Sur le Z.V.D.: Stephen Poppel: Zionism in Germany 1897 1933: The Shapping of a Jewish Identity, Philadelphie, Jewish Publication Society of America, 1977.
Pour un aperçu sur l’histoire du sionisme allemand après 1933: Cohn Benno: «Einige Bemerkungen über den deutschen Zionismus nach 1933» in Hans Tramer: In Zwei Welten, Tel-Aviv, Verlag Bitaon, 1962, pp. 43-54.
Sur le R.J.F.: Dunker Ulrich: Der Reichsbund jüdischer Frontsoldaten 1919-1938: Geschichte eines jüdischen Abwehrvereins, Düsseldorf, Droste Verlag, 1977.
Sur les organisations juives orthodoxes (y compris Agudas Jisroel): Auerbach Hirsch: Die Geschichte des Bund gesetzestreuer jüdischer Gemeinden Deutschlands 1919-1938, Tel-Aviv, Ed. Olamenou, 1972.
Enfin, sur la Reichsvertretung der Juden in Deutschland, organisme collectif du judaïsme allemand créé en 1933 par les associations communautaires et les grandes organisations juives pour être le représentant unique des Juifs allemands face aux autorités allemandes, voir: Hahn Hugo, «Die Gründung der Reichsvertretung» in Hans Tramer, op. cit., p. 97.
7. Hitler Adolf: Mon combat, Paris, Nouvelles Editions Latines, 1934, tome II, p. 635. 8. Helmut Krausnick estime que la décision d’exterminer les Juifs plutôt que de les expulser a été prise entre décembre 1 940 et mars 1941 . Krausnick Helmut: «Judenvervolgung» in Buchheim Hans et Broszat Martin: Anatomie des SS Staates, Olten et Freiburg, Walter Verlag, 1965, vol. 2, p. 360. 9. Pour l’examen des dispositions légales prises pour la mise au ban des Juifs: Adam Uwe: Judenpolitik im Dritten Reich, Düsseldorf, Droste Verlag, 1972. Coll. Tübingen Schriften zur Sozial- und Zeitgeschichte. 10. Voici quelques exemples de limitations apportées au fonctionnement normal de trois organisations entre 1933 et 1938. Les locaux du Centralverein furent perquisitionnés dès février 1933 par les S.A., du matériel saisi et l’accusation de «liens avec des forces marxistes» portée à l’encontre du C.V. Les sionistes allemands n’obtinrent pas l’autorisation d’assister au dix-huitième congrès sioniste à Prague (21 août-4 septembre 1933) en tant que délégation constituée. Quant au R.J.F., à partir d’octobre 1936, la seule activité qu’en tant qu’association d’anciens combattants il avait encore le droit d’exercer était celle de l’assistance aux victimes de guerre. 11. Une exception particulièrement significative est l’interdiction, dès 1935, de l’Union des Juifs nationaux allemands (Verband National-deutscher Juden — V.N. DJ.) présidée par Max Naumann qui s’était pourtant fait fort de concilier le programme du N.S.DA.P., loué pour son désir de «renaissance de la germanité», avec les aspirations des Juifs se sentant une véritable âme allemande. La Gestapo a dissous cette organisation pour «attitudes hostiles envers l’État» parce que le credo ultra-assimilationniste du V.N.D.J., loin de trouver une oreille attentive chez les nazis, excitait encore davantage leur ire puisqu’il représentait l’antithèse de leur projet de ségrégation absolue des Juifs allemands. 12. Poliakov Léon: Bréviaire de la haine, Paris, Livre de Poche, 1974 , p. 53. 13. Entre 1933 et 1937, 40000 Juifs allemands s’établirent en Palestine alors que 33000 Juifs provenant de toute l’Europe s’installèrent aux États-Unis. 14. Tous les renseignements techniques sur le montage financier de la Ha’avara sont fournis par Wemer Feilchenfeld: «Die Durchführung des Haavara Transfers», in Feilchenfeld W., Michaelis D. et Pinner L.: Haavara-Transfer nach Palästina und Einwanderung deutscher Juden 1933-1939, Tübingen, J.C.B. Mohr, 1972. Schriftenreike Wissenschaftlicher Abhandlungen des Léo Baeck Instituts, no 26, pp. 35-85. 15. Hannah Arendt: Eichmann a Jérusalem, Paris, Gallimard, 1966. Coll. Témoins, p. 74. 16. Yisraeli David: «The Third Reich and the Transfer Agreement», Journal of Contemporary History, vol. 6, no 2, 1971, p. 134. 17. Tillmann Heins: Deutschlands Araberpolitik im zweiten Weltkrieg, Berlin (Ddr), Deutscher Verlag der Wissenschaft, 1965, p. 29. 18. Pour une analyse des rapports judéo-allemands: Mosse George: German Jews beyond Judaism, Cincinatti, Indiana University Press/Hebrew College, 1985. 19. Jüdische Rundschau, XXXVII, 8 juillet 1932. 20. Jüdische Rundschau, XXXV, 8 juillet 1930. 21. Lettre no 83-21 du 28 février 1934 citée par Ben Elissar Eliahu: la Diplomatie du IIIe Reich et les Juifs (1933-1939), Paris, Julliard, 1969, p. 86. 22. Klärung, 12 Autoren und Politiker über die Judenfrage, Berlin, 1932, p. 135. 23. Déclaration de la Z.V.D. attachée à la lettre à Bülow, 11 uin 1934, citée par E. Ben Elissar, op. cit., p. 70. 24. Jüdische Rundschau, XXXVII, 16 septembre 1932. 25. Pour un aperçu sur les défenseurs et les adversaires de la Ha’avara dans l’admnistration du Reich, voir Ben Elissar, op. cit., pp. 85-94 et 185-219. 26. Poliakov Léon: op. cit., p. 143. 27. Trunk Isaiah: Judenrat: The Jewish Councils in Eastern Europe under Nazi occupation, New York, Mac-Millan, 1972. 28. Dawidowicz Lucy: The War against the Jews 1933-1945, Londres, Weidenfeld and Nicholson, 1975. 29. Bloom Solomon: «Toward the Ghetto Dictator», Jewish Social Studies, XII, January 1950, pp. 73-78. 30. Sur la destinée de A. Gancwajch et de ses associés , voir: Ainzstein Reuben: Jewish Resistance in Nazi-Occupied Eastem Europe, Londres, Paul Elek, 1974, pp. 556-563. 31. Pour plus de détails sur l’histoire, l’organisation et l’activité de la résistance juive, nous ne pouvons que renvoyer à la somme de Reuben Ainsztein: op. cit. 32. Le journal d’E. Ringelblum Notes from the Warsaw ghetto (New York, Shocken, 1958) est une source inépuisable de renseignements sur la vie du ghetto de Varsovie. 33. Laqueur Walter: The Terrible Secret: An Investigation into the Suppression of Information about the Final Solution, Londres, Weidenfeld & Nicholson, 1980. Traduction française: Le Terrifiant secret: la Solution finale et l’information étouffée, Paris, Gallimard, 1981. 34. Tumin Melvin: «The Cult of Gratitude», in Rose Peter: The Ghetto and Beyond, New York, Random House, 1969, p. 76. 35. L’attitude de l’administration américaine est exposée dans: Feingold Henry: The Politics of Rescue: The Roosevelt Administration and the Holocaust, 1938-1945, New Brunswick, Rutgers U.P, 1970. Friedman Saul: No Haven for the Oppressed: United States Policy toward Jewish Refugees, 1938-1945, Detroit, Wayne State U.P., 1973. Morse Arthur: While Six Million died, Londre, Secker & Warburg, 1968. Wyman David: The Abandonment of the Jews, 1941-1945, New York, Pantheon Books, 1984. 36. Sur l’attitude du gouvernement britannique face aux Juifs d’Europe: Wasserstein Bernard: Britain and the Jews of Europe 1939-1945, Londres, Oxford University Press, 1979, 37. Le désaccord tactique est apparent dès 1933 puisque, tandis que le Congrès participa activement au boycott des marchandises allemandes en réponse aux pemières mesures antijuives prises par Hitler, le Comité refusa de s’y associer, préférant mettre en œuvre une diplomatie mesurée avec mémorandums et lettres de protestation. 38. Journal de Long, 11 janvier 1944, Cité par Feingold Henry, op. cit., p. 15. 39. Sur l’action du groupe de Peter Bergson, voir: Peck Sarah: «The campaign for an American Response to the Nazi Holocaust, 1943-1945», Journal of Contemporary History, vol 15, no 2, avril 1980, p. 367. 40. Sur l’inaction de Londres et Washington dans le sauvetage des Juifs: Breitman Richard: «The Allied War Effort and the Jews, 1942-1943», Journal of Contemporary History, vol. 20, Janvier 1985, p. 135. 41. Haesler Alfred: The Lifeboat is Full: Switzerland and the Refugees 1933-1945, New York, Funk & Wagwalls, 1969. 42. Fein Helen: Accounting for Genocide, New York, Free Press, 1979. 43. D’où leur opposition à la proposition Gillette-Rogers de novembre 1943 qui prévoyait la création d’une commission gouvernementale américaine dont le but serait de mettre en œuvre un plan de sauvetage pour les Juifs. Cette attitude d’obstruction exaspéra Peter qui demanda crûment au rabbin sioniste Stephen Wise: «Si vous étiez dans une maison en flammes voudriez-vous que les gens à l’extérieur crient “Sauvez-les” ou “Sauvez-les en les emmenant au Waldorf Astoria”?» Cité par Peck Sarah, op. cit., p. 384. 44. Paz Octavio: «Les perversions du langage», Esprit, février 1985, p. 98. 45. Cette idée est suggérée par Veyne Paul: Comment on écrit l’Histoire. Essai d’épistémologie, Paris, Seuil, 1971, pp. 41-42.Sionisme et nazisme: l’histoire soviétique à l’épreuve des faits,
par Alain Dieckhoff
Pardès, n° 4, 1986
© Alain Dieckhoff/Pardès - Reproduction interdite sauf pour usage personnel - No reproduction except for personal use only
Préambule (par PHDN)
Certaines modalités de l’expression des critiques portées contre Israël et le sionisme consistent à comparer, associer, assimiler, à des degrés divers, le sionisme et le nazisme. Ce type de discours a été inventé par l’Union Soviétique au début des années 1960 et a constitué dès le départ non pas une critique légitime, mais un discours antisémite élaboré sur des fictions mensongères, sinon délirantes et ordurières. Ce sont des dizaines d’ouvrages et des centaines d’articles qui paraissent jusque dans les années 1980, dénonçant sionisme et Judaisme selon des modalités souvent grossièrement antisémites, voire proprement — et paradoxalement ici —, nazies. Les régimes communistes européens tenteront parfois de donner une couleur plus sérieuse, plus savante à ces discours. Banalisés et aseptisés, ils n’en demeurent pas moins l’expression perverse d’une propagande mensongère qui n’a rien à voir avec la réalité historique. Le spécialiste de l’histoire du sionisme, Alain Dieckhoff, a entrepris en 1986 de réfuter, sine ira et studio, les plus classiques de ces accusations de «collusion» sionisme-nazisme. C’est un tour de force d’érudition, et de finesse. Nous proposons ici cette étude devenue introuvable et jamais numérisée.
