L'invention d'une doxa néo-fasciste : le rôle de l'avant-garde nationaliste-révolutionnaire
Idéologie négationniste, propagandes anti-américaine, anti-immigration, anti-juive
Par Nicolas Lebourg
Domitia*, no 1, octobre 2001.
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3. Du Fascisme comme anti-impérialisme
Suite à la guerre du Vietnâm, la critique de l'impérialisme américain, comme celle du sionisme, a été largement menée par la contestation gauchiste estudiantine. L'apparition et l'internationalisation de ce mouvement vont être parmi les principales chances du néo-fascisme, parce qu'elles vont permettre aux nationalistes de jouer la carte de la contre-révolution préventive, et en raison des idées et langages qu'elles popularisent.
C'est en Italie, dans le cadre de la stratégie de la tension ouverte par l'attentat de la Piazza Fontana, qu'est d'abord saisie la chose. Longtemps avant que le GRECE et M. de Benoist n'imposent cette idée en France, Almirante, ancien responsable de la République de Salò et leader du MSI, constate en 1972 que le fascisme doit savoir s'exprimer autrement car, dit-il, Nous sommes tous victimes, ces vingt-cinq dernières années, d'une guerre des mots. Cette guerre, les communistes l'ont gagnée. Franco Freda fonde le mouvement Lotta di Populo, dit « nazi-maoïste » pour ses mots d'ordre tels que Vive la dictature fasciste du prolétariat ! ou Hitler et Mao unis dans la lutte ! Contre « l'impérialisme américano-sioniste », il retrouve les principes du Goebbels première manière et en appelle à la lutte de la Périphérie contre le système, nationalistes, trotskystes et maoïstes se devant de s'unir.12
En France, les nationalistes ont les yeux rivés sur leurs camarades italiens. D'anciens militants de JE tentent d'importer les conceptions de Franco Freda en fondant l'Organisation Lutte du Peuple. Un nom qui sonne autrement que celui de Mouvement Occident, un sigle (OLP) qui fait explicitement référence au mouvement palestinien.
Le thème anti-impérialiste a intégré depuis déjà des années la question du conflit israélo-arabe. Les campagnes antisémites staliniennes se sont rapidement orientées sur l'antisionisme. Lors du procès Eichmann (1960-1961) la presse soviétique amalgame Israël et le IIIe Reich, accuse les Israéliens de s'être alliés à la RFA afin de provoquer la Troisième Guerre mondiale. En 1963, la publication soviétique Le Judaïsme sans fard représente des soldats de Tsahal affublés du faciès des caricatures antisémites mais portant croix gammées et casques à pointes. En 1969 Prudence : Sionisme, fantasmant sur l'alliance entre sionistes et nazis, et sur l'équivalence doctrinale entre sionisme et nazisme, est tiré à cinq cent mille exemplaires. Cette pente dialectique mènera l'URSS à être un producteur effréné de textes mêlant antisionisme et antisémitisme et, à la fin des années soixante-dix, le premier éditeur mondial d'écrits sur les complots des « sages de Sion ».
Les responsables arabes empruntent à la propagande soviétique l'amalgame Juifs = sionisme = nazisme. Illustration en est faite dans la charte de l'Organisation de Libération de la Palestine : en sa forme initiale (1964) l'article dix-neuf stigmatisait le sionisme en tant que mouvement foncièrement colonialiste, agresseur et expansionniste, raciste et séparatiste de par sa structure, fasciste dans ses objectifs et moyens ; en sa forme révisée (1968) le vingt-deuxième article affirme que Le sionisme est un mouvement politique organiquement lié à l'impérialisme international et opposé à toute action de libération et à tout mouvement progressiste dans le monde. Il est raciste et fanatique par nature, agressif, expansionniste et colonial dans ses buts, et fasciste dans ses méthodes. Israël est l'instrument du mouvement sioniste et la base géographique de l'impérialisme mondial. En 1964, une brochure de l'OLP voit dans les Palestiniens les victimes d'un complot conjoint entre les anglo-américains et la Juiverie mondiale et tendant à transformer la Palestine en un Etat juif, devant servir de base au colonialisme et de suppôt au capitalisme monopolistique.13
La guerre des Six Jours ouvre pleinement cette période d'internationalisation de l'antisionisme. L'ONU offre une formidable légitimité aux dérives en adoptant le 10 novembre 1975 sa résolution 3379 (abrogée le 16 décembre 1991) qui considère que le sionisme est une forme de racisme et de discrimination raciale. La conférence des non-alignés à la Havane en 1979 va encore plus loin dans l'assimilation avec le nazisme en considérant le sionisme comme un crime contre l'humanité.
