Israël effectuent dans les territoires occupés leur «solution finale» du problème arabe, nous, patriotes français, réaffirmons notre solidarité avec le peuple opprimé de Palestine, dans son héroïque résistance contre l’occupation sioniste. 17

Le négationnisme est ici, pour la première fois, lié à l’antisionisme, légitimé par l’anti-impérialisme et l’antiracisme. Duprat constitue un pseudo-«Rassemblement pour la Libération de la Palestine», situé sur la ligne du Fatah, lié à la FANE, et, selon ses dires, au Parti Populaire Syrien (issu du Parti National-Socialiste Syrien). Le premier but de Duprat n’est point de soutenir la cause palestinienne mais de lutter contre le pro-sionisme extrême droitier français. Il le reconnaît avec franchise, une fois que plus aucune extrême droite n’est sioniste (situation établie à partir de 1973): En fait, le RLP était uniquement destiné à lutter contre les tendances pro-sionistes délirantes de l’extrême droite. […] Avec Maurice Bardèche, nous avons été les seuls à prendre une position nettement anti-Israël. Ce n’était pas courant à l’époque. Je suis heureux de voir que nous avons été suivis sur cette voie-là. 18

Dans ce but, il a ici rédigé un texte parfaitement syncrétique des différents antisémitismes. Duprat n’est pas catholique, pas plus qu’il ne croit en quelque religion que ce soit, mais au cours de son texte il use de l’antisémitisme catholique, qu’il lie à l’instar de Drumont à l’antisémitisme «anticapitaliste». Il juge ineptes les théories racialistes, mais cet argument fait partie de la panoplie stigmatisante et, partant, il s’en sert également. Enfin, il lie ces trois types d’antisémitisme grâce à l’antisémitisme conspirationniste.

«Le lobby juif» et «l’Etat sioniste» étant dits n’être qu’une seule force, la République et le sionisme seraient deux réalités intimement liées, la dernière étant définie telle l’idéologie pernicieuse de destruction et d’asservissement de nos nations.19 Duprat précise:

Nous avons la naïveté de croire qu’il n’existe pas seulement un état (sic) sioniste, mais une réalité à tout le moins occidentale du sionisme en tant que force politique dominante, et groupe de pression combien puissant. Nous sommes contre l’état sioniste pour deux raisons et non pour une seule:
- parce que cet état est fondé sur la spoliation et le vol, et parce que la France doit avoir une politique d’amitié avec les pays arabes.
- parce que cet état est le bras séculier d’une force politique que nous avons à combattre au sein de notre propre pays.
20

Le raisonnement fait donc d’Israël la tête de pont du fameux complot juif mondial dénoncé depuis Les Protocoles des Sages de Sion, évacuant de facto l’argument classique à l’extrême droite qui voulait que l’on reconnaisse aux Juifs le droit de vivre en Israël mais que l’on s’opposait à l’existence d’un lobby juif international.

Les deux réalités (Etat nationaliste/cosmopolitisme mondialiste) ne sont plus antinomiques mais synonymes. Cette rencontre explicite de l’antisémitisme et de l’antisionisme, appuyée sur la dénonciation d’un «mythe de la Shoah» servant à dissimuler des crimes «nazis» commis par Israël, se révèle absolument fondamentale puisque c’est la fusion de ces éléments qui était au cœur de l’idéologie antijuive nazie du théoricien national-socialiste Rosenberg, qu’elle suit l’exemple d’Hitler vitupérant que les Juifs n’ont pas du tout l’intention d’édifier en Palestine un Etat juif pour aller s’y fixer; ils ont simplement en vue d’y établir l’organisation centrale de leur entreprise charlatanesque d’internationalisme universel, et que l’Etat juif ne pouvait qu’être au point de vue territorial, sans aucune frontière.21 Ainsi, à travers le soutien aux Palestiniens, François Duprat inculque-t-il une doctrine antijuive totale et radicale.

Cette reformulation lui est d’autant plus nécessaire que le vote de la loi Pleven va interdire la publication des assertions racistes telles que celles qu’il livrait ici. L’antisionisme et le négationnisme deviennent alors d’obligatoires passages rhétoriques pour la propagande antisémite. Aspect d’importance, Duprat reconnaissait que, si la gauche gagnait les législatives de 1978, il se pourrait que comme le PC veut notre peau, nous [soyons] dissous pour «racisme». Pourtant, nous sommes inattaquables là-dessus. Mais les pressions du PC pourraient être supérieures au respect de la loi et on en arriverait à prouver — comment — que notre antisionisme est un antisémitisme bon teint.22 Pour ses camarades de Militant, la dissolution de la FANE en 1980 provint du fait qu’elle ne sut faire preuve de prudence tactique: lorsqu’on considère, avec juste raison, les sionistes comme aussi dangereux qu’un essaim de guêpes, on ne va pas farfouiller leur nid avec une badine: on adopte l’attirail nécessaire, on met un masque, on prend des gants.23

Les liens ou sympathies entre antisémites antisionistes européens et mouvements arabes antisionistes ne pouvaient qu’apparaître. Freda est aussi lié au Fatah — et le nazi-maoïste ne publie pas par hasard en Italie L’Agression israélienne24. Jean-Gilles Malliarakis, en un bulletin hebdomadaire, reprend à chaque numéro les thèmes du Fatah afin de fustiger le sionisme dominateur.25

La force de frappe des appareils staliniens et gauchistes (en 1971, la LCR est en nombre d’adhérents la première section de la IVe Internationale26), leur capacité de séduction sur l’intelligentsia (témoins Sartre et Jean-Luc Godard soutenant la Gauche Prolétarienne) permettent une large diffusion du discours antisioniste radical qui, au long terme, va servir de travail de préparation aux propagandes néo-fascistes.

Pour parvenir à un résultat, l’extrême droite a cependant beaucoup à faire, incapable qu’elle est de disposer d’un thème mobilisateur qui paraisse d’actualité.

C’est la même année, dans le même journal, que la même personne trouve ce qui s’avérera être la solution aux problèmes tactiques de ce courant politique. En un numéro spécial de Défense de l’Occident, consacré à l’anti-gaullisme et réalisé par Pierre Fontaine, François Duprat publie un article en annexe où il prétend que la baisse démographique est concomitante d’une progression de l’immigration, particulièrement nord-africaine [s’effectuant] à une cadence jamais atteinte. [Les immigrés constituent une] masse de manœuvre docile et peu exigeante. Ce qui explique l’augmentation du chômage. […] La comparaison de ces chiffres [de baisse du montant des aides sociales] avec ceux de la main d’œuvre «importée» permettra certaines conclusions que nous laissons nos lecteurs tirer seuls.27
 


4. Une praxis: la propagande contre l’immigration maghrébine


Lorsque les néo-fascistes peignaient le slogan La France aux Français, entouré de croix celtiques, sur les murs du bidonville de Nanterre, l’idée de l’immigration n’apparaissait pas, il ne s’agissait que d’un simple discours raciste. Duprat invente le discours anti-immigrés qui, à l’instar de l’antisionisme, a l’énorme avantage de laisser à penser que les gens sont attaqués pour des causes objectives et non selon les critères de leur naissance. De même que le conspirationnisme est la tentative de rationalisation de l’antisémitisme, la rhétorique anti-immigrés crée une offre et une demande raciste et un système de rationalisation des deux.

Le thème anti-immigrés est étudié dans le sens de la résurrection du nationalisme. Duprat observe patiemment les stratégies, et leurs résultats, des «partis frères». En 1970, il constate que la renaissance du nationalisme, en divers lieux, est due à la crainte qu’engendre le gauchisme. Mais il note également que le facteur de l’immigration entre en jeu dans deux cas. En Suisse, il a provoqué une explosion de la xénophobie, malgré l’opposition à celle-ci affichée par les partis parlementaires, églises et syndicats. En somme:

Un capitalisme uniquement soucieux de rentabilité immédiate et de gros gains rapides est en train de créer de toutes pièces en Europe un problème qui mine les USA […]. Dans la renaissance d’une sorte de «néo-fascisme» à l’échelle européenne, voire à l’échelle mondiale, les agissements mercantilistes d’un capitalisme revenant peu ou prou à ses traditions esclavagistes du XVIIIe siècle risque de peser très lourd.

Le cas de la Grande-Bretagne s’avère encore plus riche d’enseignements. La campagne raciste anti-immigrés, couplée à l’anti-gauchisme, de Powell, leader ultra du parti tory, lui a permis de rafler la mise dans l’électorat conservateur, de conquérir une part de l’électorat travailliste, et a reçu un fort bon accueil au sein du prolétariat.28

Les événements postérieurs montreront que l’agitation orchestrée par Powell, exigeant le rapatriement des immigrés sous peine de déclenchement d’une guerre raciale, a d’abord contenu le vote extrême droitier, puis, de par la popularisation des thèmes racistes, a permis l’apparition réelle sur la scène politique du National Front.

Duprat constate que, si en France l’extrême droite électorale joue la carte de la modération, le NF a choisi une propagande radicale et racialiste. L’absence de l’extrême gauche lui permet de tenir le secteur politique de l’opposition radicale. Ceci explique le succès rapide de la lutte contre l’immigration en Grande-Bretagne et son échec relatif en France. […] Avec la lutte contre l’immigration, le NF a sa meilleure carte politique et la joue au maximum. Elle est susceptible de lui permettre d’entrer au Parlement tôt ou tard. […] Le chômage rend beaucoup plus sensible la concurrence des travailleurs immigrés sur le marché du travail. [Un projet de loi contre la propagande racialiste a été mis en place, cependant l’efficience de ce type de disposition] est beaucoup plus mince lorsqu’il s’agit de combattre une formation politique en pleine ascension. [Les mesures anti-immigrés prises par le gouvernement ont été sans impact sur la progression du NF qui a crû et continuera à croître grâce à la crise].29

C’est cette technique que Duprat va tenter d’importer en France. Disciple appliqué de Dominique Venner, il estime que la fusion antisémitisme-antisionisme-négationnisme peut lui permettre de créer le grand parti nationaliste regroupant tous les militants essaimés dans une myriade de groupuscules. L’antisémitisme fournit une idéologie unitaire, l’anti-immigration doit servir à rallier des masses auxquelles il conviendra ensuite de faire saisir le «vrai problème».

Duprat a joué un rôle moteur dans la construction d’Ordre Nouveau, puis du Front National. Avant d’être exclu d’ON au début 1973, il a imposé différents thèmes: le gauchisme ne serait qu’une manipulation du sionisme, donc ce serait lui qui constituerait les véritables bandes armées du capital, il chercherait à manipuler les masses immigrées pour pouvoir organiser la Révolution avec le PCF auquel il est secrètement allié. Le congrès d’ON avait entériné la dénonciation du gauchisme, de l’immigration organisée par la technocratie pour saper le système social, le caractère dit totalitaire de la démocratie. Mais il avait également esquissé un discours très proche de celui de l’ethnodifférencialisme et du retournement du droit à la différence, systématisé dans les années quatre-vingts, position qui était également celle de l’ex-PPF Barthélémy au sein de la direction du FN constitué par ON. Après l’éviction de Duprat, le mouvement préférera communiquer de manière plus abrupte, éditant un tract Bougnoule go home!30

Entré au FN, Duprat s’appuie sur l’équipe de Militant, et regroupe autour de lui les différents éléments néo-nazis et néo-fascistes au sein de ses GNR.

Il devient le responsable de la stratégie et de la propagande frontistes, le numéro deux du parti. Il impose ses thèmes à M. Le Pen, qui dénonce le PCF comme cinquième colonne, les immigrés étant la sixième, et les deux ayant accompli leur jonction31. M. Le Pen ne voulait pas de la lutte contre l’immigration comme thématique de propagande, Duprat invente néanmoins un slogan, inspiré d’une affiche antisémite du NSDAP: Un million de chômeurs, c’est un million d’immigrés de trop! La France et les Français d’abord!. Pour lui, il s’agit de ne pas se limiter à la thématique anticommuniste que les partis de droite, plus respectables et ne pouvant que bénéficier du vote utile, utilisent largement. Ce thème lui permet donc de réussir l’oscillateur idéologique: pour les électeurs et pour les militants, il offre un discours national social. Il le concrétise pleinement par une affiche de 1978 qui affirme: «LES FRANÇAIS D’ABORD « 1 000 000 de chômeurs c’est 1 000 000 d’immigrés en trop» Le 12 mars 1978 VOTEZ pour les DEFENSEURS des TRAVAILLEURS FRANÇAIS FRONT NATIONAL».Ainsi, a contrario des classiques propagandes racistes, se pose le principe selon lequel «le parti national» ne combat pas les individus selon des motifs raciaux, mais, face au chômage, constitue le véritable défenseur du peuple, remplaçant le PCF dans la défense des travailleurs. Les CEH publient un éditorial, non signé par Duprat mais par le FN, qui expose les deux axes de la propagande pour les municipales de 1977: anticommunisme absolu et anti-immigration. Il y est clairement expliqué que la seule formulation doit être celle de «Un Million», qu’il faut montrer aux électeurs que la gauche au pouvoir favoriserait l’immigration. Le vote FN est dit pouvoir ainsi devenir un vote de protestation «à gauche» pour l’électorat populaire.32

Affiche de Paix et Liberté (1952) détournée (voir plus bas).
Affiche de Paix et Liberté (1952) détournée (voir plus bas)

La réussite de Duprat est d’avoir compris que le nationalisme ne pourrait resurgir d’une logorrhée raciste, rebutante de prime abord en raison du souvenir de la Shoah (d’où l’importance du négationnisme), mais de ce qui se présenterait comme une critique sociale et populaire, que le racisme en se donnant des airs d’objectivité, d’analyse économique et de responsabilité sociale, pouvait devenir l’instrument de résurrection du nationalisme. Ceci nécessitait bien sûr une période socialement difficile, et l’hebdomadaire dupratien constate que c’est bien grâce au chômage que la dénonciation de l’immigration fonctionne désormais.33

dessin de chard détournant l'affiche de 1952'

L’antiracisme est désigné comme le masque de la subversion totalitaire: l’affiche de Paix et Liberté (1952) est détournée par un dessin à la une de Rivarol, 08-15 avril 1988.

