1. Une partie des registres comptabilisant les décès des prisonniers enregistrés d’Auschwitz ont été retrouvés. Il faut souligner que les Juifs sélectionnés dès leur arrivée à Auschwitz pour être assassinés dans les chambres à gaz n’étaient pas enregistrés et que par conséquent, leur mort n’apparait pas dans les registres sus-mentionnés. Ils permettent donc bien de connaître la mortalité interne des esclaves concentrationnaires. Les registres courent de mi 1941 à 1943. Il manque l’année 1944 ainsi que certains carnets pour la période couverte. L’été 1942 connaît une mortalité importante parmi les esclaves concentrationnaires à cause d’une épidémie de typhus. Grâce aux registres, on connaît la mortalité totale parmi les esclaves concentrationnaires pour l’été 1942: 4 124 pour juillet et 4 113 pour les trois premières semaines d’août 1942 (Franciszek Piper & Teresa Swiebocka, Auschwitz camp de concentration et d’extermination, Oswiecim, Musée d’état d’Auschwitz-Birkenau, 1998, p. 156). Le maximum pour août peut donc être évalué par une règle de trois à environ 5 500 morts au total pour un mois. C’est le maximum jamais atteint (pour les esclaves concentrationnaires). 2. Jean-Claude Pressac, Auschwitz: Technique and operation of the gas chambers, the Beate Klarsfeld Foundation, NY, 1989. Le fac-similé de la copie figure page 247. Jean-Claude Pressac en fournit la référence exacte: «PMO file BW 30/42 page 2 and Archiv Domburg (GDR) ND 4586» (PMO signale les Archives du Musée d’État d’Auschwitz. GDR désigne l’ancienne Allemagne de l’Est non encore réunifiée quand Pressac écrivait). En fait l’exemplaire des Archives du Musée d’État d’Auschwitz est une copie de celui des archives (en l’occurrence les Staatliche Archivverwaltung/Archivdepot) de Dornburg (il s’agit de DoRNburg sur l’Elbe, en ancienne Allemagne de l’Est, et non de «DoMburg» – une coquille dont Pressac hérite sans doute de l’historien Franciszek Piper qui commet la même). Cette copie a été transmise aux Archives du Musée d’Auschwitz en 1981 par le Komitee der antifaschistischen Widerstandskämpfer in der Deutschen demokratischen Republik qui avait assuré la publication de la première retranscription complète et fidèle de cette version du document en 1957 (voir la suite). C’est Jean-Claude Pressac lui-même qui nous fournit cette information (Jean-Claude Pressac, ibid., p. 91). Il faut noter que les archives de Dornburg ont été récupérées, après la réunification, par les Archives fédérales allemandes. 3. Komitee der antifaschistischen Widerstandskämpfer in der Deutschen demokratischen Republik, SS im Einsatz: Eine Dokumentation über die Verbrechen der SS, Berlin-Ost: Kongress-Verlag, 1957, p. 269 (nombreuses rééditions. Outre l’édition de 1957, nous avons également consulté Heinz Schumann & Heinz Kühnrich, SS im Einsatz: Eine Dokumentation über die Verbrechen der SS, Berlin: Deutscher Militärverlag, 1967, p. 284 pour le document qui nous intéresse). La source archivistique du document n’est pas mentionnée par SS im Einsatz. Il s’agit très probablement de l’exemplaire des archives de Dornburg (cité plus tard par Pressac, avec une coquille; voir note 2) dont une copie fut transmise en 1981 aux Archives du Musée d’Auschwitz. La transcription figurant dans SS im Einsatz présente une légère erreur puisque le «Registratur» du document original (et également de sa copie certifiée) est transcrit de façon fautive par «Registrator» (la coquille ne semble pas avoir été corrigée dans les éditions ultérieures puisqu’elle figure encore dans l’édition de 1967 que nous avons consultée). 4. Jean-Claude Pressac, Les crématoires d’Auschwitz. La machinerie du meurtre de masse, Paris: CNRS Éditions, 1993. La note 252 (page 107) dont il accompagne la citation de la lettre du 28 juin (page 80) mentionne, outre l’habituelle cote des Archives du Musée d'Auschwitz désignant la copie conforme, la cote de l’original: «ACM, 502-1-314». ACM désigne les Archives centrales de Moscou, dans lesquelles se trouvent les deux tiers des archives de la Bauleitung d’Auschwitz, saisies en 1945 et emmenées par les Soviétiques. Ces fonds d’archives ne furent ouverts à la consultation qu’après la «chute du communisme», au début des années 1990. S’y trouvent de nombreux documents relatifs aux crématoires. Ils ont été microfilmés et ces versions microfilmées sont notamment consultables au Musée de l’Holocauste de Washington. Jean-Claude Pressac n’avait pas eu accès à ces fonds pour son ouvrage de 1989, mais avait pu les utiliser pour celui de 1993. Dans un article du Spiegel de la fin 1993, justement à l’occasion de la sortie de l’ouvrage de Jean-Claude Pressac, un fac-similé (de très mauvaise qualité) de l’original est publié, pour la première fois, sans aucune source cependant («Protokolle des Todes», Der Spiegel, 40/1993   4 oktober 1993, p. 151). 5. En 1994, Robert van Pelt évoque ce document, dans sa verion originale, mais en passant, sans le reproduire ni en citer le contenu, dans «A site in search of a mission» (in Ysrael Gutman et Michael Berenbaum (éds.), Anatomy of the Auschwitz death camp, Washington D.C and Bloomington: United States Holocaust Memorial Museum and Indiana University Press, 1994. Chapitre 6, note 99, p. 155): «Letter, Bischoff to Kammler, June 28, 1943, Central Archives of Russia, Moscow, Coll. 502/1, no. 314 (United States Holocaust Research Institute Archives, microfilm RG-11.001M.03, reel 41)». En 2002, Robert van Pelt cite la lettre plus complètement, encore dans sa version originale: «Bischoff to Kammler, 28 June 1943, Osobyi Moscow, ms.502/1–314; USHRI Washington, microfilm RG 11.001M.03–41» (Robert van Pelt, The Case for Auschwitz: Evidence from the Irving Trial, Indiana University Press, 2002, p. 517, note 81.) et en fournit une reproduction page 343 (reproduction qui suit une traduction en anglais quasi intégrale, p.  342, reproduisant la mise en page de l’original et traduisant correctement Personen par persons). USHRI désigne le United States Holocaust Research Institute, la structure de recherche adossée au Musée de l’Holocauste de Washington, le United States Holocaust Memorial Museum. 6. Ota Kraus et Erich Kulka, Noc a mlha, Prague: Naše vojsko, 1958. Noc a mlha est la suite d’un premier ouvrage bien connu de Ota Kraus et Erich Kulka sur Auschwitz sorti dès 1946 (et maintes fois réédité et complété, traduit dans de nombreuses langues, dont l’allemand et l’anglais, mais malheureusement pas en français), Továrna na smrt (usine de mort), Prague: Cin, 1946. Signalons que c’est sous le nom de Erich Schön qu’Erich Kulka est identifié sur la première édition. 7.  Ota Kraus et Erich Kulka, Massenmord und Profit. Die faschistische Ausrottungspolitik und ihre ökonomischen Hintergründe, Berlin: Dietz Verlag, 1963, p. 127. 8. Helmut Eschwege (éd.), Kennzeichen J. Bilder, Dokumente, Berichte zur Verfolgung und Vernichtung der deutschen Juden 1933-1945. Berlin:Deutscher Verlag der Wissenschaften, 1966. 9. Les sources documentaires sont fournies à la fin de l’ouvrage. C’est à la page 372 qu'est mentionnée la source de la lettre du 28 juin, à savoir SS im Einsatz, 1964, p. 284. La transcription présente une incohérence par rapport à sa source, puisque qu'elle introduit au dessus du «SS-Sturmbanführer» qui conclut la lettre la mention «gez. Unterschrift» (qui signale la présence d’une signature non déchiffrée), ce qui laisse penser que Helmut Eschwege, même s’il cite SS im Einsatz, a consulté la source primaire, à savoir l’exemplaire de la copie certifiée conforme de la lettre, puisque celle-ci présente effectivement à cet endroit la signature de l’auteur de la copie. Cependant la transcription reproduit la coquille de SS im Einsatz sur «Registratur» (voir note 3)… 10. Service d’information de la F.I.R., 7.3.60 n° 6, cité par Olga Wormser-Migot, Le Système concentrationnaire nazi (1933-1945), Paris: Presses Universitaires de France, 1968, p. 558, ainsi: «Le S.S. Sturmbannführer qui dirigeait les services de construction des Waffen S.S. à Auschwitz et supervisait les plans de chambres à gaz et de crématoire, rendait compte le 28 juin 1943 au W.V.H.A. à Oranienburg que les crématoires qu’il avait édifiés avaient atteint une capacité journalière de 4.736 corps». On remarquera ici une coquille (4736 au lieu de 4756) dont l’auteur de la présente étude ne sait si elle est imputable à Olga Wormser-Migot ou à sa source qu’il n’a pu consulter. La «F.I.R» désigne la Fédération Internationale des Résistants. Nous supposons que la mention de «corps» et non de «personnes» figure dans la source de 1960. 11. Jean-Claude Pressac, Les crématoires d’Auschwitz. La machinerie du meurtre de masse, Paris: CNRS Éditions, 1993. L’article de 1993 du Spiegel que nous citons plus haut, alors même qu’il fournit le fac-similé du document, passe aussi à coté de «Personen» et parle de «Leichen». 12.  Jean-Claude Pressac, Auschwitz. Technique and operation…, op. cit, p. 244. 13. Raul Hilberg, The Destruction of the European Jews, Third edition, Yale University Press, 2003, vol. III, p. 1044. Il s’agit de la dernière version, la plus complète du Hilberg. Ce passage figure dans l’édition française de 2006, à la page 1801 du volume III (Raul Hilberg, La destruction des Juifs d’Europe, Éd. définitive, complétée et mise à jour, Folio-Histoire, Paris: Gallimard, 2006): «La capacité théorique des quatre crématoriums de Birkenau était un peu supérieure à 4 400». 