1. Lettre de Adolf Hitler à Adolf Gemlich, 16 septembre 1919, dans Hitler, Sämtliche Aufzeichnungen 1905-1924, édité par Eberhard Jäckel et Axel Kuhn, Stuttgart 1980, Doc 61, p. 88 et suiv., cité par G. Miedzianagora et G. Jofer, Objectif extermination, Frison Roche Edition, 1994, p. 13. Original: «Der Antisemitismus aus rein gefühlsmäßigen Gründen wird seinen letzten Ausdruck finden in der Form von Progromen [sic]. Der Antisemitismus der Vernunft jedoch muß führen zur planmäßigen gesetzlichen Bekämpfung und Beseitigung der Vorrechte des Juden, die er nur zum Unterschied der anderen zwischen uns lebenden Fremden besitzt (Fremdengesetzgebung). Sein letztes Ziel aber muß unverrückbar die Entfernung der Juden überhaupt sein». Dans la dernière phrase, nous avons traduit «Entfernung» par «élimination». Il ne s’agit pas nécessairement d’une élimination qui signifie le meurtre. De façon rigoureuse, «Entfernung» désigne le fait de «se débarrasser de». On rend ce sens en français par «suppression» ou «éloignement» qui restituent très mal le caractère potentiellement meurtrier du mot, mais aussi «élimination», plus approprié. Si, dans ce texte de 1919, on ne peut avoir l’assurance que l’«Entfernung» des Juifs signifie pour Hitler leur élimination physique, on a au moins un exemple précoce où Hitler utilise le verbe «entfernen» dans le même sens que «vernichten», à savoir «annihiler», «anéantir». Dans une lettre à un sympathisant datée du 3 juillet 1920, Hitler écrit: «Je ne peux reprocher au bacille de la tuberculose d’agir d’une façon qui signifie la destruction d’êtres humains mais la vie pour le bacille lui-même; je n’en suis pas moins obligé et justifié de conduire une bataille contre la tuberculose en annihilant (vernichten) sa cause, parce que mon existence en dépend. Depuis des milliers d’années, le Juif est devenu une tuberculose raciale qui affecte de nombreux peuples. Le combattre signifie l’éliminer (entfernen).» (lettre d’Hitler à Konstantin Hierl, Hitler, Sämtliche Aufzeichnungen 1905-1924, édités par Eberhard Jäckel et Axel Kuhn, Stuttgart 1980, cité par Peter Longerich, The Unwritten Order. Hitler’s Role in the Final Solution, Tempus, 2001, p. 22). De nouveau, le 24 février 1924, dans un discours public à l’Hofbräuhaus à Munich, Hitler désigne les Juifs comme des «parasites» qu’il est nécessaire d’entfernen («On ne peut pas rivaliser avec des parasites, on doit les éliminer», notre traduction d’après l’original en allemand: «Man kann mit Parasiten nicht in Wettbewerb treten, sondern man muß sie entfernen», cité dans Institut für Zeitgeschichte, Hitler. Reden, Schriften, Anordnungen. Februar 1925 bis Januar 1933, 6 tomes en 13 volumes, Munich, 1992-2003, ici Band II, Teil. 1, doc. 235, p. 674). Ce passage suit immédiatement un autre qui voit Hitler déclarer que si le Juif «se comporte correctement» («führt er sich gut auf»), il peut rester («kann er bleiben», ibid.). Il y a donc chez Hitler incohérence ou tension dans ses déclarations et certainement pas de projet d’extermination arrêté à cette époque, même si l’utilisation répétée de concepts sanitaires (bacilles, parasites) associés à leur entfernung démontre à quel point le fantasme d’élimination physique travaille Hitler.

Le journaliste allemand Sebastian Haffner, auteur d’une étude toujours appréciée sur Hitler (Un certain Adolf Hitler, Paris: Grasset, 1979, réédité en 2014 sous le titre Considérations sur Hitler, Paris: Perrin, titre plus conforme à l’original, Anmerkungen zu Hitler, München: Kindler, cop. 1978) a relevé très explicitement cette polysémie pour souligner quel sens il fallait, selon lui, donner à entfernen. Sebastian Haffner écrit que pour Hitler:«[die Juden] müssen weg, ganz weg, aus der Welt, nicht etwa nur aus Deutschland; sie müssen „entfernt” werden, aber nicht wie ein Möbelstück, das man entfernt, indem man es anderswohin schafft, sondern wie ein Fleck, den man entfernt, indem man ihn auslöscht.», ce que la version française rend par: «[les Juifs] doivent s’en aller – tout à fait: quitter ce monde, pas seulement l’Allemagne. Il faut les “éloigner”, non pas comme on éloigne un meuble en le reléguant ailleurs, mais plutôt comme une tache que l’on efface». Cela confirme évidemment le sens que nous proposons de éliminer, faire disparaître.

Himmler a également utilisé le verbe «entfernen» à l’occasion d’une comparaison entre les Juifs et les poux, d’une façon qui ne laisse planer aucun doute sur ce que l’«Entfernung» des Juifs pouvait signifier à ses yeux. Le 24 avril 1943, Himmler s’exprimait devant des SS et leur tenait le discours suivant: «Il en va de l’antisémitisme comme de l’épouillage. éliminer les poux ne relève pas d’une conception du monde (Es ist keine Weltanschauungsfrage, daß man die Laüse entfernt). C’est une question de propreté. De la même manière exactement, l’antisémitisme n’a pas été pour nous une question de conception du monde, mais une question de propreté qui sera bientôt réglée. Nous n’aurons bientôt plus de poux.» (Bradley F. Smith et Agnes F. Peterson, Heinrich Himmler Geheimreden 1933 bis 1945, Propylaën Verlag, 1974, p. 200-201). La métaphore des poux donne son sens à «entfernen»: on n’«éloigne» pas les poux, on les élimine. Physiquement. Enfin, il faut rappeler que dans un discours du 26 mai 1944 (voir plus bas citation complète à cette date et note 43), Hitler déclare avoir «entfernte» les Juifs, dans un contexte qui ne laisse planer aucune ambiguïté sur le fait, qu’à cette occasion, cette «élimination» signifie l’assassinat collectif. On ne prétendra pas que l’utilisation hitlérienne de 1919 signifie nécessairement une élimination physique, mais elle porte en elle cette possibilité. On remarquera en complément que le troisième chapitre de l’ouvrage d’Eberhard Jäckel, Hitlers Weltanschauung (Deutsches Verlag-Anstalt, 1991, 1re édition, Tübingen:Rainer Wunderlich Verlag H. Leins, 1969), est intitulé «Die Entfernung der Juden», traduit dans l’édition française (Hitler Idéologue, Gallimard, Tel, 1995) par «L’élimination des Juifs». Notons que le document est connu depuis longtemps puisqu’il est déjà cité in extenso en 1959 par Ernst Deuerlein, «Hitlers Eintritt in die Politik und die Reichswehr», Vierteljahrshefte für Zeitgeschichte, avril 1959, vol. 7, no. 2, notamment p. 205, qui mentionne la même source que Eberhard Jäckel et Axel Kuhn (HStA München. Abt. II. Gruppen Kdo. 4. Bd. 50/8. Abschrift). L’intégralité de la version originale de la lettre est disponible en ligne. Une traduction complète en français réalisée par Jean-Michel Crosnier, également fournie avec sa version originale en allemand et une présentation du contexte historique, est disponible sur le site Clio-Texte. Une traduction en anglais est également disponible en ligne.