Si Stirbois, le successeur de Duprat (qu’il avait lui-même recruté), allait en ce sens, il faudra ensuite attendre «l’effet Tapie», populisme social laissant rapidement ses électeurs orphelins, pour que la «préférence nationale» reprenne pleinement, pour des raisons stratégiques, cette dimension «sociale».

Malgré son programme ultra-libéral, une fois qu’il aura fait le plein de son électorat radicalement anticommuniste, le parti de Jean-Marie Le Pen ne va pas cesser de clamer cette antienne, pour dévier à son profit les voix des classes populaires. En 1988, Stirbois déclarait que ceux qui votent traditionnellement à gauche parce qu’ils s’imaginent depuis toujours que la gauche défend les travailleurs, vont petit à petit comprendre que le mouvement qui défend le mieux les travailleurs français, c’est le Front National.34 Son éphémère successeur Carl Lang (entré au Front suite à l’assassinat de Duprat) expliquait aux militants lors de leur université d’été 1991 que le FN se devait d’éradiquer le PC [et d’en] récupérer des bouts. Nous devons comprendre ses électeurs et leur expliquer que la vraie réponse sociale, c’est la préférence nationale. L’immigration gêne moins les riches que les pauvres.35 Enfin, en 1992, M. Le Pen, dont le verbe crée encore le dogme dans le parti, évoque pour la première fois les travailleurs36, réintroduisant le terme et annonçant le virage social-raciste de son mouvement.

Enfin, Duprat saisit la nécessité d’un rapport dialectique avec la droite dite républicaine. Il rédige à ce propos un éditorial fondamental, partant de récentes déclarations de responsables du CNPF établissant la corrélation entre immigration et chômage. Il se réjouit: tandis que la droite nationale avait toujours été strictement incapable d’avoir la moindre crédibilité économique, elle y accède enfin par ce biais. De plus, les mesures de M. Stoleru avaient lavé du «pêché de racisme» nos propositions, désamorçant décisivement les campagnes furieuses du MRAP et de la LICRA à ce propos. [T]out ceci est une belle leçon pour ceux qui, il y a quelques mois, s’opposaient au sein du camp national, à la propagande anti-immigration, dont les nationalistes-révolutionnaires se montraient les plus ardents défenseurs.37

Duprat désigne là un fait qui sera par la suite au cœur de toute la stratégie frontiste: la démagogie anti-immigrés, les lois anti-immigration (officiellement stoppée depuis 1974) ne représentent pas un barrage au parti nationaliste, mais au contraire l’un de ses meilleurs modes de propagande. C’est là la vraie leçon tirée de la campagne powelliste permettant l’éclosion du NF: la droite, en récupérant langage et idées frontistes, avalise et légitime ceux-ci et constitue dès lors un élément central et indispensable de toute progression et offensive frontiste.

Le processus de lepénisation des esprits, dénoncé par Me Badinter lors du débat sur les Lois Debré, s’amorça en fait en 1983, par une «lepénisation des partis», la reprise par la droite et par la gauche d’une rhétorique anti-immigrés calquée sur celle du FN. Ainsi lorsqu’en 1991, M. Giscard d’Estaing clamera que le type de problème auquel se trouve confrontée la France se déplace de celui de l’immigration vers celui de l’invasion38, il ne fit pas que reprendre l’expression frontiste classique d’immigration-invasion, il s’attire aussi cette réponse cinglante de Bruno Mégret: Vous êtes encore en retard, nous n’en sommes plus à l’invasion mais à la colonisation39. Les associations antiracistes, qui eussent réagi violemment si de tels propos avaient émané d’un responsable FN, n’osèrent pas porter plainte pour incitation à la haine raciale contre un ancien Président de la République: comme l’indiquait Duprat, la «caution honorable» permet de «déminer» le champ propagandiste.

L’ancien Président de la République réclamait au passage que soit instauré le droit du sang: une proposition qui n’avait été formulée ouvertement antérieurement que par… les groupuscules néo-nazis, et qui va ainsi pouvoir être reprise par M. Mégret dans ses cinquante propositions, le 16 novembre 1991 (parmi les autres exigences, on remarque l’insistance concernant l’abrogation des lois Pleven et Gayssot). Dès lors, le terme de colonisation s’installera dans le discours de masse du Front National, immigration-invasion en sera un leitmotiv. Alors que ses propositions s’inspirent du programme du NSDAP, M. Mégret réfute toute comparaison avec Vichy, car il s’agirait d’une période où la France luttait contre l’invasion tout en prétendant qu’aujourd’hui, la situation est la même.40

Lorsqu’en août 1998, peu après les remous extrêmement violents provoqués par des accords FN-droites dans les nouveaux exécutifs régionaux, l’ancien Premier ministre Edouard Balladur estima naturel de s’interroger sur la mise en place de la préférence nationale, le Front National passa un nouveau cap. Martin Peltier, rédacteur en chef de National-Hebdo, déjà auteur d’articles anti-juifs et pro-Waffen SS, en appelle, face à la «question de l’immigration» à l’organisation de rafles et de camps de concentration, ajoutant que, justement, la Shoah sert entre autres (d’abord?) aujourd’hui à rendre impensables certains moyens indispensables d’une juste cause, la lutte contre l’immigration-invasion.41 Ainsi, à chaque palier passé, le parti put-il durcir son discours.
 


5. Invention du «génocide anti-français»


Le thème de l’afflux d’immigrés se lie à celui du «génocide des enfants français» par la légalisation de l’avortement. L’assouplissement de la législation relative à l’IVG apparaissait pourtant dans le programme initial du FN (1972). Toutefois, Duprat prévient que la loi Veil peut être un moyen de récupérer électorat ou cadres droitiers, aussi expose-t-il qu’il faut animer les associations, les manifestations qui s’y opposent car seule une politique de présence peut nous permettre de rejouer un véritable rôle politique.42 Il y a donc bien chez Duprat, encore une fois, derrière ce thème de propagande, la volonté de construire le parti nationaliste. La marge de manœuvre apparaît d’autant mieux que le débat parlementaire a été marqué par un certain nombre d’attaques contre Simone Veil. L’anathème contre la ministre, rescapée d’Auschwitz comme tous les députés le savent, relève clairement de la banalisation du discours antisémite sionisme = nazisme. Pour René Feit, député giscardien, la ministre mène la France au nazisme, Pierre Bas, député néo-gaulliste s’enflamme, crie à l’eugénisme néo-nazi et demande Pourquoi donc épargner les aliénés, les infirmes, les vieillards? Le nazisme les a-t-il épargnés? Dans quelle nouvelle monstrueuse conjuration se cultivent en secret ces horreurs?43

Dans les colonnes de Militant, un temps organe officiel du FN, puis du National, qui reprend cette fonction et dont M. Le Pen était l’éditorialiste et le directeur politique, Duprat va dessiner le tableau d’une France que l’on tenterait d’assassiner, dont on tenterait de détruire le peuple, via immigration et IVG (un on dans quel est inclue la Trilatérale)44.

Duprat développe alors jusqu’au bout, de manière implacable, le raisonnement de sa logique politique. Le sionisme est censé être une machine mondiale impérialiste, colonialiste et raciste ayant pour bras séculier Israël, nouvel Etat fasciste. Un fascisme issu du capitalisme financier chercherait à s’étendre par le complot sur l’ensemble de l’humanité. Il ne manquait dès lors que de se souvenir du titre de l’ouvrage que Henry Coston avait fait paraître en 1937, La France colonie juive. Duprat peint le tableau de cette nouvelle colonisation:

Le Nationalisme-révolutionnaire envisage la France comme une nation colonisée, qu’il est urgent de décoloniser. Les Français se croient libres alors qu’ils ne sont, en vérité que les jouets de lobbies étrangers, qui les grugent et les exploitent […]. Face à cette situation, nous pouvons estimer que les conditions de lutte des Nationalistes-Révolutionnaires sont similaires à celles qui furent le lot des groupes nationalistes du Tiers-Monde […]. Il est évident que cette situation de pays colonisé n’est pas perçue par nos compatriotes; cette cécité n’est due qu’à l’habileté de nos exploiteurs, qui n’ont de cesse que de prendre le contrôle des Mass-Media, puis, insensiblement, de toute notre culture nationale, dont la réalité même peut désormais être niée. […] La conscience de l’état de Nation-dominée qui est celui de notre patrie représente la première pierre de notre édifice doctrinal. En effet, nous devons estimer que notre devoir le plus impératif et le plus évident est de tout faire pour mettre fin à cet état de chose. 45

Domination-colonisation culturelle, économique, politique qui donne un sens au combat des extrêmes droites, ce sens qu’elles recherchaient désespérément depuis que la perte de l’Algérie française leur avait ôté le seul thème politique mobilisateur de l’après Seconde Guerre mondiale. La terre entière devient une grande Palestine occupée où les NR seraient l’avant-garde des peuples pour la libération nationale et sociale (de même que le ba'th se considère comme l’avant-garde de la Nation arabe). L’extension du discours antisioniste est une arme politique majeure, Duprat écrivant que QUICONQUE CROIT QUE NOTRE NATION EST COLONISEE ACCEPTERA TOT OU TARD NOS METHODES D’ACTION EN VUE DE SA LIBERATION.46

Année Zéro, texte où François Duprat appelle les GNR à se préparer au coup de force, démontre que la rhétorique, en quelques années, est parfaitement au point: droite et gauche sont dites servir les mêmes intérêts, ceux des groupes capitalistes qui oppressent notre peuple. Notre pays n’est plus qu’une colonie […]. A cet égard, le travail opiniâtre d’Henry Coston et de son équipe a été capital, en mettant à nu le processus de colonisation et d’exploitation de la France par une toute petite clique extérieure à notre peuple. [Il n’est que ce régime capitaliste dictatorial et] un Parti Communiste avide de profiter de cette décrépitude pour s’emparer du pouvoir, flanqué sur sa gauche par des pseudo-révolutionnaires, manipulés par le Sionisme.47

En somme, voici resurgir l’idée de Drumont, enrichie par tous les récents discours antisémites-anticapitalistes-antisionistes. C’est aussi une légitimité retrouvée: les néo-fascistes peuvent ainsi enfin se situer du côté de l’opprimé et non de l’oppresseur, faire renaître «le fascisme de gauche», mais toujours contre les Juifs. Le premier mode de domination de ceux-ci serait, à en croire Duprat, le «mythe de la Shoah», aussi devient-il le principal propagandiste négationniste.
 


6. Le Mensonge seul serait-il révolutionnaire?


Le service librairie des CEH est des plus éloquents: selon le recensement effectué par Alain Rollat, il ne proposa pas moins d’une vingtaine d’ouvrages négationnistes.48 Duprat collabore avec le NOE pour ce thème. Michel Caignet, rédacteur en chef du Combat européen, traduit l’ouvrage négationniste de l’ex Waffen SS Thies Christophersen, Le Mensonge d’Auschwitz. Après que le journal l’a publié intégralement, Duprat se charge d’éditer le livre en 197649. Pour assurer sa bonne diffusion, il patiente durant les quatre-vingt dix jours où la plainte est possible, et l’expédie à tous les députés français; dès 1977, le document en serait à son troisième tirage, atteignant les soixante mille exemplaires — il s’en serait vendu un million d’exemplaires toutes éditions et traductions confondues. Il traduit et diffuse également L’Imposture du XXe siècle et Six Millions de morts le sont-ils réellement?

Ce dernier livre est extrêmement important dans l’histoire du négationnisme, il paraît avoir disposé du plus grand nombre de traductions de cette littérature. Il a été édité par le Historical Review Press, maison d’éditions du National Front, et rédigé par l’un des dirigeants de ce parti, Richard Verrall, qui le signe sous le pseudonyme de Richard Harwood.

Le lien entre sionisme et «mythe de la Shoah» est aussi clairement assuré que la consigne de diffusion donnée dans les CEH est claire. Elle est parfaitement suivie: de nombreux lecteurs commandent la brochure en plusieurs exemplaires, action complétant la diffusion de milliers d’exemplaires par la poste, envoyés aux particuliers de manière aléatoire. Vingt mille exemplaires auraient ainsi été distribués. Une telle opération réclame d’importants fonds, versés par les régimes et mouvements arabes, amenant Duprat à devenir le diffuseur international du négationnisme. Le fascicule est adressé à de très nombreux journalistes50. Profondément choqué, Pierre Viansson-Ponté décide de réagir. En faisant part de son écœurement, il place ainsi l’affaire sur la place publique51.

