* Gilles Karmasyn est spécialiste en systèmes d'informations. Il effectue des recherches sur l'histoire de la Shoah et le négationnisme depuis plusieurs années. Il est responsable du site web « phdn » : http://www.phdn.org/. Gérard Panczer est enseignant chercheur à l'université Claude Bernard (Lyon I). Il collabore au site web « amnistia »: http://www.amnistia.net/. Michel Fingerhut pratique l'informatique depuis 1966, l'Internet depuis 1979, et diffuse des ressources documentaires sur le génocide nazi, sa négation et sujets connexes depuis qu'il a « rencontré » le négationnisme en 1984. Il est responsable du site web « anti-rev » : http://www.anti-rev.org/ 1. Valérie Igounet, Histoire du négationnisme en France, Seuil, 2000, p. 14. 2. Robert Faurisson, interviewé par Valérie Igounet, le 9 avril 1996. 3. Sur Robert Faurisson, le négationnisme et les « méthodes » négationnistes on renverra à l'ouvrage plus que jamais indispensable, de Pierre Vidal-Naquet, Les assassins de la mémoire, Points Seuil, 1995. 1ère éd., La Découverte, 1987. Les textes de Pierre Vidal-Naquet se trouvent également sur le web à l'adresse suivante: http://www.anti-rev.org/textes/ 4. Robert Faurisson, Écrits révisionnistes (1974-1998), Robert Faurisson, 1999, tome I, p. LVII. Il s'agit d'une édition privée hors commerce. Dans cette logohrée négationniste en quatre tomes, Faurisson se compare, notamment, à l'ultra-collaborationniste et antisémite virulent Henri Labroue (tome I, p. XLVII). Sur Labroue, voir Claude Singer, « Henri Labroue ou l'apprentissage de l'antisémitisme  », dans L'antisémitisme de Plume. 1940-1944 études et documents, sous la direction de Pierre-André Taguieff, Berg International Éditeurs, 1999. 5. « Version brute du texte de la traduction anglaise envoyée par courrier électronique par la soeur de Faurisson  ». Site web de Raeto West, 1999. Les auteurs du présent article ont décidé de ne fournir aucune adresse de site web négationniste. S'ils avaient traité de pédophilie, il n'eût pas été plus envisageable de donner des moyens d'accès à du matériel pédophile. 6. La soeur de Robert Faurisson, Yvonne Schleiter, collabore depuis longtemps en toute discrétion et en toute efficacité avec son frère. Voir Valérie Igounet, Histoire du négationnisme en France, Seuil, 2000, p. 589. Faurisson le dit explicitement dans une lettre à Ersnt Nolte du 15 mai 1993 (citée dans Écrits révisionnistes, op. cit., tome IV, p. 1508). Yvonne Schleiter est en contact régulier avec les négationnistes du monde entier. Elle a donné des interviews à Ernst Zündel, Michael Hoffman II; Jurgen Gräf lui a dédicacé un ouvrage... On peut supposer sans risque que l'envoi à Raeto West par la soeur de Faurisson du texte cité, n'est pas le fruit d'une « initiative ». Par contre, on peut supposer que la mention par Raeto West du rôle de la soeur de Faurisson est une « bourde » de sa part... 7. Fondé en 1958 par Willis Allison Carto, le Liberty Lobby est devenu l'un des principaux organismes de propagande d'extrême droite aux États-Unis. Voir Ciaran O Maolain, The Radical Right, a world directory, Harlow - Longman, 1987, p. 373-374. Voir aussi Aurel Braun, Stephen Scheinberg (ed.), The extreme right : freedom and security at risk, Westview Press, 1997, p. 63 et suiv. 8. Sur l'IHR, voir note 40. 9. Aurel Braun, Stephen Scheinberg, The extreme right : freedom and security at risk, op. cit., p. 64. 10. Voir notamment Dominique Wolton, Internet et après?, une théorie critique des nouveaux médias, Flammarion, 1999. 11. Dominique Wolton, Internet et après?, une théorie critique des nouveaux médias, op. cit., p. 86. Remarquons toutefois que le chiffre de cinq millions d'internautes était avancé au début de l'année 2000. 12. Patrick Moreau, « L'extrême droite et Internet », Pouvoirs, n°87, 1998, p. 130. 13. Sur la genèse et l'histoire de l'Internet, voir Christian Huitema, Et Dieu créa l'Internet..., Eyrolles, 1996. 14. Voir le glossaire. Tous les termes suivis d'une étoile sont définis dans le glossaire qui se trouve à la fin de l'article.