2. Fac-similé des notes prises par Hitler dans Werner Maser, Hitlers Briefe und Notizen. Sein Weltbild in handschriftlichen Dokumenten, Stocker, 2002, p. 238. Transcription en allemand, ibid., p. 239. Nous reprenons la traduction proposée par Pierre-André Taguieff, La Judéophobie des Modernes. Des Lumières au Jihad mondial, Odile Jacob, 2008, p. 224. 3. Hitler, Sämtliche Aufzeichnungen 1905-1924, op. cit., doc. 91, cité par Peter Longerich, The Unwritten Order. Hitler’s Role in the Final Solution, Tempus, 2001, p. 21. Original: «Wir wollen keine Gefühlsantisemiten sein, die Pogromstimmung erzeugen wollen, sondern es beseelt uns die unerbittliche Entschlossenheit, das Übel an der Wurzel zu packen und mit Stumpf und Stiel auszurotten. Um unser Ziel zu erreichen, muß uns jedes Mittel recht sein, selbst wenn wir uns mit dem Teufel verbinden müßten.» (rapport de Police, PND-Bericht masch., StA München, Pol.Dir.Mü. 6698, Blt 77f., vormals HStA, München, Abt. I, sonderabgabe 1 1478, cité dans Hitler, Sämtliche Aufzeichnungen 1905-1924, op. cit., p. 119-120). La transcription — il s’agit d’un compte-rendu de la police présente à la réunion — mentionne les applaudissements (Beifall) qui ponctuent cette déclaration. Hitler la faisait précéder de l’énumération de poncifs antisémites comme celui, diffamatoire et mensonger qui faisait des Juifs allemand des «planqués» (de nombreuses études ont montré que non seulement les Juifs étaient engagés significativement, mais qu’ils sont morts dans la même proportion que les non juifs. La première guerre mondiale a donc vu des Juifs français et des Juifs allemands se tirer dessus et se tuer car ils se sentaient avant tout des membres de leur patrie respective). Hitler déclare, après avoir mentionné (voir ci-après) son propre passé militaire, que «dans [mon] régiment on pouvait compter les Juifs sur les doigts d’une main» («die Juden bei seinem Regiment kann er an den 5 Fingern aufzählen», ibid., p. 119). On peut également remarquer que Hitler ment en se présentant comme «simple homme de troupe qui a passé quatre ans et demi […] en première ligne» («Er war selbst als einfacher Mann 4 1/2 Jahre beim 16. R[eserve] I[nfanterie] R[egiment] an der vordersten Front», ibid., p. 119). En effet, Hitler, estafette avec le grade de caporal, est loin d’avoir passé plus de quatre ans au front, même s’il fut exposé régulièrement au feu (mais pas comme combattant). Il passa la moitié de la guerre au QG de son régiment à Fournes-en-Weppes (loin derrière le front). 4. Hitler, Sämtliche Aufzeichnungen 1905-1924, op. cit., Doc 103, p. 139, cité par G. Miedzianagora et G. Jofer, Objectif extermination, op. cit., p. 13. Original: «Als der Redner die Frage aufwarf, wie man sich der Juden erwehren solle, gaben Zurufe aus der Versammlung – eine Musterversammlung nannte sie der Vorsitzende – die Antwort: Aufhängen! Totschlagen!» 5. Hitler, Sämtliche Aufzeichnungen 1905-1924, op. cit., Doc 116, p. 156, cité par G. Miedzianagora et G. Jofer, Objectif extermination, op. cit., p. 14. Il s’agit de la même lettre que celle citée dans la note 1, mais dans une traduction un peu différente. Original en Allemand: «Der Jude ist als Ferment der Dekomposition (nach Mommsen) losgelöst von gut oder böse des einzelnen Ursache des inneren Zusammenbruchs aller Rassen überhaupt, in die er als Parasit eindringt. Seine Tätigkeit ist Zweckbestimmung seiner Rasse. Sowenig ich einer Tuberkelbazille einen Vorwurf machen kann einer Tätigkeit wegen, die für den Menschen Zerstörung bedeutet, für sie aber Leben heißt, so sehr bin ich aber auch gezwungen und berechtigt, um meiner persönlichen Existenz willen den Kampf gegen die Tuberkulose zu führen durch Vernichtung ihrer Erreger. Der Jude aber wird und wurde durch Jahrtausende hindurch in seinem Wirken zur Rassetuberkulose der Völker. Ihn bekämpfen heißt ihn entfernen.» (Hitler, Sämtliche Aufzeichnungen 1905-1924, op. cit., p. 156). 6. Traduit d’après l’original en allemand: «man müsse den Bazillus ausrotten, da man den Körper nicht widerstandsfähig machen könne; solange der Jude am Werk, wird es nicht gelingen, die Masse derart in vernünftige Einzelwesen aufzulösen […], daß sein Einfluß ihr nicht verderblich bleiben müßte. Eine Verdeutschung der Juden im Großen wie im Kleinen hält er für ausgeschlossen. Bei Verbleiben der schädlichen Juden also kann Deutschland nicht genesen. Handelt es sich aber um Sein oder Nichtsein eines Volkes, so kann man nicht haltmachen vor dem Leben der verblendeten Volksgenossen, viel weniger noch vor dem des feindlich gesinnten gefährlichen fremden Stammes», cité par Volker Ullrich, Adolf Hitler. Biographie Die Jahre des Aufstiegs 1889—1939, Frankfurt am Main: S. Fischer, 2013, p. 213. Notre traduction diffère de celle fournie dans la traduction française de l’ouvrage de Volker Ullrich, Adolf Hitler: une biographie: l’ascension, 1889-1939, Paris: Gallimard, 2017, p. 134-135. L’expression la plus délicate à traduire en français est ici Volksgenossen, que nous restituons par «frères de race», mais qu’Olivier Mannoni traduit par «compagnons d’ethnie». Le Genossen se traduit strictement par «camarades, et le Volk peut signifier peuple, race, nation. Le contexte permet, selon nous, d’insister sur la vision raciale d’Hitler, toujours liée chez lui à la vision sanitaire: il qualifie les Juifs de «bacille» infectant le corps qu’est le «peuple allemand», très probablement au sens racial. Une traduction plus lourde aurait pu être «membres de la communauté raciale» 7. Cité par Gerald Fleming, Hitler et la solution finale, Commentaire/Julliard, 1988, p. 35. Original: «Haß, brennenden Haß wollen wir in die Seelen der Millionen unserer Volksgenossen gießen, so lange bis einst eine Flamme von Zorn in Deutschland aufbrennt, die die Verderber unseres Volkes zur Rache zieht.» (Hitler, Sämtliche Aufzeichnungen 1905-1924, op. cit., p. 393). 