14. Raul Hilberg, op. cit., note 113, p. 1044. C’est bien une reproduction de l’original qu’Hilberg a consultée puisque dans cette note, il fournit la même référence que Robert van Pelt: «US Holocaust Memorial Museum Archives, Record Group 11.001 (Center for Historical Collections, Moscow), Roll 41, Fond 502, Opis 1, Folder 314». C’est donc en toute connaissance de cause, qu’Hilberg élude et ne restitue pas le «Personen» du document. Il est d’ailleurs très intéressant d’examiner comment Hilberg traite l’information relative à la capacité des crématoires d’Auschwitz Birkenau depuis la première édition de son ouvrage en 1961, constamment retravaillé, modifié, enrichi, précisé sur plus de 40 ans. Dans la première édition, en 1961, voici ce que Raul Hilberg écrit: «five new crematoriums, which could burn about 12,000 bodies a day». La note 63 qui accompagne ce texte renvoie à «Sehn, “Oswiecim”, p. 87» (Raul Hiberg, The Destruction of the European Jews, Londres: W. H. Allen, 1961, p. 629. Il s’agit de édition britannique, identique par son contenu à l’édition américaine). Nous savons aujourd’hui que cette estimation est largement supérieure à la réalité, supérieure même aux estimations soviétiques de mai 1945 (voir plus bas dans la présente note). La source utilisée par Raul Hilberg est l’une des premières études publiée sur Auschwitz. Jan Sehn était le juge chargé d’enquêter dès 1945 sur Auschwitz et il prépara l’acte d’accusation contre son commandant Rudolf Hœss. Dans un ouvrage collectif publié en 1946 (Central Commission for the Investigation of German Crimes in Poland, German Crimes in Poland, Warsaw: 1946), Sehn signe une étude intitulée «Concentration and Extermination Camp at Oświęcim». Sehn y avance en effet le chiffre mentionné par Hilberg (p. 88 et non 87, dans l’édition que nous avons consultée), sans fournir sa source. Nous avons néanmoins retrouvé la source initiale de ce chiffre, très probablement utilisée par Sehn pour sa propre publication. En février-mars 1945, les Soviétiques mènent une enquête circonstanciée à Auschwitz sous les auspices d’une «Commission extraordinaire d’Etat pour l’investigation et la recherche des crimes commis par les envahisseurs germano-fascistes et leurs complices.». Malgré la pompe de cette dénomination interminable, le travail effectué est aussi sérieux que possible compte tenu des circonstances et de la «fraîcheur» des événements. Des experts de domaines variés sont sollicités, des centaines de témoins rescapés sont entendus. Un rapport est rédigé et publié dès le mois de mai 1945 (dans la Pravda, no 109, 7 mai 1945). Il sera plus tard incorporé à la documentation du procès de Nuremberg sous la cote «008-USSR» (ou «URSS-008») et publié dans les actes du Procès de Nuremberg dans sa traduction en allemand (vol.  39, p. 257 et suivantes). Il est frappant de constater que, dans les grandes lignes, la réalité décrite correspond à ce que nous savons aujourd’hui du fonctionnement d’Auschwitz-Birkenau, à deux exceptions près, la spécificité juive des assassinats de masse (passée sous silence) et les ordres de grandeur largement surévalués. Ce rapport est notamment à l’origine du chiffre erroné de quatre millions de victimes (la réalité est depuis longtemps établie par les historiens à environ un million), chiffre basé sur des capacités de crémations surévaluées (9000 par jour pour les crématoires de Birkenau, 300 pour celui d’Auschwitz I, associés à un calcul compliqué). Sehn ne reprend pas ces évaluations explicites données en fin de rapport, mais reprend un chiffre donné par un témoin cité (avec les guillemets d’usage) dans le rapport, «Heinrich Tauber» (en fait Henryk Tauber, ancien membre des Sonderkommandos, bien connu pour avoir formellement déposé ensuite à plusieurs reprises, notamment pour le procès de Cracovie dès 1945) dont le rapport mentionne qu’il aurait déclaré «tous ces crématoires brûlaient 10 000 à 12 000 cadavres par jour», dans un contexte qui peut d’ailleurs laisser penser que cette fourchette incluait les fosses d’incinération en plein air (traduction en français du rapport soviétique initialement paru dans la Pravda: «Oswiecim (Auschwitz). Le camp où les nazis assassinèrent plus de quatre millions d’hommes», dans Forfaits hitlériens. Documents officiels, Traits, no 6-7, juin-juillet 1945, Genève-Paris: Trois Collines, p. 277-310, p. 283-284 pour le témoignage de Henryk Tauber). Il nous est impossible de savoir pourquoi Sehn a choisi le chiffre le plus haut de cette fourchette du témoignage de Tauber plutôt que les chiffres explicites donnés en conclusion du rapport, toutefois il a réalisé que cette évaluation n’était pas la mieux établie puisqu’il révise plus tard à la baisse le chiffre en question. Jan Sehn, en effet, publierait dix ans plus tard, en polonais, un ouvrage entièrement consacré à Auschwitz immédiatement traduit en anglais et en français (Jan Sehn, Le Camp de concentration d'Oświęcim-Brzezinka (Auschwitz-Birkenau). D’après des documents et des sources officielles, Warszawa: Wydawnictwo prawnicze, 1957, nombreuses rééditions complétées). Il y mentionne des capacités revues à la baisse, plus conformes (bien que légèrement inférieures, sans qu’il soit possible de déterminer pourquoi) aux conclusions du rapport soviétique de mai 1945: 8000 par jour pour les seuls crématoires de Birkenau (pages 147 et 148). Ce sont ces chiffres et cette source qui seront d’ailleurs cités par Léon Poliakov, dans son Auschwitz (Juilliard, 1964, p. 64. Poliakov y parle évidemment de «cadavres»). Hilberg cependant, dans les rééditions de son ouvrage, maintient son chiffre de 1961, et ce jusqu’en 1985. En 1985, il publie une version largement complétée et remaniée de son Destruction of the European Jews (The Destruction of the European Jews, Rev. and definitive ed., 3 vol., New York; London: Holmes & Meier, 1985). Dans le troisième volume, page 978, il écrit «The theoretical daily capacity of the four Birkenau crematoria was somewhat over 4,400». La note 110 qui accompagne cette information est la suivante: «Zentralbauleitung Auschwitz to WVHA-C, June 28, 1943, in Helmut Eschwege, éd., Kennzeichen J (East Berlin, 1966), p. 248. The crematorium in Auschwitz I was described as having a daily capacity of 340 bodies, II and III of 1,440 each; and IV and V of 268 [sic] each». Cela amène plusieurs remarques. Premièrement Hilberg fait bien référence à la lettre du 28 juin 1943. Il en a eu le texte sous les yeux via le recueil de Helmut Eschwege que nous avons rencontré plus tôt. Il a toutefois évité de traduire «Personen» qui figure bien chez Helmut Eschwege qui recopie complètement et correctement la transcription de SS im Einsatz (voir notes 7 et 8). Enfin on note une erreur de retranscription par Raul Hilberg qui écrit «268» au lieu de «768» pour les crématoires IV et V. Cette erreur se retrouve d’ailleurs dans la traduction en français de cette version de l’ouvrage de Raul Hilberg (La destruction des Juifs d’Europe, Fayard, 1988, p. 846). On remarque cependant que, nonobstant cette coquille, l’information a pris sa forme définitive, ce qui est légitime puisqu’elle rend compte du contenu du document original. L’erreur est toutefois rectifiée dans la dernière édition, celle de 2003 (traduction française de 2006, corrigeant également l’erreur), celle-là même où Raul Hilberg, 40 ans après sa première évocation des capacités de crémation de Birkenau, est finalement remonté à la source primaire, au document original qu’il a consulté. Au delà du refoulement de «Personen», ce qui est remarquable ici, c’est la constance, la rigueur, le souci de la précision de Raul Hilberg. Dans sa première version, il utilise le seul matériel à sa disposition (et probablement le meilleur à l’époque), mais qui est une source secondaire sans assise documentaire. Vingt ans plus tard, il affine radicalement en se référant cette fois à un document, cité toutefois dans une version non originale transcrite dans une source secondaire. Vingt ans plus tard encore, Raul Hilberg a tenu à consulter lui-même et à rendre compte du document original, quand bien même cela ne changeait pas le strict contenu du passage en question. Quelle leçon… 15. Raul Hilberg, La destruction des Juifs d’Europe, Éd. définitive, complétée et mise à jour, Folio-Histoire, Paris: Gallimard, 2006, vol. III, note 529 p. 1801. 16. Danuta Czech, Kalendarium der Ereignisse im Konzentrationslager Auschwitz-Birkenau, 1939-1945, Reinbek bei Hamburg: Rowohlt, 1989. 17. Franciszek Piper & Danuta Czech, Auschwitz: nazistowski obóz smierci: praca zbiorowa, Oświęcim-Brzezinka: Wydawn. Państwowego Muzeum, 1993. 18. Il cite également également la copie des Archives du Musée d’Auschwitz «APMO BW 30/42/2». 19. Auschwitz 1940-1945. Węzłowe zagadnienia z dziejów obozu, Oświęcim, 1995. 20.  Auschwitz 1940-1945: Studien zur Geschichte des Konzentrations- und Vernichtungslagers Auschwitz, Berlin: Metropol Verlag, Berlin 1999. 21. Auschwitz, 1940-1945: central issues in the history of the camp, Oświęcim: Auschwitz-Birkenau state museum, 2000. 22. Auschwitz 1940-1945. Les problèmes fondamentaux de l’histoire du camp, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 2011.

