Le Mensonge d’Ulysse

Une conférence de Rassinier à Munich
devant d’anciens nazis

Helmut Kistler

Documents, Revue des questions allemandes, no 2, mars-avril 1960
Reproduction avec autorisation de phdn

Préambule de PHDN

Les informations présentées ici sont résumées d’après Florent Brayard, Comment l’Idée vint à M. Rassinier, chapitre VIII, «Une Tournée de Conférences en Allemagne», Paris: Fayard, 1996, p. 278-285.

Du 21 mars au 10 avril 1960, Rassinier, à l’initiative de son éditeur allemand, le nazi Karl Heinz Priester, entreprend une tournée de conférences en Allemagne. L’objectif de cette tournée est de faire la promotion de son ouvrage, Le Mensonge d’Ulysse.

Cadre dans les Jeunesses Hitlérienne officier dans la Waffen SS, Karl Heinz Priester revient de la guerre blessé et toujours nazi convaincu. Il organisera un système de diffusion de propagande (néo)nazie dès 1948. Il sera l’éditeur pour l’Allemagne du Mensonge d’Ulysse tout comme il est celui de Bardèche depuis 1957.

Rassinier qui ne pouvait ignorer l’engagement nazi de l’organisateur de cette tournée cherchera pourtant par la suite à la nier («Lettre à Eugène Kogon, 5 mai 1960» reproduite dans Ulysse trahis par les siens) tout en en relativisant la portée. De cette relativisation de la responsabilité individuelle qu’il généralise à tous les Allemands, Rassinier devait embrayer sur une négation d’une responsabilité quelconque de l’Allemagne. Il dira au sujet du public (nazi ou «nostalgique») de ses conférences,: «c’est simple: je n’ai rencontré que des accusés, des enfants ou des parents d’accusés, des suspects» («Le monde “des accusés”»La voix de la Paix, no 98, 25 avril 1960).

Il faisait passer ainsi les nazis pour les victimes d’un acharnement suspect et occultait du  même coup leurs victimes. Selon lui cet acharnement tendant à mettre l’Allemagne et les Allemands en accusation n’était que la conséquence de la diffusion de la littérature concentrationnaire qui entretenait et provoquait une injuste chasse aux sorcières. Rassinier, au passage, en profitait pour stigmatiser la dénazification. On se doute bien qu’un tel discours ne pouvait que susciter l’enthousiasme d’un auditoire trié sur le volet — «accusé… parents d’accusés…» — par le très nazi Karl Heinz Priester.

En définitive en matière de responsabilité Rassinier ne connaît, dans un premier temps, qu’un seul coupable, la guerre. Toutefois, dans la mesure où, pour mieux renvoyer alliés et nazis dos à dos, Rassinier recourt déjà à la négation de l’extermination des Juifs, il franchira «logiquement», dans la suite de sa production, le pas consistant à désigner les Juifs comme seuls responsables de la guerre, une rhétorique qui pointait déjà tout de même chez Rassinier en 1939.

Mais nous sommes ici le 2 avril 1960 à Munich. Dans l’assistance, Helmut Kistler a visiblement mieux travaillé les sujets que Rassinier prétend traiter, ou plutôt nier, dans sa conférence. Kistler envoie une lettre à la Süddeutsche Zeitung décrivant sa rencontre avec Rassinier. Florent Brayard fournit une description détaillée des circonstances et du contenu probable des conférences de Rassinier devant des parterres de sympathisants nazis. Il montre notamment que Rassinier ne connaît ni les documents, ni les publications savantes et que ce sont ses amis d’extrême-droite qui le renseigneront sur ces sujets! Florent Brayard est le premier à signaler et exploiter la lettre de Helmut Kistler, parue en traduction française dans la revue Documents. Revue des questions allemandes. PHDN en offre la version intégrale, pour la première fois.


Introduction par la revue Documents

Paul Rassinier, l’auteur du Mensonge d’Ulysse, a tenu à faire une conférence en Allemagne. Ce qu’il a déclaré ne fut pas du goût de tous ses auditeurs, et l’un d’entre eux a écrit à son journal, la Süddeutsche Zeitung, de Munich, pour faire part de son indignation.