8. Hitler, Sämtliche Aufzeichnungen 1905-1924, op. cit., no. 223, cité par Peter Longerich, The Unwritten Order. Hitler’s Role in the Final Solution, op. cit., p. 22. Original: «Darum ist die Lösung der Judenfrage für uns Nationalsozialisten die Kernfrage. Diese Frage kann nicht gelöst werden durch Zartheit, sondern angesichts der fürchterlichen Waffen des Gegners nur durch Brachialgewalt. Eine Kampfart taugt nur dann, wenn sie hart ist. Lord Fisher sagte: wenn du schlägst, so schlage hart! Es taugt nur der Kampf, der den Gegner zum Schreien bringt.» (Hitler, Sämtliche Aufzeichnungen 1905-1924, op. cit., p. 366). 9. Joseph Hell, «Aufzeichnung», 1922, ZS 640, p. 5, Institut fur Zeitgeschichte, cité par Gerald Fleming, Hitler et la solution finale, op. cit., p. 38. La traduction française de l’ouvrage de Gerald Fleming a francisé l’orthographe de «Josef Hell» en «Joseph Hell», mais il s’agit bien de «Josef». Original en allemand: «Wenn ich einmal wirklich an der Macht bin, dann wird die Vernichtung der Juden meine erste und wichtigste Aufgabe sein. Sobald ich die Macht dazu habe, werde ich zum Beispiel in München auf dem Marienplatz Galgen neben Galgen aufstellen lassen und zwar so viele, als es der Verkehr zuläßt. Dann werden die Juden gehängt, einer wie der andere, und sie bleiben solange hängen, bis sie stinken. So lange bleiben sie hängen, als es nach den Grundsätzen der Hygiene überhaupt möglich ist. Sobald man sie abgeknüpft hat, kommen die nächsten daran und das geschieht so lange, bis der letzte Jude in München ausgetilgt ist. Genau so wird in den anderen Städten verfahren, bis Deutschland vom letzten Juden gereinigt ist» (cité par Gerald Fleming, Hitler und die Endlösung, Limes Verlag, Munich, 1982, p.29-30). 10. Peter Longerich, The Unwritten Order. Hitler’s Role in the Final Solution, op. cit., p. 22. Le passage complet est le suivant: «Nos jeunes filles se font séduire par les Juifs qui souillent ainsi notre race. Chaque Juif pris avec une fille blonde devrait être… (pendu! [dit la foule])… je ne dirais pas pendu, mais un tribunal devrait pouvoir le condamner à mort.» («Unsere jungen Mädchen werden von den Juden verführt und dadurch das Volk verseucht. Jeden Juden, der mit einem blonden Mädchen erwischt wird, sollte man… (aufhängen!)… ich will nicht sagen aufhängen; aber ein Gericht sollte bestehen, das diese Juden zum Tode verurteilt (Beifall)», cité dans Hitler, Sämtliche Aufzeichnungen 1905-1924, op. cit., Doc. 355, p. 565). Cette tirade est évidemment accueillie par des applaudissements (Beifall). 11. Notre traduction d’après l’original en anglais: «Twelve hundred of the toughest roughnecks I have ever seen in my life pass in review before Hitler at the goosestep under the old Reichflag wearing red armbands with Hakenkreuzen (swastikas). Hitler, following the review, makes a speech, stating that Berlin has prevented their movement to Regensburg. Next week, however, the National Socialists will clean up the town. He then shouts, "Death to the Jews" etc. and etc. There was frantic cheering. I never saw such a sight in my life» (Notebook of Captain Truman Smith, Infantry, U.S. Army, Assistant Attaché, Berlin, Germany, November 1922, reproduit dans Robert Hessen (éd.), Berlin Alert. The Memoirs and Reports of Truman Smith, Stanford: Hoover Institution Press, 1984, p. 48-61, ici p. 57). La source primaire était mentionnée dans l’historiographie longtemps avant 1984, mais pas le passage que nous citons. Ainsi, William Shirer en parle assez longuement dès 1960 (William L. Shirer, The Rise and Fall of the Third Reich. A History of Nazi Germany, New York: Simon and Schuster, 1960, p. 46-47) en mentionnant que c’est Smith lui-même (qu’il remercie) qui lui a confié ses notes (qui ne feront pas l’objet d’une publication avant 1984, par Robert Hessen), ne juge pas opportun de citer le passage que nous présentons. En 1970, Richard Hanser (Putsch! How Hitler Made Revolution, New York: P.H. Wyden, 1970) évoque aussi les notes de Truman Smith de cette journée, mais ne cite que la première phrase («Twelve hundred of the toughest roughnecks I have ever seen», p. 300). Richard Hanser remercie Truman Smith de lui avoir permis de citer ses notes et mentionne que celles-ci sont alors conservées à la bibliothèque de l’Université de Yale (p. 402) dont Smith était diplômé. Ce n’est qu’en 1976 que John Toland cite (partiellement) le même passage que nous en y incluant l’appel à la mort des Juifs (John Toland, Adolf Hitler, volume 1, New York: Doubleday, 1970, p. 133-134). Toland a consulté lui aussi la source primaire décrite par un assez désinvolte «Captain Smith’s trip to Munich: Truman Smith report» (p. 545), qui n’aurait guère permis au chercheur intéressé de s’orienter pour trouver cette source… Les notes de Truman Smith conservées à Yale en 1970 semblent avoir été transférées aux archives du Hoover Institution on War, Revolution and Peace de l’Université de Stanford (Berlin Alert…, op. cit., p. 5). 12. Hitler, Sämtliche Aufzeichnungen 1905-1924, op. cit., Doc. no. 462, cité par Peter Longerich, The Unwritten Order. Hitler’s Role in the Final Solution, op. cit., p. 22. Original: «Hier gibt es keine Verständigung, der Jude und seine Helfershelfer im Innern unseres Volkes bleiben ewig unsere Feinde. Wir wissen, wenn sie ans Ruder kommen, dann rollen unsere Köpfe in den Sand; wir wissen aber auch, wenn wir die Macht in den Händen haben werden: Dann gnade euch Gott!» (Peter Longerich, Der ungeschriebene Befehl: Hitler und der Weg zur »Endlösung«, Munich: Piper Verlag GmbH, 2001, p. 34). Comme ce genre de discours public le suggère, ainsi que l’épisode rapporté par Joseph Hell, l’illustre, nous sommes bien en présence d’un fantasme, sinon d’un espoir génocidaire chez Hitler. Cela est d’ailleurs confirmé, selon nous, de façon spectaculaire par un document contemporain. Rudolf Hess, l’homme de confiance de Hitler, passe l’hiver 1922-1923 en Suisse. Il y fréquente un officier supérieur helvète, Ulrich “Ully” Wille, personnalité de la droite locale ultraconservatrice. Hess compte énormément sur Wille et son réseau (notamment sa famille) pour récolter des fonds pour un NSDAP en crise financière permanente. Il leur arrive de parler du programme du parti nazi, ce qui amène Ulrich Wille à écrire à Hess, le 13 novembre 1922 pour lui faire part de ce commentaire: «L’extermination du