Auschwitz - document

52 fours pour brûler
4756 personnes par jour

dans les crématoires de Auschwitz-Birkenau


Présentationfac-similé de l’originalinformations et sourcestraduction en françaistranscription de l'original allemandannexe

Présentation

Le document que nous présentons ici est bien connu des historiens. Il s’agit d’un courrier en date du 28 juin 1943, émanant des services du chef du bureau central de construction d’Auschwitz (Zentralbauleitung der Waffen SS und Polizei, Auschwitz), chargé de la réalisation des crématoire, l’ingénieur et SS-Sturmbannführer Karl Bischoff, adressé au SS-Brigadeführer und Generalmajor Hans Kammler, l’ingénieur responsable des constructions à la SS (le bureau C de Office central SS pour l’économie et l’administration, le SS-Wirtschafts-Verwaltungshauptamt ou WSHA) à Berlin. Cette missive, rédigée par le SS-Obersturmführer Josef Janisch (collaborateur de Bischoff et Bauleiter — chef des travaux — de Birkenau), fait état des calculs de l’ingénieur civil Rudolf Jährling, employé de la Zentralbauleitung, relatifs à la capacité totale des fours crématoires. La capacité de crémation des 52 fours répartis dans les cinq crématoires d’Auschwitz et Birkenau est estimée à 4 756 personnes par jour, soit plus de 140 000 par mois…

