5. Édouard Conte et Cornelia Essner, La Quête de la Race, une anthropologie du nazisme, Hachette, 1995, troisième partie: "La « Question juive »", p. 189 et suiv. 6. Voir le remarquable ouvrage de Saul Friedländer, L'Allemagne nazie et les Juifs, 1. Les années de persécution (1933-1939), Seuil, 1997. 7. Discours d'Hitler du 30 janvier 1939, cité dans Eberhard Jäckel, Hitler Idéologue, Gallimard, Tel, 1995, p. 86. Pour d'autres déclarations de même nature, voir: ici. Pour d'autres documents nazis, voir ici. 8. Pour une présentation de ces deux approches, voir Ian Kershaw, Qu'est-ce que le nazisme?, Problèmes et perspectives d'interprétation, Gallimard, folio histoire, 1997, chapitre 5: "Hitler et l'Holocauste", pp. 163-209. 9. Voir Christopher Browning, The Path to Genocide: Essays on Launching the Final Solution, Cambridge University Press, 1992, chapitre 5: « Beyond "Intentionalism" and "Functionalism": the decision for the final solution reconsidered », pp. 86-121. Sur la genèse de la prise de décision, voir de Christopher Browning, « La décision concernant la solution finale », dans L'Allemagne nazie et le génocide juif, Gallimard / Le Seuil, 1985, pp. 190-215. Sur le contexte de la prise de décision, voir, du même auteur, « L'origine de la solution finale: du contexte militaire et politique à la prise de décision (1939-1941) », dans François Bédarida, La politique nazie d'extermination, Albin Michel, 1989, pp. 156-176. 10. Benno Müller-Hill, Science nazie, science de mort, Éditions Odile Jacob, 1989, p. 39. 11. Voir Kogon, Langbein, Rückerl, Les chambres à gaz, secret d'État, op. cit. 12. Philippe Burrin, Hitler et les Juifs, Genèse d'un génocide, Seuil, Points Histoire, 1995. Pour une critique de la thèse de Burrin, voir note 13. 13. Les historiens ont longtemps hésité sur la nature des moteurs utilisés à Treblinka, Sobibor, Belzec et Chelmno, diesel ou essence. La méthode pour tuer est connue : les gens étaient entassés dans les chambres à gaz, et les gaz d'échappement de moteurs puissants y étaient dirigées. Pendant quelques années, l'historiographie a semblé privilégier l'hypothèse de moteurs diesel. Le dégagement en monoxyde de carbone des moteurs diesel est inférieur à celui des moteurs à essence, mais même avec des moteurs diesel, l'assassinat est possible. Cependant, on a récemment établi que l'hypothèse des moteurs diesel était erronée pour les camps de l'opération Reinhard et que des moteurs à essence y avaient été utilisés. 14. Voir Christopher Browning, The Path to Genocide, Cambridge University Press, 1992, chapitre 5: « Beyond "Intentionalism" and "Functionalism" ». Browning, contrairement à Burrin, soutient, de façon tout à fait convaincante, que c'est dans l'euphorie des premiers succès de la guerre contre l'U.R.S.S., que la décision de l'extermination a été prise, c'est-à-dire en plein été 1941, dès le début de l'opération Barbarossa. L'auteur des présentes notes fait de plus remarquer que c'est souvent dans l'euphorie de ses succès qu'Hitler a pris les plus radicales de ses décisions, annexion de l'Autriche, ordre officialisant l'opération d'« Euthanasie », etc. D'autres auteurs font l'hypothèse d'une date encore plus précoce, vers la fin 1940 ou le début 1941. Voir not. Richard Breitman, The Architect of Genocide: Himmler and the Final Solution, New York, Alfred A. Knopf, 1991, p. 153-166 et 247-248. Une mise au point récente est diponible en français: Annette Wieviorka, « Quand la "solution finale" a-t-elle été décidée? », dans Les cahiers de la Shoah 1995-1996 No 3, p. 31-53.

Le génocide nazi et les négationnistes

Bernard Comte

© Bernard Comte - Gilles Karmasyn 1996-2002 - Reproduction interdite sauf pour usage personnel -
No reproduction except for personal use only
 
       

I - RAPPEL HISTORIQUE
A - Genèse du génocide

National-socialisme et antisémitisme

-- L'antisémitisme meurtrier des nazis constitue un élément central de leur vision du monde biologique qui oppose races supérieures et inférieures et assimile la "race" juive à un bacille qui corrompt et détruit le corps sain. Éliminer les Juifs d'Allemagne et d'Europe est une opération d'hygiène : il n'y a pas de "droits de l'homme" ni de valeurs universelles qui tiennent devant cette conception5. De plus pour Hitler traumatisé par la défaite de 1918, la "juiverie internationale" est responsable des malheurs de l'Allemagne contre laquelle elle a coalisé les adversaires extérieurs (démocraties capitalistes) et intérieurs (le bolchevisme, produit juif). Les nazis parlent fréquemment de "régler leur compte" aux Juifs.

