Pour eux « c’était le bon temps », la vie ordinaire des bourreaux nazis

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Traduit de l’allemand par Métais-Bührendt. Éditions Plon, 1989.
© Éditions Plon 1989
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Présentation de la version PHDN

et quatrième de couverture


Les crimes perpétrés par les nazis durant la Seconde Guerre Mondiale sont très largement documentés. Les témoignages des victimes et de nombreux tiers impliqués (y compris rédigés pendant la guerre) forment un très large corpus permettant aux historiens de reconstruire une partie du processus de destruction des Juifs d’Europe ainsi que le déroulement des autres crimes nazis. Deux autres ensembles documentaires sont exploités par les historiens, d’une part les documents contemporains émanant des nazis eux-même, notes, rapports, lettres, journaux de marche d’unités armées, journaux intimes, et d’autre part, les témoignages, dépositions et déclarations d’après-guerre, lors notamment des procès d’après-guerre. Si les procès de Nuremberg (1946-1948) sont les plus connus du grand public, une autre vague de procès moins connus a produit une très imposante masse documentaire: les procès qui eurent lieu en Allemagne de l’Ouest dans les années 1960. Mentionnons que depuis les années 2000, l’archéologie a aussi commencé à fournir des éléments à cette histoire.

Le grand public a généralement accès à la connaissance des événements sous la forme de récits autobiographiques, de récits de journalistes et, dans le meilleur des cas, de synthèses et de monographies qui exposent le résultat de l’examen par les historiens des différentes sources énumérées plus haut. Mais il n’a que très rarement accès aux sources primaires que sont les documents contemporains et les dépositions et témoignages des procès allemands. Cela est d’autant plus rare pour les publics non germanophones, pour des raisons évidentes. Pourtant ces sources primaires constituent une documentation à la fois abondante et spectaculaire. Leur consultation permet d’accéder à une réalité extrêmement crue, dénuée de la moindre ambiguité sur la réalité et le déroulement des crimes nazis.

En 1988, Ernst Klee, Willi Dressen et Volker Ries, deux membres de l’administration judiciaire allemande qui avaient participé aux procès mentionnés, et un historien, font paraître une sélection de ces sources primaires dans un recueil intitulé «Schöne Zeiten»: Judenmord aus der Sicht der Täter und Gaffer (Fischer Verlag), traduit en français en 1989 (Ed. Plon) sous le titre Pour eux «c’était le bon temps» La vie ordinaire des bourreaux nazis. Le choix de documents opéré par les trois éditeurs permet un voyage extrêmement violent et cru dans les atrocités commises par les nazis, décrites et racontées par ceux qui les ont commises, qui malgré tout tentent de s’en absoudre.

Sa rapide traduction en français demeure l’un des très rares recueils de documents primaires publiés en français. La lecture en est particulièrement âpre et souvent dérangeante, surtout lorsque les bourreaux évoquent des crimes en mentionnant que pour eux, «c’était le bon temps», ou lorsque, témoignant lors de procès, ils tentent de minimiser leur responsabilité, ou d’euphémiser la monstruosité de leurs crimes. Malheureusement, cet ouvrage est depuis longtemps épuisé et ne se trouve plus que d’occasion (encore que difficilement). C’est pourtant une ressource indispensable pour une appréhension concrète, sinon une compréhension, des crimes nazis. PHDN a donc entrepris la numérisation complète de l’ouvrage et propose une édition web complète comprenant la version française mais aussi la version originale en allemand.

Nous présentons donc ici le contenu de l’édition papier, mais en amendons parfois la structure. L’organisation de l’ouvrage original est en effet complexe et, tout en nous étant efforcés de la respecter, nous l’avons adaptée à la lecture web. Par ailleurs, il faut souligner que la version française était tronquée par rapport à la version originale allemande. Les sources des documents, fournies dans l’original, avaient été — choix regrettable — omises. Nous les avons intégrées au texte. Une section de fac-similés («Auswärtiger Einsatz», Aus dem Tagebuch eines Radfahr-Bataillons) n’avait pas été reprise dans l’édition française. Nous la restituerons (et en traduirons le contenu) dans une version ultérieure de ce travail.