Il s’agit bien d’une capacité monstrueuse, certes théorique, mais qui correspond aux besoins exprimés par les commanditaires, des besoins qui sont ceux d’une opération de meurtre de masse, ne concernant pas au premier chef les esclaves concentrationnaires, nécessitant de se débarasser d’un nombre considérable de cadavres: ceux des Juifs envoyés à Auschwitz pour y être directement assassinés, sans même servir un temps d’esclaves concentrationnaires. D’autres documents attestent de ce besoin démesuré de capacité de crémation telle la lettre adressée par l’ingénieur Fritz Sander aux frères Topf (de la firme Topf und Söhne, la société qui fournissait les fours crématoires à Auschwitz) le 14 septembre 1942 où, devant le problème «de se débarasser d’un grand nombre de cadavres dans le court laps de temps désiré» (eine große Anzahl von Leichen in wünschenswert kurzer Zeit zu beseitigen), il préconise «un bourrage de chaque mouffle avec plusieurs cadavres» (Vollstopfen der einzelnen Muffel mit mehreren Leichen). Ce courrier faisait suite au constat, une semaine auparavant, par Kurt Prüfer d’une capacité d’incinération insuffisante. Cet ingénieur de la Topf und Söhne, responsable de la mise au point des fours crématoires pour Auschwitz, avait en effet, dans un courrier interne du 8 septembre 1942, constaté que la capacité calculée d’incinérer 2 650 corps par jour, 80 000 corps par mois, était insuffisante. Un tel besoin n’était nullement induit par la mortalité interne d’Auschwitz-Birkenau (celle des esclaves concentrationnaires), dont le maximum sur un mois est connu des historiens, 5 5001. Il est évident que ce n’est pas pour absorber ce nombre, que les SS d’Auschwitz en exige plus de quatorze fois la capacité de crémation (pour au final viser plus de vingt-cinq fois ce maximum), mais pour faire face aux assassinats de masse de Juifs acheminés vers le centre de mise à mort pour être directement assassinés (sans entrer dans le camp ni être enregistrés).

Par ailleurs, le document que nous reproduisons ici contient un lapsus trahissant de façon glaçante la destination principale des crématoires de Birkenau. Il faut rappeler que les bâtiments abritant les crématoires comprenaient également une ou plusieurs chambres à gaz, la raison d’être même des crématoires. Ni par leur taille (il s’agissait de bâtiments de très grandes dimensions), ni par leur capacité, ni par leur destination, ce n’étaient des crématoires ordinaires. Cette destination, l’assassinat de masse par gazage, perce dans le lapsus en question: là où tous les documents relatifs aux crémations (comme la lettre du 14 septembre 1942 citée ci-dessus) parlent naturellement de «cadavres» (Leichen), ou à la rigeur de «corps» (Körper), la lettre du 28 juin 1943 utilise le mot «personnes» (Personen). La raison en est simple: l’auteur de la lettre, le SS Karl Bischoff (ou son collaborateur le SS-Obersturmführer Josef Janisch), savait que, contrairement à l’utilisation normale d’un crématoire où ce sont des morts, des cadavres qu’on fait entrer dans le bâtiment, dans le cas des crématoires de Birkenau, c’était des êtres vivants, des personnes qui entraient dans les bâtiments pour y être assassinés dans les chambres à gaz, transformés en cadavres à brûler dans les salles des fours adjacentes. On remarque de plus que le SS qui rédige n’utilise pas non plus «Häftlinge» («prisonniers») qui aurait marqué l’appartenance des incinérés à la sphère concentrationnaire. En un raccourci fulgurant (et involontaire!), le rédacteur dévoile l’assassinat de masse des Juifs à Birkenau, des Juifs qui n’appartiennent pas, dans leur écrasante majorité, au monde concentrationnaire, mais sont amenés de l’extérieur directement à Auschwitz-Birkenau afin d’y être immédiatement assassinés puis effacés par incinération. Ce lapsus met in fine les lecteurs du document si mal à l’aise – tant il met le doigt sur une horreur que l’on préfère tenir généralement à distance – que l’écrasante majorité des historiens qui le citent, y compris en allemand, y compris en reproduisant la liste des capacités des crématoires de façon à «coller» à l’original, substituent (eux aussi involontairement!) Leichen à Personen, écrivant «corpses» ou «bodies» en anglais et «cadavres» ou «corps» en français…

Le document

Fac-Simile: Bischoff à Kammler, brûler 4756 personnes par jour  

Informations et sources

Ce document est connu depuis longtemps, notamment par une copie (version présentant «Abschrift» en tête de la copie) certifiée conforme (comme cela est indiqué au bas de la page («Für die Richtigkeit der Abschrift»). Cette copie est reproduite en fac-similé pour la première fois en 1989, par Jean-Claude Pressac, dans un ouvrage monumental sur Auschwitz2.

Il était toutefois mentionné dans la littérature historienne depuis la fin des années 1950: l’ouvrage qui en produit le premier une transcription complète (et en reproduit la mise en page mais n’est pas un fac-similé) est SS im Einsatz: Eine Dokumentation über die Verbrechen der SS, en 19573. Toutes les citations ultérieures que nous avons rencontrées (jusqu’au Pressac) font référence à SS im Einsatz (ou à l’une de ses rééditions). Voir, plus bas, notre annexe.

C’est cependant l’exemplaire original de ce courrier qui est présenté ci-dessus. Il est tiré du site web de la firme Topf und Söhne. Jean Claude Pressac en indique, en passant, la source archivistique pour la première fois en 19934. L’historien Robert Jan van Pelt en fournit la référence, également en passant, en 1994 (sans même en citer le contenu) puis le cite longuement et en fournit un fac-similé, dans son ouvrage sur Auschwitz de 20025.

Jährling est parfois présenté de façon erronée comme SS-Sturmbannführer. Le grade de SS-Sturmbannführer est celui de Karl Bischoff, le SS à la tête de la Zentralbauleitung dont émane le courrier. Comme le nom manuscrit de Jährling figure sur l’original (voir ci-dessus), la personne qui a effectué la copie conforme (et dont on peut voir la signature sur cette copie) commet une erreur et lui attribue le grade de Bischoff, le véritable auteur de ce courrier, raison pour laquelle son grade y figure en bas. Le document dont il est question est donc parfois présenté de façon erronée comme émanant du SS-Sturmbannführer Jährling (dont le nom manuscrit est alors présenté comme une signature, ce qui n’est pas le cas), alors qu’il émane du SS-Sturmbannführer Bischoff. Rudolf Jährling était un ingénieur civil attaché à la section technique (Technische Abteilung) de la Zentralbauleitung et ne faisait pas partie de la SS. C’était le spécialiste du fonctionnement des fours. L’information que l’on trouve parfois comme quoi il était employé par la Töpf und Sohne est également erronée. Enfin une ambiguité subsiste sur l’auteur des calculs, certains attribuant ces derniers au SS-Obersturmführer Josef Janisch, plutôt qu’à Rudolf Jährling. Le fait que Josef Janisch soit le rédacteur de ce rapport se déduit de la référence «31550/Ja./Ne.» qui figure au début du document. «Ne.» désigne le rédacteur et «Ja.» abrège «Janisch» (Jährling aurait été abrégé en «Jä.». Je remercie vivement Hans Metzner qui m’a apporté ces précisions). «KGL» est l’abréviation de Kriegsgefangenenlager (camp de prisonniers de guerre), l’appellation officielle d’Auschwitz, qui date de sa création. Le crématoire I est le crématoire du premier camp, le camp principal Auschwitz I, les crématoires II à V sont les gigantesques complexes crématoires-chambres à gaz construits dans le camp annexe (bien que considérablement plus étendu) d’Auschwitz II-Birkenau.

