Le génocide nazi et les négationnistes
Bernard Comte
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I - RAPPEL HISTORIQUE
B - L'extermination
"L'opération Reinhard "
(Fin 1941 - automne 1943). Elle doit résoudre, clans le cadre de Wannsee, la question juive clans le Gouvernement Général de Pologne occupée, où se trouvent plus de 2 millions de Juifs, Sous l'autorité du chef de la police et des S.S. de Lublin Globocnik, directement soumis à Himmler avec le personnel des centres d'euthanasie (Wirth).
-- Construction (novembre 1941 - été 1942) des 3 camps de Belzec, Sobibor Treblinka. Equipement en chambres à gaz, alimentées par moteurs.
-- Début de l'extermination massive en mars 1942 (Témoignage du S.S Kurt Gerstein).
-- Ordre de supprimer les traces, donc de brûler les cadavres enterrés (été 1942). Décision de fermer les camps (fin 1942).
-- En novembre 1943, l'Opération Reinhard est déclarée terminée, toutes les traces sont effacées. Estimation des victimes : 1,5 million.
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* *A Auschwitz (Oswiecim)
Au camp de concentration Auschwitz I, créé en 1940 avec Höss, est joint un camp d'extermination Auschwitz II-Birkenau avec ses chambres à gaz et ses fours crématoires, qui fonctionnera de février 1942 à novembre 1944 à un rythme croissant (24 000 Juifs hongrois exterminés en un jour en août 1944). Nombre des victimes juives estimé à 1 million. A Auschwitz, la sélection à l'arrivée soustrait au gazage immédiat de 20 à 30 % environ des déportés, qui sont immatriculés et mis au travail (parmi lesquels une minorité survivra). Les déportés des "Sonderkommando" sont chargés de manipuler vêtements, objets et cadavres autour des chambres à gaz et des fours crématoires.
Une organisation minutieuse, pour toute l'Europe dominée par les Allemands, préside aux opérations : arrestation-rafle des Juifs, concentration (Drancy), triage, transport et réception dans les camps d'extermination, par trains de 1 000 déportés, de manière à assurer l'approvisionnement régulier des chambres à gaz en évitant les temps morts ou les surcharges. Comptabilité connue, train par train, pour les départs de France, de Belgique et des Pays-Bas et partiellement reconstituée, pour les arrivées à Auschwitz, par les relevés d'immatriculation notés clandestinement par des détenus.
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* *Le nombre total des victimes
A Nuremberg, il a été estimé à 5,7 millions. On a souvent parlé de 6 millions. Deux méthodes ont été utilisées par les historiens :
-- Par addition, à partir des comptabilités partielles conservées dans les archives allemandes et complétées par déduction (ex. le rapport rédigé par l'officier statisticien S.S. Korherr pour Himmler donnant, par pays, le chiffre des "évacués", soit 2 670 000 au 31 mars 1943, vérifié pour la France et la Belgique par les listes nominatives des déportés que nous avons).
-- Par soustraction, en comparant (notamment pour l'U.R.S.S. et les pays baltes) les chiffres de la population juive des recensements d'avant-guerre (1939) à ceux d'après-guerre (1959), avec tous les calculs correctifs utiles pour tenir compte du mouvement naturel de la population sous toutes ses formes. Les calculs récents les plus convaincants sont ceux de R. Hilberg14, qui arrive au total 5 100 000 victimes juives du génocide (cf. tableaux I à III).
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* *Le secret
Il a été voulu par les auteurs du génocide. Pas d'ordre écrit en clair, un langage codé (solution finale, action spéciale, traitement spécial, évacuation, hébergement, réinstallation...). Höss, commandant d'Auschwitz, avait prêté serment devant Himmler de garder le secret. Les camps, ou au moins leurs installations meurtrières (chambres à gaz) ont été détruits, leurs archives brûlées.
Il a été facilité par la terreur, par la complicité de ceux qui n'ont pas voulu voir ou savoir, et aussi par le caractère incroyable et impensable de l'événement15. Jamais un État n'avait décidé et appliqué l'extermination entière d'un groupe humain pourchassé sur un continent entier.