La lettre de Helmut Kistler

Le dimanche 2 avril, les adhérents et sympathisants du parti allemand du Reich, accablés par la défaite écrasante qu’ils ont subie aux élections communales du 27 mars, ont eu l’occasion de rafraîchir un peu leurs esprits. Ce jour-là en effet, sur l’invitation du K.H. Priester Verlag de Wiesbaden, Paul Rassinier, ancien interné de Buchenwald et auteur du Mensonge d’Ulysse, était venu à Munich pour «faire vaincre la vérité historique sur la vérité politique» en ce qui concerne les camps de concentration hitlériens.

Ses déclarations, accueillies avec enthousiasme par la majorité des auditeurs, contenaient des affirmations radicalement fausses et des contradictions si flagrantes, que l'on se sent tenu de les réfuter.

M. Rassinier a dèclaré que l’édition allemande des mémoires de Rudolf Höss, commandant d’Auschwitz de 1940 à 1943, était retraduite du polonais. C’est là un mensonge flagrant! En novembre 1956, l’éditeur allemand a consulté, examiné et fait photocopier les originaux des mémoires de Höss, conservés au ministère de la Justice à Varsovie (les photocopies sont déposées à l’Institut d’histoire contemporaine de Munich).

M. Rassinier a prétendu que l’on ne pouvait pas avoir accès la documentation sur les camps de concentration (et en particulier sur la solution finale de la question juive) qui a été utilisée au procès de Nuremberg. Ceci encore est un mensonge. Les documents rassemblés par la Cour internationale de justice ont fait l’objet de plusieurs éditions et peuvent être consultés dans n’importe quelle bibliothèque importante.

M. Rassinier a prétendu qu’il n’existait pas de preuve écrite de l’anéantissement systématique des juifs. Or on peut lire dans le procés-verbal de Wannsee, en date du 24 janvier 1942: «…Dans le cadre de la solution finale de la question juive, les juifs doivent, sous une direction appropriée, étre mis au travail à l’Est. Les juifs en état de travailler seront dirigés en longues colonnes vers ces territoires, les hommes étant séparés des femmes. Au cours de ce transfert, ils construiront des routes, si bien qu’une grande partie d’entre èux disparaîtront certainement par sélection naturelle. Le petit nombre qui restera devra être traité en conséquence, car il s’agira là des éléments les plus résistants, représentant une sélection naturelle, et ils doivent être considérés, en cas de libération, comme la cellule—mère d’une renaissance du judaïsme».

Répondant à ma question, M. Rassinier, qui se prétend «historien», m’a avoué qu’il ne connaissait pas le procès-verbal de Wannsee bien qu’on puisse en acheter le texte dans n’importe quelle librairie (il figure dans l’ouvrage de Poliakov et Wulf, Le IIIe Reich et les Juifs). Il existe en outre le rapport de l’inspecteur SS des statistiques, le Dr Korherr (également cité dans l’ouvrage indiqué ci-dessus), qui donne des chiffres exacts se rapportant à l’annee 1943: on peut y lire que, de 1937 à début 1943, la populatlon juive européenne a diminué «de 4.500.000» personnes.

M. Rassinier a prétendu qu’il n’existait pas en Allemagne de groupement étudiant impartialement l’histoire du IIIe Reich. C’est un mensonge! II existe l’Instltut d’histoire contemporaine de Munich.

Après la conférence, au café Neptune, j’ai fait ces remarques, et quelques autres, à M. Rassinier. Il a reconnu qu’il ne connaissait pas les documents cités, qu’il n’avait jamais eu en main l’édition allemande des mémoires de Rudolf Höss, qu’il ignorait l’existence de l’Institut d’histoire contemporaine, et enfin que lui-même ne savait pas la vérité sur le système concentrationnaire, mais qu’il exprimait simplement son opinion personnelle sur ce sujet. Lorsqu’il m’eut fait ces aveux, qui réduisaient pratiquement à néant ses thèses «grandioses», quelques jeunes gens vigoureux, qui, auparavant, avaient assuré le service d’ordre dans la salle de conférence, me repoussèrent de la table. Lorsqu’il quitta le café, M. Rassinier s’approcha de moi et me dit textuellement: «Comme adieu, je vous dirai ceci: peut-être que moi aussi je mens!»

Helmut KISTLER.  

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