Traduction

                      
28 juin 1943.    
 
 
 31550/Ja./Ne.–
 

Concerne: Achèvement du crématoire III
Référence: aucune
Annexe:  –/–

A l’attention

du chef du bureau C de
l’Office central SS pour l’économie et l’administration
le SS-Brigadeführer et Generalmajor
Dr. Ing. K a m m l e r

Berlin- Lichterfelde - West

Unter den Eichen 126 - 135 

 
      Rapport sur l’achèvement du crématoire III en date du
26.6.1943. En conséquence, tous les crématoires commandés ont été achevés.
  Capacité des crématoires disponibles
      par période de 24 heures de fonctionnement :
 
  1.) ancien crématoire I
     3 x 2 mouffles
340 personnes   
  2.) nouveau crématoire II au KGL
     5 x 3 mouffles
1440 personnes   
  3.) nouveau crématoire III
     5 x 3 mouffles
1440 personnes   
  4.) nouveau crématoire IV.
     8      mouffles
768 personnes   
  5.) nouveau crématoire V. 
768 personnes   
       8      mouffles -----------------  
  Total pour un fonctionnement de 24 heures 4756 personnes 
 
 
 
  Distribution:               Le chef du bureau central de construction
Copie - Janisch const.    de la Waffen-SS et de la Police d’Auschwitz
  "    - Kirschnek
Registres K.G.L. BW. 30
Jahrling
              SS-Sturmbannführer  

Transcription

                      
28.Juni 1943.    
 
 
 31550/Ja./Ne.–
 

Betr.: Fertigstellung d.Krematorium III
Bezug: ohne
Anl.:  –/–

An das

SS-Wirtschafts-Verwaltungs-
hauptamt Amtsgruppenchef C
SS-Brigadeführer u. Generalmajor
Dr. Ing. K a m m l e r

Berlin- Lichterfelde - West

Unter den Eichen 126 - 135 

 
      Melde die Fertigstellung des Krematoriums III mit dem
26.6.1943. Mithin sind sämtliche befohlenen Krematorien fertiggestellt.
  Leistung der nunmehr vorhandenen Krematorien
      bei einer 24 Stündigen Arbeitszeit :
 
  1.) altes Krematorium I
     3 x 2 Muffelöfen
340 Personen   
  2.) neues Krematorium i.K.G.L. II
     5 x 3 Muffelöfen
1440 Personen   
  3.) neues Krematorium III
     5 x 3 Muffelöfen
1440 Personen   
  4.) neues Krematorium IV.
     8      Muffelöfen
768 Personen   
  5.) neues Krematorium V. 
768 Personen   
       8      Muffelöfen -----------------  
  Insges.bei 24 stündiger Arbeitszeit 4756 Personen 
 
 
 
  Verteiler:                         Der Leiter den Zentralbauleitung
Akt - Janisch Bauw.           der Waffen-SS und Polizei Auschwitz
 "   - Kirschnek
Registratur K.G.L. BW. 30
Jahrling
               SS-Sturmbannführer  

Annexe: comment l’historiographie a cité la lettre du 28 juin 1943

Comme nous l’avons écrit plus haut, la première mention de ce document est faite en 1957 dans SS im Einsatz (voir plus haut). C’est, semble-t-il, la source unique pendant trente ans, des auteurs qui le mentionneront. Le premier ouvrage qui cite in-extenso, et correctement dès 1958, (traduisant littéralement Personen) la lettre du 28 juin 1943 en citant SS im Einsatz est l’étude en tchèque de Ota Kraus et Erich Kulka, Noc a mlha (nuit et brouillard)6. A la page 101, le document est intégralement traduit en tchèque et «Personen» est correctement traduit par «osob» («personnes» en tchèque). En 1963, la traduction en allemand de Noc a mlha inclut la transcription fidèle du document7. C’est également le cas, en 1966, d’un recueil ambitieux de documents sur la persécution des Juifs par les nazis, édité par Helmut Eschwege, Kennzeichen J. Bilder, Dokumente, Berichte zur Verfolgung und Vernichtung der deutschen Juden 1933-19458. À la page 248, Helmut Eschwege retranscrit intégralement la lettre du 28 juin et fournit comme source l’édition 1964 de SS im Einsatz9. En français une première mention du document semble avoir été faite dès 1960, mais parle de «corps»10.

Ensuite, l’écrasante majorité des citations, transcriptions, traductions est fautive, bien que citant pour la plupart SS im Einsatz. En polonais, on trouve le plus souvent «zwłok» (cadavres), ou son abréviation «zw» au lieu de «osób» (personnes). En anglais on trouve «bodies» ou «corpses» et en français «corps» ou «cadavres». Parfois même, l’auteur va au bout de l’évitement en ne précisant même pas de quoi il s’agit. C’est par exemple le cas de Jean-Claude Pressac lui-même, en 1993, dans Les crématoires d’Auschwitz. La machinerie du meurtre de masse11. Aux pages 80 et 121, il parle à chaque fois de «rendement» sans préciser à quoi se rapportent les chiffres qu’il fournit. Déjà, dans son premier ouvrage en anglais de 1989, il ne reprenait qu’une seule fois le terme «people»12. Raul Hilberg utilise le même artifice. Il écrit: «The theoretical daily capacity of the four Birkenau crematoria was somewhat over 4,40013». Dans la note qui accompagne cette information on lit: «The capacities of the individual Krematoria were given as: I 340, II and III 1,440 each, and IV and V 768 each14» (pour la version française: «Les capacités indiquées pour les crématoires étaient les suivantes: I 340, II et III 1 440 chacun, et IV et V 768 chacun15»). Ni dans le corps du texte, ni dans la note, restituant pourtant précisément le contenu du document, Hilberg n’a pu traduire Personen.

Ce qui impressionne c’est que même certains spécialistes, parmi les plus pointus, d’Auschwitz ne peuvent se résoudre à restituer ce «personnes» si dérangeant et sont victimes du même refoulement. C’est le cas de Danuta Czech, auteure d’un ouvrage fondamental sur l’histoire d’Auschwitz, qui dresse une chronologie aussi détaillée que possible de son histoire, dont toutes les informations sont accompagnées de la source d’où elles sont tirées, le Kalendarium16. À la page 533, elle cite le courrier du 28 juin 1943 et fournit la liste des capacités des crématoires en citant SS im Einsatz comme source. Mais à «Personen» elle substitue «Leichen». Plus spectaculaire encore est le cas de Franciszek Piper. Cet historien spécialiste d’Auschwitz, longtemps responsable du département historique du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau est l’auteur en 1993 (avec Danuta Czech), d’une histoire d’Auschwitz en Polonais17. À la page 164, citant comme source SS im Einsatz18, il transcrit la liste des capacités en polonais et utilise «zwłok» au lieu de «osób». C’est d’autant plus impressionnant que deux pages plus haut, un fac-similé est fourni (flanqué d’une explication qui mentionne elle aussi «4756 zwłok»!).