Que dit de si effarant ce texte? Passons sur l’argumentaire négationniste, pour ne retenir que les motivations du pseudo-universitaire, énoncées en son introduction:

Est-il possible que l’histoire des Six Millions de Juifs ait un but politique et qu’il s’agisse même d’une forme de chantage politique? […] Il est vraiment frappant de constater que le peuple juif est sorti de la Deuxième Guerre Mondiale ni plus ni moins qu’en tant que minorité triomphante.[P]ourquoi cet énorme mensonge? Quel est son but? Il a été utilisé en premier lieu sans aucun scrupule pour décourager toute forme de nationalisme. […] Tant que ce mythe est entretenu, les peuples de tous les pays en resteront l’esclave; la nécessité de la tolérance et de la compréhension internationales leur sera enfoncée dans la tête par l’ONU jusqu’à ce que la nationalité même, véritable garantie de la liberté, soit supprimée. […] Plusieurs pays anglo-saxons, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis notamment, sont exposés aujourd’hui au danger que représentent les races étrangères qui se trouvent en leur sein. Si rien n’est fait […] nous devrons subir dans un proche avenir, outre l’effusion de sang d’un conflit racial, le changement et la destruction biologique du peuple britannique […]. En un mot, nous risquons la perte irrémédiable de notre culture européenne et de notre héritage racial. Mais que se passe-t-il quand quelqu’un ose parler du problème racial, de ses implications biologiques et politiques? On lui applique la marque d’infamie […] racisme = nazis, bien sûr! […] De cette manière on décourage efficacement toute discussion raisonnée des problèmes raciaux et des efforts qu’il faudrait faire en vue de conserver l’intégrité raciale. On ne peut qu’admirer la façon dont les Juifs ont réussi à conserver leur race pendant autant de siècles et continuent à le faire aujourd’hui. Ils ont été aidés fortement par l’histoire des Six Millions qui a souligné, quasi comme un mythe religieux, la nécessité d’une plus grande solidarité raciale juive. Malheureusement, elle a eu l’effet tout à fait opposé pour tous les autres peuples en les rendant impuissants dans la lutte pour leur conservation.52

Le désir de réhabilitation du nationalisme est explicite mais, surtout, le négationnisme ouvre ici sur les nouvelles mythologies de l’antisémitisme. Les Juifs auraient gagné la Seconde Guerre mondiale à la fois pour la cause sioniste et pour la destruction des autres Etats et «races» afin d’instaurer leur domination planétaire.

 Tract pro-négationniste de Troisième Voie

Le but de cette propagande n’est donc pas tant de dénoncer le «mensonge de la Shoah» par le biais d’artifices dialectiques, mais de démontrer qu’elle n’aurait été inventée que pour servir le complot juif mondial, ce qui démontrerait l’existence de celui-ci. Alain Renault le reconnaît lorsqu’il commente la réaction de Viansson-Ponté: nous pensons que la vérité finira bien par percer. Mais ce que vous craignez sûrement c’est la question qu’elle amènera aux lèvres des Français: «Pourquoi nous a-t-on menti?». Car ce «pourquoi» sera lourd de conséquences…53

Il importe donc de lier de manière absolue antisémitisme conspirationniste et négationnisme, estimés tous ensemble constituer un mode de résurrection du nationalisme politique. Les NR voient dans le FN un moyen de diffuser cette pensée, et M. Renault prend soin d’accompagner M. Le Pen au grand meeting de la Mutualité de la campagne électorale de 1978, afin d’expliquer à l’auditoire pourquoi les maîtres occultes de la France cherchaient à bâillonner le Front National, celui-ci étant l’unique défenseur du peuple qu’ils oppriment et exploitent.54

Meeting commun entre frontistes et NR (mai 1989)

Meeting commun entre frontistes et NR (mai 1989): le FN n’apparaît pas officiellement pour ne pas se compromettre. Les numéros de téléphone renvoient à la propagande néo fasciste, comme en témoigne le tract pour l’organe de TV (octobre 1989).

Duprat en est persuadé et l’explique autour de lui: il disait que [le négationnisme] allait se développer, que ça allait prendre, indique une de ses anciennes connaissances. Selon un autre de ses anciens camarades, Duprat pensait que c’était une question fondamentale, puisque l’Holocauste servait la cause d’Israël et qu’en France il était à l’origine des lois antiracistes et antirévisionnistes.55

Duprat mystérieusement assassiné le dix-huit mars 1978, l’extrême droite française et internationale va, après quelques hésitations, attribuer ce crime à une volonté de faire taire «l’historien négationniste». Le célèbre hommage funèbre publié dans l’organe officiel frontiste précise:

Tu avais parfaitement compris que derrière l’ENNEMI APPARENT se trouvait tapi L’ENNEMI RéEL, et tu avais osé mettre en pleine lumière son mufle hideux. Nous connaissons tous le plan qu’il avait ourdi contre notre peuple: l’ouverture toute grande des vannes de l’immigration n’était que le corollaire obligé de la campagne antinataliste et de la propagande avorteuse. Contrairement à ce qu’écrivaient d’aucuns, nous osions soutenir qu’il ne s’agissait nullement d’un «suicide collectif» de la France, mais bel et bien d’un assassinat mûrement prémédité. Etudiant les noms de ses promoteurs, nous retrouvions les mêmes, incrustés dans les MEDIAS, dans les groupes gauchistes, et à la tête de certains lobby bien précis […]. Et puis enfin, pour mieux conditionner encore nos concitoyens, il y avait tous ces tabous hérités du second conflit mondial.56

Tout en étant très éloignés l’un de l’autre, et même foncièrement hostiles l’un à l’autre, Duprat comme la Nouvelle droite ont ainsi chacun à leur manière renouvelé les extrêmes droites durant les années soixante-dix. Tout en s’inscrivant dans la lignée du fascisme, Duprat a tenté de le réhabiliter, de le moderniser, et de le faire entrer dans le jeu électoral en refusant les objections sur la pureté idéologique, à son sens simple moyen des néo-fascistes de théoriser leur incapacité politique. M. Renault, encore secrétaire général du FN, affirmait ainsi:

Que le «Fascisme» et le «Nazisme» n’aient jamais été la caricature qu’on en fait, tout à fait d’accord et nombre d’historiens révisionnistes […] multiplient les travaux en ce sens. [Mais] ces expressions sont totalement discréditées en l’instant présent! Pourquoi vouloir se charger volontairement du handicap que nos adversaires s’efforcent de nous infliger? C’est pourquoi François Duprat , et ceux qui travaillent avec lui, n’ont pas estimé utile de s’affirmer «fascistes» ou «nationaux-socialistes». Si ils avaient voulu ils auraient repris purement et simplement ces épithètes […], au lieu de forger celle qui est leur: le «nationalisme-révolutionnaire». 57
 


7. Je suis partout!


Le FN obtient ses premiers succès par le biais de l’anticommunisme davantage que grâce à l’anti-immigration. L’opposition au communisme permet de se présenter positivement. Déjà, Duprat donnait cette consigne de propagande: les nationalistes étant les premiers ennemis du communisme, ils sont les premiers défenseurs de la liberté.58 Dès l’origine, le FN s’oppose en bloc aux socialismes, i.e. selon lui à l’ensemble du bloc politique, UDF et RPR compris. Selon la presse frontiste, toute évolution sociétale serait due à l’influence pernicieuse du marxisme. En outre, le nazisme et le fascisme sont dits issus du socialisme.59 Les néo-droitiers du Club de l’Horloge appartenant à la droite usent de leur position pour populariser l’idée que l’extrême droite était résistante alors même que le pacte germano-soviétique était encore en vigueur. M. Griotteray (UDF, Horloger) explique que l’affirmation contraire relève de manipulations pour empêcher la droite de s’allier avec le FN.60 L’équation définie amalgame en fait la bande des quatre au marxisme, celui-ci à l’URSS, cette dernière au nazisme61. Face à cela, le FN se pose en garant de la République…

Parmi les combats nécessaires pour le FN, il y eut bien sûr l’anti-antiracisme. Il répète que le MRAP est communiste, SOS Racisme socialiste, Ras l’Front trotskyste, la LICRA sioniste: l’antiracisme ne serait donc pas le corollaire de la République, mais le masque de la subversion totalitaire. Non seulement, après la première affaire du «détail», M. Le Pen se compare à Dreyfus, mais par surcroît il demande régulièrement si, face au complot dont il serait victime, il ne va pas porter une étoile bleu-blanc-rouge62. L’assassinat de Duprat, le vitriolage de M. Caignet, démontreraient que le pouvoir use de milices juives, nouvelles SA. Aussi, pour Le Choc du Mois, mêlant les signatures FN et TV, face au PCF, face à une droite affiliée à la Trilatérale, M. Le Pen serait le seul rempart contre le fascisme renaissant.63 Quant aux immigrés, selon MM. Le Pen et Mégret et la presse FN, ils ne sont plus les travailleurs immigrés, mais des hordes dont la violence dans les banlieues, dites territoires occupés, réalisent, après l’invasion, une épuration ethnique.

La presse frontiste joue ici un rôle important. Elle ne cesse de relayer les procès faits aux négationnistes pour témoigner de la censure censée peser sur la France, rejoignant l’idée de M. Blot, Horloger frontiste, selon laquelle l’antiracisme est devenu une idéologie totalitaire.64 Elle présente donc les anti-négationnistes comme les nouveaux Torquemada, constituant la gestapo de la pensée. Présent remplace le mot «beur» par censuré et «Juif» par tabou, à l’instar de la presse du PPF qui écrivait intouchable à la place de «Juif». Ces journaux usent d’une écriture très spécifique: les mots racisme ou fascisme y sont écrits entre guillemets lorsqu’il s’agit du FN, sans lorsqu’ils sont suivis de l’adjectif juif; apartheid et intolérance servent à qualifier l’attitude de l’établissement envers le parti, révisionnisme s’écrit sans guillemets quand il s’agit de contester l’histoire officielle, en particulier pour mettre en cause le fait que celle-ci ne reconnaisse pas les nombreux génocides de tout ordre que la presse frontiste invente (le génocide vendéen en particulier, thème où la République est décrite en analogie avec le IIIe Reich); enfin, le «matraquage politico-médiatique» dénoncé est signifié par l’utilisation de tirets et guillemets dans l’expression «les-heures-les-plus-sombres-de-notre-histoire». Cette presse a ainsi travaillé à détourner à l’avantage du FN la phase obsessionnelle du syndrome de Vichy.65

affiche de l’œuvre française

Dessin extrait de Konk fait de la résistance. 1990-1992: 3 ans de résistance en dessins, Éditions Nationales, 1993. Illustrateur de tracts négationnistes et de ceux du FN, Konk publie d’abord ses dessins dans la presse du parti. Il a participé à la scission mégretiste.

Si le FN a évité le discours antisémite entre 1980 (départ de Militant) et 1986, il ne cesse après cette date, où il est légitimé par son groupe parlementaire, d’y recourir crescendo. Après 1995, l’anti-immigration passe derrière la dénonciation du complot juif. Entre ces deux dates, son discours va se situer à un double niveau, par la dénonciation de la démocrature, de la Ripouxblique et de son totalitarisme larvé, discours populiste qui prépare l’affirmation antisémite. Pour lui, l’année 1986 a été marquée par la publication dans Le Monde d’un communiqué du B’nai B’rith. Cette organisation juive demandait à la droite de tenir son engagement de ne pas s’allier avec le parti lepénien. Pour celui-ci, l’affaire devient le diktat du B’nai B’rith, les hommes politiques de droite étant dits avoir dû prêter serment dans les loges de l’association. Celle-ci devient rapidement le centre d’accusations qui en font le symbole parfait du lobby juif, elle se voit également accusée d’être «la maison-mère», la donneuse d’ordres, des mouvements antiracistes.66

Ce «lobby juif» n’est pas directement attaquable car, comme l’affirme une note interne, c’est tactiquement mauvais et cela détériore notre image, [il faut attaquer les associations antiracistes qui lui servent d’écran et qui] constituent la partie émergée de l’iceberg, du Parti de l’étranger, ou encore du lobby pro-immigration. François Brigneau expose la même idée, à propos des prémisses de la loi Gayssot, aux lecteurs de National-Hebdo:

Les étrangers étant chez eux chez nous il faut les protéger, favoriser l’insertion des allogènes, donc affaiblir la résistance française aux métissages de toute sorte […] Sous l’action des groupes de pression: le MRAP, la LICRA, SOS Racisme, La Ligue des Droits de l’Homme cosmopolite qui est la partie visible de l’iceberg maçonnique, le parti Juif derrière tous ses masques, s’accentue la répression contre la France française. 67

La formulation du discours «communisme = Juifs = sionisme = nazisme + mensonge de la Shoah» est bel et bien passée au sein de l’offre politique. Le paradoxe veut que, pour réussir pleinement l’opération, NR et FN vont bénéficier de la disparition de ce qui fut pourtant la première motivation du militantisme d’extrême droite durant des décennies: l’existence de l’URSS «judéo-bolchevique», et que ceci va les mener à un discours qui n’est pas sans similitude avec le rapport Emilanov.
 