A intervalles réguliers paraissent dans la presse soviétique des articles se proposant de dévoiler les relations étroites qu’auraient entretenues sionistes et nazis entre 1933 et 1945. La référence à une telle collaboration n’est pas nouvelle puisqu’on la trouve dès les années 1950 dans la revue Temps nouveaux diffusée à Moscou par le ministère des Affaires étrangères1. Elle s’est toutefois surtout développée après la guerre des Six Jours avec des campagnes de presse particulièrement virulentes en 1970 en réaction au mouvement d’émigration des Juifs soviétiques, en 1975 après la résolution de l’ONU assimilant le sionisme au racisme et en 1982 lors de la guerre du Liban, au point de devenir une formule de rhétorique qui émaille désormais de façon continuelle les commentaires soviétiques. Un exemple récent suffira à montrer que l’invocation de l’alliance sionisto-nazie est un passage obligé de l’antisionisme soviétique. Le Comité antisioniste de l’opinion soviétique, créé en 1983 et qui regroupe des personnalités juives d’U.R.S.S. totalement intégrées aux appareils du parti et de l’État2, a tenu en octobre 1984 une conférence de presse au cours de laquelle les membres du C.A.O.S. se sont employés à dévoiler «les faits irréfutables de collaboration avec les nazis3». Pour étayer leur argumentation, les différents intervenants se sont basés sur des archives, comptes rendus et documents censés prouver de façon indubitable la collusion entre les maîtres du IIIe Reich et les dirigeants de l’Organisation sioniste mondiale. Les diverses pièces à conviction (rapports, notes, dossiers officiels…), ont une fonction probante évidente: il s’agit, à l’aide de témoignages historiques, d’apporter la preuve que l’entente entre sionistes et nazis était une réalité tangible.
C’est donc à faire éclater la vérité historique que prétendent se consacrer les Soviétiques, à l’instar de Lev Korneyev qui, après avoir consacré de nombreux articles dans l’hebdomadaire Ogonyok à révéler l’union tactique entre nazis et sionistes4 est revenu à la charge en janvier 1985 — année au cours de laquelle l’U.R.S.S. célébra avec faste le quarantième anniversaire de la victoire sur l’hitlérisme — pour dénoncer l’alliance intime entre nazis et sionistes qui serait allée jusqu’à la participation directe des sionistes à l’extermination des Juifs dans les camps de la mort5.
Ces assertions peuvent faire l’objet de plusieurs séries de critiques. D’abord, sur le plan de l’interprétation, il est possible de mettre en doute les prémisses idéologiques sur lesquelles se basent les allégations soviétique. Dans la vision historique soviétique, les événements ne prennent leur sens qu’à travers l’interprétation marxiste. Ainsi, le sionisme aurait trouvé un langage commun avec le nazisme parce que leur commune nature bourgeoise les poussait naturellement à s’entendre au détriment des masses populaires qui étaient dès lors sacrifiées à la volonté de domination des classes dirigeantes. L’histoire est ici interprétée et retranscrite pour qu’elle adhère au postulat de base de la théorie marxiste: la lutte, à l’échelle mondiale, entre la bourgeoisie et le prolétariat. L’histoire n’est qu’auxiliaire d’une démonstration politique qui modèle les faits pour les faire correspondre à un schéma pré-établi.
Le second élément qui ternit les affirmations soviétiques concerne les fondements documentaires invérifiables sur lesquels elles sont fondées. Ainsi les documents cités par le Comité antisioniste (rapports de commissaires de police, communications officielles, comptes rendus d’organisations sionistes) sont presque tous conservés dans les archives de Lvov ou Tchernovtsy et donc impossibles à consulter pour un observateur occidental. Les allégations soviétiques, parce qu’elles s’appuient sur des documents fréquemment incontrôlables, sont donc nécessairement sujettes à caution, à tout le moins dénuées de valeur probante.
Enfin, l’économie interne de la démonstration soviétique manque de cohérence. Il n’est ainsi jamais clairement expliqué pourquoi le soutien sioniste à l’Allemagne hitlérienne, primordial avant 1941, devient soudain totalement dépourvu d’intérêt pour le Reich. L’incohérence ne fait que croître lorsque, tout en affirmant que la collaboration avec les sionistes est désormais devenue inutile en 1941 (en juillet, Goering donne l’ordre à Heydrich, chef du S.D. et de l’Office central du Reich, de procéder à la préparation de la solution définitive du problème juif), les historiens soviétiques concèdent par ailleurs que l’aide prodiguée par les sionistes à la politique d’extermination s’est poursuivie tout au long de la guerre par l’intermédiaire des conseils juifs (Judenräte) établis dans les ghettos d’Europe de l’Est. Comment la coopération a-t-elle pu être à la fois limitée dans le temps et continue? Ce manque d’unité du discours soviétique en entame grandement validité et instille le doute quant au bien-fondé des arguments avancés.
La thèse soviétique pourrait donc être désarticulée à un triple niveau: celui de l’idéologie, celui des sources documentaires, celui de la logique internet. Notre approche empruntera cependant une autre voie: celle de l’analyse historique. Nous voudrions confronter certaines assertions soviétiques (celles qui sont vérifiables) avec la réalité historique telle qu’elle peut être appréhendée grâce à des travaux portant tant sur la politique juive de l’Allemagne nazie que sur l’action des organisations sionistes. Il s’agira donc d’utiliser l’arme de l’histoire pour mesurer l’amplitude de l’écart entre les faits avérés et ceux rapportés par les Soviétiques. Pour mener à bien cette étude, nous avons choisi quatre faits présentés lors de la conférence du C.A.O.S. comme des preuves de la collaboration active entre les autorités sionistes et les dignitaires nazis. Les quatre faits que nous analyserons en détail concernent: le rôle de l’organisation sioniste en Allemagne dans les années 1930, l’accord de Ha’avara de 1933, l’action des Judenräte et, enfin, l’activité déployée par les groupes sionistes, à la fois pour sauver les Juifs européens et pour informer le monde de l’Holocauste.
Le rôle de l’organisation sioniste en Allemagne
[ce qu’affirment les Soviétiques:]
«A la suite de la collusion sionistes et nazis, vers le milieu des années 1930, toutes les organisations juives non sionistes de l’Allemagne furent écrasées. Seule restait l’Union sioniste d’Allemagne qui fut réorganisée en Association du Reich des Juifs en Allemagne.» (Temps nouveaux, p. 27.)Après sa nomination comme chancelier, le 30 janvier 1933, Hitler ne à déraciner immédiatement toute vie communautaire juive en Allemagne. Il était en effet à cette époque partisan d’une tactique gradualiste face à la question juive pour deux raisons, l’une pratique, l’autre doctrinale. D’une part, l’extirpation du judaïsme allemand ne pouvait être mise en œuvre tant que le régime n’était pas suffisamment consolidé à l’intérieur et tant que l’appareil d’État n’était pas tout entier sous le contrôle des nazis. Or cet entrisme dans les sphères de décision fut un processus patient et progressif qui, tant qu’il n’était pas arrivé à son terme, laissait une latitude — évidemment de plus en plus réduite avec le temps — aux groupes et organisations indépendantes du parti et de l’État.
Les organisations juives à vocation générale comme l’Union centrale des citoyens allemands de confession juive (Centralverein deutscher Staatsbürger jüdischen Glaubens — C.V.) et l’Union sioniste d’Allemagne (Zionistische Vereinigung für Deutschland — Z.V.D.) et les organisations juives plus sectorielles comme l’Association des étudiants allemands de confession juive (Kartell-Convent deutscher Studenten jüdischen Glaubens — K.C) ou l’Union du Reich des anciens combattants juifs. (Reichsbund jüdischer Frontsoldaten — R.J.F.) ne furent donc pas mises hors la loi dès 1933 mais continuèrent obstinément leur activité durant plusieurs années, dans des conditions de plus en plus difficiles au fur et à mesure que l’étau nazi se refermait chaque jour davantage sur elles6.