A l'origine, c'est l'extrême gauche qui porte cette accusation, plus encore que les staliniens, et alors que l'extrême droite française est, quant à elle, massivement pro-israélienne14. Ce pro-sionisme s'explique par différentes raisons qui sont loin de tenir du philosémitisme : désir de voir les Juifs résider hors de France, admiration pour les aspects nationalistes et socialistes d'Israël, mythe du paysan-soldat, jubilation de voir la défaite des armées arabes après l'humiliation de la guerre d'Algérie, perception d'Israël tel un bastion contre le communisme. Durant le conflit de Suez, l'officier Jean-Marie Le Pen se serait écrié qu'il était prêt à mourir pour Israël, et il avait songé à déserter avec son unité pour rejoindre Tsahal dans le combat... 15
C'est un jeune militant néo-fasciste, François Duprat, qui va transformer cet état de fait. Affirmant provenir du trotskysme, peut-être de sa composante lambertiste, ancien de JN et de l'OAS, responsable d'Occident récemment exclu pour ses liens avec les Renseignements Généraux de la Préfecture de Police, Duprat va toute sa vie chercher à recycler les propagandes gauchistes aussi bien que fascistes.16 Quoiqu'il ait été brouillon et mythomane, son action se révèle a posteriori particulièrement importante dans l'Histoire des extrêmes droites européennes.
Il réalise, avec des contributions de Bardèche, Fontaine et Rassinier, un essai sur L'Agression israélienne, document fondamental dans l'évolution doctrinale des extrêmes droites françaises. Il y expose que les USA agissent au Moyen-Orient selon les ordres du lobby juif, alors que l'intérêt occidental serait de voir Nasser réussir l'unité arabe. Il ne cesse d'y clamer que diaspora et Etat israélien constituent un ensemble solidaire. Réfutant tour à tour tous les arguments pro-sionistes extrêmes droitiers, il use de l'ensemble de l'argumentaire soviético-arabe : impérialisme, expansionnisme, racisme, bellicisme, déportations des Palestiniens, cosmopolitisme. Il vilipende la mainmise des Juifs sur les media et sur les hommes politiques en vue d'assurer la puissance du lobby sioniste. Il spécifie enfin :
Bâti sur une injustice et sur un véritable génocide (car l'expulsion de tout un peuple de sa patrie est un génocide, au même titre que son extermination), Israël poursuit, grâce au soutien inconditionnel de la juiverie internationale, sa « Solution Finale » du problème arabe. Et, à la différence de la solution finale des SS du IIIe Reich, il est bien question là d'une liquidation globale du fait arabe au sein de l'Etat juif. (...) Les juifs ont tort de montrer trop ostensiblement leur puissance et de prouver que leur puissance belliciste en 1939 était aussi puissante que de nos jours. (...) Il est bien possible que les mêmes causes finissent par produire les mêmes effets. (...) Au moment où les agresseurs impérialistes d'Israël effectuent dans les territoires occupés leur « solution finale » du problème arabe, nous, patriotes français, réaffirmons notre solidarité avec le peuple opprimé de Palestine, dans son héroïque résistance contre l'occupation sioniste. 17
Le négationnisme est ici, pour la première fois, lié à l'antisionisme, légitimé par l'anti-impérialisme et l'antiracisme. Duprat constitue un pseudo-« Rassemblement pour la Libération de la Palestine », situé sur la ligne du Fatah, lié à la FANE, et, selon ses dires, au Parti Populaire Syrien (issu du Parti National-Socialiste Syrien). Le premier but de Duprat n'est point de soutenir la cause palestinienne mais de lutter contre le pro-sionisme extrême droitier français. Il le reconnaît avec franchise, une fois que plus aucune extrême droite n'est sioniste (situation établie à partir de 1973) : En fait, le RLP était uniquement destiné à lutter contre les tendances pro-sionistes délirantes de l'extrême droite. (...) Avec Maurice Bardèche, nous avons été les seuls à prendre une position nettement anti-Israël. Ce n'était pas courant à l'époque. Je suis heureux de voir que nous avons été suivis sur cette voie-là. 18
Dans ce but, il a ici rédigé un texte parfaitement syncrétique des différents antisémitismes. Duprat n'est pas catholique, pas plus qu'il ne croit en quelque religion que ce soit, mais au cours de son texte il use de l'antisémitisme catholique, qu'il lie à l'instar de Drumont à l'antisémitisme « anticapitaliste ». Il juge ineptes les théories racialistes, mais cet argument fait partie de la panoplie stigmatisante et, partant, il s'en sert également. Enfin, il lie ces trois types d'antisémitisme grâce à l'antisémitisme conspirationniste.