-- La persécution des Juifs sous le IIIe Reich est amorcée dès 19336, par à-coups et sans programme continu et cohérent, car elle est soumise aux priorités du réarmement et de la conquête de l'espace vital. Les mesures de ségrégation, exclusion, expropriation, inspirées par la haine, se situent dans la perspective d'une émigration forcée. Elles s'aggravent après l'Anschluss avec la Nuit de Cristal (novembre 1938). Hitler lance devant le Reichstag (30 janvier 1939), sa fameuse "prophétie" annonçant qu'en cas de nouvelle guerre mondiale provoquée par la juiverie internationale, le résultat n'en serait pas la bolchevisation de la terre et la victoire des Juifs, mais l'anéantissement de la race juive en Europe7 (il évoque donc une extermination physique, liée à une guerre mondiale qu'il voudrait éviter et qui mettrait obstacle à son entreprise de conquête de l'espace vital).

-- De telles formules ont fait croire que le génocide était déjà décidé et programmé. Un débat oppose historiens "intentionnalistes" (le génocide comme intention de Hitler dès Mein Kampf, 1925, dont il poursuit la réalisation en exploitant les circonstances favorables) et "fonctionnalistes"8 (le génocide n'est décidé qu'en 1941, lorsque les autres solutions pour débarrasser l'Allemagne des Juifs ont échoué et que Hitler reprend à son compte les initiatives de ses subordonnés débordés par le surpeuplement des ghettos polonais; il est en quelque sorte le produit des circonstances). Peut-être deux attitudes ont-elles coexisté : la recherche de solutions pour éloigner les Juifs après les avoir dépouillés (émigration, projet de transfert en Pologne orientale en 1939-40, puis à Madagascar), et le désir d'en faire des otages et des victimes qui paieront pour les obstacles qu'on oppose aux projets de Hitler9.

*
*    *

La guerre

Dès 1939 c'est une guerre raciste qui comporte des massacres collectifs.

-- Hitler date du 1er septembre 1939 son ordre secret de procéder au meurtre des débiles et malades mentaux en Allemagne10; 100 000 tués, jusqu'à ce que les protestations (venant des Eglises notamment) l'amènent à arrêter l'opération en août 1941. Mais cela a permis de former des spécialistes de l'extermination par le gaz (dans des chambres fixes ou des camions)11.

-- Dans la Pologne occupée (octobre 1939), les Nazis entreprennent l'anéantissement des élites polonaises. Heydrich, nommé par Himmler chef du R.S.H.A. [Office Central de Sécurité du Reich = Police d'Etat (Gestapo et police criminelle) + police du parti S.D.], crée des groupes d'intervention "Einsatzgruppen" qui saisissent les archives, arrêtent et fusillent les hommes (16 000 civils tués en 6 semaines, dont peut-être 5 000 Juifs).

-- Triple action contre les Juifs soumis au Reich : expulsions (vers la zone soviétique de Pologne, puis vers la France après l'armistice), concentration (premiers ghettos polonais à Lodz, mai 1940, puis Varsovie, Cracovie et Lublin), refoulement des Juifs d'Allemagne vers la Pologne. Projets de concentrer les Juifs à la périphérie du Reich, dans une "réserve" en Pologne, ou de les déporter à Madagascar (projet de l'été 1940), mais ce n'est pas praticable.

*
*    *

La guerre contre L'U.R.S.S

(juin 41)

Elle transforme les données du problème :

-- C'est un pari de Hitler qui a buté à l'Ouest sur la résistance britannique soutenue par les U.S.A., au Sud sur les difficultés en Méditerranée. A la veille de lancer l'opération "Barbarossa" il réédite sa prophétie menaçante (30 janvier 1941).

-- La guerre à l'Est va être une guerre totale, à la fois nationale (conquérir l'espace vital), idéologique (détruire le communisme) et raciale (contre l'ennemi juif).

-- De plus elle va livrer aux Allemands des territoires où sont établis des Juifs par centaines de milliers.

La guerre va donc s'accompagner de méthodes plus expéditives pour terroriser et anéantir les Juifs de l'Est :

-- Immédiatement derrière la ligne de front, des Einsatzgruppen sont lancés qui exécutent les cadres communistes et "l'intelligentsia judéo-bolchevik" et terrorisent la population juive, fusillades en séries (50 000 Juifs tués au fusil-mitrailleur en 7 semaines, juillet-août 1941).

