Faurisson, un antisémite
Faurisson se compare à l’ultra-collaborationniste antisémite Henri Labroue
Dans son introduction à ses écrits révisionnistes, Faurisson, après s’être comparé à un politicien romain véreux, se compare à un autre «illustre prédécesseur»:
«Ayant eu à enseigner à la Sorbonne, je songe également à mon prédécesseur Henri Labroue, auteur d’un ouvrage sur Voltaire antijuif . A la fin de l’année 1942, en pleine occupation allemande, à une époque où l’on veut nous faire croire que les juifs et leurs défenseurs se faisaient le plus discrets possible, il dut renoncer à donner ses cours sur l’histoire du judaïsme. Citons André Kaspi: “Une chaire d’histoire du judaïsme a été créée à la Sorbonne pour la rentrée de 1942 et confiée à Henri Labroue. Les premières leçons ont donné lieu à des manifestations d’hostilité et à des incidents qui ont entraîné la suppression des cours”1»
Avant de voir qui était Labroue, précisons que Faurisson se garde de préciser que Kaspi, à la page même citée, écrit du cours de Labroue qu’il s’agissait de «cours prétendument scientifiques2». Faurisson est un habitué des citations partielles qui passent sous silence les passages qui le dérangent.
Car ce que Faurisson ne dit pas, c’est que Labroue était une fripouille collaborationniste, un des antisémites les plus virulents des milieux pro-nazis. Aussitôt après la débâcle, il s’était résolument engagé dans la collaboration et l’antisémitisme3. Dès 1940, il propose spontanément ses services aux autorités allemandes pour participer au développement de la propagande antijuive en France4. Labroue collaborait au Cahier jaune, une revue fanatiquement antisémite lancée par l’I.E.Q.J, l’Institut d’étude des questions juives, officine de propagande antisémite parrainée par les nazis, créée en mai 1941 par Xavier Vallat, premier commissaire aux questions juives du gouvernement de Vichy. Aux cotés de Labroue, on trouvait aux Cahiers jaunes des antisémites pathologiques comme Henry Coston et Pierre Antoine Cousteau5.
Labroue, réclama, à l’été 1941, la création d’une chaire d’«histoire du judaïsme» à Carcopino, ministre de l’éducation, qui la lui refusa6.
En mai 1942, Labroue se répand dans la presse:
«La primauté de l’éducation antijuive est à ce point certaine que j’ai demandé au Président Laval que soit créée en Sorbonne une chaire d’histoire du judaïsme contemporain7»
C’est la même année qu’il publie son Voltaire antijuif, pamphlet antisémite répertoriant sans la moindre nuance les passages antijuifs de Voltaire, afin de montrer à quel point l’antijudaïsme est une tradition française8… On aura remarqué que Faurisson s’est abstenu de mentionner la date de publication de cet ouvrage antisémite, 1942, en pleine collaboration, au moment où les Juifs d’Europe étaient exterminés… Labroue avait obtenu l’autorisation de publier dès le 2 octobre 1940, auprès de la Propaganda Staffel9. Labroue avait fondé en avril 1941, avec le soutien de l’ambassade allemande, un institut d’études juives. Le programme de cet institut était antisémite et collaborationniste10. A la tête de son institut, il participa activement à la préparation de l’exposition ultra-antisémite «le juif et la France» lors de sa présentation à Bordeaux en avril-mai 194211. Labroue avait eu quelques difficultés à publier son Voltaire… Son pamphlet était jugé trop antijuif, selon ses propres termes, par les maisons d’édition françaises! En janvier 1941, il prit donc sa plus belle plume pour écrire directement à Joseph Goebbels afin de lui réclamer son aide. Et de fait le livre fut publié l’année suivante, par une maison d’édition allemande12.
C’est le second responsable du C.G.Q.J, le Commissariat Général aux Question Juives, Louis Darquier, un antisémite virulent formé par Coston, qui appelait au meurtre des Juifs dès avant la guerre, qui prit l’initiative, avec l’approbation du successeur de Carcopino, l’ultra-collaborationniste Abel Bonnard, «admirateur délirant de la virilité nazie»13, de créer à la Sorbonne une chaire d’histoire du judaïsme en novembre 194214. Autrement dit une tribune pour proférer toutes sortes de thèses racistes et antisémites.