D’autre part, bien que Hitler n’ait jamais fait mystère de sa haine viscérale envers le Juif, ni de son ardent désir de combattre «l’hydre juive qui menace le monde entier7», l’éradication d’Allemagne de toute vie juive culturelle, sociale, cultuelle et, finalement, humaine ne constituait pas un dogme fondateur du national-socialisme qui devait être observé dès la mise en place du IIIe Reich. L’extermination a été l’apogée dramatique de la stratégie hitlérienne d’isolement des Juifs allemands. Avant la décision de mettre en œuvre le génocide des Juifs, au sortir de l’année 19408, deux autres tactiques avaient été employées concurremment: la ségrégation et expulsion. La première s’est effectuée par le boycottage économique, l’éviction de l’administration, des professions libérales, de l’enseignement et par les fameuses lois de Nuremberg à l’automne 19359.
Quant à l’éjection des Juifs hors d’Allemagne, elle s’est opérée par une émigration à la fois organisée (accord de Ha’avara de 1933 a 1939, création d’un bureau central du Reich pour l’émigration en janvier 1939, plan d’évacuation des Juifs vers Madagascar avancé en juillet 1940 mais jamais mis en œuvre) et une émigration forcée à compter de novembre 1938 après la Nuit de Cristal. Durant ces deux premières phases, la plupart des organisations Juives, tout en voyant leurs activités restreintes et en étant soumises à des pressions répétées du pouvoir10, ne furent pas supprimées avant 1938, car elles étaient doublement utiles aux nazis, leur servant à la fois d’otages collectifs pris à partie dès qu’il s’agissait de «punir» les Juifs pour leurs «forfaits» en leur extorquant des rançons, et de courroies de transmission qui répercutaient les exigences et les ordres des dignitaires nazis vers la population juive.
Toutes les grandes organisations juives et non la seule Union sioniste d’Allemagne continuèrent donc à fonctionner, vaille que vaille, jusqu’en novembre 19311. Elles suspendirent leurs activités après le pogrom des 9-10 novembre, devançant ainsi leur mise au ban définitive par les nazis qui obligèrent, en juillet 1939, tous les Juifs allemands et apatrides, à faire partie de l’Union du Reich des Juifs en Allemagne (Reichsvereinigung der Juden in Deutschland — R.V.J.D.) présidée par le rabbin Léo Baeck. Cette association cœrcitive placée sous le contrôle direct du ministère de l’Intérieur permettra de parachever la ghettoïsation définitive des Juifs.
La poursuite de l’activité des organisations juives jusqu’en 1938 explique que leurs journaux continuèrent à paraître durant les cinq premières années du règne hitlérien, leur contenu étant bien sûr expurgé de toute attaque contre «la rénovation de l’Allemagne» et «la révolution nationale mise en œuvre par le Führer». Toutes les publications juives furent interdites en bloc après la Nuit de Cristal qu’il s’agisse de la Jüdische Rundschau de l’Organisation sioniste d’Allemagne, de la C.V. Zeitung du Centralverein ou de l’Informationsblätter de la Délégation du Reich des Juifs en Allemagne (Reichsvertretung der Juden in Deutschland — Re.V.J.D.). À la place de toutes ces publications désormais bannies, le S.D. (Service de sécurité) dirigé par Reinhardt Heydrich fit paraître le Jüdische Nachrichtenblatt qui était en fait le «journal officiel des mesures antijuives» et devint l’organe de l’Union du Reich des Juifs en Allemagne qui devait pourvoir à l’assistance et à l’éducation des Juifs ainsi qu’à l’encouragement à l’émigration. Prétendre, comme le fait G. Bondarevski lors de la conférence du Comité antisioniste soviétique que «tous les journaux et revues juifs furent interdits, à l’exception du Jüdische Rundschau» est donc un pur mensonge historique, comme l’est d’ailleurs la relation tronquée faite par les Soviétiques des événements ayant conduit à l’accord de Ha’avara.
L’accord de Ha’avara.
[ce qu’affirment les Soviétiques:]
«Un symbole honteux… de la collaboration entre les sionistes et les nazis fut l’accord de Ha’avara conclu en 1933 qui eut pour but “d’exporter les capitaux de la grosse bourgeoisie juive d’Allemagne et de les investir dans les entreprises sionistes en Palestine”, assurant ainsi une base économique stable au futur État d’Israël». (T.N., p. 27.)Il est a priori, reconnaissons-le, paradoxal que «le seul accord que Allemagne avait pu conclure en ce domaine [du transfert des biens et es capitaux] l’avait été avec l’Agence juive pour la Palestine12». Comment, en effet, le sionisme se voulant le mouvement de la renaissance juive a-t-il s’accorder avec le régime nazi, l’implacable ennemi du judaïsme, en concluant avec lui en août 1933 un accord prévoyant le départ des Juifs d’Allemagne avec une certaine fraction de leur capital?
Qu’un tel accord, technique, ait pu avoir l’aval des nazis s’explique historiquement par toute une série de raisons. D’une part, comme nous l’avons déjà souligné auparavant, l’encouragement au départ des Juifs pour «résoudre» le problème juif faisait partie de la stratégie nazie en 1933. Les autorités allemandes ne pouvaient donc que souscrire à un arrangement qui leur permettra de se «débarrasser» de 53 000 Juifs entre 1933 et 1939. La plupart des pays d’immigration potentielle, particulièrement les États-Unis, ayant institué des quotas d’immigration très stricts et exigé des garanties financières importantes, la Palestine apparaissait comme le débouché naturel, pour les Juifs évacués d’Allemagne13.
D’autre part, cet accord recélait pour les nazis de considérables atouts économiques. Sans entrer dans les détails de ce complexe arrangement financier14, indiquons simplement les grandes lignes de l’accord de transfert. L’émigrant juif devait verser à la Paltreu (Palästina — Treuhandstelle zur Beratung Deutscher Juden) le montant du capital qu’il désirait transférer en Palestine. Ces sommes servaient à l’achat de biens allemands qui étaient exportés vers la Palestine, le montant de la vente étant ensuite restitué à l’immigrant.
Cette transaction avait deux avantages internes pour les maîtres du Reich: alléger la masse des chômeurs en en faisant travailler une partie à la production et à l’exportation de biens vers la Palestine — promouvoir les exportations allemandes, non seulement vers la Palestine, mais aussi vers la Syrie, l’Égypte et l’Irak (à partir de 1935). Ces deux éléments jouèrent incontestablement, surtout dans les années 1933-1935, un rôle incitatif pour les autorités allemandes.
L’encouragement à l’exportation en particulier revêtait à ce moment une importance capitale, les nazis prenant très au sérieux le mouvement de boycottage des marchandises allemandes déclenché à l’initiative de certains secteurs juifs en Grande-Bretagne et aux États-Unis. L’accord de Ha’avara permettait de pratiquer une brèche dans le blocus anti-allemand, d’assurer un débouché aux exportations et surtout — avantage tactique non négligeable — de répandre la dissension dans les rangs juifs. Et, en effet, «alors que les Juifs américains organisaient à grand-peine un boycott des marchandises allemandes, la Palestine était envahie de toutes sortes de produits made in Germany15». Semer la zizanie parmi les Juifs en parvenant avec certains d’entre eux à un arrangement qui minait l’action de boycottage entreprise par d’autres coreligionnaires ne pouvait que satisfaire les cercles dirigeants de l’Allemagne. L’accord de Ha’avara avait encore un autre intérêt pour Berlin: déposséder «légalement» les candidats au départ. Ainsi, le compte bancaire spécial (no 2) créé pour les futurs candidats à l’émigration ne pouvait excéder le montant de 50000 Reichsmark par personne. Or l’ensemble du patrimoine et capital juif en Allemagne s’élevait d’après le président de la Reichsbank, Hjalmar Schacht, à 5 billions de marks, une somme supérieure des dizaines de fois à ce que les Juifs allemands auraient pu transférer en Palestine s’ils y avaient tous immigré. Le transfert permettait donc la spoliation automatique de tout Juif qui ne pouvait emporter qu’une fraction de sa fortune. De plus, l’émigrant devait payer une taxe de départ et des ponctions financières étaient effectuées pour frais de dossier.
De ce fait, «un Juif qui transférait son argent selon les termes de l’accord devait abandonner entre deux tiers et trois quarts du total 16». Il n’est pas excessif de dire qu’avec ces accords «des sommes énormes furent extorquées par les fascistes allemands17».
Si les nazis, pour l’ensemble de raisons que nous avons évoquées, trouvaient un intérêt notoire à conclure cet accord de transfert, ils ne pouvaient parvenir, logiquement, a un tel agrément qu’avec les seuls sionistes. En effet, alors que la majorité des Juifs allemands, voués tout entier à la Bildung (l’éducation comme formatrice du caractère moral et agent de perfectionnement personnel) et à l’idéal d’émancipation individuelle diffusé par les Lumières, cherchaient à s’insérer toujours davantage dans la vie allemande se voulant des citoyens intégrés à la patrie allemande18, les sionistes luttaient pour que le monde juif redevienne «une puissance spirituelle récalcitrante qui puise sa force dans sa doctrine, son passé et sa foi dans l’avenir19». Alors que les premiers ne concevaient la destinée du judaïsme que dans le cadre de la nation allemande, les seconds, convaincus de l’irréductibilité du fait juif et de la non-identité entre État (citoyenneté) et peuple (nationalité), tentaient de promouvoir la construction d’un foyer juif en Palestine.
L’installation du nazisme en Allemagne constituait pour les sionistes une tragique confirmation de leur pessimisme historique alors que |es «assimilationnistes» voyaient brusquement s’effondrer toutes leurs croyances d’une intégration complète en Allemagne. Ce brutal réveil de 1933 affaiblissait définitivement le Centralverein et les organisations apparentées et renforçait concomitamment l’organisation sioniste allemande. Cet accroissement de sioniste est par exemple notable dans le rôle d’impulsion que remplit la Z.V.D. dans l’action menée par la Délégation du Reich des Juifs allemands à partir de 1933.