marxisme et exterminer les Juifs à la mitraillette est une erreur. Car ils ne sont pas la cause d’un manque de sentiment national. La raison pour laquelle le marxisme et les Juifs ont pu acquérir une influence aussi honteuse au sein du peuple allemand réside plutôt […] dans un manque de sentiment national lui-même» (document et circonstances rapportées par Thomas Weber, Devenir Hitler. La fabrique d’un nazi, Paris: Armand Colin, 2021, p. 318-319. Nous proposons notre propre traduction de la lettre de Wille, d’après la version originale tirée de la source citée par Weber: Alexis Schwarzenbach, Die Geborene. Renee Schwarzenbach-Wille und ihre Familie, Zurich: Scheidegger & Spiess, 2004, p. 169, que voici: «Ausrottung des Marxismus und daneben Ausrotten der Juden mit Maschinengewehren ist ein Irrtum. Denn sie sind nicht die Ursache mangelnden Nationalgefühls. Warum Marxismus und Juden im deutschen Volk so schändlichen Einfluss gewinnen konnten , liegt vielmehr […] in mangelndem Nationalgefühl selbst»). Le commentaire critique de Wille paraît attester que l’hypothèse d’une mise à mort violente, et en masse, des Juifs a été sérieusement évoquée dans les hauts cercles du NSDAP, au moins entre Hitler et Hess en ce tout début des années 1920, au point que Hess en a discuté avec Wille. 13. Eugeni Xammar, «Adolf Hitler o la ximpleria desencadenada», La Veu de Catalunya, 24 novembre 1923, p. 5. Notre traduction directement depuis l’original catalan: «Pot pujar-hi de peus La qüestió jueva és un càncer que rosega l’organisme nacional germànic. Un càncer polític i social. Sortosament, els càncers polítics i socials no són una malaltia incurable. Hi ha l’extirpació. Si volem que Alemanya visqui, hem d’eliminar els jueus… [Xammar: -¿A garrotades?] Tant de bo, si no fos que n’hi ha massa. El pogrom és una gran cosa, però avui com avui ha perdut una bona part de la seva eficàcia medieval. A l’Edat Mitjana no hi havia problemes nacionals jueus. No hi havia sinó una sèrie de problemes locals i municipals, i el pogrom era un mètode adequat i suficient per a resoldre’ls. Però ara les coses han canviat. ¿Què en trauríem, d’estossinar la població jueva de Munic, si a la resta d’Alemanya els jueus continuen essent, com ara, els amos del diner i de la política? En tot Alemanya hi ha més d’un milió de jueus. ¿Què hi vol fer? ¿Els vol matar tots en una nit? Seria la gran solució, evidentment, i si això pogués passar la salvació d’Alemanya estaria assegurada. Però no és possible. Ho he estudiat per tots cantons i no és possible. El món se’ns tiraria al damunt, en compte de donar-nos les gràcies, que és el que hauria de fer. El món no ha comprès la importància de la qüestió jueva per la raó senzillíssima que el món està dominat pels jueus. ¿Ho va veient clar, ara? La qüestió jueva és una cadena. Alemanya, si no vol morir, ha de trencar aquesta cadena. ¿Com? ¿De quina manera? Ja hem vist que el pogrom no era possible. No queda més que l’expulsió: l’expulsió en massa. Amb l’expulsió dels jueus fa més de quatre segles, […] Espanya va fer un negoci desastrós. Però, ¿Per què? ¿Em vol dir per què? Els Reis Catòlics, permeti’m que li ho digui, no van comprendre el problema jueu. Varen creure que era un problema religiós i van donar als jueus els dret de romandre a Espanya si es convertien al catolicisme. Se’n van convertir més de la meitat. ¿Ho entén? Més de la meitat! Naturalment […] El problema jueu, sàpiga-ho d’una vegada, no és un problema religiós. És un problema de raça. El mitjà per a resoldre aquest problema és l’expulsió. Però l’expulsió rigorosa de tothom que sigui de raça jueva, tant els practicants com els indiferents i com els convertits». Cet article est passé complètement inaperçu lors de sa parution, puis fut totalement oublié jusqu’en 1998, date à laquelle paraît, en Catalan, un recueil d'articles de Eugeni Xammar (L’ou de la serp, Barcelone: Quaderns Crema, 1998), recueil toutefois passé quasiment inaperçu jusqu’à sa traduction en Espagnol en 2005 (El huevo de la serpiente. Crónicas desde Alemania (1922-1924), Barcelone: Acantilado), cette traduction n’offrant cependant pas de visibilité internationale à ces propos hitlériens jusqu’à la traduction en Allemand (depuis le Catalan) en 2007 (Das Schlangenei. Berichte aus dem Deutschland der Inflationsjahre 1922-1924, Berlin: Berenberg Verlag), qui permet finalement à l’article de Eugeni Xammar d’apparaître dans l'historiographie allemande, jusqu’à être cité assez longuement (bien que moins complètement que notre citation) depuis cette traduction allemande de 2007 dans l’édition critique allemande de Mein Kampf en 2016 (Mein Kampf. Eine kritische Edition, Munich: Institut für Zeitgeschichte, 2016, Band 1, note 172, p. 208). En français, nous n’avons trouvé que deux mentions (en 2024) de cet entretien. Très naturellement, on le retrouve dans l’édition critique française de Mein Kampf (Florent Brayard et Andreas Wirsching (dir.), Historiciser le mal, une édition critique de Mein Kampf. Nouvelle traduction, annotation critique, analyse historique, Paris: Fayard, 2021), dans un passage (p. 262) qui traduit (de l’Allemand) et commente la citation proposée dans l’édition critique allemande de Mein Kampf de 2016 que nous venons de mentionner. En 2023, l’entretien est mentionné accompagné d’une citation courte dans le très bon ouvrage de Anne Quinchon-Caudal, Avant Mein Kampf. Les années de formation d’Adolf Hitler, Paris: CNRS Éditions, 2023 (en note 48 du deuxième chapitre), d’après la note l’édition critique allemande de Mein Kampf. L’extrait que nous proposons ici est, en français, le plus long, et le premier traduit directement depuis la version originale catalane. Signalons enfin la série diffusée sur France Culture en juin 2024, «La Décision. À l’origine de l’extermination des Juifs d’Europe» (Michel Spinosa, série LSD) dont le premier épisode s’ouvre (à partir de la troisième minute) avec la lecture d’un extrait de cet entretien, commenté par les historiens Florent Brayard et Nicolas Patin. 