Cependant les ghettos polonais sont surpeuplés, les administrateurs allemands s'en plaignent et commencent à mettre à part les Juifs "inaptes au travail" . faut-il les nourrir les laisser mourir ou les éliminer tout de suite ?

*
*    *

La décision

Une escalade en Russie mène à la décision (automne 41) de procéder à la " solution finale " par extermination.

-- Fin août 1941, les Einsatzgruppen de Russie exécutent aussi femmes et enfants ; pour ces massacres de masses (à Babi Yar, près de Kiev, 33 000 exécutés les 29-30 septembre 1941 ; 500 000 au total, 2e semestre 1941 ; chiffres connus par la comptabilité des unités), on cherche des méthodes moins éprouvantes pour les bourreaux : des camions à échappement interne, des bouteilles de monoxyde de carbone .

-- Hitler décide de prendre (août - septembre 1941) deux mesures qu'il avait toujours repoussées : obligation pour les Juifs de tout Reich de porter l'étoile jaune ; début de la déportation à l'Est des Juifs d'Allemagne, vers le "Gouvernement général" de Pologne (août - septembre 1941).

-- On n'a retrouvé aucun ordre écrit de Hitler concernant l'extermination des Juifs, mais la décision n'a pu être prise que par lui, et très probablement à ce moment, étant donné des indices convergents :

* interdiction totale d'émigration pour tous les Juifs, à l'opposé de la politique précédente (octobre 1941) ;

* premiers convois de déportation d'Allemagne vers la Pologne et vers l'URSS occupée, où les Einsatzgruppen " traitent " les Juifs déportés (octobre - novembre 1941) ;

* installation du camp de Chelmno (près du ghetto de Lodz) où la méthode des camions est utilisée (décembre 1941) avec un spécialiste S.S qui a mené à bien précédemment l'exécution des malades mentaux (Wirth) ;

* à l'Est, près de Lublin, début (octobre 1941) de la construction d'un camp à Belzec, avec une équipe qui a pratiqué, elle aussi, "l'euthanasie " (baraques étanches, moteur Diesel13) ;

* cependant diverses méthodes d'exécution massive sont expérimentées dans les camps de concentration, contre des détenus incurables ou contre des commissaires politiques soviétiques faits prisonniers (à Sachsenhausen, à Auschwitz avec le Zyklon B).

*
*    *

Les mesures d'application

-- Construction des 6 camps d'extermination en Pologne.

Alors que les camps de concentration ouverts dès 1933 en Allemagne (Dachau, puis Buchenwald, Ravensbrück, une douzaine en tout) sont des " camps de la mort lente " par le travail épuisant, la faim, les mauvais traitements et les humiliations dégradantes, les six camps installés en Pologne en 1941-42 sont prévus pour exterminer rapidement, économiquement et en secret des masses d'êtres humains.

Deux de ces camps, Chelmno-Kulmhof et Auschwitz, sont en territoire polonais annexé au Reich, les autres sont dans la partie orientale appelée "Gouvernement général".

-- 4 camps construits pour l'extermination : Chelmno-Kulmhof (Lodz), Belzec, Sobibor (Lublin), Treblinka (Varsovie).

-- 2 camps mixtes, où les installations d'extermination se greffent sur un camp de concentration : Maïdanek (Lublin) et Auschwitz-Birkenau (Cracovie)

-- Le 20 janvier 1942, la "conférence de Wannsee" présidée par Heydrich avec Eichmann organise la participation des divers ministères et services du Reich à une "Solution finale" qui concerne l'ensemble des Juifs d'Europe (11 millions) : arrestation, transfert à l'Est où ceux qui ne se seront pas éliminés "naturellement" seront "traités en conséquence". Dans l'Allemagne qui mobilise toutes ses forces pour une guerre totale, les moyens nécessaires à la réalisation de la solution finale ont priorité.

-- Pourquoi cette décision alors ?

Selon une des études les plus récentes (Ph. Burrin12), Hitler a compris dans l'été 1941 que son projet de victoire rapide contre l'U.R.S.S. était en échec, et qu'il allait se retrouver dans la perspective d'une guerre longue, face à une coalition mondiale (l'U.R.S.S., si elle réussit à tenir, va s'allier à la Grande-Bretagne, et les U.S.A.qui soutiennent celle-ci entreront tôt ou tard dans l'alliance), La "juiverie mondiale" qui inspire cette coalition ne doit pas triompher, et le sang allemand qui va être versé dans cette longue guerre doit être vengé par celui des Juifs, race corrompue et corruptrice.