8. Du bon usage de l’anti-totalitarisme: «La Liberté, c’est l’esclavage!»


Le discours contre le péril rouge a, en fait, su parfaitement s’adapter, grâce au travail effectué depuis longtemps par le GRECE, relayé par les NR, et grâce aux différents éléments déjà installés. A l’instar des autres courants nationalistes, les NR adoptent l’ethnodifférencialisme néo-droitier, de manière absolue. Les premiers succès frontistes ont laissé à penser au MNR qu’une contestation «fasciste de gauche» pouvait recevoir un écho: il décide de se présenter aux élections législatives dans soixante-quinze circonscriptions, en visant trois pour cent des voix. Vœu sans lendemain: le MNR se rapproche du GRECE pour donner naissance à TV.68

Il est pour eux entendu que Le véritable duel oppose le nationalisme au mondialisme […]. Le slogan de Jean-Marie Le Pen «deux millions de chômeurs, c’est deux millions d’immigrés en trop» est totalement absurde et ne peut, en aucun cas, être le nôtre; car cela reviendrait à nier la crise […] orchestrée par la Trilatérale. Aussi la solution serait-elle Français-immigrés solidaires contre l’immigration69 qui n’est qu’arme du colonialisme US70. La revue du GRECE théorise Un nouveau tiers-mondisme selon lequel les multinationales américaines, pour disposer d’un marché mondial, doivent transformer l’Europe en une société hétérogène, «pluriculturelle» et multiraciale: c’est-à-dire s’aligner sur le modèle universel de la north american society. […] Les fast-foods croissent en proportion des immigrés [victimes d’une] déportation massive [alors que la France a déjà] un niveau excessif d’allogènes. […] La société multiraciale est le terreau du racisme [car créatrice de ghettos et de citoyens de seconde zone].71

Un mois après la chute du Mur, Identité, la revue théorique du Front National, publie un vaste dossier exposant que le combat se situe désormais entre nationalistes et mondialistes, que pour le FN le temps de la lutte contre le cosmopolitisme et le mondialisme est arrivé, réorientation effectuée sous l’égide du néo-droitier Bruno Mégret.

L’alignement néolibéral de l’offre politique, les logomachies sur la fin de l’Histoire, la fin des idéologies, l’avènement exaltant de la République du Centre, le Traité de Maastricht, mais surtout la guerre du Golfe (perçue par toutes les extrêmes droites comme œuvre du «lobby sioniste») et la proclamation par Georges Bush de l’édification d’un nouvel ordre mondial radicalisent les extrêmes droites qui croient voir se réaliser le gouvernement juif mondial promis par Les Protocoles des Sages de Sion.

La propagande populiste et la dénonciation de ce totalitarisme larvé s’entrecroisent parfaitement, le guide du militant FN précisant: Il faut progressivement installer dans l’opinion l’idée que l’adversaire est antinational, qu’il est le parti de l’étranger ou des étrangers, et qu’il poursuit un projet totalitaire. […] De ce point de vue, la peur doit changer de camp et la condamnation morale doit tomber maintenant du côté de nos adversaires. Bruno Mégret installe militants NR et néo-nazis dans l’appareil frontiste et multiplie les clins d’œil envers ces mouvances. Le nouveau programme frontiste présente une photographie d’une publicité Mac Donald’s légendée: Un libre-échangisme sans frein détruit les économies nationales au seul profit de l’idéologie cosmopolite. Il ne s’agit pas de protester contre la mondialisation ultralibérale mais d’affirmer qu’elle constitue un complot de destruction des nations et du patrimoine génétique de leurs peuples.72

C’est également ce que pense la nébuleuse NR. Un de ses titres prétend que Les transferts massifs de population qui caractérisent notre époque peuvent être assimilés à une véritable déportation. […] Si on laissait faire ce crime contre notre humanité, dans la France multiculturelle et multiraciale de leur désir, la souche européenne française ne subsisterait bientôt plus qu’à l’état de résidu. TV n’a plus de raison de se nommer ainsi et devient Nouvelle Résistance. Sous l’impulsion de Christian Bouchet, s’opère un retour en force des idées de Thiriart ainsi qu’un virage national-bolchevique. L’un des premiers tracts proclame que l’occupation allemande n’a cessé en 1944 que pour laisser place à l’occupation américaine.73 Un retour aux jeux propagandistes nazi-maoïstes est amorcé: l’organe est baptisé Lutte du Peuple, à l’instar de celui de l’OLP, la charte idéologique Pour la Cause du Peuple, le sigle représente les lettres NR à l’intérieur d’une étoile qui a tout de bolchevique. L’ennemi désigné est désormais le nouvel ordre mondial américano-sioniste. La stratégie des secteurs périphériques, chère à la LCR, est reprise et de nombreux groupes formés: Comité Anti-Mcdo, Résistance Ouvrière, etc.74

Le retournement des symboles est opéré avec une très nette reprise de l’éristique maoïste. La Gauche Prolétarienne avait dépassé la formulation du PCF et en appelait à une Nouvelle Résistance populaire (désignation de sa structure «militaire»), elle s’était dotée d’un hymne baptisé Chant des nouveaux partisans, dénonçait le système comme le nouveau fascisme doté de ses nouveaux collabos et tendait à confondre antisionisme et antisémitisme «anticapitaliste», tout en assimilant son combat à celui du Fatah. D’un autre côté existait déjà une amorce de renversement symbolique lorsque l’OAS-Métro, en même temps qu’elle effectuait une campagne antisémite et se saisissait de symboles de la Résistance dans ses appellations, arguait que la politique de l’Etat à son encontre montrait que Le Régime gaulliste, comme celui d’Adolf Hitler, a trouvé ses Juifs et que de Gaulle se rendait coupable de génocide envers ses compatriotes. Durant le conflit algérien, quelques tracts avaient dénoncé l’occupation juive censée faire suite à l’occupation allemande.75 Dans les années soixante-dix, les membres des GAJ, qui allaient former le MNR avec des ex-GNR, revendiquèrent une série d’attentats anti-américains et anti-soviétiques sous le nom de «Résistance solidariste».

Face à la superpuissance américaine, à la violence économique néolibérale, cette rhétorique est talentueuse. Une frange de l’appareil du PCF s’intéresse même au GRECE, et Alain de Benoist peut publier son texte de clôture du colloque gréciste, Us go home Contre les USA et leurs Kollabos, dans la presse proche du parti.76 Nouvelle Résistance et UR en appellent à une Périphérie planétaire, soutenant l’Afghanistan des Talibans, Cuba, la Corée du Nord, l’Iran, l’Irak, la Lybie, entretenant des liens avec les nationaux-soviétiques russes (dont le symbole est un marteau et une faucille noirs dans un cercle blanc inclus dans un carré rouge…). Ils ne cessent plus de se lever contre le lobby sioniste international, contre l’entité sioniste qu’est Israël appuyé sur l’impérialisme américain et visant à détruire les identités racialo-culturelles par son ordre mondial.77 Les NR clament lors des défilés FN du premier mai des slogans tels que A Paris comme à Gaza: Intifada!, L’Abbé Pierre avec nous! Intifada partout!, les étudiants frontistes NR criant Deauville Sentier: Territoires occupés!.

L’anti-américanisme est devenu un marqueur idéologique qui est censé représenter la dimension sociale de son émetteur. Le fameux virage social du FN n’a rien changé à son ultralibéralisme, il n’est essentiellement que diatribes anti-américaines. C’est là aussi un mode de substitution à l’incapacité de théoriser la troisième voie économique: il s’agit d’un déplacement spatial à la question politique — de même que les extrêmes droites ont su se présenter comme garantes de la liberté puisque partisanes du «monde libre» contre le bloc de l’Est, il suffit aujourd’hui de clamer son anti-américanisme pour pouvoir éviter l’analyse économique et politique critique, censée être englobée par la diatribe. Le déplacement spatial est une forme d’a-argumentation comparable au déplacement temporel, plus classique («tel énoncé est juste car il correspond à la tradition»). Partant de faits qui ne manquent pas de vérité (la volonté hégémonique américaine) la vision s’est popularisée d’un complot américain, du GATT à l’OMC, selon lequel les USA tenteraient de coloniser culturellement, économiquement, de vassaliser, politiquement et militairement, le reste du monde, et pour cela l’Europe en premier chef. A travers l’actualité (par exemple la guerre du Kosovo), ce sont Les Protocoles des sages de Sion qui sont réécrits et diffusés par des émetteurs provenant de la totalité du champ politique, mais cette réécriture passe massivement par la dénonciation d’un nouveau fascisme technocratique (voir M. Pasqua, tentant de séduire à gauche, et dénonçant le nouveau Reich lors du sommet de Seattle).

 affiche: Le Pen La Résistance

Sous l’impulsion de M. Mégret, le FN s’engouffre dans la brèche: l’affiche Le Pen La Résistance et l’édifiant colloque D’une Résistance à l’autre en 1993 sont les deux premiers pas de cette nouvelle définition.78

 
 
affiche: Le Pen La Résistance

Affiche FN, 1993. Programme du colloque publié in National-Hebdo, 29 avril-05 mai 1993.

Après 1995, M. Le Pen entame sa dénonciation de la dictature mondialiste ourdie par la fortune anonyme et vagabonde — expression de Maurras, de Brasillach, d’Henry Coston, pour désigner le «capitalisme juif». Durant les BBR de 1996, il entonne avec la foule le Chant des partisans, tandis que des spectateurs traitent des journalistes de youpins. A cette date, le FN achève sa mutation néo-droitière, MM. Blot, Le Gallou, Mégret et Vial ayant imposé leur thématique du sang et de la race. Tableau est dressé d’une France racialement pure depuis le néolithique (!) et dont le substrat biologique est détruit en même temps que ses frontières et son identité par le lobby mondialiste, i.e. l’ordre américano-sioniste, i.e. le complot juif mondial. Plus rien ne sépare ce FN mégrétisé des nationalistes. Le FNJ a récupéré le vieux slogan fasciste Ni Droite Ni Gauche, repris par le parti lui-même. M. Vial, néo-nazi, adepte de la Commune de Paris et de la Périphérie, prophète de la guerre raciale, règne sur les étudiants frontistes. La revue de ceux-ci, autoproclamés nouveaux rebelles, titre Du Che à Le Pen Les Résistants au nouvel ordre mondial, en publiant dans le même numéro un grand article pro-négationniste et un dossier sur les crimes des USA79.

Nouvelle Résistance tire les conséquences du putsch idéologique mégretiste et décide en 1996 de devenir l’aile NR du parti, «une division indépendante» comme eût dit Trotsky, et participe aux listes électorales FN.

Lors de l’ouverture du procès Papon, National Hebdo présente sur sa couverture une étoile juive surtitrée JUDAPO et explique que Juifs et francs-maçons ont poussé la France dans la guerre […] avant que les racistes juifs et leurs amis ne gagnent la paix grâce à leur puissance politique et à leur science de la propagande. Quant à M. Le Pen, il se lance lors du congrès de Strasbourg, à propos de la massive manifestation anti-frontiste, dans une diatribe d’une violence inouïe, contemptrice [des] adulateurs hier et aujourd’hui des régimes totalitaires, concluant que le totalitarisme pointe son mufle hideux.80

Nouvelle Résistance tente un regroupement des groupuscules nationalistes en se transformant en UR en 1998. Le tract annonçant la chose est largement distribué dans le défilé du premier mai. Il est provocateur et aura droit aux honneurs de nombreux journaux, assurant ainsi le lancement prochain:

Le Front National représente 15% des suffrages au niveau national, 25 à 30% dans certaines régions. Son combat électoral, juste et nécessaire, exige un certain recul, voire un silence de bon aloi, sur certains sujets historiques, anthropologiques ou, tout simplement, politiques. Cette réserve de discours n’est pas critiquable. A l’heure de la Grande inquisition, tout ne peut pas être dit, à commencer par les vérités, tout ne peut pas être fait, et notamment ce qui permettrait d’en finir. L’ennemi, qu’on l’appelle ZOG81, Big Brother82, le Système83 ou le Mondialisme, veille avec ses chiens, ses laquais, ses juges et ses journalistes. C’est pour cette raison que beaucoup de sympathisants du Front National ressentent la nécessité de s’organiser en parallèle à celui-ci afin de militer autrement et de mener un combat radical sans ruiner une chance historique d’arriver au pouvoir. Dans les facs, les groupes gauchistes (SCALP, CNT, Ras l’>Front, LCR, etc.) jouent les rebelles à 3 francs 6 sous. Kollabos de l’invasion, vociférateurs d’amphis, délateurs haineux, ils méritent une bonne claque dans la gueule. Pour leur fermer le clapet, il faut être organisé et en première ligne, c’est pour cela que combat le GUD dans les universités françaises. Dans les lycées, les LEP, les Centre d’apprentissage, etc., les enseignants marxistes, véritable secte de l’Ordre du Temple Scolaire, imposent le totalitarisme idéologique […] c’est pour cela que combat Jeune Résistance dans les lycées et parmi les jeunes travailleurs. Pour militer radicalement dans sa ville, pour ne plus être isolé, pour participer à un mouvement politique et culturel, français et européen, pour agir pour l’unité des nationalistes, des révolutionnaires et des radicaux, il faut être organisé, c’est pour cela que combattent les cercles Résistance. Pour créer un pôle radical au sein du mouvement national qui soit contre le système, contre la pensée unique, contre le politiquement correct, rejoignez-nous! 84

Autocollants d’UR (1999).Autocollant d’UR (1999)Autocollant d’UR (1999)

UR dispose de deux titres de presse judicieusement nommés Résistance! et Jeune Résistance!. S’ils sont largement ouverts à l’antisionisme, clairement néo-fascistes, ils présentent en couverture une guillotine accompagnée d’une reprise du Chant des partisans : Demain l’ennemi connaîtra le prix du sang et des larmes85. Le combat pour la liberté est défini sans ambages par l’éditorial d’août 2000 du site internet d’UR: Que nos lecteurs réfléchissent bien à une chose: la démocratie est une valeur aryenne (le thing des premiers germains), alors que la dictature a toujours été une valeur sémite (consultez certains textes de l’Ancien Testament…). Notre combat doit donc être clairement un combat pour la démocratie, mais pour une véritable démocratie, c’est-à-dire pour le pouvoir du peuple pas pour celui d’une minorité de privilégiés.
 


