Le Négationnisme sur Internet
Genèse, stratégies, antidotes
Par Gilles Karmasyn,
en collaboration avec Gérard Panczer et Michel FingerhutRevue d'histoire de la Shoah, no 170, sept-déc. 2000
© Revue d'histoire de la Shoah - Gilles Karmasyn 2000 - Reproduction interdite sauf pour usage personnel - No reproduction except for personal use only
3. Débuts des propagandes de haine sur internet
L'Internet comme technologie de remplacement des premiers BBS.
L'utilisation de BBS perdure même avec la généralisation de l'Internet. Mais les modes de communication que procure l'Internet au travers de son premier outil, le courrier électronique, permettent de rendre des services analogues. Il existe des dizaines de milliers de listes* de diffusion, dont les membres - de quelques individus à des milliers, selon la liste - communiquent par courrier électronique30. L'une des plus connues dans le petit monde raciste et nationaliste est celle de Stormfront, dans laquelle les participants discutent, communiquent, coordonnent et échangent des informations pratiques et des ressources sur des thèmes liés au nationalisme et au suprémacisme blanc, principalement américain, mais aussi nord européen et mythologique, incluant donc des sujets secondaires consacrés à l'antisémitisme et au négationnisme. On y trouve parfois quelques participants français, en général très minoritaires. Il est bien évident que la nature privée de ces forums empêche d'en faire un recensement, mais ce mode de communication est bien approprié aux échanges de cette nature recherchant en général la discrétion. Dans le même esprit, on peut s'abonner à nombre de publications électroniques racistes que l'on reçoit ainsi directement dans sa boîte aux lettres de courrier électronique. Patrick Moreau en a donné une liste non exhaustive31. On y retrouve tous les acteurs des mouvements suprémacistes blancs, Ku Klux Klan, Aryan nations, etc., ainsi que la publication électronique d'Ernst Zündel, principal négationniste canadien, sur lequel nous reviendrons. Évoquons ici l'IRC (Internet Relay Chat), bien qu'il soit postérieur aux forums de discussion. Il s'agit d'un mode de communication interactive32 permettant de créer instantanément des forums, d'y réunir autant de participants que l'on le souhaite ou d'en limiter l'accès, d'y « dialoguer » en temps réel (à l'aide du clavier), d'y échanger des photos ou d'autres fichiers informatiques, ces forums disparaissant dès le départ du dernier participant. Connu notamment pour ses forums à caractère sexuel33, il sert aussi de moyen de rencontre à des néo-nazis, skins et autres individus et groupes de ces mouvances, de façon beaucoup plus discrète. La violence des propos qui y sont tenus est telle qu'on peut considérer que l'IRC sert « au défoulement psychanalytique des utilisateurs34 ».
Ces modes de communications sont encore dans le prolongement des premiers BBS, destinés aux échanges internes. L'Internet permet d'autres approches que les extrémistes ont su mettre à profit. Pour Kenneth Stern:
« L'Internet, étant donnée sa capacité à véhiculer folles rumeurs et spéculations gratuites à grande vitesse, est le média idéal pour nourrir les théories du complot. Car, bien qu'il s'agisse du média le plus démocratique, il ne fournit pas les moyens de contrôle et d'équilibre des formes traditionnelles : rédacteurs en chefs de journaux, équipes de direction des radios et stations de télévision. Même les auteurs de feuilles racistes devaient prendre des décisions éditoriales sur ce qui aurait pu les gêner35 ».
Notes.30. Pour certaines de ces listes, tout un chacun peut s'y inscrire automatiquement, tandis que d'autres se réservent le droit de refuser une candidature.
31. Patrick Moreau, « L'extrême droite et Internet », Pouvoirs, n°87, 1998, p. 136.
32. Chaque participant voit immédiatement tout message émis par quelque autre participant, comme sur certains serveurs Minitel conviviaux, roses ou non.
33. Et pédophiles, relayés , comme le forum négationniste alt.revisionism, parfois par des sites français, parmi lesquels des universités et grandes écoles.
34. Patrick Moreau, « L'extrême droite et Internet », op. cit., p. 136. On se reportera à son article pour un exposé plus détaillé sur l'utilisation de l'IRC par l'extrême droite.
35. Kenneth S. Stern, Hate on the Internet, ADL, 1999, chap 1. Voir: http://www.ajc.org/pre/internet1.htm
[ Sommaire de l'article | Négationnisme et réfutations | Toutes les rubriques ]
![]()
![]()
![]()
Copyright © Gilles Karmasyn 2001
Vos réactions
07/07/2001