En 1995, le Musée d’État d’Auschwitz fait paraître en polonais, sous la direction notamment de Franciszek Piper, une monumentale histoire d’Auschwitz en cinq volumes: Auschwitz 1940-194519. Elle est ensuite traduite en allemand20, en anglais21 et en français22. Nous avons consulté l’édition en anglais: un fac-similé pleine page est reproduit dans le volume III (Mass Murder), page 158. Page 159, la traduction mentionne six fois «corpses». L’historien Tal Bruttmann, spécialiste de l’histoire d’Auschwitz nous a communiqué les scans du passage correspondant (volume III: L’extermination) de l’édition française (page 214 pour le fac-similé, 215 pour la transcription/traduction). C’est ici «cadavres» qui est répété. Il nous paraît quasi certain que la version allemande présente les mêmes caractéristiques et que cela découle très probablement de la version originale en polonais qui a sans doute rendu «Personen» par «zwłok», comme dans l’ouvrage de 1993. Nous effectuerons les vérifications nécessaires afin de confirmer ces hypothèses.

Le refoulement des historiens est le symétrique du dévoilement de l’auteur de la lettre du 28 juin 1943 et confirme notre interprétation de ce document.


Notes

1. Une partie des registres comptabilisant les décès des prisonniers enregistrés d’Auschwitz ont été retrouvés. Il faut souligner que les Juifs sélectionnés dès leur arrivée à Auschwitz pour être assassinés dans les chambres à gaz n’étaient pas enregistrés et que par conséquent, leur mort n’apparait pas dans les registres sus-mentionnés. Ils permettent donc bien de connaître la mortalité interne des esclaves concentrationnaires. Les registres courent de mi 1941 à 1943. Il manque l’année 1944 ainsi que certains carnets pour la période couverte. L’été 1942 connaît une mortalité importante parmi les esclaves concentrationnaires à cause d’une épidémie de typhus. Grâce aux registres, on connaît la mortalité totale parmi les esclaves concentrationnaires pour l’été 1942: 4 124 pour juillet et 4 113 pour les trois premières semaines d’août 1942 (Franciszek Piper & Teresa Swiebocka, Auschwitz camp de concentration et d’extermination, Oswiecim, Musée d’état d’Auschwitz-Birkenau, 1998, p. 156). Le maximum pour août peut donc être évalué par une règle de trois à environ 5 500 morts au total pour un mois. C’est le maximum jamais atteint (pour les esclaves concentrationnaires).

2. Jean-Claude Pressac, Auschwitz: Technique and operation of the gas chambers, the Beate Klarsfeld Foundation, NY, 1989. Le fac-similé de la copie figure page 247. Jean-Claude Pressac en fournit la référence exacte: «PMO file BW 30/42 page 2 and Archiv Domburg (GDR) ND 4586» (PMO signale les Archives du Musée d’État d’Auschwitz. GDR désigne l’ancienne Allemagne de l’Est non encore réunifiée quand Pressac écrivait). En fait l’exemplaire des Archives du Musée d’État d’Auschwitz est une copie de celui des archives (en l’occurrence les Staatliche Archivverwaltung/Archivdepot) de Dornburg (il s’agit de DoRNburg sur l’Elbe, en ancienne Allemagne de l’Est, et non de «DoMburg» – une coquille dont Pressac hérite sans doute de l’historien Franciszek Piper qui commet la même). Cette copie a été transmise aux Archives du Musée d’Auschwitz en 1981 par le Komitee der antifaschistischen Widerstandskämpfer in der Deutschen demokratischen Republik qui avait assuré la publication de la première retranscription complète et fidèle de cette version du document en 1957 (voir la suite). C’est Jean-Claude Pressac lui-même qui nous fournit cette information (Jean-Claude Pressac, ibid., p. 91). Il faut noter que les archives de Dornburg ont été récupérées, après la réunification, par les Archives fédérales allemandes.

3. Komitee der antifaschistischen Widerstandskämpfer in der Deutschen demokratischen Republik, SS im Einsatz: Eine Dokumentation über die Verbrechen der SS, Berlin-Ost: Kongress-Verlag, 1957, p. 269 (nombreuses rééditions. Outre l’édition de 1957, nous avons également consulté Heinz Schumann & Heinz Kühnrich, SS im Einsatz: Eine Dokumentation über die Verbrechen der SS, Berlin: Deutscher Militärverlag, 1967, p. 284 pour le document qui nous intéresse). La source archivistique du document n’est pas mentionnée par SS im Einsatz. Il s’agit très probablement de l’exemplaire des archives de Dornburg (cité plus tard par Pressac, avec une coquille; voir note 2) dont une copie fut transmise en 1981 aux Archives du Musée d’Auschwitz. La transcription figurant dans SS im Einsatz présente une légère erreur puisque le «Registratur» du document original (et également de sa copie certifiée) est transcrit de façon fautive par «Registrator» (la coquille ne semble pas avoir été corrigée dans les éditions ultérieures puisqu’elle figure encore dans l’édition de 1967 que nous avons consultée).

4. Jean-Claude Pressac, Les crématoires d’Auschwitz. La machinerie du meurtre de masse, Paris: CNRS Éditions, 1993. La note 252 (page 107) dont il accompagne la citation de la lettre du 28 juin (page 80) mentionne, outre l’habituelle cote des Archives du Musée d'Auschwitz désignant la copie conforme, la cote de l’original: «ACM, 502-1-314». ACM désigne les Archives centrales de Moscou, dans lesquelles se trouvent les deux tiers des archives de la Bauleitung d’Auschwitz, saisies en 1945 et emmenées par les Soviétiques. Ces fonds d’archives ne furent ouverts à la consultation qu’après la «chute du communisme», au début des années 1990. S’y trouvent de nombreux documents relatifs aux crématoires. Ils ont été microfilmés et ces versions microfilmées sont notamment consultables au Musée de l’Holocauste de Washington. Jean-Claude Pressac n’avait pas eu accès à ces fonds pour son ouvrage de 1989, mais avait pu les utiliser pour celui de 1993. Dans un article du Spiegel de la fin 1993, justement à l’occasion de la sortie de l’ouvrage de Jean-Claude Pressac, un fac-similé (de très mauvaise qualité) de l’original est publié, pour la première fois, sans aucune source cependant («Protokolle des Todes», Der Spiegel, 40/1993   4 oktober 1993, p. 151).