9. Étudie la situation: où est l’ennemi?


Il est donc désormais clairement entendu, tant au FN que chez les NR et autres nationalistes, que le fascisme est juif et que le véritable génocide global contemporain est celui qu’il exerce à l’encontre de la mythique souche indo-européenne. Les extrémistes de droite sont dès lors les véritables démocrates, résistants, défenseurs de la liberté — ce n’est pas un hasard si le B’nai B’rith judéo-maçonnico-américano-international personnifie à la fois le «lobby juif» et le «lobby antiraciste» persécuteur.

Il faut toutefois préciser que cette évolution doctrinale n’a strictement aucun rapport avec la dénomination «Front National». L’ouvrage de Guy Konopnicki a en effet popularisé l’idée que le FN, dont nombre de fondateurs étaient d’anciens collaborateurs, n’avait choisi ce nom que pour pouvoir détourner l’une des appellations de la Résistance.87 Cette affaire a été portée devant les tribunaux, via l’hebdomadaire Charlie-Hebdo, et a reçu un large écho médiatique. L’idée peut être séduisante, la présence de Bidault lors des préparatifs de création du FN tendrait à la rendre crédible, mais il faut la réfuter absolument. Cette polémique était surgie une première fois, à la naissance du parti. Un ancien résistant avait protesté face à cette «usurpation», M. Le Pen lui avait répondu en citant les organisations homonymes de Déroulède et le FN de 1934 88. C’est là une réalité d’autant plus importante que ce FN de 1934 avait été fondé dans le but d’opposer un front nationaliste au front populaire: c’est bien de la même question qu’il s’agissait en 1972, face à l’union de la gauche. Les principaux groupes composant le rassemblement de 1934 étaient: l’AF (contacté en 1972 également89), les Jeunesses Patriotes (en 1972, M. Holeindre vient au FN avec ses Jeunesses Patriotes et Sociales, qui ressemblent en bien des points à ces JP, qui s’étaient transformées en Jeunesses Nationales et Sociales), le parti franciste (dont Bousquet, ex-Waffen SS et premier trésorier du FN, était membre) et Solidarité française (l’organe du mouvement Poujade se nomma Fraternité française, nom repris par l’association caritative frontiste créée par Stirbois).

Toute l’histoire des extrêmes droites, en France mais aussi dans le monde, fourmille de «fronts nationaux». Or, c’est François Duprat, historien passionné par la politique internationale, qui use en premier de ce sigle, et il est le théoricien du mouvement NR comme mouvement anticolonialiste: ces mouvements-ci aussi choisirent de se nommer Front National à partir de 1941. De plus, Duprat évoque dans un de ses livres la préparation d’un coup d’Etat en 1968 au cas où de Gaulle laisserait les «rouges» prendre les rênes de l’Etat, afin d’assurer la prise du pouvoir par un gouvernement de Front National.90 Ce coup d’Etat devait fonctionner selon le plan-modèle défini en 1965 par le Service Information Défense, service secret italien largement impliqué dans la stratégie de la tension. C’est également lui qui est utilisé lors de la tentative de coup d’Etat en Italie par Borghèse, à la tête du Frente Nazionale, dans la nuit du sept au huit décembre 1970. Duprat se prit autant de passion pour le modèle chilien que pour l’italien. En 1976, dans Année Zéro, il prôna justement le coup d’Etat par la reprise de la tactique chilienne, les GNR devant jouer en France le rôle de Patria y Libertad — d’ailleurs le nom du journal de ce mouvement se nommait Orden Nuevo et le groupe dominait un Frente Nationalista ; informations provenant d’un Duprat, tête pensante d’un ON dominant au départ le FN, qui ne les donne pas par hasard91. Pour finir, il faut noter que, dès le combat pour l’Algérie française, M. Le Pen définissait le combat politique comme devant être front contre front et choisit pour cette raison de baptiser son mouvement d’alors le Front National des Combattants92, puis prit la tête d’un Front National pour l’Algérie française.

Ce sont là des informations qui ne fournissent en rien des corrélations absolues mais qui, toutes ensembles, et les reprises historiques en premier lieu, permettent de rejeter complètement la thèse d’une simple démarcation d’un parti empli de vieux collaborateurs du PPF voulant reprendre l’image du FN résistant. Il s’agit là d’une perspective journalistique, d’un fort bon sujet de propagande antifasciste, mais non d’un point de vue historique.

En outre, la recherche en sciences humaines et sociales ne s’est focalisée que sur l’aspect technique du négationnisme, répondant en fait à sa propre problématique, aussi brillantes que fussent certains études. Elle l’a par trop considéré comme un élément alors qu’il constitue en-soi une idéologie nationaliste, un oscillateur idéologique (comme en ont témoigné certains lambertistes, libertaires, écologistes) largement appuyé sur d’autres oscillateurs, l’anti-américanisme et le soutien à la cause palestinienne. Il importe donc d’affirmer que le but du négationnisme n’est pas en premier lieu de persuader la population de la non-existence de la Shoah mais qu’il vise plusieurs objectifs. Il recherche une banalisation des régimes fascistes, de leur nature et de leurs crimes. Il souhaite les rendre comparables aux natures et crimes des régimes libéraux et communistes. Il constitue un syncrétisme entre antisémitisme et antisionisme; Israël née de l’extermination des Juifs européens doit perdre sa légitimité afin que soit à son tour légitime sa destruction. Ceci est soutenu par un jeu de comparaison avec d’autres génocides, ou l’invention de certains, tels «le génocide vendéen», ou «le génocide palestinien» par «les nazis de Tsahal», logomachie évidemment efficace.

Le négationnisme désire donc non pas que les masses se passionnent pour les aspects techniques de la Shoah, mais qu’elles en viennent à se demander: «à qui profite le mensonge et son orchestration?». La réponse mène irrémédiablement au thème du complot juif mondial, ayant imposé le mythe de la Shoah aux Etats, aux politiques et aux media. Cette réponse est menée avec l’affirmation que le véritable génocide global contemporain serait celui de la race blanche, via l’immigration, provocatrice de métissage, la non-discrimination à l’encontre des homosexuels, la légalisation de l’avortement (la comparaison de la Shoah avec celui-ci n’étant donc pas du tout une simple manière de la banaliser — les deux derniers éléments étant plus le fait des néo-nazis et des nationaux-populistes que des NR, avant tout anti-américano-sionistes). Tous ces phénomènes seraient causés par le «complot juif mondial» afin d’asseoir sa domination planétaire (mondialiste). Le négationnisme revient donc à légitimer et la destruction d’Israël et une nouvelle solution finale du problème juif — cette définition correspond à ce que l’on pourrait qualifier d’analyse gestaltiste du négationnisme, des modulations sont donc à faire selon les individus, qu’ils soient émetteurs ou récepteurs.

Couverture de l’organe de la FANE, mars 1980.
affiche: Le Pen La Résistance

Le négationnisme constitue un véritable mythe au sens sorelien, basé sur la théorie du complot, et cela explique sans doute son succès en une période socialement très difficile.93 Il se situe enfin dans une tradition de la réponse nationaliste. En effet, Maurras et Barrès renvoyaient au rêve d’une France champêtre, antithèse de la révolution industrielle dont ils étaient les contemporains. La France juive attribuait ce qui était le fait de cette instauration de la révolution industrielle et du libéralisme au complot juif: un changement de civilisation amenait l’image d’un âge d’or, et cherchait à rationaliser les bouleversements par une cause extérieure unique et négative. Les Protocoles des sages de Sion, rédigés pour contrer l’évolution libérale de la Russie tsariste, poursuivent aujourd’hui leur carrière. L’apparition de la technocratie, la crise des années trente, la défaite de 1940, la persistance d’un système capitaliste malgré la Révolution Nationale, ont amené le mythe de la Synarchie. Aussi, l’éclosion de l’ère post-industrielle, de la révolution conservatrice néolibérale, du pouvoir toujours grandissant de la technocratie et des media, phénomènes connexes, a donné le jour aux mythes de la Trilatérale, du B’nai B’rith, a été à l’origine d’une nouvelle diffusion des Protocoles; en quelque sorte le mythe du complot est (au sens jungien) l’ombre de la réalisation d’une utopie qui s’impose aux réalités sociales.

L’axiome posé par Dominique Venner et souvent repris par François Duprat, pas de parti révolutionnaire sans idéologie révolutionnaire, a enfin obtenu sa solution, une véritable idéologie étant constituée tant au niveau de l’utopie qu’à celui de la désignation de l’ennemi94. Ce dernier point a parfaitement fait l’économie de la présence de l’URSS: mieux , la fin du bloc soviétique a permis aux NR et aux néo-droitiers de pouvoir fournir un «ennemi de rechange» aux autres extrémistes de droite, de donner une connotation socialisante au parti lepénien, et d’ainsi faire avancer ses propres conceptions utopiques au sein de ce champ. Il ne saurait être question de sous-estimer l’importance d’une définition de l’ennemi lorsqu’il s’agit d’extrémisme politique, l’adversaire se voyant chargé de donner une forme aux velléités de révolution et de rationalisation. L’ennemi désigné par les NR a obtenu l’assentiment, pour sa totalité ou pour partie de ses schèmes, des extrémistes de droite, depuis les nationaux-catholiques jusqu’aux nationalistes-européens95.

Le comportement militant NR est bien celui d’une avant-garde (terme revendiqué par Duprat et M. Bouchet). Ses rangs n’ont jamais atteint les trois cents adhérents, mais elle a su apporter des éléments langagiers et des idées à un parti national-populiste en croissance96. La formation du Front National était d’abord pour Duprat un moyen de fédérer le vote des mécontents ne désirant pas voter pour l’Union de la Gauche, afin, grâce au talent oratoire de M. Le Pen qu’il espérait manœuvrer, de les mener à un parti néo-fasciste97, tandis que l’utilisation de l’étiquette NR était un moyen de fédérer les nationalistes. Car si le point commun le plus évident entre toutes les extrêmes droites est l’antimarxisme (ce qui permit la création du FN), le point commun entre tous les nationalistes est la croyance en un complot juif. Par ce biais, condition sine qua non, peuvent être unis tous les nationalistes sous une étiquette homogénéisante, et une forme de combat peut leur être imposée. UR s’est positionné face au FN mégretisé exactement comme l’étaient les GNR (ce que reconnaît parfaitement M. Bouchet98), afin de servir d’aiguillon idéologique au parti, d’en constituer l’avant-garde, d’assurer une propagande plus radicale servant en fin de compte au FN. Alors que le discours de masse de celui-ci a trouvé sa mise en forme consensuelle grâce à la Nouvelle droite et aux dérapages de l’ensemble du champ politique, essentiellement de la droite dite républicaine, les NR lui ont apporté un discours de rupture, largement emprunté à l’autre extrémité de l’espace politique.

La partition du FN n’est pas pour eux une bonne nouvelle, UR considérant, avant les européennes, qu’en cas d’échec de Bruno Mégret les NR feraient un recul de vingt ans. Il est, en effet, possible de considérer que la relation FN-GNR de 1978 est actuellement celle d’UR et du MNR. Le choix de cette appellation de Mouvement National Républicain témoigne parfaitement de la situation de M. Mégret. Celui-ci avait mené la campagne des élections régionales avec le slogan National et Républicain, les initiales étant marquées sur ses affiches pour bien désigner le sigle NR — complètement inconnu de son électorat. En la situation très difficile où il se trouve actuellement, ce sigle lui permet à la fois de donner des gages aux militants NR dont il serait incapable de se passer, par ce clin d’œil à leur propre MNR, et, conformément à sa stratégie, de se positionner en «républicain» vis-à-vis des masses électorales.

La présente rémission de l’extrême droite n’empêche pas que la population française a subi une imprégnation national-populiste. L’ensemble de la presse française adopta la thèse de la profanation du cimetière de Carpentras en tant que complot gouvernemental anti-frontiste: c’est là le signe d’une vulnérabilité évidente. De plus, à la question Y a-t-il trop de Juifs en France? la réponse affirmative des sondés a évolué de 24% en 1990 à 35% en l999, ce chiffre passant à 63% pour les Arabes en 1999. Lorsque M. Le Pen évoqua l’inégalité des races, il provoqua une hausse de douze points des réponses positives à la question portant sur le droit d’exprimer une telle idée dans les journaux, de neuf points pour celle acceptant le droit d’exprimer cette idée dans les campagnes électorales (sondages annuels de la Commission nationale consultative des Droits de l’homme). Si l’offre politique raciste est en plein désarroi, la demande, elle, existe, et un espace persiste pour un mouvement extrémiste de droite, le seul qui puisse prétendre avoir «la légitimité politique» à résoudre «la question raciste».


Notes.

1. Maurice Bardèche, Lettre à François Mauriac, La Pensée Libre, 1947, p. 14.

2. Les principaux mouvements NR français sont issus les uns des autres, ce sont: les Groupes Nationalistes-Révolutionnaires (GNR; 1976), le Mouvement Nationaliste Révolutionnaire (MNR, 1979), Troisième Voie (TV; 1985), Nouvelle Résistance (1991) et Unité Radicale (UR; 1998). L’attitude du GUD dépend des époques, il participe actuellement à UR.