Un aspect plus fondamental encore de la version originale était absent de la version française: aucune des photographies de l’ouvrage allemand n’était reproduite dans la traduction. Lorsque le livre est paru, un nombre important de ces photographies avait peu circulé ou pas du tout et n’était pas connu du grand public. Il faut remarquer que trente ans plus tard, la situation a évolué. Toutefois, cette iconographie a été réintroduite dans notre version dans la mesure du possible. Quelques rares photos figurant dans l’original allemand ne sont pas reproduites. Par ailleurs, lorsqu’une version de meilleure qualité a pu être trouvée, ce n’est pas le scan de l’édition originale qui est fourni mais cette autre version. Nous améliorerons sans doute cet aspect petit à petit. Il convient de souligner ici que la publication de ces photos, et leur insertion dans le texte original ne va pas sans poser problème. C’est souvent le regard des bourreaux sur leurs victimes et sur eux-mêmes qui est ici proposé, sans filtre — le commentaire historien critique est quasiment absent —, parfois de façon assez brutale et dérangeante. Le malaise que peuvent provoquer certains clichés explique peut-être le choix de l’éditeur français. Nous avons également décidé de sortir deux séries de photographies de la présente version, celle de l’exécution des Juifs de Liepāja sur la plage de Šķēde (que nous reproduisons ailleurs, mise en contexte) et celle des Juifs du Ghetto de Micocz que nous réservons à une page spécifique, avec mise en perspective historique, prochainement sur le site.

De courtes introductions, par PHDN, explicitement identifiées, figurent parfois en tête d’une page reproduisant une section thématique de l’ouvrage afin d’expliquer le contexte des documents reproduits. A l’occasion une bibliographie complémentaire est également founie. La présente version web se veut donc un outil à l’usage de l’honnête homme, de l’étudiant et de l’historien.

Soulignons que depuis la fin des années 1980, l’historiographie de la Shoah a fait des progrès considérables et que certains biais interprétatifs (notamment dans les titres choisis) ou même les termes utilisés sont aujourd’hui dépassés. Par ailleurs, certaines traductions nous semblent maladroites ou approximatives. Nous n’avons nulle part corrigé le texte afin de laisser au lecteur la possibilité de lire l’ouvrage tel qu’il a été publié en 1989. Signalons enfin, dans la littérature récente, le très bon ouvrage de Andrej Umansky, La Shoah à l’Est: Regards allemands, Fayard, 2018, qui propose, pour la première fois depuis très longtemps en français, un corpus de documents et témoignages de même nature que Pour eux, c’était le bon temps…, qu’il complète de façon très pertinente. Par ailleurs, s’il est beaucoup question de la Wehrmacht dans cet ouvrage, peu de matériel de mise en perspective est proposé. Un numéro entier de la Revue d’Histoire de la Shoah, consacré à «La Wehrmacht dans la Shoah» (2007/2 (no 187) est disponible en ligne…

La mise en web de «Schöne Zeiten» est un projet de PHDN de très longue haleine qui s’est étendu sur plus de deux décennies (1997-2020), réalisé sans financement ni aide externe d’aucune nature.

Gilles Karmasyn, avril 2020.


Quatrième de couverture de la version française

Cette enquête, menée par trois historiens allemands, témoigne d’une vérité cruelle et scandaleuse : pour nombre de ceux qui ont collaboré ou assisté – responsables ou simples maillons de la chaîne – au massacre organisé des Juifs durant la période nazie, ces années furent « le bon temps», et ils le disent. Qui étaient ces «hommes normaux» qui consentaient, même s’ils tentent de nier ou minimiser les faits, à ce que le crime devienne leur travail quotidien? Un livre plus que jamais nécessaire.