Les prémisses idéologiques divergentes entre sionistes, persuadés que «le combat pour l’Allemagne nouvelle se réalisera sur le dos et aux frais des Juifs20» et que l’engagement palestinophile des Juifs doit être développé, et «assimilationnistes» accrochés à la conviction que le nazisme devait être combattu dans le cadre de la nation allemande ne pouvaient que déboucher sur des stratégies politiques différentes. Le Centralverein qui défendait la nécessité de renforcer la lutte contre l’antisémitisme afin de saper le succès croissant du mouvement nazi se plaçait dans une position d’irréductible hostilité au nazisme. Aucun dialogue ne pouvait être entamé entre les deux camps puisque les nazis niaient précisément des Juifs au peuple allemand au nom duquel le Centralverein menait son combat défensif (Abwehrkampf) contre le nazisme.
Au contraire, l’option sioniste, avec son postulat de l’extranéité juive, n’était pas en rupture totale avec les objectifs nazis, tout au moins au début de la prise du pouvoir par le N.S.D.A.P. Une lettre-circulaire de Bülow-Schwante, chef du Referat Deutschland (section chargée des questions raciales au ministère des Affaires étrangères) met clairement en avant cette convergence tactique momentanée entre sionistes et nazis: «Les objectifs que s’est donnés cette catégorie (de Juifs qui s’opposent à l’assimilation et qui sont favorables à un regroupement de leurs coreligionnaires au sein d’un foyer national), au premier rang de laquelle se trouvent les sionistes, sont ceux qui s’écartent le moins des buts que poursuit la politique allemande à l’égard des Juifs21».
L’Allemagne étant à cette époque intéressée à l’exode des Juifs ne pouvait que trouver un intérêt à prendre langue avec les sionistes qui, parce qu’ils ne croyaient pas à une cœxistence judéo-allemande, lui offraient une remarquable opportunité pour mettre en œuvre l’émigration de «ses Juifs». La tactique sioniste à l’égard des autorités allemandes n’était donc pas de se dresser contre elles en appelant au boycottage économique de l’Allemagne mais d’ébaucher une base d’accord minimale avec elles, tout en poursuivant parallèlement une action de protestation contre la politique antijuive du Reich. Le rédacteur en chef du journal sioniste Jüdische Rundschau, Robert Weltsch, exprimait sans ambages la complémentarité de fait entre sionisme et antisémitisme: «Le sionisme… en appelle à la compréhension et à l’aide des peuples qui eux-mêmes souffrent de la question juive… Le sionisme peut aussi avoir sur la cohabitation entre Juifs et non-Juifs une influence purificatrice22». La déclaration de la Fédération sioniste d’Allemagne du 21 juin 1933 mentionne encore plus nettement cette relation d’interdépendance en affirmant que «le sionisme ne vise pas à combattre [les gouvernements hostiles aux Juifs] mais à [les] convaincre et à construire23». Bref, le mouvement sioniste pouvait utiliser de façon instrumentale les tendances antijuives du gouvernement allemand, d’où la conclusion de l’accord Ha’avara auquel seul le déclenchement de la guerre mit un terme définitif.
Ce compromis tactique sert évidemment de prétexte aux Soviétiques pour insister sur la compromission idéologique entre nazis et sionistes, les deux mouvements étant censés s’appuyer sur un identique nationalisme débridé.
La résolution prise par les délégués sionistes d’Allemagne le 12 septembre 1932 fait justice de cette accusation inique: «Le sionisme rejette un nationalisme [le nazisme, A.D.] dont les fondements résident dans la conviction de l’infériorité d’autres groupes nationaux. À ce nationalisme qui, grâce à la violence d’État, veut ôter aux hommes de conditions ou d’opinions différentes la liberté et les moyens de subsistance, le sionisme, comme mouvement national de la renaissance du peuple juif, oppose la reconnaissance d’authentiques idées nationales: travail constructif et développement des forces créatrices de la nation, et non pas combat réciproque de groupes humains entre eux24».
Si la conclusion de de Ha’avara ne préjuge pas d’une quelconque solidarité idéologique entre sionisme et nazisme, elle n’implique en outre nullement une unanimité absolue dans les deux camps. Au sein du mouvement sioniste, le congrès de l’Organisation sioniste, en août 1933, montra que l’opposition à l’action de S. Hoofien et A. Ruppin, deux des Principaux négociateurs de de Ha’avara, était extrêmement répandue parmi une fraction de délégués qui considéraient cette transaction comme une trahison des efforts de boycottage de l’Allemagne. Ceux-ci étaient d’ailleurs menés, en Angleterre, par lord Melchett, un sioniste éminent, et, aux États-Unis, par le Congrès juif américain dirigé par le rabbin Stephen Wise, lui aussi un ardent défenseur de la cause sioniste. Enfin, en Palestine même, une partie de la population boycottera l’accord en refusant d’acheter les marchandises allemandes vendues sur le marché palestinien.
Du côté allemand également on trouva une césure entre partisans et adversaires de la Ha’avara. Parmi les institutions favorables aux négociations avec les sionistes, le ministère de l’Économie, sous la direction de Hjalmar Schacht, côtoie la division commerciale du ministère des Affaires étrangères dirigée par Karl Ritter ou le tout-puissant ministère de l’Intérieur.
Certaines personnalités jouèrent un rôle d’impulsion propice à la conclusion de l’accord, mais ce sont presque exclusivement des diplomates de la «vieille école» (Otto von Hentig, chef de l’Orientreferat du Auswärtiges Amt à partir de 1 937 — Heinrich Wolff, consul général à Jérusalem jusqu’à l’été 1935) ou des fonctionnaires traditionnels (par exemple, le conseiller d’administration Hans Hartenstein, le directeur du service de la réglementation des devises au ministère de l’Économie, et à ce titre le véritable promoteur de la Ha’avara).
Au fur et à mesure que les nazis consolidèrent leur pouvoir au sein d l’appareil d’État, les centres d’opposition au transfert se renforcèrent. Si en 1934, l’Auslandorganisation du parti nazi conduite par Ernst Böhle et chargé d’encadrer politiquement les Allemands à l’étranger est la seule à revendiquer le démantèlement des accords, elle sera rejointe en 1935 par le nouveau consul général en Palestine, Wilhelm Döhle, qui s’appuie sur les 2000 colons allemands de Terre sainte et en 1936 par le Referat Deutschland (département chargé des affaires juives au ministère des Affaires étrangères). De plus, la Gestapo s’engage également à partir de 1937, sous l’influence en particulier d’un homme appelé à de sinistres responsabilités, Adolf Eichmann, dans une critique rabique de la Ha’avara25. Cette contestation croissante, motivée par la crainte de voir se constituer en Palestine un État juif qui augmenterait encore l’influence juive dans le monde, eut d’ailleurs une conséquence sur le montant des transactions qui fut réduit après 1937. Toutefois, même si leur portée fut quelque peu réduite, les accords ne devinrent pas caducs, Hitler en personne y restant fidèle, considérant qu’il convenait de stimuler par tous les moyens l’émigration juive.
L’accord de Ha’avara n’est pas, comme le prouve la relation que nous venons d’en faire, l’indice d’une collaboration fructueuse et naturelle entre nazis et sionistes, ni encore moins d’une proximité idéologique comme le voudraient les Soviétiques.
Il s’agit, plus banalement, d’une conjonction momentanée qui a pu se réaliser dans une situation historique donnée où, face à un régime qui voulait expulser «ses Juifs», se tenait la partie sioniste qui était seule à même d’offrir une alternative crédible à des dirigeants nazis totalement rebelles à toute idée de cœxistence entre Juifs et Allemands. Et même cet accord de Ha’avara, limité et fragile, avait affaire à une opposition de plus en plus virulente de nombreux organes de décision, tant au sein du parti et de l’État nazi qu’au sein des organisations sionistes et juives. Somme toute, nous sommes bien loin de l’harmonieuse entente sionisto-nazie que les publicistes soviétiques tentent constamment d’accréditer, en évoquant également à l’appui de leurs thèses les Judenräte.
Le rôle des Judenräte
[ce qu’affirment les Soviétiques:]
«Les sionistes qui se sont mis à la tête des Judenräte, instrument du génocide créé par les nazis, participaient personnellement à la désignation des victimes pour la mise à mort.» (T.N., p. 28.)Les Judenräte mis en place à partir de septembre 1939 dans les territoires de l’Est occupés par la Wehrmacht avaient pour fonction d’être les agents d’exécution des ordres lancés par les autorités allemandes, qu’il s’agisse de la ghettoïsation ou de l’évacuation vers les camps de la mort. La coopération des conseils juifs avec les nazis semble attacher «un opprobre indélébile… à ces organes de collaboration par excellence dont les membres étaient des seigneurs dans le ghetto et bénéficiaient de prérogatives certaines26». Isaiah Trunk, l’auteur d’une méticuleuse et exhaustive recherche sur l’origine, les fonctions, les mécanismes et la dynamique des conseils juifs, souligne toutefois qu’il convient de distinguer cette collaboration fonctionnelle de la collaboration idéologique pratiquée, par exemple par Vichy27.