3. En ces Réflexions sur la violence (1906), Sorel définit le mythe comme une expression de volonté mobilisatrice, un élément irréfutable, traduction des convictions d’un groupe en langage de mouvement.

4. Cf. Ghislaine Desbuissons, Itinéraire d’un intellectuel fasciste: Maurice Bardèche, thèse de doctorat, I.E.P. de Paris, 1990; Anne-Marie Duranton-Crabol, L’Europe de l’extrême droite de 1945 à nos jours, Complexe, 1991; Valérie Igounet, Histoire du négationnisme en France, Le Seuil, 2000.

5. Maurice Bardèche, L’œuf de Christophe Colomb, Les Sept Couleurs, 1951, pp. 1-137.

6. Qu’est ce que le nationalisme?, Europe-Action, numéro spécial, mai 1963. L’information selon laquelle M. Venner fut le principal rédacteur de ce numéro provient d’Alain de Benoist, courrier à l’auteur. La revue est née de la Fédération des Etudiants Nationalistes, fondée par Duprat et François d’Orcival afin d’offrir une «couverture» à JN. Une partie des membres ira fonder Occident (MM. Duprat, Longuet, Madelin, Robert), puis Europe-Action se scindera entre le GRECE (Alain de Benoist, Pierre Vial) et la revue Militant (les anciens Waffen SS Jean Castrillo, Bousquet, Pauty). Celle-ci participe à la fondation du FN qu’elle quitte à la fin 1980, refusant de collaborer plus avant avec Stirbois, accusé d’être Juif et sioniste. Militant fonde en 1983 le Parti Nationaliste Français (dont le sigle fait référence au PNF de Mussolini), dont le PNFE est une scission plus ouvertement néo-nazie.

7. Christophe Bourseiller, Les Maoïstes, Plon, 1996; Frédéric Laurent, L’Orchestre noir, Stock, 1978; René Monzat, Enquêtes sur la droite extrême, Le Monde éditions, 1992. Le nom de Jeune Europe avait déjà été utilisé pour un ouvrage de 1933 de Marc et Dupuis, du groupe anti-conformiste Ordre nouveau, pour une revue d’Evola en 1942, et était celui d’un mouvement de la France vichyste dont le logo a été repris par le Parti Communautaire-National européen, dont le dirigeant, disciple autoproclamé de Thiriart et ancien membre du mouvement néo-nazi FANE (Fédération d’Action Nationale et Européenne), estimait au temps de l’URSS que celle-ci était l’héritière du IIIe Reich. Le PCN, sans activité réelle en France, se présente comme le concurrent de l’autre mouvement national-bolchevique, UR, proche de Bruno Mégret.

8. Sur Versailles et la SDN, M. Milza note: Pacifisme, respect du statu quo territorial et démocratie se trouvent ainsi étroitement associés pour constituer un bloc politico-idéologique ayant à la fois des implications nationales et internationales, toute atteinte à l’un de ses éléments débouchant sur une remise en question de l’ensemble. D’une certaine façon le fascisme est né de cette remise en cause globale. Il s’inscrit dans une perspective révisionniste et correspond à une attitude de refus de l’ordre international fondé sur les traités. (Pierre Milza, «Fascisme et relations internationales», Relations internationales, printemps 1980, p. 36)

9. François Duprat, Les Mouvements d’extrême droite en France de 1944 à 1971, Les Editions de l’Homme libre, 1998, première édition: 1972, pp. 36-39.

10. Philippe Buton et Laurent Gervereau, Le Couteau entre les dents. 70 ans d’affiches communistes et anticommunistes, préface d’Annie Kriegel, Chêne, 1989, p. 110; Géraud Durand, Enquête au cœur du Front National, Jacques Grancher,1996, p. 126. Michel Winock, Nationalisme, Antisémitisme et fascisme en France, Le Seuil, 1990, pp. 50-83.

11. Jean-Yves Camus, René Monzat, Les Droites nationales et radicales en France, P.U.L., Lyon, 1992, p. 79; Olivier Dard, La Synarchie ou le mythe du complot permanent, Perrin, 1998, pp. 162-169; François de Fontette, Sociologie de l’antisémitisme, P.U.F., 1991, p. 66; Léon Poliakov, «La Russie au XXe siècle», dir. Léon Poliakov, Histoire de l’antisémitisme 1945-1993, Le Seuil, 1994, p. 289. Selon M. Monzat les ventes totales des livres de M. Coston «démontrant» l’existence du complot juif mondial représenteraient quarante mille exemplaires (Le Monde, 22 novembre 1996).

12. Cf. Jean-Pierre Faye, Langages Totalitaires, Hermann, 1972; Pierre Milza, Fascisme français. Passé et présent, Flammarion, 1991; Luciano Cheles, «Le “New look” du néo-fascisme italien», in Droite, Nouvelle droite, extrême droite. Discours et idéologie en France et en Italie, Mots, mars 1986, dir. Simone Bonnafous, Pierre-André Taguieff, pp. 29-42. Le concept de la périphérie est repris par le GRECE. Franco Freda écrivait en 1970 que La dénonciation du pacte atlantique et de son organisation militaire, ainsi que la coupure des liens qui rattachent… l’Italie aux structures néo-capitalistes supra-nationales… devra provoquer l’insertion active de l’Etat populaire dans l’aire des Etats qui refusent… les blocs impérialistes au pouvoir. L’Etat populaire fera alliance avec les Etats réellement anticapitalistes et favorisera les mouvements de lutte contre les systèmes capitalistes (démocraties «occidentales» et «socialistes») (cité in Franco Ferraresi, Les Références théorico-doctrinales de la droite radicale en Italie, in Mots, ibid., pp. 19-21). En France le nazi-maoïsme ne prendra guère, même si Duprat a affirmé l’existence de similitudes entre national-socialisme et marxisme-léninisme (François Duprat, Les Nouveaux communistes. Les Partis pro-chinois dans le monde, Défense de l’Occident, numéro spécial, janvier 1968, et «Révolution du nihilisme au pays de Mao », in Rivarol, 19 janvier 1967, quoique l’on note en ce dernier une légère confusion avec le trotskysme de tendance pabliste — qui prophétisait d’ailleurs l’alliance mondiale de tous les opposants à l’impérialisme américain, quelle que soit leur origine idéologique). Cette sympathie pour le maoïsme peut peut-être également s’expliquer pour part par la tendance de ses militants européens au décalque de la propagande chinoise. Or, les codes de celle-ci comptaient effectivement de lourdes analogies avec ceux de l’Allemagne nazie et de l’Italie fasciste (cf. Pierre Fresnault-Deruelle, «L’Avenir d’une régression (à propos d’une affiche de l’ère fasciste)», Matériaux pour l’Histoire de notre temps, octobre-décembre 1990). En fait, l’un des résumés les plus simples et les plus justes fut sans doute donné par un ancien membre des Jeunes de l’Europe Nouvelle (dont le premier Jeune Europe était une scission), ancien Waffen SS, qui tenait un stand maoïste dans la Sorbonne occupée de Mai 68: Avec les Chinois, je continue mon vieux combat, à la fois contre les soviétiques et contre les Américains. (Pierre-Phillipe Lambert, Gérard Le Marec, Partis et mouvements de la Collaboration. Paris 1940-1944, Jacques Grancher, 1993, pp. 149-151)

13. Gaspar Lorand, Histoire de la Palestine, Maspero, 1978; Yohanan Manor, «L’Antisionisme», Revue française de sciences politiques, avril 1984; Léon Poliakov, Les Nouveaux antisémites, colloque du MRAP, 15 décembre 1979, cité in compte-rendu interne de l’association; Léon Poliakov, «La Russie au XXe siècle», ibid.; Pierre-André Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion. Faux et usages de faux, Berg International, 1992.

14. Rouge définit le sionisme comme expansionniste, raciste, colonialiste. L’organe de la LCR conspue ce nouvel apartheid mis en place par l’Etat sioniste sans que cela ne déclenche les protestations des démocrates bon teint (Rouge, 24 août 1973). Un tract unitaire gauchiste, signé par L’Humanité rouge (maoïste), la LCR, etc., s’applique consciencieusement à recopier le style mis en place. Ils affirment ici leur SOUTIEN TOTAL aux peuples palestinien et libanais contre l’agression sioniste, conspuent la tentative d’extermination de la population palestinienne et libanaise, les projets impérialistes sionistes et réactionnaires de l’Etat sioniste, ennemi face auquel il en est appelé par trois fois à la résistance (une fois écrit avec majuscule). Le tract dénonce encore: les troupes sionistes poursuivent leur guerre d’extermination contre l’existence même des peuples palestinien et libanais, tandis que les milieux sionistes européens manœuvrent pour les soutenir. (A.N. 79AJ44)

15. Cf. MM. Bresson et Lionet, Le Pen Biographie, Le Seuil 1994; Pierre Brinbaum, Un Mythe politique: la «République juive», Fayard, 1988; Arnaud Déroulède, L’OAS. Etude d’une organisation clandestine, doctorat d’Histoire, Université de Paris IV, 1993; in dir. Pierre-André Taguieff, L’Antisémitisme de plume. 1940-1944. Etudes et documents, Berg International, 1999.

16. Jean-Paul Brunet, La Police de l’Ombre. Indicateurs et provocateurs dans la France contemporaine, Le Seuil, 1990; Christophe Bourseiller, courrier à l’auteur; Xavier Raufer, ancien responsable d’Occident puis adjoint d’Albertini, criminologue aujourd’hui directeur de collections aux P.U.F. , entretien avec l’auteur; Michel Schneider, Les Cahiers du CDPU, octobre 1972; étude du matériel propagandiste produit par Duprat.

17. François Duprat, L’Agression israélienne, Défense de l’Occident, juillet-août 1967. Ailleurs en Europe d’autres néo-fascistes se saisissent de la propagande soviétique / populiste arabe: en Allemagne un journal d’extrême droite titre alors sur L’Auschwitz israélien du désert (cité in Pierre-Vidal Naquet, Les Assassins de la mémoire, La Découverte, 1987, p. 173), La Nation européenne, journal de JE diffusé principalement en Belgique et dans le monde arabe, se spécialise dans cette dénonciation des «Juifs nazis». Thiriart y affirme que la meilleure solution serait de délocaliser Israël aux USA, où se devraient d’émigrer tous les Juifs d’Europe non-patriotes car il n’y aura aucune place pour une cinquième colonne permanente. Cette décision serait imposée par le fait que les Juifs contrôlent entre 40 et 90% de notre cinéma, de notre radio, de la télévision, de la politique, de la presse. La conspiration politique juive n’est pas un phantasme. La Seconde Guerre mondiale aurait été provoquée par l’entourage juif de Roosevelt et la victoire que les Juifs y auraient acquise, de par la création de leur Etat, les aurait menés à penser qu’ils étaient sur la voie de la domination mondiale. En fait, la juiverie mondiale, à 99,99%, soutient de tout cœur l’Etat d’Israël et sa politique d’extermination du peuple palestinien. […] A côté d’Israël, il existe un Etat juif invisible de dimensions mondiales. Aussi, l’organe de JE met-il en cause Les Ignobles méthodes gestapistes d’Israël. (La Nation européenne, octobre 1967; novembre 1968; février 1969)

18. Notre Europe, mars 1970 — il s’agit de l’organe de la FANE; interview in Grégory Pons, Les Rats noirs, Jean-Claude Siméon, 1977. Duprat considérait les mouvements nationalistes arabes et palestiniens comme étant généralement d’obédience néo-fasciste, une fois qu’on leur aurait retiré leurs oripeaux marxistes. Il s’intéressait tout particulièrement au néo-ba'th syrien (cf. François Duprat, Le Fascisme dans le monde, Défense de l’Occident, numéro spécial, octobre-novembre 1970; Le Néo-fascisme dans le monde arabe et en Amérique, Supplément à La Revue d’Histoire du fascisme, courant 1974; déclaration faite à la première conférence de presse du mouvement Ordre Nouveau dont il était l’idéologue, citée in Alain Rollat, Les Hommes de l’extrême droite, Calmann-Lévy, 1985, p. 50; point de vue également émis dans ses conversation privées selon l’un de ses camarades, ancien responsable à ON et au GUD, correspondance avec l’auteur). Ce qu’il définit comme étant l’idéologie NR (il est largement responsable de la popularisation de cette étiquette) emprunte amplement aux nationalismes arabes, quant à l’Etat fasciste à édifier il le stipule devoir être celui du Peuple tout entier, une reprise mot pour mot de la constitution de Brejnev, apparaissant déjà dans le projet de Bakounine (François Duprat, Le Manifeste nationaliste-révolutionnaire, Supplément aux Cahiers Européens-Notre Europe, novembre 1974?; René Gallisot, «Unités et figures du national-populisme», in Populismes du Tiers-Monde, L’Harmattan, Association pour la recherche de synthèses en sciences humaines, 1997, pp. 281-316). Duprat, et à sa suite tous les NR, fait reposer implicitement sa perception du fascisme sur le système idéal-typique weberien.