Voici comment Labroue présente son enseignement, juste après sa nomination, dans un numéro du très antisémite Cahier jaune:
«Non seulement j’espère ouvrir l’esprit de nombreux étudiants qui, je le souhaite, deviendront à leur tour des propagandistes, mais encore je forme le vu que les futurs professeurs incorporent dans leur enseignement des lycées et collèges les matières qu’ils auront apprises à la Sorbonne. […] Il faut espérer que, dans quelques années, il n’y aura pas une seule commune de France dont les enfants n’auront été instruits de cette question [la question juive], dont la solution comporte la vie ou la mort pour notre pays et pour l’avenir de la race15»
Le poste est d’ailleurs créé, contrairement à l’usage, sans que la faculté de la Sorbonne n’ait été consultée, ainsi que le regrette son Doyen lorsqu’il apprend la création de cette chaire16.
Dans sa leçon inaugurale, Labroue se réfère aux travaux eugénistes d’Othmar von Verschuer, le spécialiste des questions raciales en Allemagne nazie, responsable hiérarchique des expériences menées à Auschwitz par le Dr. Mengele17. Voici quelques extraits — et l’on aura bien à l’esprit que Faurisson se compare à ce personnage — de cette leçon inaugurale:«[les juifs constituent] une sous-race métissée par les races arménoïdes et araboïdes. […] Un nez d’ordinaire fortement convexe, des lèvres charnues dont l’inférieure est souvent proéminente (résidu probable des facteurs négroïdes) des yeux peu enfoncés dans les orbites avec […] quelque chose d’humide et de marécageux, et un rétrécissement de la fente des paupières où l’on peut voir une connexion mongoloïde […] Cheveux crépelés qu’on peut rattacher à l’ascendance négroïde; oreille grande, charnue, décollée; épaules légèrement voûtées; pieds plats, un certain prognathisme; une faible musculature du mollet, s’expliquant soit par un résidu négroïde, soit par l’état social citadin; des doigts potelés avec une poignée de main mœlleuse et fondante ; empreintes digitales d’un type spécial ; odeur particulière traduisant peut-être les anciennes accointances négroïdes ; prédominance du sang B18»
Claude Singer parle d’une «accumulation de stupidités […] dont [on n’a] donné ici qu’un faible aperçu19». Le contenu du cours fait donc la part belle aux pires stéréotypes antisémites. Faurisson s’était bien abstenu de faire mention du contenu réel du cours de Labroue…
Ce contenu, en tous cas, ne semble guère avoir été apprécié des étudiants qui le huent et le sifflent. Marrus et Paxton rapportent:
«Lorsque Labroue qui avait soixante-deux ans, fit cours dans l’amphithéâtre Michelet, il n’avait devant lui, aux dires d’un observateur allemand, que trois à cinq étudiants réguliers. L’amphithéâtre était rempli de personnes venues le conspuer et le C.G.Q.J [l’officine antisémite dirigée par Darquier] dut envoyer des photographes pour permettre de les identifier20»
Tout le monde, étudiants et professeurs ont marqué leur désapprobation du cours de Labroue. Il en sera de même à la Faculté de médecine de Paris où René Martial tenta d’introduire un enseignement raciste21.