Si les leaders des Judenräte étaient, dans une proportion des 2/3 des responsables communautaires d’avant-guerre (rabbins ou chefs d’organisations juives), ils étaient loin d’être tous de fervents avocats du sionisme. Ainsi à Varsovie, l’ingénieur Adam Czerniakow, chef du Judenräte jusqu’en 1942, était situé politiquement en dehors des camps sioniste et religieux et coopta, comme partenaires des membres de tous les partis politiques afin de partager avec l’ensemble des familles politiques les responsabilités afférentes à la coopération avec les Allemands. Dans nombre de ghettos, les hauts responsables n’étaient pas politiquement orientés mais étaient issus des associations de commerçants et d’artisans. Parmi les dirigeants des Judenräte affiliés à une organisation politique, on constate cependant une surreprésentation de deux pôles politiques: le pôle religieux, anti et prosioniste (Agudat Israël et Mizrahi) et le pôle nationaliste avec les révisionnistes mais surtout les sionistes généraux. Cet ascendant s’explique aisément, d’un point de vue sociologique, dans la mesure où ces groupes s’étaient toujours faits les avocats d’une attitude de dialogue et d’accommodement avec les autorités non juives. Ils ont, tout naturellement, repris la même tactique avec les Allemands, en participant aux Judenräte, ce qui était encore, selon eux, le meilleur moyen de défendre les intérêts de la population juive face aux exigences des nazis. En règle générale donc, «les membres des partis de la classe moyenne — sionistes généraux, Mizrahi, révisionnistes et Agudat — et les nombreuses associations professionnelles de marchands et d’artisans donnèrent leur assentiment à la participation aux Judenräte, comme employés ou membres du conseil juif, bien que [nous soulignons, A.D.] leurs partis n’aient pas véritablement sanctionné une telle participation28».
Que ces forces politiques aient eu un rôle prépondérant dans les Judenräte s’explique également par le refus des partis de gauche (communistes, bundistes, sionistes socialistes) de participer à ces structures d’encadrement de la population juive perçues comme des instruments de cœrcition utilisés par les Allemands pour mettre en œuvre leur politique de ségrégation et d’élimination des Juifs.
Non seulement, à l’inverse de ce que suggèrent les Soviétiques, les sionistes n’ont donc pas été les uniques détenteurs du pouvoir dans les conseils juifs, puisqu’ils l’ont partagé avec des personnalités indépendantes et des agoudistes antisionistes, mais, à l’intérieur même du camp sioniste, seules les fractions centristes (sionistes généraux) et droitière (révisionniste) ont, de façon prépondérante, coopéré dans les Judenräte.
Quant à l’attitude des Judenräte par rapport à la politique allemande, elle est beaucoup plus complexe que ne pourrait le laisser supposer son origine (dans la bureaucratie SS) et sa fonction (répercuter et faire exécuter les directives antijuives dans les ghettos). Certes, il y eut des leaders de conseils qui, s’identifiant totalement aux occupants par leurs méthodes de domination et le respect absolu qu’ils exigeaient, régnèrent sur les conseils juifs et «la rue juive» de façon autocratique, allant jusqu’à se débarrasser de leurs opposants politiques en les envoyant en déportation. L’archétype le plus connu de ces «dictateurs du ghetto29» est sans aucun doute Haïm Rumkovski, l’omnipotent tyran de Lodz, mais on trouve d’autres exemples de ce processus d’identification à Vilna (Jacob Gens) ou Sosnowiec (Moshe Merin). Pour expliquer le comportement de ces hommes, c’est la structure de leur personnalité psychologique qu’il conviendrait d’interroger et non leur affiliation politique. Ainsi ce n’est pas parce que Merin et Gens étaient révisionnistes qu’ils ont mis en œuvre une politique de collaboration tous azimuts avec les Allemands en Haute-Silésie orientale et en Lituanie, mais, plus simplement, parce qu’ils étaient mégalomanes, avides de pouvoir et convaincus qu’ils auraient la vie sauve en appliquant dans toute leur rigueur les directives allemandes. De tels exemples isolés et strictement individuel sont donc totalement impropres à prouver une collusion permanente entre le révisionnisme et le nazisme.
De même, la révoltante et pitoyable activité d’Abraham Gancwaich, responsable du groupe des Treize, une organisation officiellement instauré pour lutter contre la corruption dans le ghetto de Varsovie mais qui servait en fait à extorquer des rançons aux Juifs et agissait comme centrale de renseignements pour les Allemands, n’a rien à voir avec son passé de sioniste socialiste (il fut, entre autres, responsable du Hashomer Hatzair à Czestochowa) mais constitue tout bonnement la manifestation d’un gangstérisme criminel qui avait toute licence pour apparaître lors d’une période aussi troublée.
Cette collaboration de droit commun doit d’ailleurs être remise à sa juste place qui est dérisoire. À Varsovie, sur plus d’un demi-million de Juifs, les véritables collaborateurs, du type de Gancwajch et de son assistant Szternfeld, ne dépassaient pas le nombre de 500, une douzaine d’entre eux seulement étant des stipendiés de la Gestapo30. La collaboration active avec les Allemands fut donc, soit l’œuvre de tyranneaux locaux, soit celle de franches crapules.
En règle générale, hormis les trois cas pathologiques précités (Merin, Gens, Rumkovski), les responsables des Judenräte adoptèrent trois types d’attitudes: conciliation passive, conciliation active, résistance. La première attitude, adoptée par exemple par Adam Czerniakow à Varsovie ou par Léo Baeck, président de la Reichsvereinigung des Juifs allemands (bien que cette organisation à laquelle tous les Juifs devaient obligatoirement appartenir ne soit pas à proprement parler un Judenräte son rôle était identique sur de nombreux points), consistait à s’accommoder de la présence allemande et donc à accepter de faire exécuter les ordres nazis, ce qui incluait la sélection des Juifs, d’abord pour le travail forcé, et ensuite pour «leur transfert» (en langage non codé: leur déportation et leur mise à mort).
Cette option était justifiée pour ces leaders par la conviction que la défense des intérêts de la communauté juive nécessitait la présence d’un organisme représentatif qui puisse jouer un rôle de médiateur vis-à-vis des Allemands. Le suicide de Czerniakow en juillet 1942, a la veille des déportations de masse, marque clairement la vanité d’un tel dessein d’entremetteur.
La seconde attitude — la conciliation active — fut adoptée par le Joodse Raad d’Amsterdam institué en février 1941. David Cohen et Abraham
La seconde attitude — la conciliation active — fut adoptée par le Joodse Raad d’Amsterdam institué en février 1941. David Cohen et Abraham Assher, les deux responsables du Judenrat hollandais, estimèrent que la seule façon d’obtenir des concessions des Allemands était d’acquiescer à toutes leurs demandes. Ils allèrent toutefois plus loin que la simple obéissance aux directives allemandes en instituant une discrimination entre les Juifs, garantissant à certains d’entre eux (Juifs travaillant pour le Joodse Raad, Juifs baptisés…) des «exemptions» à la déportation. Ce comportement qui valut à Cohen et Assher une condamnation morale par un jury d’honneur en 1947, empêcha toute émergence une volonté de lutte commune et, par là, toute cristallisation d’un mouvement d’autodéfense, même embryonnaire.
A l’inverse du cas néerlandais, la résistance juive trouva dans de nombreux ghettos, un appui indéniable. Ainsi à Kovno (Lituanie), les responsables du conseil juif, D. Alex et L. Garfunkel, aidèrent financièrement la résistance juive à l’intérieur du ghetto tandis qu’à Minsk (Biélorussie) Elye Mushkin, chef du Judenrat, et Zalman Serebryansky, chef de la police juive, faisaient directement partie de la résistance clandestine qui s’organisa en 1941-1942 dans le ghetto.
Ajoutons que face aux Judenräte qui, contrairement aux allégations soviétiques, étaient loin d’être constitués uniquement d’ardents sionistes, il existait une résistance juive animée par une authentique opposition politique, en particulier sioniste, contre le programme nazi d’annihilation du judaïsme européen.
Le rôle du Hashomer Hatzaïr surtout, à côté des communistes et des bundistes, n’a plus à être démontré dans l’organisation de la résistance en Europe de l’Est.
Il suffira d’évoquer les figures de Mordecai Anielewicz a Varsovie, d’Aba Kovner à Vilno et d’Edek Borak a Bialystok pour mesurer la contribution essentielle des sionistes marxistes du Hashomer à la lutte héroïque des Juifs dans les ghettos. À côté des shomrim, l’action des organisations de haloutzim, comme la Gordonia et surtout le Dror, fut également déterminant dans la résistance qui put aussi compter sur l’appui décisif d’organisations de jeunesse comme le groupe Akiba (à Cracovie) ou les sionistes libéraux du Hanoar Hatzioni (à Bialystok). Enfin, si les sionistes socialistes (Poale Zion, Hashomer Hatzaïr) jouèrent un rôle considérable au sein de la résistance juive, il convient de ne pas oublier l’action menée par les groupes révisionnistes avec à leur tête des hommes comme David Apfelbaum à Varsovie, Joseph Glazman à Vilno ou Moshé Levin à Kovno.
L’exemple varsovien illustre bien l’union nationale réalisée dans le camp juif puisque, d’une part, l’Organisation juive de combat réunissait communistes, bundistes, sionistes socialistes et bénéficiait du soutien des sionistes généraux, en la personne de Menahem Kirschenbaum, et que, d’autre part, l’O.J.D. coordonnait son activité avec l’Union militaire juive issue des rangs révisionnistes31.
Finalement, le tableau qui émerge de notre analyse fait amplement justice de l’accusation soviétique selon laquelle les sionistes auraient monopolisé le pouvoir dans les Judenräte pour envoyer leurs coreligionnaires à la mort. S’il y a eu, de façon circonscrite, quelques cas de collaboration active, cas qui ne s’expliquent d’ailleurs aucunement par «le sionisme» de ces leaders, il y a eu, à côté d’une grande passivité qui découle pour une grande part de l’impossibilité de faire face à une situation si radicalement nouvelle, une vigoureuse et indiscutable résistance emmenée par les sionistes.