14. Ces constats sont dressés également dans deux pages de commentaires de Historiciser le mal… (op. cit., p. 262-263), qui toutefois s’arrangent pour retomber sur les pieds du large consensus actuel chez les historiens, à savoir que «la première indication d'une intention génocidaire date du printemps 1941» (p. 263). Il nous semble toutefois que demeure trop peu étudié le très fort désir génocidaire non seulement chez Hitler mais chez les nazis, qu’illustrent suffisamment de documents bien antérieurs au printemps 1941, que souvent «l’intention» est trop peu distinguée des projets alors qu’elle est plus proche des désirs (aspirations, fantasmes, avec d’évidentes gradations). Outre les déclarations d’Hitler dans les années 1920, celle du 31 janvier 1939 au ministre des Affaires étrangères tchécoslovaque František Chvalkovský (citée plus bas), ainsi que les propos tenus en 1938 par le bras droit de Rudolf Hess, Franz Pfeffer von Salomon, à un diplomate britannique, illustrent la prégnance de l’élan génocidaire dans l’idéologie nazie. Les propos tenus à Eugeni Xammar montrent bien en outre combien Hitler se montre très tôt pragmatique et est capable de renoncer (en apparence? dans un premier temps…?) à sa «solution» préférée. Cela ne signifie pas pour autant qu’elle ne demeure pas son horizon, auquel il est certes prêt à renoncer par pragmatisme, mais tout autant qu’il reste intensément habité par la possibilité d’atteindre cet horizon. 15. Adolf Hitler, Mon Combat, N.E.L, 1934, p. 649. Original: «[…]der unerbittliche Welt jude kämpft für seine Herrschaft über die Völker. Kein Volk entfernt diese Faust anders von seiner Gurgel als durch das Schwert. Nur die gesammelte konzentrierte Stärke einer kraftvoll sich aufbäumenden nationalen Leidenschaft vermag der internationalen Völkerversklavung zu trotzen. Ein solcher Vorgang ist und bleibt aber ein blutiger» (Hitler, Mein Kampf, München 1944, p. 738 cité par Armin Pfahl-Traughber, Antisemitismus in der deutschen Geschichte, Landeszentrale für politische Bildungsarbeit Berlin, 2002, p. 95). La traduction française de 1934 est datée mais préserve bien la violence du propos. 16. Adolf Hitler, Mon Combat, N.E.L, 1934, p. 677-678. Original: «Hätte man zu Kriegsbeginn und während des Krieges einmal zwölf- oder fünfzehntausend dieser hebräischen Volksverderber so unter Giftgas gehalten, wie Hundertausende unserer allerbesten deutschen Arbeiter aus allen Schichten und Berufen es im Felde erdulden mussten, dann wäre das Millionenopfer der Front nicht vergeblich gewesen. Im Gegentei: Zwölftausend Schurken zur rechten Zeit beseitigt, hätten vielleicht einer Million ordentlicher, für die Zukunft wertvoller Deutschen das Leben gerettet.» (Hitler, Mein Kampf, München 1944, p. 772 cité par Armin Pfahl-Traughber, Antisemitismus in der deutschen Geschichte, Landeszentrale für politische Bildungsarbeit Berlin, 2002, p. 95). 17. «Die Juden werden bei uns vernichtet. Den 9. November 1918 hätten die Juden nicht umsonst gemacht, dieser Tag würder gerächt werden». Mémorandum de Walter (ou Walther) Hewel, fonctionnaire du ministère des affaires étrangères du Reich. Akten zur deutschen auswärtigen Politik, series D, vol. IV, doc. 158, p. 170, cité notamment par Gerald Fleming, Hitler und die Endlösung, Limes Verlag, Munich, 1982, p. 27. Fleming commet peut-être une erreur de retranscription en écrivant «Die Juden werden bei uns vernichtet» au lieu de «würden». Ainsi Peter Longerich, et avec lui la majorité des historiens, retranscrit «Die Juden würden bei uns vernichtet» (Peter Longerich, Politik der Vernichtung. Eine Gesamtdarstellung der nationalsozialistischen Judenverfolgung, Piper, 1998, p. 220). Par ailleurs, l’édition anglaise de l’ouvrage de Gerald Fleming (Hitler and the Final Solution, University of California Press, 1994, p. 14) semble comporter une erreur de date (en mentionant le 21 janvier 1940) absente de l’édition française (Gerald Fleming, Hitler et la solution finale, op. cit., p. 34) ou de l’édition allemande (Hitler und die Endlösung, op. cit., p. 27). Peter Longerich donne la date du 21 janvier 1939 (The Unwritten Order. Hitler’s Role in the Final Solution, op. cit., p. 43 ou Peter Longerich, Politik der Vernichtung, op. cit., p. 220), ainsi que d’autres sources. 18. Camill Hoffmann, Politisches Tagebuch, 1932-1939, Dieter Sudhoff (ed.), Alekto Verlag, Klagenfurt, 1995, p. 241, cité par David Bankier et Israel Gutman (éd.), Nazi Europe and the Final Solution, New York: Berghahn Books, 2009, p. 310. L’original en allemand («Notwendigkeit der Ausrottung der Juden») est cité par J. W. Brügel, AJR information, vol. YYYVIII no. 7, july 1983, p. 6. Juif, Camill Hoffmann a été assassiné par les nazis à Auschwitz en 1944. 19. «M. V. DE LACROIX, Ministre de France à Prague, à M. Georges BONNET, Ministre des Affaires Etrangères. Prague, le 7 février 1939», document No 45, in Le Livre jaune français. Documents diplomatiques, 1938-1939. Pièces relatives aux événements et aux négociations qui ont précédé l’ouverture des hostilités entre l’Allemagne d’une part, la Pologne, la Grande-Bretagne et la France d’autre part, Ministère des affaires étrangères, Paris, 1939, p. 51-52. Le passsage mérite d’être cité entièrement:«Ce qui l’a, semble-t-il, le plus frappé, c’est l’importance qu’attachent M. Hitler et M. de Ribbentrop à la question juive, ceci sans aucune commune mesure avec l’importance donnée aux autres sujets qui ont été abordés. Le Ministre des Affaires Étrangères du Reich comme le Chancelier auraient tous deux déclaré avec force qu’il n’était pas possible de donner la garantie allemande à un État qui n’élimine pas les Israélites: “N’imitez pas la sentimentalité et la lenteur que nous avons montrées dans le règlement de ce problème, auraient déclaré les deux hommes d’État. Notre bonté a été de la faiblesse et nous la regrettons. Il faut supprimer cette vermine. Les Juifs sont nos ennemis jurés et il n’y aura plus un Juif en Allemagne à la fin de cette année. Ce ne sont ni les Français, ni les Américains, ni les Anglais qui sont responsables des difficultés que présentent nos relations avec Paris, Londres ou Washington. Les responsables, ce sont les Juifs. Nous donnerons des avis semblables en Roumanie, en Hongrie, etc. L’Allemagne cherchera à constituer un bloc d’États antisémites, car elle ne saurait traiter en amis les États où les Juifs soit par leur activité économique, soit par leurs hautes fonctions publiques conserveraient une influence quelconque.”» 