19. In Cahiers Européens Hebdo (CEH), 13 juillet 1976; il s’agissait de l’organe des GNR, formation animée par Duprat à la lisière du Front National (FN) et qu’il concevait comme devant entretenir avec lui les mêmes rapports que ceux que les SA avaient avec le NSDAP (Duprat, idem, p. 14). Le journal portait en sous-titre: Pour la Cause du Peuple et de la Nation, référence à une formule de Lénine devenue devise des nationaux-bolcheviques allemands — et qui fusionnèrent un temps avec un groupe maoïste. (Christian Bouchet, entretien avec l’auteur; M. Bouchet a été militant à l’OLP, aux GNR, au MNR, à TV, qu’il a transformé en Nouvelle Résistance puis en UR.).

20. CEH, 10 août 1976.

21. Cf. Jean-Pierre Faye et Anne-Marie de Vilaine, La Déraison antisémite et son langage, Actes Sud, 1996, pp. 199-206; Adolf Hitler, Mein Kampf, Nouvelles Editions Latines, p. 302 et p. 325. Ce rejet du racialisme et de la théorie de la lutte des races signifie que le qualificatif de néo-nazi, usité par beaucoup d’auteurs pour désigner Duprat, ne convient pas pour le caractériser. Lorsque Valérie Igounet demande à Maurice Bardèche si Etre révisionniste, c’est être antisémite… et antisioniste?, celui-ci répond sans fioriture que C’est la même chose. (entretien de Bardèche avec Valérie Igounet, très aimablement communiqué à l’auteur).

22. In Grégory Pons, op. cit., p. 69.

23. Militant, octobre 1980. La FANE était soupçonnée à tort d’être la responsable de l’attentat de la rue Copernic. Son sigle avait signé cinq attentats, quoiqu’elle se défendît d’en être l’auteur. Elle avait adressé peu auparavant à des personnalités juives un courrier proférant: Pour Kippour la FANE vous souhaite… de TOUS crever! Heil Hitler! Son numéro d’avril 1980 portait en couverture: La FANE? … Une certaine idée de la France… avec en illustration deux hommes en costume stylisé d’Unterfcharführer SS.

24. CEH, 20 juillet 1976. Les éditions de Freda ont une ligne politique claire, ainsi rééditent-elles des textes antisémites évoliens (Julius Evola était le théoricien de la race et de la Tradition, doctrine d’ésotérisme fasciste) et Les Protocoles des Sages de Sion, avec des annexes visant à démontrer que des événements prédits se seraient déjà déroulés (CEH, 03 août 1976).

25. Démocratie moderne, 21 mai 1970. Leader de la mouvance solidariste (GAJ) puis du mouvement NR après l’assassinat de Duprat, il organise le rapprochement de cette nébuleuse avec le FN à la fin des années quatre-vingts. Editeur, il publie les textes d’Evola ou La France juive de Drumont. Exclu de TV par Christian Bouchet, il est devenu un cadre d’Idées-Action, le club politique d’Alain Madelin, son ancien camarade d’Occident.

26. Christophe Bourseiller, Les Ennemis du système, Robert Laffont, 1989, p. 38.

27. François Duprat, Défense de l’Occident, février 1967, pp. 112-120. La FEN avait déjà préconisé que les allocations sociales soient réservées aux Français (Cahiers universitaires, septembre-octobre 1962; il s’agit de l’organe de la FEN).

28. François Duprat, Le Fascisme dans le monde, ibid.

29. François Duprat, «La Marche vers le pouvoir», in François Duprat, Michel Faci, La Montée du nationalisme en Grande-Bretagne, 1977, Supplément à la Revue d’Histoire du fascisme, juin-juillet 1977, pp. 33-35.

30. Cf. Pour un Ordre Nouveau; ON, Ordre Nouveau, supplément à Pour un Ordre Nouveau, juin 1972; Henri Laux, La Formation du Front National pour l’Unité Française (octobre 1972-juin 1973), mémoire de diplôme, I. E. P. de Paris, 1974; Le Figaro, 12 février 1974. A notre sens, c’est là une étape de l’édification du néo-racisme qu’omet à tort M. Taguieff (cf. son article fondateur sur le sujet: «Présences de l’héritage nazi: des “nouvelles droites” intellectuelles au “révisionnisme”», Droit et liberté, janvier 1981 [PHDN: Cette étude a été republiée avec quelques modifications dans Les Nouveaux Cahiers, no 64, printemps 1981, en ligne sur PHDN]).

31. Le National, janvier 1978.

32. CEH, 10 mai 1977. Nous faisons nôtre, pour les NR, particulièrement pour la tendance nazi-maoïste, la définition de la problématique de M. Faye en son ouvrage sur Les Langages totalitaires: un lieu bien déterminé de la topographie sera lié à une fonction singulière: celle de faire éclater les langages idéologiques et d’introduire en eux ce qui a été désigné comme la Verschänkheit (Thomas Mann), l’entrecroisement; ou encore le Schwanken, l’oscillation, l’alternance. Cette zone de l’éclateur idéologique, c’est le syndicalisme-révolutionnaire dans l’exemple italien; c’est le national-bolchevisme dans la topographie allemande.

33. CEH, 13 septembre 1977.

34. In Présent, 10 juin 1988.

35. Cité in Chronique quotidienne de l’extrême droite France 1991, brochure du MRAP, 1992.

36. Cité in Mmes Cuminal, Souchard, Wathier et M. Wahnich, Le Pen Les Mots, préface de Jean-Pierre Faye, Le Monde éditions, 1997, p. 160.

37. CEH, 31 janvier 1978.

38. Interview au Figaro magazine, 22 septembre 1991.

39. Libération, 07 novembre 1991. L’année 1991 est exemplaire: M. Raoult défend les valeurs communes RPR-FN, M. Poniatowski (PR) tient toute l’année un délire franchement raciste, M. Chirac se lamente sur le bruit et l’odeur, Mme Cresson fait l’apologie des charters, M. Longuet propose d’appliquer la préférence nationale aux versements du RMI. A l’automne, la compréhension affichée par les sondés envers le vote FN est en hausse de dix points par rapport à l’année précédente, M. Le Pen arrive en tête des hommes politiques proposant une politique satisfaisante en matière d’immigration, près de la moitié des sondés réclament l’instauration de la préférence nationale.

40. La Croix, 29 novembre 1991.

41. In National-Hebdo, 06-12 août 1998. Suite au tollé déclenché, M. Le Pen félicita publiquement M. Peltier.

42. François Duprat, CEH, 05 décembre 1974. La tactique est d’autant plus importante, que le PFN, rival du FN fondé par les-ON après leur brouille avec M. Le Pen, a une attitude hésitante envers les intégristes. Duprat cherche en conséquence à les attirer dans l’orbite du FN, la dénonciation de l’IVG fait partie de ces mains tendues. Il appelle Présent, au nom de l’unité d’action, par-delà l’affrontement idéologique entre contre-révolutionnaires et NR, à rejoindre le FN (CEH, 26juillet 1977). Il fulmine face à la constitution par les giscardiens du mouvement démocrate-chrétien: depuis plus de deux ans, je ne cesse de demander aux camarades «Nationaux-Catholiques» de créer un «Parti Social-Chrétien», afin d’utiliser cette étiquette chrétienne et d’empêcher les régitimistes de l’utiliser à leur profit. (CEH, 24 mai 1977). Le leader des GNR impose au IVe congrès du FN une motion de soutien à Mgr.Lefebvre, non sur le fond religieux, spécifié ne pas concerner le parti, mais au nom de la liberté d’expression (Le Monde, 03 novembre 1976). Les nationaux-catholiques quitteront justement la droite dite républicaine pour le FN en 1984 par refus de suivre «la juive avorteuse» aux élections européennes.

43. Cités in Maurice Szafran, Les Juifs dans la politique française, Flammarion, 1990, p. 215.

44. Le NOE adopte cette théorie immédiatement (cf. bulletin interne du NOE reproduit in Bernard Brigouleix L’Extrême droite en France, Fayolle, 1977, p. 221). Comme souvent, Duprat ne fait que vulgariser et systématiser une idée de son mentor: dès 1960 Bardèche conspue l’immigration en la décrivant telle un véritable génocide moderne (reproduit in William Karel, Histoire d’une droite extrême, deuxième partie, Arte, 3 février 1999) mais il n’insiste pas sur ce thème.

45. François Duprat, Le Manifeste nationaliste-révolutionnaire, ibid., pp. 6-7.

46. CEH, 20 juillet 1976.

47. François Duprat, Année Zéro, mai 1976, p. 5. Le nom agit en référence: c’était celui que s’était choisi un groupe terroriste né d’Ordine Nuovo, le mouvement de Pino Rauti, également fort impliqué dans la stratégie de la tension. Il a été récemment utilisé par la presse du GUD.

48. Alain Rollat, «Le Front National vingt ans après», Le Monde, 04 février 1992.

49. Le Combat européen, affilié au NOE, usait des articles de Christophersen comme accroche, sa couverture de son numéro de février 1976 titrant ainsi La Vérité sur Auschwitz. Le Combat européen a été fondé par Clémenti, célèbre collaborateur et cadre de la LVF. Duprat en fut le rédacteur-en-chef quelques semaines. Le titre fait référence au Combattant européen, l’ancien journal de la LVF dont Saint Loup (Marc Augier, dit) était le rédacteur en chef, avant que René Binet ne le reprenne brièvement en 1946, en lui donnant un axe plus ou moins national-bolchevique, dans l’espoir de regrouper les anciens Waffen SS. Michel Caignet (Miguel Caignet, dit) sera un des cadres de la FANE. Il fut vitriolé par un commando sioniste. Il se réorienta vers la métapolitique en produisant le journal Gaie France, mélange de néo-nazisme et d’idéologie néo-droitière, revue pédophile sous couvert de pédérastie. Il a été condamné en 1997 à quatre ans de prison dont dix-huit mois avec sursis, quarante mille francs d’amende et à l’interdiction de redevenir éditeur.

50. Patrice Chairoff, Dossier Néo-nazisme, préface de Beate Klarsfeld, Ramsay, 1977, pp. 210-241; Nadine Fresco, «Les Redresseurs de morts», Les Temps modernes, mai 1980, pp. 2150-2211; Valérie Igounet, op. cit., p. 175; Pierre Vidal-Naquet, op. cit., p. 207. Patrice Chairoff (Yvan Calzi, dit) a été entre autres: escroc diverses fois condamné, collaborateur du SAC et des RG, membre du Parti National Socialiste Prolétarien et cadre de la Worl Union of National-Socialists. Cette opération se situe à l’été 1977, or la saison estivale implique une période de creux journalistique et de globale inactivité des associations antiracistes, celles-là même qui portent plainte dans le cadre de la Loi Pleven. La date est donc parfaite pour assurer le maximum de chances de promotion par le scandale, avec un minimum de risques légaux.

51. Cf. Le Monde, 17 août 1977. Ce type de provocation publicitaire sera très usité pour les affaires Faurisson-Guillaume et Garaudy-Abbé Pierre. Duprat et Rassinier partagent une manie, outre leur antisémitisme: tous deux se sont inventés des diplômes universitaires.

52. Richard E. Harwood, Six Millions de morts le sont-ils réellement?, pp. 1-3 (format A4 édité d’après internet, nous ne connaissons pas la présentation initiale).

53. CEH, 26 juillet 1977. M. Renault fut le bras droit de Duprat. Ancien d’ON, le secrétaire-général du FN jusqu’en 1980. Il épousera la veuve de Duprat. Il édite en 1979 Les Protocoles des Sages de Sion —; qui ne furent interdits à la publication que par un arrêté du ministère de l’Intérieur en date du 22 mai 1990. Il quitte le FN avec le groupe Militant, puis se rapproche à nouveau du mouvement lepénien en entrant dans le capital de Minute en 1990. Peu après, il rejoint néanmoins l’entourage de Philippe de Villiers.

54. CEH, 07 mars 1978. Le thème du baîllon occupera une place centrale dans la propagande frontiste durant les années quatre-vingt jouant sur un double niveau: pour le grand public la dénonciation du complot politico-médiatique antilepénien, pour les extrêmes droites la dénonciation du complot judéo-maçonnique antifrontiste.

55. Source: P., camarade de Duprat, membre des GNR, candidat FN durant les années quatre-vingt, aujourd’hui cadre NR, entretien avec l’auteur; témoignage in MM. Bresson et Lionet, op. cit., p. 374.

56. In Le National, avril 1978. Cet hommage anonyme a très souvent été attribué à tort à M. Le Pen — sans que celui-ci ne porte plainte. Selon M. Taguieff, son auteur serait en fait André Delaporte (Valérie Igounet, op. cit., p. 179). Avis intéressant car cet ancien membre du Comité Central du FN, journaliste aux CEH et à Militant écrivait dans ce titre en septembre 1980: Le lobby sioniste est à l’origine de la politique de génocide visant à assassiner notre peuple pour le supplanter par des masses d’allogènes hébétées, exploitables et malléables, et à prévenir par l’arsenal répressif mis en place depuis 1972, toute réaction nationale populaire (cité in René Monzat, «Voyage au sein du FN», Cahiers Bernard Lazare, janvier 1984). Par cette mort, Duprat devient le martyr par essence. Aujourd’hui la plupart des extrémistes de droite ne connaissent guère de lui que son assassinat par les sionistes. Lors du conflit l’opposant à Stirbois, critiquant l’opportunisme politique de l’ancien dirigeant du RPR, Bruno Mégret ira chercher sa légitimité en affirmant continuer le combat de Duprat (Bruno Mégret, «Carnet de route», Présent, 23 mars 1988). Suite à la scission du FN, M. Mégret a tenu meeting le 18 mars 1999 à Rouen, la ville de Duprat. Depuis 1978, M. Le Pen menait chaque année à cette date une délégation nombreuse sur la tombe de son ancienne éminence grise. Le premier geste du groupe parlementaire FN élu en 1986 sera de se rendre sur cette tombe, afin de marquer que leur élection par le système républicain ne signifiait en rien une trahison des idéaux originels. Avant les dernières élections régionales, M. Le Pen avança la cérémonie de quelques jours, afin qu’elle puisse se dérouler avant le scrutin et ainsi montrer à M. Mégret que sa tactique d’alliances avec la droite ne se ferait pas en sacrifiant la nature du parti. Depuis la partition, tous les NR ayant suivi M. Mégret, M. Le Pen a abandonné la tenue de cette cérémonie annuelle.