Le Négationnisme sur Internet

Genèse, stratégies, antidotes

Par Gilles Karmasyn,
en collaboration avec Gérard Panczer et Michel Fingerhut*

Revue d'histoire de la Shoah, no 170, sept-déc. 2000

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1. Introduction
 

 
« Le discours négationniste nie la politique d'extermination nazie à l'encontre des Juifs d'Europe. Il s'agit d'une double négation : d'une part, la négation de la volonté d'extermination du IIIe Reich et, par là même, de l'emploi de la chambre à gaz homicide [...]; d'autre part, la négation de l'anéantissement systématique, massif et industriel de la communauté juive1 »

« "Maintenant, c'est réglé!". Je leur demande ce qui est réglé. Ils me répondent: "Notre possibilité de nous exprimer. Nous ne voyons pas comment on pourrait nous empêcher de nous exprimer sur Internet". [...] Je me tiens au courant de ce qui se fait sur Internet (le grand spécialiste étant Serge Thion)2 »

 

À la suite de l'introduction à ses Écrits révisionnistes (1974-1998), Robert Faurisson3 déclare :

« La rumeur nous dit qu'un nombre croissant de textes du professeur Faurisson se trouvent sur Internet, ce qui ne laisse pas d'étonner leur auteur qui n'utilise, pour sa part, qu'un vieux stylo-plume4 »

Sur le site web de Raeto West, proche de l'écrivain négationniste britannique David Irving (cf. infra), et défenseur du négationnisme, on trouve une traduction en anglais de l'introduction de l'ouvrage de Faurisson. À la fin, on peut lire : « Original plain text English translation emailed by Faurisson's sister5 »

La soeur de Faurisson transmet les textes de son frère aux sympathisants et Faurisson prétend être surpris6 ? Présence effective des négationnistes sur l'Internet et dénégation stratégique et hypocrite de toute responsabilité sont intimement liées.

En 1936, une des premières émissions de télévision fut la retransmission du discours d'ouverture des Jeux olympiques par Hitler. Les nazis ont su tout autant exploiter la radio. Les activistes de toutes les sectes sont souvent parmi les premiers à utiliser, lorsqu'ils en ont les moyens, les nouveaux médias. Le Liberty Lobby de Willis Carto7, par ailleurs co-fondateur de l'Institute for Historical Review8, principale officine négationniste anglo-saxonne, revendiquait, en 1989, 147 stations de radio sur le territoire américain, pour 1,5 million d'auditeurs9. Les médias traditionnels continuent d'être la cible des extrémistes. Cependant l'Internet est devenu ces dernières années l'enjeu le plus important pour les propagandistes de haine.

Mais l'Internet est-il un média ? Quelles formes en constituent des moyens de communication, des moyens d'information, des moyens de diffusion ? On ne traitera pas ici de ces questions, mais il convient de constater qu'il est difficile de ne pas mentionner leur existence et leur pertinence. On pourra se reporter aux ouvrages de Dominique Wolton10. Conservons déjà à l'esprit certains ordres de grandeur : à l'automne 1998, il y avait, en France, un million d' « internautes », quatorze millions de minitels et vingt-trois millions de téléviseurs11...

Le contenu disponible sur l'Internet n'est pas original en soi. Une nouveauté apportée par l'Internet, réside dans le fait que n'importe qui peut s'y faire diffuseur : avec l'Internet plus de problème de moyens pour informer. Ou désinformer. Une autre nouveauté tient aux vitesses de diffusions et d'accès à ces contenus. Pour Patrick Moreau :

« L'essentiel dans le phénomène Internet est la mise à disposition immédiate de l'information pour qui la cherche, et ce que cela veut dire pour nos normes de droit et les capacités d'investigation des autorités de police et de justice12 ».

Enfin une troisième nouveauté tient à la possibilité de « délocaliser » la source physique d'émission de cette information. N'importe qui, depuis la France, peut disposer d'une page web physiquement hébergée aux USA, ou aux îles Caïmans.

L'Internet13, qui existe depuis 30 ans, n'a atteint le grand public qu'au cours des dix dernières années, avec une véritable explosion depuis 1994. Avec quelques milliers de francs, voire gratuitement pour les édudiants et les lycéens de plus en plus nombreux, ou pour les employés d'entreprises équipées, on peut disposer d'un accès à l'Internet, c'est-à-dire des diverses formes de communications qu'il permet, courrier électronique, listes de discussions, forums de discussions, IRC, web14.

Pour des sommes tout aussi modiques, n'importe qui peut répandre ses discours sur le « réseau des réseaux » et espérer des milliers de lecteurs dans le monde entier, de façon quasi instantanée. Les personnes connectées peuvent échanger, où qu'elles soient, des informations avec un bon degré de confidentialité. Le contrôle en est rendu difficile par le caractère hautement décentralisé du réseau.

Les fanatiques de tous poils ont fait de l'Internet leur instrument de prédilection à la fois comme outil de communication entre eux, et comme média de propagande.

Antisémitisme et négationnisme ont donc trouvé « naturellement » en l'Internet leur terrain et moyen d'expression favori. Cette étude a pour but de présenter comment les négationnistes l'utilisent. Elle n'est ni l'étude du négationnisme en tant que tel, ni une introduction à l'Internet, deux sujets, pour lesquels il existe des bibliographies abondantes.