« Le lobby juif » et « l'Etat sioniste » étant dits n'être qu'une seule force, la République et le sionisme seraient deux réalités intimement liées, la dernière étant définie telle l'idéologie pernicieuse de destruction et d'asservissement de nos nations.19 Duprat précise :
Nous avons la naïveté de croire qu'il n'existe pas seulement un état (sic) sioniste, mais une réalité à tout le moins occidentale du sionisme en tant que force politique dominante, et groupe de pression combien puissant. Nous sommes contre l'état sioniste pour deux raisons et non pour une seule :
-parce que cet état est fondé sur la spoliation et le vol, et parce que la France doit avoir une politique d'amitié avec les pays arabes.
-parce que cet état est le bras séculier d'une force politique que nous avons à combattre au sein de notre propre pays. 20Le raisonnement fait donc d'Israël la tête de pont du fameux complot juif mondial dénoncé depuis Les Protocoles des Sages de Sion, évacuant de facto l'argument classique à l'extrême droite qui voulait que l'on reconnaisse aux Juifs le droit de vivre en Israël mais que l'on s'opposait à l'existence d'un lobby juif international.
Les deux réalités (Etat nationaliste/cosmopolitisme mondialiste) ne sont plus antinomiques mais synonymes. Cette rencontre explicite de l'antisémitisme et de l'antisionisme, appuyée sur la dénonciation d'un « mythe de la Shoah » servant à dissimuler des crimes « nazis » commis par Israël, se révèle absolument fondamentale puisque c'est la fusion de ces éléments qui était au coeur de l'idéologie antijuive nazie du théoricien national-socialiste Rosenberg, qu'elle suit l'exemple d'Hitler vitupérant que les Juifs n'ont pas du tout l'intention d'édifier en Palestine un Etat juif pour aller s'y fixer ; ils ont simplement en vue d'y établir l'organisation centrale de leur entreprise charlatanesque d'internationalisme universel, et que l'Etat juif ne pouvait qu'être au point de vue territorial, sans aucune frontière.21 Ainsi, à travers le soutien aux Palestiniens, François Duprat inculque-t-il une doctrine antijuive totale et radicale.
Cette reformulation lui est d'autant plus nécessaire que le vote de la loi Pleven va interdire la publication des assertions racistes telles que celles qu'il livrait ici. L'antisionisme et le négationnisme deviennent alors d'obligatoires passages rhétoriques pour la propagande antisémite. Aspect d'importance, Duprat reconnaissait que, si la gauche gagnait les législatives de 1978, il se pourrait que comme le PC veut notre peau, nous [soyons] dissous pour « racisme ». Pourtant, nous sommes inattaquables là-dessus. Mais les pressions du PC pourraient être supérieures au respect de la loi et on en arriverait à prouver -comment- que notre antisionisme est un antisémitisme bon teint.22 Pour ses camarades de Militant, la dissolution de la FANE en 1980 provint du fait qu'elle ne sut faire preuve de prudence tactique : lorsqu'on considère, avec juste raison, les sionistes comme aussi dangereux qu'un essaim de guêpes, on ne va pas farfouiller leur nid avec une badine : on adopte l'attirail nécessaire, on met un masque, on prend des gants.23
Les liens ou sympathies entre antisémites antisionistes européens et mouvements arabes antisionistes ne pouvaient qu'apparaître. Freda est aussi lié au Fatah -et le nazi-maoïste ne publie pas par hasard en Italie L'Agression israélienne24. Jean-Gilles Malliarakis, en un bulletin hebdomadaire, reprend à chaque numéro les thèmes du Fatah afin de fustiger le sionisme dominateur.25
La force de frappe des appareils staliniens et gauchistes (en 1971, la LCR est en nombre d'adhérents la première section de la IVe Internationale26), leur capacité de séduction sur l'intelligentsia (témoins Sartre et Jean-Luc Godard soutenant la Gauche Prolétarienne) permettent une large diffusion du discours antisioniste radical qui, au long terme, va servir de travail de préparation aux propagandes néo-fascistes.