L’hostilité était générale dès la leçon inaugurale. Claude Singer rapporte que les professeurs en avaient été absents22. Labroue y était apparu flanqué de Darquier et applaudi par les membres du C.G.Q.J, venus faire la claque. L’identité des participants avait été contrôlée. Mais ils n’avaient pas été fouillés. Quelques étudiants organisèrent donc un chahut pour protester contre l’entrée du racisme en Sorbonne. On peut avoir la certitude, malgré les insinuations de Faurisson qu’il n’y avait pas de Juifs parmi eux, et qu’il n’était point besoin d’être un «défenseur des Juifs» pour trouver les propos de Labroue parfaitement ignobles. Claude Singer rapporte que «l’ostracisme dont H. Labroue a été victime à la Sorbonne ne doit pas être seulement attribué aux étudiants. Les professeurs de la Faculté de lettres de Paris s’abstiennent tous en effet de lui adresser la parole23»
Finalement ce ne sont pas les incidents qui précipitent la fin du cours, mais bien l’absence de plus en plus patente d’auditeurs24! Le cours n’est pas tant supprimé que la plupart des séances petit à petit annulées par manque d’auditeurs. Le cours se poursuit ramené à deux séances hebdomadaires au lieu de trois, tout au long de l’année 1943. En 1944 la plupart des séances doivent être annulées faute de participants. Faurisson fait donc une présentation frauduleuse du devenir du cours de Labroue en prétendant que «A la fin de l’année 1942 […] il dut renoncer à donner ses cours sur l’histoire du judaïsme».
Labroue fréquente avec assiduité les réunions mondaines et pseudo-scientifiques organisées par les milieux ultra-collaborationnistes. Il publie un nombre impressionnant d’articles dans la presse antisémite (Au Pilori, Le Cahier jaune, La Question juive en France et dans le monde…)25. Labroue fréquente le Cercle aryen dirigé par Paul Chack, écrit dans Parizer Zeitung, Deutschland-Frankreich, Je suis partout, etc26. En 1943, Labroue se rend propriétaire de biens «aryanisés»27 (c’est à dire confisqués à des Juifs — décidément Faurisson est friand des voleurs de Juifs…). Il est très apprécié des Allemands, fait plusieurs conférences à Francfort en avril 1944. Il devait prendre la parole à Cracovie en juillet 1944 aux cotés de Rosenberg, Hans Frank, von Ribbentrop, Himmler et Goebbels28. Ce colloque, qui portait sur «Le judaïsme et la politique mondiale de notre époque», fut annulé à la dernière minute… Labroue savait mêler sa passion antisémite et son collaborationnisme pro-nazi dans des formules ramassées. C’est ainsi qu’en 1943, il apostropha Mgr Felin, en raison de l’attitude humaine des prélats français à l’égard des Juifs persécutés. Il le traita d’«archevêque judéo-gaulliste»29. Jeannine Verdès-Leroux écrit à propos de Labroue qu’à «l’été 1944, il écrivait encore des articles d’un antisémitisme sans limite30»
Le rejet de l’enseignement raciste de Labroue n’a pas pour origine une quelconque cabale des «défenseurs des juifs», mais est la réaction naturelle d’un milieu, celui des étudiants et professeurs de l’Université française, totalement allergique à l’ignominie raciste distillée par Labroue. Faurisson, voudrait faire croire qu’il y aurait eu une sorte d’«influence» juive derrière l’interruption du cours de Labroue. Mais il présente l’affaire de façon totalement frauduleuse, le plus gros de la fraude consistant à taire le pedigree infamant de Labroue…
La présentation frauduleuse de Faurisson concerne donc ici plusieurs points:
- Il passe sous silence le fait que H. Labroue est un ultra-collaborationniste et un antisémite virulent qui reprend les pires délires nazis.
- Il passe sous silence le fait que le Voltaire antijuif de Labroue est un pamphlet antisémite publié par une maison d’édition allemande après des pleurnicheries de Labroue auprès de Goebbels.
- Il passe sous silence la nature proprement ignoble du cours de Labroue.
- Il prétend que le cours de Labroue s’est interrompu à la fin 1942, alors qu’il a commencé le 15 décembre 1942 et que l’«interruption» fut progressive.
- Il passe sous silence le fait que c’est la désaffection du cours et la désapprobation des autres professeurs qui ont conduit à l’annulation progressive de la plupart des séances, et non les incidents initiaux.
Par contre, personne ne sera surpris que Faurisson se compare à un ultra-collaborationniste et à un fanatique antisémite en tentant de le faire passer pour une innocente victime ne serait-ce que des «défenseurs des juifs»… Faurisson est un antisémite.
Bibliographie
- Claude Singer, «Henri Labroue ou l’apprentissage de l’antisémitisme», dans L’antisémitisme de Plume. 1940-1944. études et documents, sous la direction de Pierre-André Taguieff, Berg International éditeurs, 1999.