Les réalités de la solution finale (arrestation, concentration, déportation, sélection, gazage, crémation des cadavres) n'ont pas été crues, à l'époque même où des témoins sérieux les faisaient connaître. Comme l'a écrit plus tard Raymond Aron, alors à Londres où les informations circulaient : "Les chambres à gaz, l'assassinat industriel d'êtres humains, non, je l'avoue, je ne les ai pas imaginés, et parce que je ne pouvais les imaginer je ne les ai pas sus"16. Comme le dit Gerhart Riegner qui a recueilli les informations à Genève où il tenait le bureau du Congrès juif mondial : "Un être humain normal ne pouvait pas comprendre".
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* *La connaissance
-- Pendant la guerre, des informations et des témoignages ont filtré, convainquant G. Riegner qui, de Genève, transmet l'information à Washington et à Londres, où on en fait état dans les organes de presse. En novembre 1944 , 1'administration américaine a publié cinq relations qui lui étaient parvenues, rédigées dans l'été 1944 par des évadés d'Auschwitz-Birkenau, dont les Slovaques Vrba et Wetzler. Les Alliés ont été informés, comme le Vatican.
-- Après la libération des camps, de nombreux S.S arrêtés ont témoigné au cours de divers procès, à commencer par Höss qui a rédigé une longue confession : le Dr Kremer a expliqué la signification des notes codées du journal qu'il a rédigé lorsqu'il a passé plusieurs mois à Auschwitz en 1942, et assisté à une série "d'actions spéciales" ("le comble de l'horreur") : l'officier S.S. Gerstein a rédigé en prison, avant de se suicider, plusieurs rapports sur sa visite à Belzec en août 1942, où il avait assisté au gazage de tout un convoi, après quoi il avait essayé d'informer la Suède et le Vatican; Eichmann s'explique au procès de Jérusalem (1961).
-- On a exhumé à Birkenau plusieurs documents enfouis par des détenus, lettres ou cahiers évoquant les opérations de sélection, gazage et crémation : les rares survivants des "Sonderkommando" en 1945 ont donné leur témoignage.
-- Les archives allemandes (armée, administrations, entreprises industrielles) ont conservé bien des documents concernant la fabrication des chambres à gaz, les livraisons de matériaux et les diverses activités liées à la déportation et au génocide.
Tous ces documents et témoignages ne peuvent évidemment être exploités qu'après étude critique, confrontation selon les règles de la méthode historique. Si des affirmations inexactes ont pu être avancées ici ou là, le travail des historiens depuis quarante-cinq ans a abouti à une connaissance, évidemment ni exhaustive ni achevée mais réelle, du génocide. L'étude critique des documents, la confrontation des diverses sources, continuent.
En France, on connaît les noms, les adresses et les âges des 76 000 Juifs déportés entre le printemps 1942 et août 1944, dont 2500 ont survécu (S. Klarsfeld, Le Mémorial de la déportation des Juifs de France, Paris, 1978).
Notes.14. Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, Fayard, 1988, p. 1045-1046.
15. Sur la cécité des Alliés, des opinions publiques et des intellectuels, sur la réalité du processus d'extermination, pourtant connu, voir Enzo Traverso, « Avertisseurs d'incendie », Pour une typologie des intellectuels devant Auschwitz, dans L'Histoire déchirée. Essai sur Auschwitz et les intellectuels, Les Éditions du Cerf, 1997, p. 13-43. Sur le web: http://www.anti-rev.org/textes/Traverso97a. Une extrait significatif se trouve à l'adresse suivante: http://www.phdn.org/negation/etudes/aveuglement.html.
16. Cité dans Enzo Traverso, « Avertisseurs d'incendie », op. cit., p. 24. Le contexte et les conditions de cet « aveuglement » sont très finement analysées par Traverso. On pourra se reporter l'extrait cité en note 15.
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23/04/2002