Les informations sur le génocide et le sauvetage des Juifs.
[ce qu’affirment les Soviétiques:]
«Les leaders des organisations sionistes aux U.S.A. de même officielle des centres sionistes internationaux, sont responsables du silence obstiné et délibéré que l’on a fait longtemps autour de l’assassinat de millions de Juifs. Il s’agit d’une désinformation à grande échelle de l’opinion mondiale et refus de prendre des mesures pour sauver ne fût-ce qu’une partie des victimes» (T.N., p. 28.)Entre les ghettos, les nouvelles des massacres de masse et des déportations furent transmises par des émissaires juifs qui étaient souvent membres d’organisations clandestines de combat. Ainsi, la nouvelle de l’entrée en action du Einsatzgruppe A, qui commença à mettre en œuvre l’extermination des Juifs lituaniens à Ponary à partir de l’été 1941, fut communiquée à Varsovie et Bialystok par des résistants sionistes (Khaya Grosman du Hashomer, Israel Kempner du Bétar, Mordecai Tenenbojm du Dror). Avec leurs alliés bundistes et communistes, ils organisèrent, surtout entre les pays baltes et la Pologne, un vaste réseau d’information qui répercutait les rapports circonstanciés sur les atrocités commises par les nazis.
Les journaux clandestins remplirent un rôle déterminant pour tenir les ghettos au courant de la politique d’extermination. Là encore, à côté de la presse communiste (Morgen Frai) et bundiste (Der Vecker, Yugenshtimme), la presse sioniste prit une part active à la diffusion de l’information avec les publications du Hashomer Hatzair (El Al, Jutrznia) et du Dror (Unser Weg). Enfin, dans la transmission des nouvelles sur la déportation des Juifs, un rôle charnière fut rempli par le groupe Oneg Shabbat de Varsovie constitué par Emmanuel Ringelblum, membre du Polaei Zion de gauche32.
C’est par l’intermédiaire de ce véritable centre de documentation que les nouvelles sur la Solution Finale furent transmises à Londres au gouvernement polonais en exil par l’entremise de la résistance polonaise.
Nous disposons désormais grâce à Walter Laqueur d’un travail particulièrement fiable sur la dissémination de l’information concernant la Solution Finale à travers le monde. Pour de plus amples détails, nous nous permettons donc de renvoyer à l’ouvrage de cet historien33. Contentons-nous seulement de reprendre, brièvement, l’argumentation qu’il développe à propos des instances sionistes et de leur connaissance de la «Sonderbehandlung» des populations juives. Par Richard Lichtheim, le représentant de l’Agence juive à Genève, l’exécutif de l’Agence juive fut informé dès août 1942 de ce qui se tramait d’abominable contre les Juifs en Europe de l’Est. À plusieurs reprises, il confirma la véracité de ces informations et, finalement, en novembre 1942, l’Agence juive fit une communication solennelle dans laquelle était mentionné le fait qu’une campagne systématique d’extermination était dirigée contre les Juifs par les nazis. À partir de ce moment, tant l’Organisation sioniste mondiale, avec ses différentes sections nationales, que les institutions politiques du Yichouv palestinien ne manquèrent pas d’alerter l’opinion publique, juive et non juive, sur les tragiques conséquences de la barbarie nazie.
Passés les premiers moments de doute quant à l’existence d’un plan systématique d’annihilation du judaïsme européen (incrédulité que l’on doit rattacher à l’impossibilité initiale de croire à de tels desseins meurtriers et de comprendre la radicale nouveauté du racisme nazi), les organisations juives , loin de pratiquer la dissimulation ou la rétention des informations, n’ont donc pas hésité à faire état, dans les journaux et lors de meetings, des atrocités nazies et des conséquences funestes qu’elles avaient pour la survie du peuple juif.
Toutefois, il faut reconnaître que la propagation des nouvelles concernant le sort des Juifs fut handicapée par deux facteurs propres à la dynamique de deux grands pays non occupés, les États-Unis et la Grande Bretagne.
En premier lieu, bien que les organisations juives aient organisé à partir de 1942 des réunions de protestation et des manifestations contre les forfaits nazis — les organisations sionistes, plus militantes et actives, remplissant une fonction de meneur — elles ont été souvent timorées pour adopter une politique de mobilisation offensive, empêtrées qu’elles étaient dans ce que Melvin Tumin appelle fort justement le «culte de la gratitude34». La communauté juive américaine qui voyait en Franklin Roosevelt un ami des Juifs (le New Deal dont il avait été l’initiateur était d’ailleurs appelé par ses adversaires antisémites le Jew Deal) ne voulait pas se l’aliéner en mettant sur pied une campagne de grande envergure dénonçant les crimes nazis. Or une telle entreprise aurait nécessairement terni la lune de miel entre les Juifs et Roosevelt dont l’administration, sous l’action du sous-secrétaire d’État Breckinridge Long, était fermement opposée, pour des motifs de politique interne (surcharge du marché du travail, croissance des sentiments antisémites dans la population américaine), à toute révision des quotas d’immigration restrictifs35. Dénoncer de façon véhémente les activités nazies pouvait conduire, logiquement, à réclamer la levée des quotas et par là prendre le contre-pied de l’administration américaine. Convaincus que le président était un atout stratégique, les leaders juifs (parmi eux, Stephen Wise, président du Congrès juif américain de tendance sioniste) optèrent donc pour une dénonciation «modérée» des atrocités nazies.
En Grande-Bretagne également, les leaders juifs ne cherchèrent pas à développer une stratégie autonome mais s’évertuèrent à entretenir des relations étroites avec le ministre des Affaires étrangères, Anthony Eden, ou le Premier ministre, Winston Churchill36.
En second lieu, les antagonismes entre les organisations juives aux États-Unis les ont parfois conduites à perdre de vue leur commun combat en faveur des Juifs européens au profit de rivalités de clocher, puériles et étriquées. La division majeure séparait le Comité juif américain (American Jewish Committee) constitué par les Juifs riches, libéraux et «assimilationnistes», généralement d’origine allemande, et le Congrès juif américain (American Jewish Congress), formé par les Juifs moins aisés provenant d’Europe de l’Est, plutôt traditionnels dans leur comportement religieux ainsi que favorables au sionisme. Les différences d’appartenance sociale expliquent les divergences de tactiques: plus intégré dans la société américaine, le Comité était favorable à la tactique de la persuasion discrète, c’est-à-dire à l’appel aux notables et aux décideurs politiques tandis que le Congrès, moins intégré, penchait pour une tactique de pression, c’est-à-dire pour l’appel à l’opinion publique par les meetings de masse et les pétitions37. Le Comité était donc par choix tactique beaucoup moins enclin que le Congrès à mentionner les crimes nazis pour les utiliser politiquement. Ainsi la réunion publique du 1er mars 1943 au Madison Square Garden au cours de quelle les orateurs réclamèrent qu’un terme soit mis au génocide des Juifs fut-elle soutenue par le seul Congrès juif américain.
«Les organisations juives sont toutes divisées par des controverses» Il n’y a ni cohésion ni collaboration dictée par la solidarité, plutôt des rivalités, des jalousies et des antagonismes38». Ce jugement du sous-secrétaire d’État, Breckinridge Long qui avait déjà été vérifié par l’impossibilité de constituer en août 1943 une délégation commune rassemblant les forces non sionistes (Comité juif américain, Conseil ouvrier juif américain — American Jewish Labor Council —) et le Congrès juif de tendance sioniste, s’est trouvé confirmé par la lutte acharnée, à l’intérieur du camp sioniste, entre le Congrès et le Comité d’urgence pour sauver le peuple juif d’Europe mis en place par des Juifs américains et palestiniens avec à leur tête un révisionniste de Jérusalem, Peter Bergson. Bien que le groupe ait déployé une activité considérable pour faire connaître l’énormité des crimes hitlériens au public américain et qu’il soit parvenu à obtenir le soutien de nombreuses autorités politiques et religieuses, le Congrès juif américain, loin de chercher à développer avec lui une stratégie commune, s’est évertué par tous les moyens à susciter des difficultés à Bergson allant jusqu’à requérir son expulsion des États-Unis39. Ces efforts d’obstruction à l’égard de Bergson motivés par la crainte du Congrès de voir entamer son leadership parmi les sionistes américains, ont ainsi détourné une précieuse énergie qui eût pu être utilisée pour une vaste campagne d’information et de mobilisation. Ces deux réserves étant apportées, il reste qu’on ne saurait évidemment parler de désinformation à propos de l’action des organisations sionistes durant la guerre. Tout au plus peut-on dire que l’efficacité de l’information aurait pu être plus grande si le culte de la gratitude et les divisions internes à la communauté n’avaient pas embarrassé le travail militant de ces organisations.
Quant à l’allégation soviétique concernant le supposé refus des sionistes de sauver les Juifs, elle n’est guère plus solide que celle relative à la prétendue désinformation qu’ils auraient orchestrée. Pour l’indifférence sur le sort des Juifs, européens, c’est avant tout les démocraties occidentales qu’il conviendrait de blâmer. Incapables de s’entendre sur une politique d’accueil soutenu des réfugiés lors de la conférence d’Évian (juillet 1938), les démocraties furent également dans l’incapacité de rendre véritablement opérationnel le Comité intergouvernemental pour les réfugiés politiques qui avait pour tâche de coordonner la réinstallation des réfugiés fuyant le nazisme. L’impotence de la Grande-Bretagne et des États-Unis est particulièrement flagrante. La conférence anglo-américaine d’avril 1943 aux Bermudes ne déboucha ainsi sur aucun résultat concret, surtout pas en ce qui concerne un assouplissement de la politique d’immigration des deux puissances alliées40. Les deux pays campèrent vigoureusement sur une position dure, l’administration Roosevelt refusant tout amendement des lois d’immigration, la Grande-Bretagne s’opposant à toute révision du Livre blanc de 1939 qui fermait à terme la Palestine aux Juifs. Quant aux pays neutres qui constituaient des havres de paix en Europe, si l’Espagne et surtout la Suède donnèrent l’hospitalité aux réfugiés juifs, il n’en fut pas de même en Suisse où le gouvernement fit preuve d’une hostilité suivie à l’égard des Juifs41.