Pour parvenir à un résultat, l'extrême droite a cependant beaucoup à faire, incapable qu'elle est de disposer d'un thème mobilisateur qui paraisse d'actualité.
C'est la même année, dans le même journal, que la même personne trouve ce qui s'avérera être la solution aux problèmes tactiques de ce courant politique. En un numéro spécial de Défense de l'Occident, consacré à l'anti-gaullisme et réalisé par Pierre Fontaine, François Duprat publie un article en annexe où il prétend que la baisse démographique est concomitante d'une progression de l'immigration, particulièrement nord-africaine [s'effectuant] à une cadence jamais atteinte. [Les immigrés constituent une] masse de manoeuvre docile et peu exigeante. Ce qui explique l'augmentation du chômage. (...) La comparaison de ces chiffres [de baisse du montant des aides sociales] avec ceux de la main d'oeuvre « importée » permettra certaines conclusions que nous laissons nos lecteurs tirer seuls.27
Notes.12. Cf. Jean-Pierre Faye, Langages Totalitaires, Hermann, 1972 ; Pierre Milza, Fascisme français. Passé et présent, Flammarion, 1991 ; Luciano Cheles, « Le "New look" du néo-fascisme italien », in Droite, Nouvelle droite, extrême droite. Discours et idéologie en France et en Italie, Mots, mars 1986, dir. Simone Bonnafous, Pierre-André Taguieff, pp. 29-42. Le concept de la périphérie est repris par le GRECE. Franco Freda écrivait en 1970 que La dénonciation du pacte atlantique et de son organisation militaire, ainsi que la coupure des liens qui rattachent... l'Italie aux structures néo-capitalistes supra-nationales... devra provoquer l'insertion active de l'Etat populaire dans l'aire des Etats qui refusent... les blocs impérialistes au pouvoir. L'Etat populaire fera alliance avec les Etats réellement anticapitalistes et favorisera les mouvements de lutte contre les systèmes capitalistes (démocraties « occidentales » et « socialistes ») (cité in Franco Ferraresi, Les Références théorico-doctrinales de la droite radicale en Italie, in Mots, ibid., pp. 19-21). En France le nazi-maoïsme ne prendra guère, même si Duprat a affirmé l'existence de similitudes entre national-socialisme et marxisme-léninisme (François Duprat, Les Nouveaux communistes. Les Partis pro-chinois dans le monde, Défense de l'Occident, numéro spécial, janvier 1968, et « Révolution du nihilisme au pays de Mao », in Rivarol, 19 janvier 1967, quoique l'on note en ce dernier une légère confusion avec le trotskysme de tendance pabliste -qui prophétisait d'ailleurs l'alliance mondiale de tous les opposants à l'impérialisme américain, quelle que soit leur origine idéologique). Cette sympathie pour le maoïsme peut peut-être également s'expliquer pour part par la tendance de ses militants européens au décalque de la propagande chinoise. Or, les codes de celle-ci comptaient effectivement de lourdes analogies avec ceux de l'Allemagne nazie et de l'Italie fasciste (cf. Pierre Fresnault-Deruelle, « L'Avenir d'une régression (à propos d'une affiche de l'ère fasciste) », Matériaux pour l'Histoire de notre temps, octobre-décembre 1990). En fait, l'un des résumés les plus simples et les plus justes fut sans doute donné par un ancien membre des Jeunes de l'Europe Nouvelle (dont le premier Jeune Europe était une scission), ancien Waffen SS, qui tenait un stand maoïste dans la Sorbonne occupée de Mai 68 : Avec les Chinois, je continue mon vieux combat, à la fois contre les soviétiques et contre les Américains. (Pierre-Phillipe Lambert, Gérard Le Marec, Partis et mouvements de la Collaboration. Paris 1940-1944, Jacques Grancher, 1993, pp. 149-151)
13. Gaspar Lorand, Histoire de la Palestine, Maspero, 1978 ; Yohanan Manor, « L'Antisionisme », Revue française de sciences politiques, avril 1984 ; Léon Poliakov, Les Nouveaux antisémites, colloque du MRAP, 15 décembre 1979, cité in compte-rendu interne de l'association ; Léon Poliakov, « La Russie au XXe siècle », ibid. ; Pierre-André Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion. Faux et usages de faux, Berg International, 1992.