20. Eberhard Jäckel, Hitlers Weltanschauung, Deutsches Verlag-Anstalt, 1991, p. 72: «Ich will heute wieder ein Prophet sein: Wenn es dem internationalen Finanzjudentum inner- und außerhalb Europas gelingen sollte, die Völker noch einmal in einen Weltkrieg zu stürzen, dann wird das Ergebnis nicht die Bolschewisierung der Erde und damit der Sieg des Judentums sein, sondern die Vernichtung der jüdischen Rasse in Europa». Le compte rendu de la séance fait alors état d’applaudissements prolongés. On peut les entendre sur un enregistrement. Nous choisissons de traduire «Judentum» par «juiverie» et non par «judaïsme». En effet, dans les discours d’Hitler, les expressions «Judentum» (la juiverie, les Juifs), «die Juden» (les Juifs), «der Jude» (le Juif), et «die jüdische Rasse» (la race juive) sont interchangeables et signifient toujours pour Hitler l’ensemble des Juifs. Traduire «Judentum» par «judaïsme» ignore complètement le caractère concret et collectif de l’emploi hitlérien du mot. Il ne s’agit pas de la religion juive, mais bien pour Hitler de désigner la collectivité des Juifs. La distinction est de nature similaire à celle qui existe entre «Chrétienté», au sens de l’ensemble des Chrétiens, et «Christianisme». Traduire par «les Juifs» ou par «la juiverie» ne constitue d’ailleurs pas une sur-traduction dans la mesure où le Grand dictionnaire Langenscheidt propose lui-même la traduction de «Judentum» par le collectif «les Juifs». Le Harraps Universal Dictionnaire Allemand/Français - Français/Allemand donne pour premier sens de Judentum: «Gesamheit der Juden» (ensemble des Juifs) et traduit par «les Juifs». Les traductions en anglais utilisent généralement «Jewry» pour rendre «Judentum». On peut remarquer que de nombreuses traductions en français font l’impasse sur ce caractère collectif et concret, ne tiennent pas compte du contexte et de l’emploi hitlérien du mot, et rendent bien souvent «Judentum» dans les discours d’Hitler par un «judaïsme» à la limite du contre-sens. Ainsi, la traduction française de l’ouvrage de Eberhard Jäckel, rend-elle «Judentum» systématiquement par «judaïsme», notamment pour le discours cité (Hitler Idéologue, Gallimard, Tel, 1995, p. 83). Enfin la traduction par «juiverie» a l’avantage de restituer la dimension péjorative de l’usage hitlérien, absente des autres traductions (nous devons cette dernière remarque à Anne Quinchon-Caudal qui fait le même choix de traduction que nous dans son ouvrage de 2023, Avant Mein Kampf. Les années de formation d’Adolf Hitler, op. cit.). 21. Traduit d’après l’original en Allemand: «Ich fühle mich wie Robert Koch in der Politik. Der fand den Bazillus und wies damit der ärztlichen Wissenschaft neue Wege. Ich entdeckte den Juden als den Bazillus und das Ferment aller gesellschaftl[ichen]. Dekomposition. Ihr Ferment.» (Tagebuch Walther Hewel, 1941, vollständige Abschrift, in: IfZ-Archiv, Sammlung Irving, ED 100, Bd. 78, Zitat Bl. 112, cité par Roman Töppel «„Volk Und Rasse“ Hitlers Quellen auf der Spur», Vierteljahrshefte für Zeitgeschichte, vol. 64, no. 1, janvier 2016, p. 9. Ce passage avait également été cité par Peter Longerich & Dieter Pohl, Die Ermordung der europäischen Juden, Munich: Piper, 1989, p. 76). Hitler poursuit: «Je suis celui qui a prouvé qu’un État peut vivre sans Juifs. L’économie, la culture, l’art, etc. etc. peuvent réussir sans Juifs et même mieux. C’est le pire coup que j’ai porté contre les Juifs.» («Und eines habe ich bewiesen, daß ein Staat ohne Juden leben kann. Daß Wirtschaft, Kultur, Kunst etc etc ohne Juden bestehen kann und zwar besser. Das ist der schlimmste Schlag, den ich den Juden versetzt habe.», cité par Peter Longerich & Dieter Pohl, ibid.). 22. Cité par Andreas Hillgruber (éd.), Staatsmänner und Diplomaten bei Hitler 1939-1941, Volume 2, Vertrauliche Aufzeichnungen über Unterredungen mit Vertretern des Auslandes, Frankfurt am Main: Bernard und Graefe, 1970, p. 557: «Die Juden seien die Geißel der Menschheit […] Wenn die Juden freien Weg hätten wie im Sowjetparadies, so würden sie die wahnsinnigsten Pläne verwirklichen. So sei Rußland zu einem Pestherd für die Menschheit geworden. Wenn auch nur ein Staat aus irgendwelchen Gründen eine jüdische Familie bei sich dulde, so würde diese der Bazillenherd für eine neue Zersetzung werden. Gäbe es keine Juden mehr in Europa, so würde die Einigkeit der europäischen Staaten nicht mehr gestört werden. Wohin man die Juden schicke, nach Sibirien oder Madagaskar, sei gleichgültig. Er werde an jeden Staat mit dieser Forderung herantreten.» 23. Adolf Hitler, Monologe im Führerhauptquartier 1941-1944, éd. Werner Jochmann, Hambourg, 1980, p. 76, cité par Gerald Fleming, Hitler et la solution finale, op. cit., p. 50. Original: «Das Gesetz des Daseins fordert ununterbrochenes Töten, damit das Bessere lebt.» (Gerald Fleming, Hitler und die Endlösung, Munich: Limes Verlag, 1982, p. 40). 24. Traduit d’après l’original allemand: «Den destruktiven Juden setzen wir ganz hinaus […] Ich gehe an diese Sache eiskalt heran. Ich fühle mich nur als der Vollstrecker eines geschichtlichen Willens.» (Adolf Hitler, Monologe im Führerhauptquartier 1941-1944, éd. Werner Jochmann, Hambourg, 1980, p. 90-91, également traduit en Anglais dans Christopher Browning, The Origins of the Final Solution. The Evolution of Nazi Jewish Policiy, September 1939-March 1942, University of Nebraska Press, Yad Vashem, 2004, p. 370. Une première traduction longtemps présentée sur cette page se fondait sur cette traduction de Browning. La voici, pour mémoire: «Nous nous débarassons entièrement des Juifs destructeurs. […] Je procède en ces matières d’une façon glacée. Je me sens être seulement l’exécuteur de la volonté de l’histoire.»). 