Avant d'entamer ce gros plan sur un des aspects les plus répugnants de l'usage de l'Internet, il convient de rappeler qu'il ne s'agit pas de pousser des cris d'orfraie contre ce média, ni contre son contenu en général. Sur les dizaines de millions de pages, sur les milliers de listes et de forums de discussions, seul un petit nombre dispense un contenu haineux. Et à mesure que le temps passera, les diffuseurs de haine et de falsifications retrouveront, d'un point de vue statistique, la place qui est la leur dans la société civile : infime. Cependant, pour l'instant, nous sommes dans une phase critique où ce rééquilibrage n'a pas encore eu lieu. Le problème provient du fait que, sur l'Internet, le degré de visibilité, n'est plus forcément en rapport avec la représentativité ou le sérieux des vues exprimées.

 
     


Notes.

* Gilles Karmasyn est spécialiste en systèmes d'informations. Il effectue des recherches sur l'histoire de la Shoah et le négationnisme depuis plusieurs années. Il est responsable du site web « phdn » : http://www.phdn.org/. Gérard Panczer est enseignant chercheur à l'université Claude Bernard (Lyon I). Il collabore au site web « amnistia »: http://www.amnistia.net/. Michel Fingerhut pratique l'informatique depuis 1966, l'Internet depuis 1979, et diffuse des ressources documentaires sur le génocide nazi, sa négation et sujets connexes depuis qu'il a « rencontré » le négationnisme en 1984. Il est responsable du site web « anti-rev » : http://www.anti-rev.org/    

1. Valérie Igounet, Histoire du négationnisme en France, Seuil, 2000, p. 14.  

2. Robert Faurisson, interviewé par Valérie Igounet, le 9 avril 1996.  

3. Sur Robert Faurisson, le négationnisme et les « méthodes » négationnistes on renverra à l'ouvrage plus que jamais indispensable, de Pierre Vidal-Naquet, Les assassins de la mémoire, Points Seuil, 1995. 1ère éd., La Découverte, 1987. Les textes de Pierre Vidal-Naquet se trouvent également sur le web à l'adresse suivante: http://www.anti-rev.org/textes/  

4. Robert Faurisson, Écrits révisionnistes (1974-1998), Robert Faurisson, 1999, tome I, p. LVII. Il s'agit d'une édition privée hors commerce. Dans cette logohrée négationniste en quatre tomes, Faurisson se compare, notamment, à l'ultra-collaborationniste et antisémite virulent Henri Labroue (tome I, p. XLVII). Sur Labroue, voir Claude Singer, « Henri Labroue ou l'apprentissage de l'antisémitisme  », dans L'antisémitisme de Plume. 1940-1944 études et documents, sous la direction de Pierre-André Taguieff, Berg International Éditeurs, 1999.  

5. « Version brute du texte de la traduction anglaise envoyée par courrier électronique par la soeur de Faurisson  ». Site web de Raeto West, 1999. Les auteurs du présent article ont décidé de ne fournir aucune adresse de site web négationniste. S'ils avaient traité de pédophilie, il n'eût pas été plus envisageable de donner des moyens d'accès à du matériel pédophile.  

6. La soeur de Robert Faurisson, Yvonne Schleiter, collabore depuis longtemps en toute discrétion et en toute efficacité avec son frère. Voir Valérie Igounet, Histoire du négationnisme en France, Seuil, 2000, p. 589. Faurisson le dit explicitement dans une lettre à Ersnt Nolte du 15 mai 1993 (citée dans Écrits révisionnistes, op. cit., tome IV, p. 1508). Yvonne Schleiter est en contact régulier avec les négationnistes du monde entier. Elle a donné des interviews à Ernst Zündel, Michael Hoffman II; Jurgen Gräf lui a dédicacé un ouvrage... On peut supposer sans risque que l'envoi à Raeto West par la soeur de Faurisson du texte cité, n'est pas le fruit d'une « initiative ». Par contre, on peut supposer que la mention par Raeto West du rôle de la soeur de Faurisson est une « bourde » de sa part...  

7. Fondé en 1958 par Willis Allison Carto, le Liberty Lobby est devenu l'un des principaux organismes de propagande d'extrême droite aux États-Unis. Voir Ciaran O Maolain, The Radical Right, a world directory, Harlow - Longman, 1987, p. 373-374. Voir aussi Aurel Braun, Stephen Scheinberg (ed.), The extreme right : freedom and security at risk, Westview Press, 1997, p. 63 et suiv.  

8. Sur l'IHR, voir note 40.  

9. Aurel Braun, Stephen Scheinberg, op. cit., p. 64.  

10. Voir notamment Dominique Wolton, Internet et après?, une théorie critique des nouveaux médias, Flammarion, 1999.  

11. Dominique Wolton, op. cit., p. 86. Remarquons toutefois que le chiffre de cinq millions d'internautes était avancé au début de l'année 2000.  

12. Patrick Moreau, « L'extrême droite et Internet », Pouvoirs, n°87, 1998, p. 130.  

13. Sur la genèse et l'histoire de l'Internet, voir Christian Huitema, Et Dieu créa l'Internet..., Eyrolles, 1996.

14. Voir le glossaire. Tous les termes suivis d'une étoile sont définis dans le glossaire qui se trouve à la fin de l'article.
 

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07/07/2001