14. Rouge définit le sionisme comme expansionniste, raciste, colonialiste. L'organe de la LCR conspue ce nouvel apartheid mis en place par l'Etat sioniste sans que cela ne déclenche les protestations des démocrates bon teint (Rouge, 24 août 1973). Un tract unitaire gauchiste, signé par L'Humanité rouge (maoïste), la LCR, etc., s'applique consciencieusement à recopier le style mis en place. Ils affirment ici leur SOUTIEN TOTAL aux peuples palestinien et libanais contre l'agression sioniste, conspuent la tentative d'extermination de la population palestinienne et libanaise, les projets impérialistes sionistes et réactionnaires de l'Etat sioniste, ennemi face auquel il en est appelé par trois fois à la résistance (une fois écrit avec majuscule). Le tract dénonce encore : les troupes sionistes poursuivent leur guerre d'extermination contre l'existence même des peuples palestinien et libanais, tandis que les milieux sionistes européens manoeuvrent pour les soutenir. (A.N. 79AJ44)
15. Cf. MM. Bresson et Lionet, Le Pen Biographie, Le Seuil 1994 ; Pierre Brinbaum, Un Mythe politique : la « République juive », Fayard, 1988 ; Arnaud Déroulède, L'OAS. Etude d'une organisation clandestine, doctorat d'Histoire, Université de Paris IV, 1993 ; in dir. Pierre-André Taguieff, L'Antisémitisme de plume. 1940-1944. Etudes et documents, Berg International, 1999.
16. Jean-Paul Brunet, La Police de l'Ombre. Indicateurs et provocateurs dans la France contemporaine, Le Seuil, 1990 ; Christophe Bourseiller, courrier à l'auteur ; Xavier Raufer, ancien responsable d'Occident puis adjoint d'Albertini, criminologue aujourd'hui directeur de collections aux P.U.F. , entretien avec l'auteur ; Michel Schneider, Les Cahiers du CDPU, octobre 1972 ; étude du matériel propagandiste produit par Duprat.
17. François Duprat, L'Agression israélienne, Défense de l'Occident, juillet-août 1967. Ailleurs en Europe d'autres néo-fascistes se saisissent de la propagande soviétique / populiste arabe : en Allemagne un journal d'extrême droite titre alors sur L'Auschwitz israélien du désert (cité in Pierre-Vidal Naquet, Les Assassins de la mémoire, La Découverte, 1987, p. 173), La Nation européenne, journal de JE diffusé principalement en Belgique et dans le monde arabe, se spécialise dans cette dénonciation des « Juifs nazis ». Thiriart y affirme que la meilleure solution serait de délocaliser Israël aux USA, où se devraient d'émigrer tous les Juifs d'Europe non-patriotes car il n'y aura aucune place pour une cinquième colonne permanente. Cette décision serait imposée par le fait que les Juifs contrôlent entre 40 et 90% de notre cinéma, de notre radio, de la télévision, de la politique, de la presse. La conspiration politique juive n'est pas un phantasme. La Seconde Guerre mondiale aurait été provoquée par l'entourage juif de Roosevelt et la victoire que les Juifs y auraient acquise, de par la création de leur Etat, les aurait menés à penser qu'ils étaient sur la voie de la domination mondiale. En fait, la juiverie mondiale, à 99,99%, soutient de tout coeur l'Etat d'Israël et sa politique d'extermination du peuple palestinien. (...) A côté d'Israël, il existe un Etat juif invisible de dimensions mondiales. Aussi, l'organe de JE met-il en cause Les Ignobles méthodes gestapistes d'Israël. (La Nation européenne, octobre 1967 ; novembre 1968 ; février 1969)
18. Notre Europe, mars 1970 -il s'agit de l'organe de la FANE ; interview in Grégory Pons, Les Rats noirs, Jean-Claude Siméon, 1977. Duprat considérait les mouvements nationalistes arabes et palestiniens comme étant généralement d'obédience néo-fasciste, une fois qu'on leur aurait retiré leurs oripeaux marxistes. Il s'intéressait tout particulièrement au néo-ba'th syrien (cf. François Duprat, Le Fascisme dans le monde, Défense de l'Occident, numéro spécial, octobre-novembre 1970 ; Le Néo-fascisme dans le monde arabe et en Amérique, Supplément à La Revue d'Histoire du fascisme, courant 1974 ; déclaration faite à la première conférence de presse du mouvement Ordre Nouveau dont il était l'idéologue, citée in Alain Rollat, Les Hommes de l'extrême droite, Calmann-Lévy, 1985, p. 50 ; point de vue également émis dans ses conversation privées selon l'un de ses camarades, ancien responsable à ON et au GUD, correspondance avec l'auteur). Ce qu'il définit comme étant l'idéologie NR (il est largement responsable de la popularisation de cette étiquette) emprunte amplement aux nationalismes arabes, quant à l'Etat fasciste à édifier il le stipule devoir être celui du Peuple tout entier, une reprise mot pour mot de la constitution de Brejnev, apparaissant déjà dans le projet de Bakounine (François Duprat, Le Manifeste nationaliste-révolutionnaire, Supplément aux Cahiers Européens-Notre Europe, novembre 1974 ? ; René Gallisot, « Unités et figures du national-populisme », in Populismes du Tiers-Monde, L'Harmattan, Association pour la recherche de synthèses en sciences humaines, 1997, pp. 281-316). Duprat, et à sa suite tous les NR, fait reposer implicitement sa perception du fascisme sur le système idéal-typique weberien.