L’Occident seul doit-il être flétri pour son désintérêt à l’égard des Juifs et l’U.R.S.S. peut-elle, a contrario, se prévaloir d’avoir été l’unique rempart des Juifs persécutés, les sauvant, par sa politique énergique, de l’extermination totale?
D’une part, il est établi que l’Union soviétique a facilité l’évacuation vers l’Est de centaines de milliers de Juifs après le déclenchement de l’opération Barberousse en juin 1941. Peut-être l’exode eût-il pu être plus massif si l’U.R.S.S. n’avait pas expurgé de ses nouvelles, entre 1939 et 1941 — pacte germano-soviétique oblige — toute référence aux mesures antijuives allemandes. De plus, l’évacuation fut beaucoup mieux organisée et efficace pour les Juifs d’Ukraine centrale que ceux des régions annexées entre septembre 1939 et juillet 1940. Cette indéniable négligence n’enlève toutefois à la réalité de l’aide prodiguée par l’U.R.S.S. aux Juifs des pays baltes, de la Biélorussie et surtout de l’Ukraine (l’assistance soviétique fut toutefois dirigée en priorité vers les jeunes hommes susceptibles de porter les armes et vers les détenteurs de responsabilités dans l’administration ou l’économie).
D’autre part, cependant, les Soviétiques n’ont pas du tout introduit la variable juive dans leur stratégie de libération en 1944. De la même façon qu’ils n’ont pas soutenu l’insurrection de Varsovie en août 1944 alors que leurs troupes se trouvaient déjà sur la Vistule, ils n’ont pas accéléré la progression de leurs armées vers Budapest alors que celles-ci se trouvaient dans la plaine hongroise en octobre 1944. Or, entre cette date qui correspond à la prise du pouvoir à Budapest par les Croix fléchées fascistes et la libération de la capitale magyare le 13 février 1945, des dizaines de milliers de Juifs furent massacrés par les sbires de Ferenc Szalazi. Si la retenue soviétique peut s’expliquer partiellement par des considérations militaires, elle démontre aussi néanmoins que le sauvetage des Juifs n’était pas un objectif de guerre et que, de ce fait, il ne fut, à aucun moment, intégré dans la conduite des offensives soviétiques (comme dans celles des Alliés, les États-Unis rejetant l’idée de bombarder Auschwitz alors que les Alliés avaient la maîtrise totale du ciel à partir de mars 1944 au motif que le soutien aérien serait ainsi détourné de sa fonction).
Bref, comme le dit Helen Fein, «la stratégie soviétique était identique à celle des États-Unis et de la Grande-Bretagne dans son indifférence à la survie des Juifs 42».
Face au refus ou à l’impossibilité d’agir des gouvernements de la coalition anti-hitlérienne, qu’auraient donc pu faire les organisations juives, sionistes ou non, pour soulager les malheurs qui s’abattaient sur les Juifs en Europe? Leur faiblesse organisationnelle, leurs moyens d’action limités ne leur permettaient pas de déployer une action efficace. Peut-être les sionistes, américains surtout, ont-ils adopté une stratégie trop ambitieuse et rigide en refusant toute proposition de sauvetage qui ne soit pas une émigration vers la Palestine43, mais cette position de principe inflexible ne changeait de toute façon rien à la résistance farouche de l’administration américaine au sauvetage des Juifs, résistance qui ne fut entamée que par la création en janvier 1944 de la Commission des réfugiés de guerre (War Refugee Board) dont l’activité, pour des raisons de moyens et de conjoncture, fut extrêmement limitée.
Privées d’instruments d’action efficaces, confrontées à des gouvernements préoccupés avant tout de l’issue militaire de la guerre, les organisations sionistes, parfois uniquement absorbées par l’après-guerre et la construction d’un État juif, ne purent que reconnaître l’étroitesse de leur marge de manœuvre pour venir au secours des Juifs d’Europe et les arracher à leur tragique destin.
Conclusions
«Les théories servent à expliquer les faits, non à les escamoter. Pas plus qu’à les transformer en entéléchies historiques. Quand les faits démentent une théorie, il faut l’écarter ou la modifier.»Cette injonction de l’écrivain mexicain Octavio Paz44 désigne précisément ce qui justifie le recours à une construction théorique: elle doit permettre la compréhension de l’Histoire non son instrumentalisation. Or c’est à une telle soumission de l’Histoire à une logique doctrinale que les commentateurs soviétiques apportent leur caution. Cette sujétion de l’Histoire se traduit, lorsque sont évoqués les événements ayant marqué la Seconde Guerre mondiale, à une sempiternelle schématisation entre les forces de progrès et les reîtres du grand capital, et pour que cette dichotomie soit sauve, il est absolument indispensable que le génocide des Juifs, cet événement limite, soit intégré dans la grille d’interprétation marxiste. Mais incorporer un tel événement, avec sa radicale et bouleversante originalité (puisqu’il s’agit de la mise à mort d’un groupe national simplement parce qu’il existe), nécessite de le réduire pour qu’il puisse rester prisonnier dans les rêts de «la théorie marxiste». Il faut donc que, dans l’extermination méthodique des Juifs, la logique marxiste de l’histoire mettant en scène l’affrontement titanesque entre oppresseurs et opprimés puisse être traquée, repérée, dévoilée.
Et la ligne de partage entre bourreaux et victimes ne passe pas uniquement entre nazis et Juifs, elle traverse aussi le groupe juif. Lui aussi a ses élus, ses héros et ses réprouvés, ses traîtres. Dans cette logique mécaniste de l’Histoire, il faut que, parmi les Juifs aussi, il y ait des exploiteurs (ignobles) et des exploités (nobles): d’un côté donc, les sionistes, de l’autre, les travailleurs juifs.
Cette logique implacable exige finalement que les sionistes aient pris langue avec les nazis parce que tous deux appartenant à la même classe bourgeoise ne pouvaient que s’entendre pour s’opposer aux masses juives qui menaçaient leurs intérêts. D’où la connivence, allant jusqu’à une complicité directe, entre sionistes et nazis.
Pour en arriver à une telle conclusion, l’Histoire vue par les Soviétiques commande l’asservissement des faits. Lorsque ceux-ci sont rebelles a la logique niveleuse, ce n’est pas celle-ci qui est amendée, ce sont les faits qui doivent se plier à elle. De ce procédé éminemment «dialectique», nous avons eu l’illustration au travers des quatre prétendues preuves de l’entente entre sionistes et nazis. Ces arguments ne reposent, comme l’analyse historique détaillée l’a montré, que sur des approximations, des omissions, des simplifications ou des falsifications. Les faits sont volontairement délestés de tout ce qui va à l’encontre des postulats rigides de la «théorie marxiste-léniniste» puis triturés jusqu’à se couler dans le moule théorique. Appauvrissement et travestissement de la réalité passée sont donc de règle.
Ces travers, les Soviétiques y sont conduits pour ainsi dire par impulsion naturelle, car ils sont prisonniers d’un historicisme réducteur. Alors que le concept de la lutte des classes devrait servir de soubassement à une interprétation parcellaire et précaire, il est présenté comme la maîtresse poutre d’une théorie scientifique. Comme tout historicisme, le marxisme confond l’interprétation avec la théorie45, et fort de cette prétention théorique il assujettit les événements à la loi d’airain de la lutte des classes.
Mais alors il fait mentir l’Histoire. C’est ce mensonge que nous avons tenté, modestement, de démasquer.
Notes.
1. Voir par exemple Temps nouveaux, 14 juillet 1955. Article intitulé «Un procès à Jérusalem».
2. Le président du Comité, David Dragounski, est colonel général de l’armée rouge. Quant aux vice-présidents, Samuel Zivs, Youri Koïesnikov, Mark Krupkin et Igor Beliav, ils sont respectivement juriste, romancier, vice-directeur de l’agence Novosti et responsable de la section Affaires étrangères de la Literaturnaya Gazeta.
3. Temps nouveaux, no 44, 1984, p. 27. Le texte de la conférence de presse est reproduit intégralement dans ce numéro.
4. Numéros 5 et 35 de l’année 1977.
5. Interview de Lev Korneyev, agence Tass, 17 janvier 1985. Entretien cité in le Monde, 20-21 janvier 1985.
6. Sur les différentes organisations juives allemandes, conseillons: Pour le Centralverein: il n’existe pas, à notre connaissance, d’histoire générale du C.V. Arnold Paucker, dans son ouvrage sur la lutte des Juifs allemands contre l’antisémitisme en 1928-1932, utilise toutefois de nombreux documents du C.V. qui illustrent les activités multiformes de cette organisation représentant 85 à 90 % du judaïsme allemand. Paucker Arnold: Der jüdische Abwehrkampf gegen Antisemitismus und Nationalsozialismus in den letzen Jahren der Weimarer Republik, Hambourg, Leibniz Verlag, 1969.
Sur le Z.V.D.: Stephen Poppel: Zionism in Germany 1897 1933: The Shapping of a Jewish Identity, Philadelphie, Jewish Publication Society of America, 1977.