- Claude Singer, «L’échec du cours antisémite d’Henri Labroue à la Sorbonne (1942-1944)», Vingtième Siècle, no 39, juillet-septembre 1993. L’article est disponible sur Internet.
- Claude Singer, Vichy, l’université et les juifs, Hachette, Pluriel, 1996. 1ère édition, Les Belles Lettres, 1992.
- Brigitte et Gilles Delluc, «Henri Labroue. De Bergerac à la Sorbonne. De la Révolution à l’antisémitisme», Bulletin de la Société Historique et Archéologique du Périgord, 2010, Tome CYYYVII, no 3. En ligne…
Notes.1. Robert Faurisson, écrits révisionnistes, édition privée hors commerce, 1999, p. XLVII
2. André Kaspi, Les Juifs pendant l’Occupation, Seuil, 1997 — ; 1ère éd. 1991, p. 109.
3. Claude Singer, «L’échec du cours antisémite d’Henri Labroue», Vingtième Siècle, no 39, juillet-septembre 1993, p. 5.
4. Claude Singer, «Henri Labroue ou l’apprentissage de l’antisémitisme», dans L’antisémitisme de Plume. 1940-1944 études et documents, sous la direction de Pierre-André Taguieff, Berg International éditeurs, 1999, p. 236.
5. Michael Marrus, Robert Paxton, Vichy et les Juifs, rééd., Le livre de poche, 1990, p. 299.
6. Pascal Ory, «L’université française face à la persécution», dans La France et la question juive, 1940/1944, Sylvie Messinger, 1981, p. 85.
7. Le Cri du peuple du 18 mai 1942, cité par Claude Singer, Vichy, l’université et les juifs, Hachette Pluriel, 1996, p. 201.
8. Claude Singer, Vichy, l’université et les juifs, op. cit., p. 202.
9. Claude Singer, «L’échec du cours antisémite…», art. cit., p. 5.
10. Claude Singer, «Henri Labroue…», op. cit., p. 236.
11. Claude Singer, «L’échec du cours antisémite…», art. cit., p. 5.
12. Claude Singer, «Henri Labroue…», op. cit., p. 236.
13. Fred Kupferman, «La politique de Laval 1942-1944», dans La France et la question juive, 1940/1944, Sylvie Messinger, 1981, p. 40.
14. Marrus et Paxton, op. cit., p. 413.
15. Cahier Jaune, no 11, décembre 1942, p. 10, cité par Claude Singer, Vichy, l’université et les juifs, p. 202.
16. Claude Singer, Vichy, l’université et les juifs, p. 203.
17. Claude Singer, «L’échec du cours antisémite…», art. cit., p. 6.
18. Henri Labroue, «L’histoire du judaïsme à la Sorbonne», La Question juive en France et dans le monde, 7, janvier-février 1943, p. 26-42, cité par Claude Singer, «L’échec du cours antisémite d’Henri Labroue», art. cit., p. 6. On trouvera d’autres passages de ce texte de Labroue dans l’ouvrage collectif déjà cité dirigé par Pierre-André Taguieff, L’antisémitisme de plume, p. 586-588.
19. Claude Singer, «L’échec du cours antisémite…», art. cit., p. 6.
20. Marrus et Paxton, op. cit., p. 413-414.
21. Claude Singer, Vichy, l’université et les juifs, p. 203.
22. Claude Singer, «L’échec du cours antisémite…», art. cit., p. 7.
23. Claude Singer, «L’échec du cours antisémite…», art. cit., p. 8.
24. Claude Singer, «L’échec du cours antisémite…», art. cit., p. 9.
25. Claude Singer, «L’échec du cours antisémite…», art. cit., p. 8.
26. Claude Singer, «Henri Labroue…», op. cit., p. 241.
27. Ibid.
28. Ibid.
29. Au Pilori, 8 avril 1943, cité par Pierre Pierrard, Juifs et catholiques français, Cerf, 1997, p. 292.
30. Jeannine Verdès-Leroux, Refus et violences. Politique et littérature à l’extrême droite des années trente aux retombées de la Libération, Gallimard, 1996, p. 232.
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