19. In Cahiers Européens Hebdo (CEH), 13 juillet 1976 ; il s'agissait de l'organe des GNR, formation animée par Duprat à la lisière du Front National (FN) et qu'il concevait comme devant entretenir avec lui les mêmes rapports que ceux que les SA avaient avec le NSDAP (Duprat, idem, p. 14). Le journal portait en sous-titre : Pour la Cause du Peuple et de la Nation, référence à une formule de Lénine devenue devise des nationaux-bolcheviques allemands -et qui fusionnèrent un temps avec un groupe maoïste. (Christian Bouchet, entretien avec l'auteur ; M. Bouchet a été militant à l'OLP, aux GNR, au MNR, à TV, qu'il a transformé en Nouvelle Résistance puis en UR.).
21. Cf. Jean-Pierre Faye et Anne-Marie de Vilaine, La Déraison antisémite et son langage, Actes Sud, 1996, pp. 199-206 ; Adolf Hitler, Mein Kampf, Nouvelles Editions Latines, p. 302 et p. 325. Ce rejet du racialisme et de la théorie de la lutte des races signifie que le qualificatif de néo-nazi, usité par beaucoup d'auteurs pour désigner Duprat, ne convient pas pour le caractériser. Lorsque Valérie Igounet demande à Maurice Bardèche si Etre révisionniste, c'est être antisémite... et antisioniste ?, celui-ci répond sans fioriture que C'est la même chose. (entretien de Bardèche avec Valérie Igounet, très aimablement communiqué à l'auteur).
22. In Grégory Pons, op cit., p. 69.
23. Militant, octobre 1980. La FANE était soupçonnée à tort d'être la responsable de l'attentat de la rue Copernic. Son sigle avait signé cinq attentats, quoiqu'elle se défendît d'en être l'auteur. Elle avait adressé peu auparavant à des personnalités juives un courrier proférant : Pour Kippour la FANE vous souhaite... de TOUS crever ! Heil Hitler ! Son numéro d'avril 1980 portait en couverture : La FANE ? ... Une certaine idée de la France... avec en illustration deux hommes en costume stylisé d'Unterfcharführer SS.
24.CEH, 20 juillet 1976. Les éditions de Freda ont une ligne politique claire, ainsi rééditent-elles des textes antisémites évoliens (Julius Evola était le théoricien de la race et de la Tradition, doctrine d'ésotérisme fasciste) et Les Protocoles des Sages de Sion, avec des annexes visant à démontrer que des événements prédits se seraient déjà déroulés (CEH, 03 août 1976).
25.Démocratie moderne, 21 mai 1970. Leader de la mouvance solidariste (GAJ) puis du mouvement NR après l'assassinat de Duprat, il organise le rapprochement de cette nébuleuse avec le FN à la fin des années quatre-vingts. Editeur, il publie les textes d'Evola ou La France juive de Drumont. Exclu de TV par Christian Bouchet, il est devenu un cadre d'Idées-Action, le club politique d'Alain Madelin, son ancien camarade d'Occident.
26. Christophe Bourseiller, Les Ennemis du système, Robert Laffont, 1989, p. 38.
27. François Duprat, Défense de l'Occident, février 1967, pp. 112-120. La FEN avait déjà préconisé que les allocations sociales soient réservées aux Français (Cahiers universitaires, septembre-octobre 1962 ; il s'agit de l'organe de la FEN).
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05/01/2002