25. Adolf Hitler, Monologe im Führer-Hauptquartier 1941-1944, ed. Werner Jochmann et Heinrich Heim, Munich 1980, p. 99: «Wenn wir diese Pest ausrotten, so vollbringen wir eine Tat für die Menschheit, von deren Bedeutung sich unsere Männer draußen noch gar keine Vorstellung machen können.» Traduction française dans Saul Friedländer, Les Années d’Extermination. L’Allemagne nazie et les Juifs 1939-1945, Editions du Seuil, 2008, p. 351. 26. Adolf Hitler, Monologe im Führerhauptquartier 1941-1944, éd. Werner Jochmann, Hambourg, 1980, p. 106, cité par Christopher Browning, The Origins of the Final Solution. The Evolution of Nazi Jewish Policiy, September 1939-March 1942, University of Nebraska Press, Yad Vashem, 2004, p. 370. Notre traduction française s’appuie sur l’original en Allemand cité par Browning et est conforme à sa traduction en Anglais. On peut d’ailleurs restituer ce passage dans son contexte: «Vor dem Reichstag habe ich dem Judentum prophezeit, der Jude werde aus Europa verschwinden, wenn der Krieg nicht vermieden bleibt. Diese Verbrecherrasse hat die zwei Millionen Toten des Weltkrieges auf dem Gewissen, jetzt wieder Hundertausende. Sage mir keiner: Wir können sie doch nicht in den Morast schicken! Wer kümmert sich denn um unsere Menschen? Es ist gut, wenn uns der Schrecken vorangeht, daß wir das Judentum ausrotten. Der Versuch, einen Judenstaat in Afrika oder Asien zu gründen, wird ein Fehlschlag sein […] Wir schreiben die Geschichte auch wieder neu: vom Rassestandpunkt aus.» (Monologue, ibid., p. 106). Ce qui signifie: «Au Reichstag, j’ai prophétisé aux Juifs que le Juif disparaîtrait d’Europe si la guerre n’était pas évitée. Cette race de criminels a deux millions de morts de la [première] guerre mondiale sur la conscience, et maintenant encore des centaines de milliers. Qu’on ne vienne pas me dire que nous ne pouvons tout de même pas les pousser dans les marais. Il est bon que la terreur nous précède du fait que nous exterminons les Juifs. La tentative de créer un Etat juif en Afrique ou en Asie sera un échec. […] Nous écrivons de nouveau l’histoire, d’un point de vue racial.». La référence aux marais n’est pas fortuite. Une directive de Himmler de juillet 1941 ordonnait de tuer tous les Juifs et de pousser les femmes dans les marais. Hitler ne l’ignorait pas.Voir ici...

Il nous faut remarquer que le passage cité ici (surtout «Es ist gut, wenn uns der Schrecken vorangeht, daß wir das Judentum ausrotten») fait partie d’un corpus d’abord publié dans une traduction française effectuée par l’homme d’affaire pro-nazi François Genoud, Hitler, Libres propos sur la guerre et la paix recueillis sur l’ordre de Martin Bormann, Flammarion, 1952. François Genoud a sciemment édulcoré les propos d’Hitler en traduisant le passage mentionné ainsi: «Il n’est pas mauvais d’ailleurs que la rumeur publique nous prête le dessein d’exterminer les Juifs.» La traduction de Schrecken comme «la rumeur publique» est tout à fait impropre car elle ne permet pas de rendre les connotations de terreur et d’angoisse associées au mot Schrecken. La tournure «la rumeur publique nous prête» suggère clairement — c’est la fonction du mot rumeur — que cela est faux. Par ailleurs, Hitler dans son propos original ne fait aucune mention d’attribution (la rumeur nous prête...) mais parle bien de fait. Enfin, l’édulcoration se mue en falsification pure et simple avec l’insertion par Genoud du mot «dessein». En effet, ce mot ou même la notion de plan ou de projet sont complètement absents de la version originale. L’objectif de Genoud est très clair; il s’agit de faire croire qu’une rumeur concernerait non des événements en cours mais tout au plus un projet à venir. Bien évidemment, les propos réels d’Hitler sont clairs et sans ambiguité: il énonce la réalité du fait que les Juifs sont en train d’être exterminés à l’arrière du front de l’Est et qu’il approuve a minima l’effet de terreur que ces assassinats ont sur la population des territoires conquis. L’analyse qui précède est due à l’historien Richard Evans qui décortique la version anglaise des propos d’Hitler sous la plume du négationniste britannique David Irving, qui s’est contenté (ce que Richard Evans ignore) de traduire en anglais la version française de Genoud, qu’Irving a longtemps fréquenté (Richard Evans, Lying About Hitler: History, the Holocaust and the David Irving Trial, Basic Books, 2001, p. 73). Irving n’est cependant pas innocent de la falsification dont l’accuse Evans puisque l’on sait qu’il avait connaissance de l’original en Allemand.

Soulignons que la version anglaise de 1953 (que ne reprend pas Irving), Hitler’s Table Talk, (présentée par H. R Trevor-Roper, London, Weidenfeld and Nicolson, 1953, nombreuses rééditions, notamment 1973, 2000, 2007) est une traduction directe de la version française de Genoud et non de la version originale allemande, contrairement à ce qui est affirmé dans la préface de cette version anglaise. Browning qui traduit par contre directement depuis l’original en allemand rend notre passage correctement par: «It is good when the terror precedes us that we are exterminating the Jews». L’historiographie française, malheureusement, s’est laissée piéger par Genoud en citant directement sa version plutôt que de retraduire depuis l’original (disponible seulement depuis 1980 cependant). Les plus compétents se sont laissés prendre. Le plus récent est Edouard Husson, excellent germaniste et historien, dans ses deux ouvrages, «Nous pouvons vivre sans les Juifs» Novembre 1941. Quand et comment ils décidèrent de la Solution finale (Perrin, 2005, p. 140 notamment. La traduction fautive constitue même le titre du chapitre 7!) et surtout Heydrich et la Solution finale (dans ses deux éditions, Perrin 2008 & 2012, p. 434 dans cette dernière). C’est d’autant plus dommage que la traduction exacte renforce plutôt les thèses de Husson. Il faut craindre, compte tenu du sérieux du travail de Husson que la version falsifiée de Genoud continue à se répandre. Notons que le très bon historien de la Shoah, Maxime Steinberg, lui aussi reprend la version Genoud en 1998 (Un pays occupé et ses juifs, La Belgique, entre France et Pays-Bas, Quorum, 1998, p. 230 et 239), mais aussi François Delpla dans son Hitler (Grasset, 1999).

