Faurisson, un antisémite

Faurisson se compare au politicien
corrompu Lucius Flaccus


Faurisson est un antisémite. La première phrase du paragraphe qui suit suffirait à le prouver. Mais c'est aussi un individu à l'orgueil démesuré qui n'hésite pas à présenter de manière frauduleuse certains classiques et à se comparer à un politicien véreux... Il a écrit:

« En mes qualités d'ancien latiniste, de justiciable poursuivi devant les tribunaux par des organisations juives, de professeur d'université empêché de donner ses cours à cause de manifestations juives, et, enfin, d'auteur interdit de publication à cause des décisions du grand rabbinat entérinées par la République française, il m'arrive de confronter mes expériences avec celles d'illustres prédécesseurs. C'est ainsi que je songe à l'aristocrate romain Lucius Flaccus. En 59 avant notre ère, Cicéron eut à le défendre notamment contre ses accusateurs juifs; la description que fait l'illustre orateur de l'influence, de la puissance et des procédés des Juifs de Rome dans le prétoire me donne à penser que, s'il revenait sur terre, au XXe siècle, pour y défendre un révisionniste, il n'aurait pour ainsi dire pas un mot à changer sur ce point dans sa plaidoirie du Pro Flacco »

(Robert Faurisson, Écrits révisionnistes, édition privée hors commerce, 1999, tome I, p. XLVII)

Remarques préliminaires: la moitié de la prose faurissonienne consiste en pleurnicheries où Faurisson se plaint des ennuis que ses falsifications et ses mensonges lui ont apportés. Comme la plupart des antisémites, il se plaint de ce que des Juifs ne le laissent pas les calomnier impunément... Son laïus sur le « grand rabbinat » qui aurait pris des décisions « entérinées par la République française », outre qu'il s'agit d'un mensonge au premier degré, constitue un délire paranoïaque et antisémite.

Beaucoup plus intéressant est le personnage auquel Faurisson se compare: Lucius Flaccus. En lisant Faurisson on comprend que Lucius Flaccus a été jugé lors d'un procès où Cicéron l'a défendu notamment contre ses accusateurs juifs. Faurisson, qui sait ce que parler veut dire, cherche à donner l'impression que l'accusation juive occupait une place de choix et que Flaccus aurait été injustement accusé, comme lui Faurisson... Mais il prend soin d'éviter d'expliciter ce que signifie « notamment » et surtout il passe totalement sous silence le contenu de l'accusation... Et pour cause!

Lucius Flaccus, ami et client de Cicéron, fut préteur de la province d'Asie en 62 avant notre ère. Lucius Flaccus s'est rendu coupable d'escroqueries, dénis de justice, captations d'héritages; il a détourné les fonds destinés à la flotte et extorqué de l'argent à de nombreuses villes grecques (Voir Cicéron, Discours, Les Belles Lettres, 1989, Tome XII, p. 59-62). Et il a détourné à son profit le tribut payé par les Juifs de sa province et envoyé chaque année au Temple de Jérusalem. Bref Lucius Flaccus était ce qu'on appelle « un pourri ». Il avait volé des Juifs dont l'accusation contre lui était pleinement justifiée. Faurisson se compare donc à un escroc, à un voleur de Juifs... Ce contexte, Faurisson le tait, comme il s'abstient de préciser que parmi les accusations portées contre Flaccus par des citoyens romains et plusieurs villes grecques, celle des Juifs est presque la plus insignifiante. D'ailleurs Cicéron, dans sa plaidoirie, le fameux pro Flacco, n'y consacre que l'équivalent de deux pages sur plusieurs dizaines!

C'est là le deuxième intérêt du paragraphe de Faurisson cité plus haut. Outre qu'il se compare à un politicien pourri qui a volé des Juifs, outre qu'il passe sous silence le fait que l'accusation était justifiée, outre qu'il passe sous silence que la place du traitement de cette accusation par Cicéron dans sa plaidoirie est marginale, Faurisson se réfère à un passage du pro Flacco, connu depuis longtemps pour sa charge antijuive. Faurisson s'abstient également de décrire la tactique d'avocat de Cicéron qui consiste à discréditer tous les accusateurs. André Boulanger écrit: « [Cicéron] oppose aux accusateurs des démentis arrogants beaucoup plus que des réfutations » (Discours, tome XII, op. cit., p. 66). Il « nie énergiquement tous les griefs, sans véritablement les discuter, s'acharne à discréditer les témoins » (ibid., p. 61). Les accusateurs sont grecs? Cicéron verse dans un véritable racisme anti-grecs. Auraient-ils été gaulois, que Cicéron aurait versé dans un racisme anti-gaulois -- il l'avait fait dans son pro Fonteio (ibid). Lorsqu'ils sont juifs, Cicéron verse donc dans l'antijudaïsme. « Par une rencontre curieuse, tous ces accusateurs sont, d'après [Cicéron], gens de sac et de corde, déjà condamnés, escroquerie ou prévarication. Les citoyens romains qui témoignent contre Flaccus ne valent d'ailleurs pas mieux » (ibid., p. 64-65). Par ailleurs, Louis H. Feldman a constaté à propos de la charge anti-juive de Cicéron : « Cicéron [...], ainsi que nous l'avons remarqué, décrit les Juifs dans des termes qui rappellent ceux des fanatiques anti-juifs modernes » (Louis H. Feldman, Jew and Gentile in the Ancien World, Princeton University Press, 1993, p. 172). Feldman écrivait cela 6 ans avant que Faurisson ne souscrive aux propos de Cicéron...

Comme à son habitude Faurisson se garde de renseigner son lecteur sur le contexte. De toute évidence, Faurisson souscrit à l'antijudaïsme du passage, marginal, du pro Flacco de Cicéron. Et Faurisson se compare un politicien corrompu, escroc et spoliateur de biens juifs. Faurisson est un antisémite.

On ne sera pas surpris d'apprendre que le négationniste Rassinier a, avant Faurisson, utilisé le pro Flacco de Cicéron, mais pour le falsifier et soutenir un bobard antisémite... Nous étudions par ailleurs de façon plus précise le passage du pro Flacco dont il est question.


Le texte qui précède a suscité durant l'été 2000 une « réponse » de Faurisson. Cette réponse n'est évidemment qu'une succession de nouvelles falsifications antisémites. En voici l'analyse: http://www.phdn.org/negation/faurisson/atonluciceron.html
 

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29/06/2000 -- mis à jour le 18/02/2001