D'autres interprétations sont différentes14. Dans tous les cas, on doit faire la part de la vision stratégique de Hitler chef d'Etat et chef de guerre, du délire antisémite et raciste, de la psychologie d'un calculateur qui est aussi un obsédé, et des préparatifs et des expériences menés par les responsables S.S. qui ont reçu la mission de résoudre le problème juif : Himmler chef suprême des S.S, de la Gestapo et de toutes les polices : Heydrich, chef du R.S.H.A. (chargé par Goering en mai 1941 de la solution globale du problème juif dans toute l'Europe) . Eichmann, chargé par Heydrich de l'exécution du plan. Et les "spécialistes" S.S. qu'ils dirigent (Höss, Wirth, etc.).

       
       

Notes.

5. Édouard Conte et Cornelia Essner, La Quête de la Race, une anthropologie du nazisme, Hachette, 1995, troisième partie: "La « Question juive »", pp. 189 et suiv.

6. Voir le remarquable ouvrage de Saul Friedländer, L'Allemagne nazie et les Juifs, 1. Les années de persécution (1933-1939), Seuil, 1997.

7. Discours d'Hitler du 30 janvier 1939, cité dans Eberhard Jäckel, Hitler Idéologue, Gallimard, Tel, 1995, p. 86. Pour d'autres déclarations de même nature voir http://www.phdn.org/histgen/hitler/declarations.html. Pour d'autres documents nazis, voir http://www.phdn.org/negation/documents/volonte.html.

8. Pour une présentation de ces deux approches, voir Ian Kershaw, Qu'est-ce que le nazisme?, Problèmes et perspectives d'interprétation, Gallimard, folio histoire, 1997, chapitre 5: "Hitler et l'Holocauste", p. 163-209.            

9. Voir Christopher Browning, The Path to Genocide: Essays on Launching the Final Solution, Cambridge University Press, 1992, chapitre 5: « Beyond "Intentionalism" and "Functionalism": the decision for the final solution reconsidered », pp. 86-121. Sur la genèse de la prise de décision, voir de Christopher Browning, « La décision concernant la solution finale », dans L'Allemagne nazie et le génocide juif, Gallimard / Le Seuil, 1985, pp. 190-215. Sur le contexte de la prise de décision, voir, du même auteur, « L'origine de la solution finale: du contexte militaire et politique à la prise de décision (1939-1941) », dans François Bédarida, La politique nazie d'extermination, Albin Michel, 1989, pp. 156-176.

10. Benno Müller-Hill, Science nazie, science de mort, Éditions Odile Jacob, 1989, p. 39.

11. Voir Kogon, Langbein, Rückerl, Les chambres à gaz, secret d'État, op. cit.

12. Philippe Burrin, Hitler et les Juifs, Genèse d'un génocide, Seuil, Points Histoire, 1995. Pour une critique de la thèse de Burrin, voir note 13.

13. Les historiens ont longtemps hésité sur la nature des moteurs utilisés à Treblinka, Sobibor, Belzec et Chelmno, diesel ou essence. La méthode pour tuer est connue : les gens étaient entassés dans les chambres à gaz, et les gaz d'échappement de moteurs puissants y étaient dirigées. Pendant quelques années, l'historiographie a semblé privilégier l'hypothèse de moteurs diesel. Le dégagement en monoxyde de carbone des moteurs diesel est inférieur à celui des moteurs à essence, mais même avec des moteurs diesel, l'assassinat est possible. Cependant, on a récemment établi que l'hypothèse des moteurs diesel était erronée pour les camps de l'opération Reinhard et que des moteurs à essence y avaient été utilisés.

14. Voir Christopher Browning, The Path to Genocide, Cambridge University Press, 1992, chapitre 5: « Beyond "Intentionalism" and "Functionalism" ». Browning, contrairement à Burrin, soutient, de façon tout à fait convaincante, que c'est dans l'euphorie des premiers succès de la guerre contre l'U.R.S.S., que la décision de l'extermination a été prise, c'est-à-dire en plein été 1941, dès le début de l'opération Barbarossa. L'auteur des présentes notes fait de plus remarquer que c'est souvent dans l'euphorie de ses succès qu'Hitler a pris les plus radicales de ses décisions, annexion de l'Autriche, ordre officialisant l'opération d'« Euthanasie », etc. D'autres auteurs font l'hypothèse d'une date encore plus précoce, vers la fin 1940 ou le début 1941. Voir not. Richard Breitman, The Architect of Genocide: Himmler and the Final Solution, New York, Alfred A. Knopf, 1991, p. 153-166 et 247-248. Une mise au point récente est diponible en français: Annette Wieviorka, « Quand la "solution finale" a-t-elle été décidée? », dans Les cahiers de la Shoah 1995-1996 No 3, p. 31-53.

[ Sommaire de l'article  |  Négationnisme et réfutations  |  Toutes les rubriques ]


Ou Suis-Je? Aidez PHDN... Accueil PHDN... Copyright © Gilles Karmasyn 2002
Vos réactions
23/04/2002