57. Alain Renault, «Pour une tactique nationaliste-révolutionnaire», Défense de l’Occident, décembre 1979, pp. 71-74.

58. CEH, 26 juillet 1977. Bon nombre de ses travaux d’historien sont consacrés à ce sujet.

59. IFN, Militer au Front, dir. Bruno Mégret, Editions Nationales, 1991, p. 138; il s’agit du guide du militant. L’argument est asséné inlassablement par M. Le Pen.

60. In Le Figaro, 3 décembre 1991.

61. La propagande anti-communiste utilise l’amalgame communisme=nazisme dès l’origine de la guerre froide.

62. Propos tenus: en meeting à Nogent-sur-Marne (Le Monde, 18 février 1986), en meeting à Besançon (Le Monde, 23-24 février 1986), aux BBR de 1987 (MM. Fredet et de Saint Affrique, Dans l’Ombre de Le Pen, Hachette, 1998, p. 121) et de 1988 (MM. Bariller et Timmermans, 20 Ans au Front, préfaces de MM. Lang et Mégret, postface de M. Le Pen, Editions Nationales, 1992, p. 94).

63. Le Choc du Mois, juillet-août 1988. Le journal est dirigé par l’ex-Waffen SS M. de la Mazière (TV) et M. Brigneau (FN), antisémite et négationniste farouche qui a été milicien, premier vice-président du FN, et le journaliste le plus en vu de la presse d’extrême droite d’après-guerre. Suite à la partition du FN, il a publié un livre intitulé Le Pen m’a tuer.

64. In Le Figaro magazine, 15 septembre 1990. La dite «idéologie totalitaire» est nommée droidl’hommisme. Cette expression, qui durant des années n’a été utilisée que par la presse ou les dirigeants FN, s’est retrouvée ces dernières années chez une certaine gauche «républicaine», visiblement ignorante de l’origine du concept.

65. Etude du Choc du Mois, d’Identité, de Minute, de National-Hebdo, de Présent et de Rivarol sur la période 1980-1993, portant sur à peu près mille cinq cents exemplaires. Cf. Henry Rousso, Le Syndrome de Vichy de 1944 à nos jours, Le Seuil, 1990.

66. Durant la campagne des présidentielles de 1988, Présent édite une brochure sur cette affaire, avec consigne de lui assurer une diffusion sans cesse grandissante, et impossibilité d’en commander moins de quinze (!). Soixante-dix mille exemplaires en auraient ainsi été vendus.

67. Note interne publiée par M. Taguieff in Commission nationale consultative des Droits de l’Homme, La Lutte contre le racisme et la xénophobie, La Documentation française, 1991, pp. 152-153; M. Brigneau, «Le Journal d’un homme libre», National-Hebdo, 12 avril 1990. La journaliste Anne Tristan a infiltré le FN quelques mois. Elle narre qu’au départ il n’était question que du danger représenté par les Arabes. Et seulement au bout de cinq mois, ils m’ont dit: «Enfin, le vrai problème, ce sont les Juifs, la ploutocratie, la mainmise des Juifs sur tous les journaux, sur tous les pouvoirs…» (Différences, mars 1990).

68. Jeune Nation Solidariste, juin 1984 (JNS); Libération, 11 novembre 1985. Evolution d’importance puisque Duprat refusait et de mettre en cause le cadre de l’Etat-Nation et le principe d’homogénéité raciale. Sa conception internationale, adoptée par ON, exigeait une union mondiale des mouvements nationalistes préparant la co-existence mondiale des régimes nationalistes. On notera que ce refus de l’expansionnisme se place dans la lignée des fascistes parisiens, ce désir d’entente cordiale dans celle du co-nationalisme prêché par Szálasi, le leader des Croix fléchées hongroises (cf. François Duprat, article non signé, «Un Programme de politique étrangère: nationalisme et Occident», in ON, op. cit., pp. 226-261; François Duprat, sous le pseudonyme de Robert Cazenave, «Naissance et développement du fascisme hongrois», La Revue d’Histoire du fascisme, septembre-octobre 1972).

69. Guillaume Faye, GRECE, interview in JNS, octobre 1984 — M. Faye a eu une influence théorique sur les NR.

70. JNS, novembre 1984.

71. Le Monde, 17 avril 1984, faisant le compte rendu des deux derniers numéros d’Eléments (no 48 et 49).

72. Identité, novembre-décembre 1989; IFN, Militer au Front, op. cit., p. 46; FN, 300 Mesures pour la renaissance de la France, dir. Bruno Mégret, Editions Nationales, 1993, p. 127.

73. Nationalisme et République, été 1990, et tract cités in Eric Rossi, Jeunesse Française des années 80-90: la tentation néo-fasciste, préface de Hugues Portelli, L.G.D.J., 1995, p. 73 — l’auteur est à cette date un cadre NR. Nationalisme et République cherchait à ancrer le FN vers une ligne NR, son responsable fut nazi-maoïste, élu sur une liste d’union de la gauche, conseiller de Jacques Chirac. Le nom vise bien sûr à «adoucir» le sigle NR. Parmi les rédacteurs se trouvaient de futurs responsables de Nouvelle Résistance et UR.

74. Ce qui avait été préconisé mais non réalisé par Duprat (François Duprat, La Construction du parti révolutionnaire. Principes et méthodes, Dossiers Nationalistes, supplément aux Cahiers Européens-Notre Europe, juillet 1975).

75. Dépêches France Presse Action (i.e OAS-Métro) no 26, 17 août 1962 et no 41, 7 novembre 1962 (A.N. 79AJ30); tracts conservés aux archives du siège national du MRAP. OAS fait référence à la branche de la Résistance nommée Armée Secrète, elle jouit d’un CNR présidé par Bidault, l’ex président du CNR de la Résistance. L’un des principaux autocollants de Nouvelle Résistance reprend l’illustration d’une affiche maoïste du PCMLF.

76. In L’Idiot international, 28 décembre 1991, cf. Didier Daeninckx, «L’Obscène alliance des contraires», in Négationnistes: Les Chiffonniers de l’Histoire, Golias, Syllepse, 1997, pp. 145-164.

77. Cf. Jean-Yves Camus, «Une Avant-garde populiste: peuple et nation dans le discours de Nouvelle Résistance», Mots, juin 1998, pp. 128-138.

78. Cf. illustrations. Le titre de ce colloque est-il une allusion à l’ouvrage de Céline D’un château l’autre (1957)? L’écrivain y décrivait la fuite à Sigmaringen des ultras de la collaboration… Parmi les intervenants du colloque on notera M. Figueras. Celui-ci publie en 1997 un ouvrage dont National-Hebdo assura la publicité, mettant en avant le qualité de «vieux» résistant de M. Figueras, dont la brochure présente une Amérique complice de la Shoah, une épuration ethnique à seule fin de réserver à quelques élus la domination mondiale. Selon l’auteur les Juifs américains auraient manipulé le IIIe Reich afin d’éliminer les ashkénazes racialement dégénérés et d’obtenir cette domination. Après avoir fait main basse sur le Moyen-Orient, les USA et l’URSS, ils s’attaqueraient à l’Europe, via le Traité de Maastricht, successeur des Protocoles des sages de Sion, traité destiné à organiser ce pouvoir mondialiste auquel ceux qui escomptaient l’établir aspiraient héréditairement depuis des millénaires. (Vigilance républicaine, mars-avril 1997; postérité des thèses soviétiques d’union entre nazis et sionistes?).

79. Offensive, avril 1997.

80. National-Hebdo, 09 octobre 1997; Dépêche AFP FRS FRA / AFP-RR22 (0224); l’expression n’est pas sans rappeler celle de l’hommage funèbre à Duprat. M. Holeindre profère à propos de ces contre-manifestants que demain nous les mettrons au pas si nous sommes au pouvoir. Ils pleureront des larmes de sang! Lors de la convention frontiste de 1998, durant laquelle les militants de l’œuvre Française (à cette date satellisé par le FN) firent pleuvoir sur la contre-manifestation des tracts Dreyfus était coupable, Romain Marie lança à ceux qui brandissent des banderoles «No pasaran», une fois de plus, nous passerons! (Renaud Dély, Histoire secrète du Front National, Grasset, 1999, p. 107 et p. 153; témoignage personnel).

81. I.e: Zionist Occupation Governement, terme skinhead, inventé par les néo-nazis américains et repris par tous leurs homologues. Sa présence ici se justifie par la volonté d’attirer ces militants, UR étant résolument NR et non néo-nazi. A UR, le Juif n’est pas stigmatisé pour cause «raciale» mais en tant que type et propagateur du capitalisme et du cosmopolitisme.

82. Terme le plus souvent utilisé par les frontistes et les royalistes mais sans exclusive.

83. Terme utilisé par les NR, dont Nouvelle Résistance.

84. Reproduit in Ras l’Front, mai 1998.

85. Couverture de Résistance!, mai-juin 1998.

86. Recommandation de Carl Schmitt pour procéder à l’analyse politique, cf. Stefan Breuer, Anatomie de la Révolution conservatrice, Maison des Sciences de l’homme, 1996.

87. Guy Konopnicki, Les Filières noires, Denoël, 1996.

88. Le Monde, 29-30 octobre 1973.

89. Les royalistes seront la seule famille à refuser de participer au compromis nationaliste. Ce refus, pour cause doctrinale, n’a cependant jamais empêché qu’il existe des passerelles.

90. François Duprat, Les Journées de Mai 68, Les Dessous d’une Révolution, préface de Maurice Bardèche, Nouvelles Editions Latines, 1968, p. 172.

91. François Duprat, Le Néo-fascisme dans le monde arabe et en Amérique, ibid.

92. MM. Bresson et Lionet, op. cit., p. 187.

93. Selon Raoul Girardet c’est toujours en ce type de période que fonctionne un tel mythe, cf. Raoul Girardet, Mythes et mythologies politiques, Le Seuil, 1986.

94. Les NR se revendiquent autant du Che Guevara, du sous-commandant Marcos, que du Ba'th, de Codreanu, Evola, Mussolini, Nasser, Niekisch, Perón, Thiriart, Sorel, Strasser ou de la RSI. Nous avons préféré ne pas aborder ici la question de l’utopie NR qui, si elle n’est que très peu traitée, a déjà bénéficié néanmoins de quelques analyses (fort intéressantes) — précisons seulement que sa complexité a pour conséquence que bien peu de personnes deviennent NR par leurs lectures: dans la militance générale la désignation de l’ennemi est prépondérante. L’aspect provocateur et sophistiqué des NR («je suis fasciste, comme Che Guevara») leur apporte sans doute un certain parfum de séduction et de rupture avec l’image du skinhead ou du «beauf» écervelé , icônes souvent véhiculées concernant le militant d’extrême droite (ainsi d’un ex-militant nationaliste s’auto-définissant comme nazi, anticapitaliste, d’extrême gauche; entretien avec l’auteur).

95. Romain Marie déclare que l’IVG est un génocide et que est-ce tabou de le dire? Tout est organisé pour qu’il y ait de moins en moins de petits Européens et de plus en plus de Maghrébins. Cela va dans le sens de l’Europe cosmopolite et affairiste prônée par Guy Sorman (Présent, 26 novembre 1984). Dans Militant est affirmé: On pourrait croire qu’une main invisible dirige une opération monstrueuse d’épuration ethnique d’un continent entier, détruisant d’un côté toute procréation de petits aryens plus ou moins christianisés pour les remplacer doucement mais fermement par des allogènes […]. Tous les gouvernements européens poussés au derrière par les USA déjà dépravés, colorisés à la manière de leurs films et multiracialisés, ont-ils été contaminés, convaincus ou sont-ils simplement bouchés? (Militant, novembre 1999)

96. Puisque tous les ouvrages relatifs aux extrêmes droites stipulent que c’est M. Taguieff qui, en 1984, mena le concept de national-populisme en France, précisons que la première citation provient en fait de Duprat, Le Néo-fascisme en Occident III Amérique latine, Supplément à La Revue d’Histoire du fascisme, novembre 1975?, p. 25.

97. François Duprat in CEH, no 25 non daté, première ou deuxième semaine de juin 1974; Jean Castrillo, membre du PPF, de la Waffen SS, d’Europe-Action, membre fondateur de Militant et du FN, membre du comité central et du bureau politique du FN, actuellement rédacteur en chef de Militant et animateur de l’Association des Amis de François Duprat, entretien avec l’auteur; la couverture de François Duprat, Le Néo-fascisme en France en 1973, Cahiers Européens, Supplément à la Revue d’Histoire du fascisme, septembre 1975, porte en illustration la flamme FN, et le texte va en ce sens.

98. Entretien avec l’auteur.

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