MARC BLOCH
Note bibliographique de L'étrange défaite, Marc Bloch, Gallimard, collection Folio/Histoire (n.27), 1990, p. 7:
Marc Bloch est né le 6 juillet 1886 à Lyon où son père Gustave Bloch occupait, à la faculté des lettres, une chaire d'histoire et d'antiquités gréco-romaines. Il appartenait, par son père, à une famille juive qui était déjà fixée en Alsace au XVIIIe siècle.
Après des études secondaires à Paris, au lycée Louis-le-Grand, il entre à l'École normale supérieure en 1904. En 1908, il est reçu à l'agrégation d'histoire.
En 1908-1909, il fait plusieurs séjours universitaires à Berlin et à Leipzig qui lui permettent de se familiariser avec les travaux et les méthodes de l'école historique allemande.
De 1909 à 1912 il est pensionnaire de la fondation Thiers et publie ses premiers articles d'histoire médiévale.
De 1912 à 1914, il est professeur d'histoire et de géographie aux lycées de Montpellier puis d'Amiens.
Mobilisé en août 1914 dès les premiers jours du conflit comme sergent d'infanterie, il termine la guerre comme capitaine après avoir été cité quatre fois à l'ordre de l'armée et avoir reçu la croix de guerre.
En 1919, il est nommé chargé de cours d'histoire du Moyen Age à la faculté de Strasbourg.
Le 23 juillet de la même année, il épouse Simonne Vidal. De cette union naîtront six enfants.
En 1920 paraît sa thèse de doctorat d'État, Rois et Serfs, un chapitre d'histoire capétienne, qu'il a soutenue en Sorbonne.
C'est à la faculté de Strasbourg, où il devient professeur sans chaire en 1921, puis professeur d'histoire du Moyen Age en 1927, et où il va rester jusqu'en 1936, qu'il a accompli l'essentiel de son Ïuvre d'enseignant et de chercheur. C'est là qu'il se lie d'amitié avec Lucien Febvre et qu'il fonde avec lui, en 1929, les Annales d'histoire économique et sociale.
En 1936, il est nommé maître de conférence d'histoire économique à la Sorbonne (et professeur en chaire un an plus tard). Le 24 août 1939, malgré son âge et ses charges de famille qui le dispensaient des obligations militaires, il est mobilisé, sur sa demande, comme capitaine d'état-major.
Aux derniers jours de la bataille des Flandres il rejoint Dunkerque pour ne pas se rendre à l'ennemi. Ii passe en Angleterre, débarque ensuite à Cherbourg où il contribue au regroupement de l'armée du Nord. Après l'armistice, le 2 juillet 1940, il passe en zone non occupée, déguisé en civil.
Exclu de la fonction publique par les décrets de Vichy d'octobre 1940 contre les Français d'origine juive, il est peu après a relevé de déchéance» avec une dizaine d'universitaires «pour services scientifiques exceptionnels rendus à la France» et détaché à l'université de Strasbourg repliée à Clermont- Ferrand. L'année suivante, la santé de sa femme exigeant un séjour dans le Midi, il obtient d'être affecté à l'université de Montpellier, malgré l'hostilité du doyen de la faculté des lettres de cette université, qui ne fait guère mystère de ses sentiments antisémites. Après le débarquement des Américains en Afrique du Nord et l'invasion de la zone libre par les troupes allemandes, il est obligé de se réfugier à Fougères dans la Creuse où il possède une maison de campagne.
Déjà, à Clermont-Ferrand, Marc Bloch était entré en contact avec les premiers groupes locaux de Résistance. A Montpellier, il adhère au réseau «Combat» avec l'équipe Coutin-Teitgen et contribue à organiser le mouvement clandestin sur le plan régional.
En 1943, il entre complètement dans la vie clandestine dans le mouvement «Franc-Tireur», et rejoint Lyon. Il est membre du Directoire régional des mouvements unis de la Résistance où il représente Franc-Tireur. Sous les pseudonymes de «Chevreuse», puis «Arpajon» et «Narbonne», il constitue les comités de la libération de la région et met en place le dispositif de l'insurrection pour les dix départements qui dépendent de Lyon.
Le 8 mars 1944, il est arrêté et torturé par la Gestapo: on lui casse le poignet, on lui défonce les côtes et on le soumet au supplice du bain glacé. Il est ramené, dans le coma, à la prison de Montluc.
Le 16 juin 1944, on le fait monter dans un camion avec d'autres détenus dont un jeune garçon de dix-sept ans qui pleure. Marc Bloch le réconforte: «Ils vont nous fusiller, lui dit-il n'aie pas peur, ils ne nous feront pas mal... Cela ira vite.» A Saint-Didier-de-Formans, le camion s'arrête au bord d'un champ. Marc Bloch est fusillé le premier. En tombant, il crie: «Vive la France.»
Marc Bloch a aidé la discipline historique en France à se renouveler en profondeur, grâce, notamment, à l'ouverture aux phénomènes de mentalités, d'anthropologie, de société et d'économie et à leurs temporalités propres et décalées. Il est l'auteur des Rois thaumaturges (1924), des Caractères originaux de l'histoire rurale française (1931), de La Société féodale (1939-1940), d'Apologie pour l'histoire ou Métier d'historien (publication posthume en 1949).L'Étrange Défaite a été rédigé de juillet à septembre 1940. Destiné à n'être publié que dans une France libérée de l'occupant, l'ouvrage parut en 1946 par les soins du mouvement Franc-Tireur. Philippe Arbos témoigna (Deuxième Livre d'or de l'École normale supérieure de Saint-Cloud, 1939- 1945): «Ce serait singulièrement rétrécir la personnalité de Bloch que de ne voir en lui que l'historien et l'universitaire. L'historien et l'universitaire ne voulaient se concevoir eux- mêmes qu'en rapport avec la vie. A cet égard nul document plus précieux et plus émouvant que le livre qui devait s'appeler " Témoignage ", pour lequel la publication d'un ouvrage portant le même titre a obligé d'adopter un autre nom, L'Étrange Défaite. Bloch m'en avait confié un manuscrit qui lors d'une perquisition, échappa aux yeux de la police dé Vichy. Un ami clermontois, le Dr Canque, le dissimula alors dans une maisonnette de la banlieue clermontoise, la maisonnette fut occupée par un poste allemand de D.C.A. Nous étions fort inquiets sur le sort du manuscrit, lorsqu'un jour le Dr Canque le trouva gisant à terre, les Allemands l'avaient jeté à tout vent sans se préoccuper de ce qu'il pouvait être. Le Dr Canque l'enterra alors dans sa propriété d'Orcines; peu après, les troupes allemandes, se repliant du Midi, campèrent à Orcines et y creusèrent des tranchées, mais cette fois ne mirent pas au jour le précieux écrit que nous pûmes bientôt rendre à la famille de Bloch. »
Autre article sur Marc Bloch (en anglais)
Informations diverses sur Marc Bloch
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20/07/97 -- mis à jour le 24/10/2000