Pour un aperçu sur l’histoire du sionisme allemand après 1933: Cohn Benno: «Einige Bemerkungen über den deutschen Zionismus nach 1933» in Hans Tramer: In Zwei Welten, Tel-Aviv, Verlag Bitaon, 1962, pp. 43-54.
Sur le R.J.F.: Dunker Ulrich: Der Reichsbund jüdischer Frontsoldaten 1919-1938: Geschichte eines jüdischen Abwehrvereins, Düsseldorf, Droste Verlag, 1977.
Sur les organisations juives orthodoxes (y compris Agudas Jisroel): Auerbach Hirsch: Die Geschichte des Bund gesetzestreuer jüdischer Gemeinden Deutschlands 1919-1938, Tel-Aviv, Ed. Olamenou, 1972.
Enfin, sur la Reichsvertretung der Juden in Deutschland, organisme collectif du judaïsme allemand créé en 1933 par les associations communautaires et les grandes organisations juives pour être le représentant unique des Juifs allemands face aux autorités allemandes, voir: Hahn Hugo, «Die Gründung der Reichsvertretung» in Hans Tramer, op. cit., p. 97.
7. Hitler Adolf: Mon combat, Paris, Nouvelles Editions Latines, 1934, tome II, p. 635.
8. Helmut Krausnick estime que la décision d’exterminer les Juifs plutôt que de les expulser a été prise entre décembre 1 940 et mars 1941 . Krausnick Helmut: «Judenvervolgung» in Buchheim Hans et Broszat Martin: Anatomie des SS Staates, Olten et Freiburg, Walter Verlag, 1965, vol. 2, p. 360.
9. Pour l’examen des dispositions légales prises pour la mise au ban des Juifs: Adam Uwe: Judenpolitik im Dritten Reich, Düsseldorf, Droste Verlag, 1972. Coll. Tübingen Schriften zur Sozial- und Zeitgeschichte.
10. Voici quelques exemples de limitations apportées au fonctionnement normal de trois organisations entre 1933 et 1938. Les locaux du Centralverein furent perquisitionnés dès février 1933 par les S.A., du matériel saisi et l’accusation de «liens avec des forces marxistes» portée à l’encontre du C.V. Les sionistes allemands n’obtinrent pas l’autorisation d’assister au dix-huitième congrès sioniste à Prague (21 août-4 septembre 1933) en tant que délégation constituée. Quant au R.J.F., à partir d’octobre 1936, la seule activité qu’en tant qu’association d’anciens combattants il avait encore le droit d’exercer était celle de l’assistance aux victimes de guerre.
11. Une exception particulièrement significative est l’interdiction, dès 1935, de l’Union des Juifs nationaux allemands (Verband National-deutscher Juden — V.N. DJ.) présidée par Max Naumann qui s’était pourtant fait fort de concilier le programme du N.S.DA.P., loué pour son désir de «renaissance de la germanité», avec les aspirations des Juifs se sentant une véritable âme allemande. La Gestapo a dissous cette organisation pour «attitudes hostiles envers l’État» parce que le credo ultra-assimilationniste du V.N.D.J., loin de trouver une oreille attentive chez les nazis, excitait encore davantage leur ire puisqu’il représentait l’antithèse de leur projet de ségrégation absolue des Juifs allemands.
12. Poliakov Léon: Bréviaire de la haine, Paris, Livre de Poche, 1974 , p. 53.
13. Entre 1933 et 1937, 40000 Juifs allemands s’établirent en Palestine alors que 33000 Juifs provenant de toute l’Europe s’installèrent aux États-Unis.
14. Tous les renseignements techniques sur le montage financier de la Ha’avara sont fournis par Wemer Feilchenfeld: «Die Durchführung des Haavara Transfers», in Feilchenfeld W., Michaelis D. et Pinner L.: Haavara-Transfer nach Palästina und Einwanderung deutscher Juden 1933-1939, Tübingen, J.C.B. Mohr, 1972. Schriftenreike Wissenschaftlicher Abhandlungen des Léo Baeck Instituts, no 26, pp. 35-85.
15. Hannah Arendt: Eichmann a Jérusalem, Paris, Gallimard, 1966. Coll. Témoins, p. 74.
16. Yisraeli David: «The Third Reich and the Transfer Agreement», Journal of Contemporary History, vol. 6, no 2, 1971, p. 134.
17. Tillmann Heins: Deutschlands Araberpolitik im zweiten Weltkrieg, Berlin (Ddr), Deutscher Verlag der Wissenschaft, 1965, p. 29.
18. Pour une analyse des rapports judéo-allemands: Mosse George: German Jews beyond Judaism, Cincinatti, Indiana University Press/Hebrew College, 1985.
19. Jüdische Rundschau, XXXVII, 8 juillet 1932.
20. Jüdische Rundschau, XXXV, 8 juillet 1930.
21. Lettre no 83-21 du 28 février 1934 citée par Ben Elissar Eliahu: la Diplomatie du IIIe Reich et les Juifs (1933-1939), Paris, Julliard, 1969, p. 86.
22. Klärung, 12 Autoren und Politiker über die Judenfrage, Berlin, 1932, p. 135.
23. Déclaration de la Z.V.D. attachée à la lettre à Bülow, 11 uin 1934, citée par E. Ben Elissar, op. cit., p. 70.
24. Jüdische Rundschau, XXXVII, 16 septembre 1932.
25. Pour un aperçu sur les défenseurs et les adversaires de la Ha’avara dans l’admnistration du Reich, voir Ben Elissar, op. cit., pp. 85-94 et 185-219.
26. Poliakov Léon: op. cit., p. 143.
27. Trunk Isaiah: Judenrat: The Jewish Councils in Eastern Europe under Nazi occupation, New York, Mac-Millan, 1972.
28. Dawidowicz Lucy: The War against the Jews 1933-1945, Londres, Weidenfeld and Nicholson, 1975.
29. Bloom Solomon: «Toward the Ghetto Dictator», Jewish Social Studies, XII, January 1950, pp. 73-78.
30. Sur la destinée de A. Gancwajch et de ses associés , voir: Ainzstein Reuben: Jewish Resistance in Nazi-Occupied Eastem Europe, Londres, Paul Elek, 1974, pp. 556-563.
31. Pour plus de détails sur l’histoire, l’organisation et l’activité de la résistance juive, nous ne pouvons que renvoyer à la somme de Reuben Ainsztein: op. cit.
32. Le journal d’E. Ringelblum Notes from the Warsaw ghetto (New York, Shocken, 1958) est une source inépuisable de renseignements sur la vie du ghetto de Varsovie.
33. Laqueur Walter: The Terrible Secret: An Investigation into the Suppression of Information about the Final Solution, Londres, Weidenfeld & Nicholson, 1980. Traduction française: Le Terrifiant secret: la Solution finale et l’information étouffée, Paris, Gallimard, 1981.
34. Tumin Melvin: «The Cult of Gratitude», in Rose Peter: The Ghetto and Beyond, New York, Random House, 1969, p. 76.
35. L’attitude de l’administration américaine est exposée dans: Feingold Henry: The Politics of Rescue: The Roosevelt Administration and the Holocaust, 1938-1945, New Brunswick, Rutgers U.P, 1970. Friedman Saul: No Haven for the Oppressed: United States Policy toward Jewish Refugees, 1938-1945, Detroit, Wayne State U.P., 1973. Morse Arthur: While Six Million died, Londre, Secker & Warburg, 1968. Wyman David: The Abandonment of the Jews, 1941-1945, New York, Pantheon Books, 1984.
36. Sur l’attitude du gouvernement britannique face aux Juifs d’Europe: Wasserstein Bernard: Britain and the Jews of Europe 1939-1945, Londres, Oxford University Press, 1979,
37. Le désaccord tactique est apparent dès 1933 puisque, tandis que le Congrès participa activement au boycott des marchandises allemandes en réponse aux pemières mesures antijuives prises par Hitler, le Comité refusa de s’y associer, préférant mettre en œuvre une diplomatie mesurée avec mémorandums et lettres de protestation.
38. Journal de Long, 11 janvier 1944, Cité par Feingold Henry, op. cit., p. 15.
39. Sur l’action du groupe de Peter Bergson, voir: Peck Sarah: «The campaign for an American Response to the Nazi Holocaust, 1943-1945», Journal of Contemporary History, vol 15, no 2, avril 1980, p. 367.
40. Sur l’inaction de Londres et Washington dans le sauvetage des Juifs: Breitman Richard: «The Allied War Effort and the Jews, 1942-1943», Journal of Contemporary History, vol. 20, Janvier 1985, p. 135.
41. Haesler Alfred: The Lifeboat is Full: Switzerland and the Refugees 1933-1945, New York, Funk & Wagwalls, 1969.
42. Fein Helen: Accounting for Genocide, New York, Free Press, 1979.
43. D’où leur opposition à la proposition Gillette-Rogers de novembre 1943 qui prévoyait la création d’une commission gouvernementale américaine dont le but serait de mettre en œuvre un plan de sauvetage pour les Juifs. Cette attitude d’obstruction exaspéra Peter qui demanda crûment au rabbin sioniste Stephen Wise: «Si vous étiez dans une maison en flammes voudriez-vous que les gens à l’extérieur crient “Sauvez-les” ou “Sauvez-les en les emmenant au Waldorf Astoria”?» Cité par Peck Sarah, op. cit., p. 384.
44. Paz Octavio: «Les perversions du langage», Esprit, février 1985, p. 98.
45. Cette idée est suggérée par Veyne Paul: Comment on écrit l’Histoire. Essai d’épistémologie, Paris, Seuil, 1971, pp. 41-42.