5. En 1994, Robert van Pelt évoque ce document, dans sa version originale, mais en passant, sans le reproduire ni en citer le contenu, dans «A site in search of a mission» (in Ysrael Gutman et Michael Berenbaum (éds.), Anatomy of the Auschwitz death camp, Washington D.C and Bloomington: United States Holocaust Memorial Museum and Indiana University Press, 1994. Chapitre 6, note 99, p. 155): «Letter, Bischoff to Kammler, June 28, 1943, Central Archives of Russia, Moscow, Coll. 502/1, no. 314 (United States Holocaust Research Institute Archives, microfilm RG-11.001M.03, reel 41)». En 2002, Robert van Pelt cite la lettre plus complètement, encore dans sa verion originale: «Bischoff to Kammler, 28 June 1943, Osobyi Moscow, ms.502/1–314; USHRI Washington, microfilm RG 11.001M.03–41» (Robert van Pelt, The Case for Auschwitz: Evidence from the Irving Trial, Indiana University Press, 2002, p. 517, note 81.) et en fournit une reproduction page 343 (reproduction qui suit une traduction en anglais quasi intégrale, p.  342, reproduisant la mise en page de l’original et traduisant correctement Personen par persons). USHRI désigne le United States Holocaust Memorial Museum Research Institute.

6. Ota Kraus et Erich Kulka, Noc a mlha, Prague: Naše vojsko, 1958. Noc a mlha est la suite d’un premier ouvrage bien connu de Ota Kraus et Erich Kulka sur Auschwitz sorti dès 1946 (et maintes fois réédité et complété, traduit dans de nombreuses langues, dont l’allemand et l’anglais, mais malheureusement pas en français), Továrna na smrt (usine de mort), Prague: Cin, 1946. Signalons que c’est sous le nom de Erich Schön qu’Erich Kulka est identifié sur la première édition.

7. Ota Kraus et Erich Kulka, Massenmord und Profit. Die faschistische Ausrottungspolitik und ihre ökonomischen Hintergründe, Berlin: Dietz Verlag, 1963, p. 127.

8. Helmut Eschwege (éd.), Kennzeichen J. Bilder, Dokumente, Berichte zur Verfolgung und Vernichtung der deutschen Juden 1933-1945. Berlin:Deutscher Verlag der Wissenschaften, 1966.

9. Les sources documentaires sont fournies à la fin de l’ouvrage. C’est à la page 372 qu'est mentionnée la source de la lettre du 28 juin, à savoir SS im Einsatz, 1964, p. 284. La transcription présente une incohérence par rapport à sa source, puisque qu'elle introduit au dessus du «SS-Sturmbanführer» qui conclut la lettre la mention «gez. Unterschrift» (qui signale la présence d’une signature non déchiffrée), ce qui laisse penser que Helmut Eschwege, même s’il cite SS im Einsatz, a consulté la source primaire, à savoir l’exemplaire de la copie certifiée conforme de la lettre, puisque celle-ci présente effectivement à cet endroit la signature de l’auteur de la copie. Cependant la transcription reproduit la coquille de SS im Einsatz sur «Registratur» (voir note 3)…

10. Service d’information de la F.I.R., 7.3.60 n° 6, cité par Olga Wormser-Migot, Le Système concentrationnaire nazi (1933-1945), Paris: Presses Universitaires de France, 1968, p. 558, ainsi: «Le S.S. Sturmbannführer qui dirigeait les services de construction des Waffen S.S. à Auschwitz et supervisait les plans de chambres à gaz et de crématoire, rendait compte le 28 juin 1943 au W.V.H.A. à Oranienburg que les crématoires qu’il avait édifiés avaient atteint une capacité journalière de 4.736 corps». On remarquera ici une coquille (4736 au lieu de 4756) dont l’auteur de la présente étude ne sait si elle est imputable à Olga Wormser-Migot ou à sa source qu’il n’a pu consulter. La «F.I.R» désigne la Fédération Internationale des Résistants. Nous supposons que la mention de «corps» et non de «personnes» figure dans la source de 1960.

11. Jean-Claude Pressac, Les crématoires d’Auschwitz. La machinerie du meurtre de masse, Paris: CNRS Éditions, 1993. L’article de 1993 du Spiegel que nous citons plus haut, alors même qu’il fournit le fac-similé du document, passe aussi à coté de «Personen» et parle de «Leichen».

12. Jean-Claude Pressac, Auschwitz. Technique and operation…, op. cit, p. 244.

13. Raul Hilberg, The Destruction of the European Jews, Third edition, Yale University Press, 2003, vol. III, p. 1044. Il s’agit de la dernière version, la plus complète du Hilberg. Ce passage figure dans l’édition française de 2006, à la page 1801 du volume III (Raul Hilberg, La destruction des Juifs d’Europe, Éd. définitive, complétée et mise à jour, Folio-Histoire, Paris: Gallimard, 2006): : «La capacité théorique des quatre crématoriums de Birkenau était un peu supérieure à 4 400».