Quatrième de couverture de la version originale allemands

Unter dem provozierenden Titel »Schöne Zeiten« - entnommen einem privaten Fotoalbum eines KZ-Kommandanten - haben die Herausgeber eindrucksvolle Dokumente zusammengestellt. Es handelt sich weitgehend um authentische Texte (Tagebücher, Briefe und Berichte), aber auch um (Geständnis-)Protokolle, in denen die Mörder, Mittäter und Gaffer in der Rückschau ungeschminkt vor den ermittelnden Behörden schildern, wie der Massenmord an den Juden organisiert und bis zum bitteren Ende durchgeführt wurde.

Beigegeben werden zahlreiche Fotos, die für sich sprechen. Diese Bilder zeigen nicht etwa Exzeßtäter, die ihre Mordarbeit mit Schaum vor dem Mund tun, keine Bestien, die uns von daher abstoßen, sondern sie zeigen (von Gaffern angespornte) Täter, wie sie ihre llArbeit« verrichten und wie sie danach erschöpft, aber zufrieden ihren bierseligen Feierabend genießen. Gezeigt werden Menschen, denen man nicht ansieht, daß sie aktiv in der Mordmaschinerie mitwirkten und diese einsatzbereit und willig in Gang hielten. Der vertrauliche, ja bisweilen private Charakter des Materials zeigt in gnadenloser Deutlichkeit, wie sicher die llWeltanschauung« des Nationalsozialismus im Zentrum der Volkspsyche verankert war, eingebettet in das gängige Denken, in das selbstverständliche Empfinden breitester Bevölkerungskreise.

Ein erschütterndes Buch und ein erhellendes zugleich. Es klärt auf und will zur Trauerarbeit anregen. Und es wirkt dem Vergessen entgegen, daß es in Deutschland Zeiten gegeben hat, in denen auf offener Straße und am hellichten Tage jüdische Mitbürger mit Eisenstangen erschlagen werden konnten, ohne daß sich jemand schützend vor sie gestellt hätte

Ernst Klee, geboren 1942, Studium der Theologie und Sozialpädagogik. Lehrauftrag für Behindertenpädagogik an der VHS in Frankfurt (1973-1982) und an der FHS in Wiesbaden (1978-1979). Mitarbeiter der Wochenzeitung »Die Zeit«. 1981 wurde sein Fernsehfilm »Verspottet« (über das Leben einer Kleinwüchsigen) mit einem Adolf-Grimme-Preis sowie von der Deutschen Akademie der darstellenden Künste in Frankfurt ausgezeichnet.

Buchveröffentlichungen u.a.: »Der Zappler« (Kinderbuch zum Behindertenproblem), 1974; »Behinderten-Report«, 1974 (wie die folgenden im Fischer Taschenbuch Verlag); »Behinderten-Report II«, 1976; »Psychiatrie-Report«, 1978; »Behindert. Über die Enteignung von Körper und Bewußtsein. Ein kritisches Handbuch«, 1980 (im S. Fischer Verlag).

»>Euthanasie< im NS-Staat. Die !Vernichtung lebensunwerten Lebens<« (Bd.4326); »Dokumente zur )Euthanasie«< (Bd.4327); »Was sie taten - was sie wurden. Ärzte, Juristen und andere Beteiligte am Kranken- und Judenmord« (Bd.4364).

Willi Dreßen, geboren 1935, Studium der Rechtswissenschaften in Köln und Bonn. Staatsanwalt. Seit 1967 bei der Zentralstelle der Landesjustizverwaltungen zur Aufklärung nationalsozialistischer Verbrechen. Seit 1985 Vertretung des Behördenleiters. Mitarbeit an »Das große Lexikon des Dritten Reiches« (Chr. Zentner/Fr. Bedürftig, Hg., 1985), »Enzyclopaedia Judaica« (Jahrbuch 1986/87) und zahlreiche wissenschaftliche Beiträge.

Volker Rieß, geboren 1957, Studium der Geschichte und Germanistik; Historiker; arbeitet zur Zeit an einer zeitgeschichtlichen Dissertation.

Ernst Klee / Willi Dreßen / Volker Rieß, »Schöne Zeiten« Judenmord aus der Sicht der Täter und Gaffer, S. Fischer Verlag GmbH, Frankfurt am Main, 1988.