14. Raul Hilberg, op. cit., note 113, p. 1044. C’est bien une reproduction de l’original qu’Hilberg a consultée puisque dans cette note, il fournit la même référence que Robert van Pelt: «US Holocaust Memorial Museum Archives, Record Group 11.001 (Center for Historical Collections, Moscow), Roll 41, Fond 502, Opis 1, Folder 314». C’est donc en toute connaissance de cause, qu’Hilberg élude et ne restitue pas le «Personen» du document. Il est d’ailleurs très intéressant d’examiner comment Hilberg traite l’information relative à la capacité des crématoires d’Auschwitz Birkenau depuis la première édition de son ouvrage en 1961, constamment retravaillé, modifié, enrichi, précisé sur plus de 40 ans. Dans la première édition, en 1961, voici ce que Raul Hilberg écrit: «five new crematoriums, which could burn about 12,000 bodies a day». La note 63 qui accompagne ce texte renvoie à «Sehn, “Oswiecim”, p. 87» (Raul Hiberg, The Destruction of the European Jews, Londres: W. H. Allen, 1961, p. 629. Il s’agit de édition britannique, identique par son contenu à l’édition américaine). Nous savons aujourd’hui que cette estimation est largement supérieure à la réalité, supérieure même aux estimations soviétiques de mai 1945 (voir plus bas dans la présente note). La source utilisée par Raul Hilberg est l’une des premières études publiée sur Auschwitz. Jan Sehn était le juge chargé d’enquêter dès 1945 sur Auschwitz et il prépara l’acte d’accusation contre son commandant Rudolf Hœss. Dans un ouvrage collectif publié en 1946 (Central Commission for the Investigation of German Crimes in Poland, German Crimes in Poland, Warsaw: 1946), Sehn signe une étude intitulée «Concentration and Extermination Camp at Oświęcim». Sehn y avance en effet le chiffre mentionné par Hilberg (p. 88 et non 87, dans l’édition que nous avons consultée), sans fournir sa source. Nous avons néanmoins retrouvé la source initiale de ce chiffre, très probablement utilisée par Sehn pour sa propre publication. En février-mars 1945, les Soviétiques mènent une enquête circonstanciée à Auschwitz sous les auspices d’une «Commission extraordinaire d’Etat pour l’investigation et la recherche des crimes commis par les envahisseurs germano-fascistes et leurs complices.». Malgré la pompe de cette dénomination interminable, le travail effectué est aussi sérieux que possible compte tenu des circonstances et de la «fraîcheur» des événements. Des experts de domaines variés sont sollicités, des centaines de témoins rescapés sont entendus. Un rapport est rédigé et publié dès le mois de mai 1945 (dans la Pravda, no 109, 7 mai 1945). Il sera plus tard incorporé à la documentation du procès de Nuremberg sous la cote «008-USSR» (ou «URSS-008») et publié dans les actes du Procès de Nuremberg dans sa traduction en allemand (vol.  39, p. 257 et suivantes). Il est frappant de constater que, dans les grandes lignes, la réalité décrite correspond à ce que nous savons aujourd’hui du fonctionnement d’Auschwitz-Birkenau, à deux exceptions près, la spécificité juive des assassinats de masse (passée sous silence) et les ordres de grandeur largement surévalués. Ce rapport est notamment à l’origine du chiffre erroné de quatre millions de victimes (la réalité est depuis longtemps établie par les historiens à environ un million), chiffre basé sur des capacités de crémations surévaluées (9000 par jour pour les crématoires de Birkenau, 300 pour celui d’Auschwitz I, associés à un calcul compliqué). Sehn ne reprend pas ces évaluations explicites données en fin de rapport, mais reprend un chiffre donné par un témoin cité (avec les guillemets d’usage) dans le rapport, «Heinrich Tauber» (en fait Henryk Tauber, ancien membre des Sonderkommandos, bien connu pour avoir formellement déposé ensuite à plusieurs reprises, notamment pour le procès de Cracovie dès 1945) dont le rapport mentionne qu’il aurait déclaré «tous ces crématoires brûlaient 10 000 à 12 000 cadavres par jour», dans un contexte qui peut d’ailleurs laisser penser que cette fourchette incluait les fosses d’incinération en plein air (traduction en français du rapport soviétique initialement paru dans la Pravda: «Oswiecim (Auschwitz). Le camp où les nazis assassinèrent plus de quatre millions d’hommes», dans Forfaits hitlériens. Documents officiels, Traits, no 6-7, juin-juillet 1945, Genève-Paris: Trois Collines, p. 277-310, p. 283-284 pour le témoignage de Henryk Tauber). Il nous est impossible de savoir pourquoi Sehn a choisi le chiffre le plus haut de cette fourchette du témoignage de Tauber plutôt que les chiffres explicites donnés en conclusion du rapport, toutefois il a réalisé que cette évaluation n’était pas la mieux établie puisqu’il révise plus tard à la baisse le chiffre en question. Jan Sehn, en effet, publierait dix ans plus tard, en polonais, un ouvrage entièrement consacré à Auschwitz immédiatement traduit en anglais et en français (Jan Sehn, Le Camp de concentration d'Oświęcim-Brzezinka (Auschwitz-Birkenau). D’après des documents et des sources officielles, Warszawa: Wydawnictwo prawnicze, 1957, nombreuses rééditions complétées). Il y mentionne des capacités revues à la baisse, plus conformes (bien que légèrement inférieures, sans qu’il soit possible de déterminer pourquoi) aux conclusions du rapport soviétique de mai 1945: 8000 par jour pour les seuls crématoires de Birkenau (pages 147 et 148). Ce sont ces chiffres et cette source qui seront d’ailleurs cités par Léon Poliakov, dans son Auschwitz (Juilliard, 1964, p. 64. Poliakov y parle évidemment de «cadavres»). Hilberg cependant, dans les rééditions de son ouvrage, maintient son chiffre de 1961, et ce jusqu’en 1985. En 1985, il publie une version largement complétée et remaniée de son Destruction of the European Jews (The Destruction of the European Jews, Rev. and definitive ed., 3 vol., New York; London: Holmes & Meier, 1985). Dans le troisième volume, page 978, il écrit «The theoretical daily capacity of the four Birkenau crematoria was somewhat over 4,400». La note 110 qui accompagne cette information est la suivante: «Zentralbauleitung Auschwitz to WVHA-C, June 28, 1943, in Helmut Eschwege, éd., Kennzeichen J (East Berlin, 1966), p. 248. The crematorium in Auschwitz I was described as having a daily capacity of 340 bodies, II and III of 1,440 each; and IV and V of 268 [sic] each». Cela amène plusieurs remarques. Premièrement Hilberg fait bien référence à la lettre du 28 juin 1943. Il en a eu le texte sous les yeux via le recueil de Helmut Eschwege que nous avons rencontré plus tôt. Il a toutefois évité de traduire «Personen» qui figure bien chez Helmut Eschwege qui recopie complètement et correctement la transcription de SS im Einsatz (voir notes 7 et 8). Enfin on note une erreur de retranscription par Raul Hilberg qui écrit «268» au lieu de «768» pour les crématoires IV et V. Cette erreur se retrouve d’ailleurs dans la traduction en français de cette version de l’ouvrage de Raul Hilberg (La destruction des Juifs d’Europe, Fayard, 1988, p. 846). On remarque cependant que, nonobstant cette coquille, l’information a pris sa forme définitive, ce qui est légitime puisqu’elle rend compte du contenu du document original. L’erreur est toutefois rectifiée dans la dernière édition, celle de 2003 (traduction française de 2006, corrigeant également l’erreur), celle-là même où Raul Hilberg, 40 ans après sa première évocation des capacités de crémation de Birkenau, est finalement remonté à la source primaire, au document original qu’il a consulté. Au delà du refoulement de «Personen», ce qui est remarquable ici, c’est la constance, la rigueur, le souci de la précision de Raul Hilberg. Dans sa première version, il utilise le seul matériel à sa disposition (et probablement le meilleur à l’époque), mais qui est une source secondaire sans assise documentaire. Vingt ans plus tard, il affine radicalement en se référant cette fois à un document, cité toutefois dans une version non originale transcrite dans une source secondaire. Vingt ans plus tard encore, Raul Hilberg a tenu à consulter lui-même et à rendre compte du document original, quand bien même cela ne changeait pas le strict contenu du passage en question. Quelle leçon…

15. Raul Hilberg, La destruction des Juifs d’Europe, Éd. définitive, complétée et mise à jour, Folio-Histoire, Paris: Gallimard, 2006, vol. III, note 529 p. 1801.

16. Danuta Czech, Kalendarium der Ereignisse im Konzentrationslager Auschwitz-Birkenau, 1939-1945, Reinbek bei Hamburg: Rowohlt, 1989

17. Franciszek Piper & Danuta Czech, Auschwitz: nazistowski obóz smierci: praca zbiorowa, Oświęcim-Brzezinka: Wydawn. Państwowego Muzeum, 1993.

18. Il cite également également la copie des Archives du Musée d’Auschwitz «APMO BW 30/42/2».

19.Auschwitz 1940-1945. Węzłowe zagadnienia z dziejów obozu, Oświęcim, 1995.

20.Auschwitz 1940-1945: Studien zur Geschichte des Konzentrations- und Vernichtungslagers Auschwitz, Berlin: Metropol Verlag, Berlin 1999.

21.Auschwitz, 1940-1945: central issues in the history of the camp, Oświęcim: Auschwitz-Birkenau state museum, 2000.

22.. Auschwitz 1940-1945. Les problèmes fondamentaux de l’histoire du camp, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 2011.

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