Il nous faut insister sur le fait que les versions Genoud (la française, mais aussi l’anglaise de Trevor Roper) ne doivent absolument pas être utilisées à des fins de citations, non seulement à cause des manipulations des traductions par Genoud mais aussi parce que Genoud a très certainement inventé quelques propos qu’Hitler n’a pas tenus et en a camouflé d’autres. Il existe d’ailleurs une version allemande (pas celle publiée par Jochmann) qui est en fait un retraduction depuis la version française falsifiée de Genoud, malheureusement citée par des historiens germanophones des plus sérieux. Voir sur ces points et sur les traductions falsifiées, le très précieux article de Richard C. Carrier, «Hitler’s Table Talk - Troubling Finds», German Studies Review, octobre 2003, vol. 26, no. 3 (version mise à jour et complétée dans Richard Carrier, Hitler Homer Bible Christ: The Historical Papers of Richard Carrier 1995-2013, Philosophy Press, 2014). Les ajouts de Genoud ne portent cependant que sur les croyances religieuses d’Hitler, que Genoud tente de faire passer pour athée, ce qui est contraire à la réalité. Soulignons enfin que l’étude de Carrier démontre de façon convaincante que les éditions originales en allemand aujourd’hui disponibles (celles de Werner Jochmann déjà citée, mais aussi celle de Henry Picker, Hitlers Tischgespräche im Führerhauptquartier, Propyläen Verlag, 2003, dernière édition, améliorée, d’un recueil dont la première version date de 1951) sont des sources dignes de confiance. Depuis 2016 on dispose d’une édition française fiable, émanant de l’historien spécialiste d’Hitler et du IIIe Reich, François Delpla: Adolf Hitler, Propos intimes et politiques, traduit de l’allemand et commenté par François Delpla (Tome I, Juillet 1941-mars 1942, Tome II, mars 1942-novembre 1944), Paris: Nouveau monde éditions, 2016.

[mise à jour 2017] Le travail pionnier de Richard Carrier, et nos propres intuitions, ont été confirmées de façon documentée par l’historien suédois Mikael Nilsson en 2016: Genoud a menti à Trevor-Roper pour la première édition anglaise des Propos de table en le manipulant pour lui faire authentifier une version traduite non de l’original allemand mais de de sa propre traduction française. Mikael Nilsson a démontré que Trevor-Roper, de dupe, est devenu complice de cette tromperie («Hugh Trevor-Roper and the English editions of Hitler’s Table Talk and Testament», Journal of Contemporary History, Vol 51, Issue 4, 2016). Richard Carrier rapporte que les recherches, toujours en cours, de Mikael Nilsson confirment que Picker et Heim ont bien noté les propos d’Hitler, même s’ils ne consignaient pas ceux-ci le jour même. Toutefois Heim semble avoir parfois arrangé son texte dans la foulée. Cela signifie que les versions publiées en Allemand par Picker et Jochmann sont, comme nous le pensions, authentiques, dans le sens où ce sont bien les textes rédigés au fil des jours par Picker et Heim, et non (pour le Jochmann qui est à l’origine du texte de Genoud) un faux fabriqué par Genoud. On peut remarquer qu’avant 1980, Genoud avait d’ailleurs fait en sorte que personne n’accède au texte original en Allemand. On ne sait pas encore ce qui l’a décidé à laisser publier à cette date un texte qui tôt ou tard finirait par révéler ses propres manipulations.

27. Notes prises par Paul Otto Schmidt entre le Führer et le grand Mufti de Jérusalem à Berlin, le 28 novembre 1941, geheime Reichssache 57 a/41, Records Dept. Foreign and Commonwealth Office Pa/2, cité par Gerald Fleming, Hitler et la solution finale, op. cit., p. 142-143. Original: «Sobald dieser Fall eingetreten sei, würde der Führer von sich aus der arabischen Welt die Versicherung abgeben, daß die Stunde der Befreiung für sie gekommen sei. Das deutsche Ziel würde dann lediglich die Vernichtung des im arabischen Raum unter der Protektion der britischen Macht lebenden Judentums sein» (Gerald Fleming, Hitler und die Endlösung, Munich: Limes Verlag, 1982, p. 117). Le compte-rendu original complet se trouve en ligne. 28. Adolf Hitler, Monologe im Führerhauptquartier 1941-1944, éd. Werner Jochmann, Hambourg, 1980, p. 148: «Viele Juden sind sich such des destruktiven Charakters ihres Daseins nicht bewußt gewesen. Aber wer Leben zerstört, setzt sich dem Tode aus, und etwas anderes geschieht auch ihnen nicht. Wer hat die Schuld, wenn die Katze die Maus frißt?» Traduction française dans Gerald Fleming, Hitler et la solution finale, op. cit., 1988, p. 143. 29. «Der Jude aber wird nicht die europäischen Völker ausrotten, sondern er wird das Opfer seines eigenen Anschlages sein», Max Domarus, Hitler. Reden und Proklamationen, Würzburg, 1963, vol. II, p. 1821, cité par Eberhard Jäckel, Hitlers Weltanschauung, op. cit., p. 74. 30. Le 23 octobre 1941, le chef de la Gestapo, Heinrich Müller diffusa une circulaire aux bureaux et agences du Sipo-SD, faisant état de l’ordre d’Himmler interdisant l’émigration des Juifs. Voir Christopher Browning, The Origins of the Final Solution. The Evolution of Nazi Jewish Policiy, September 1939-March 1942, University of Nebraska Press, Yad Vashem, 2004, p. 369. 31. Adolf Hitler, Monologe im Führerhauptquartier 1941-1944, éd. Werner Jochmann, Hambourg, 1980, p. 229, cité par Christopher Browning, The Origins of the Final Solution. The Evolution of Nazi Jewish Policy, September 1939 - March 1942, University of Nebraska Press, 2004, p. 546. En Allemand: «Der Jude muß aus Europa heraus […] Ich sage nur, er muß weg. Wenn er dabei kaputtgeht, da kann ich nicht helfen. Ich sehe nur eines: die absolute Ausrottung, wenn sie nicht freiwillig gehen». 32. Max Domarus, Hitler, Reden und Proklamationen, 1932-1945, volume 2, 2e partie (ou vol. IV), Munich: Süddeutscher Verlag, 1965, p. 1828-1829: «Wir sind uns dabei im klaren darüber, daß der Krieg nur damit enden kann, daß entweder die arischen Völker ausgerottet werden, oder daß das Judentum aus Europa verschwindet. Ich habe am 1. September 1939 im Deutschen Reichstag es schon ausgesprochen — und ich hüte mich vor voreiligen Prophezeiungen —, daß dieser Krieg nicht so ausgehen wird, wie es sich die Juden vorstellen, nämlich daß die europäischen arischen Völker ausgerottet werden, sondern daß das Ergebnis dieses Krieges die Vernichtung des Judentums wird.» Nous traduisons «Judentum» par «les Juifs». Voir, à ce sujet, note 20. Par ailleurs, le lecteur aura noté qu’Hitler commet une erreur en datant sa «prophétie» du 1er septembre 1939, alors que sa menace d’anéantissement de la race juive en Europe date du 30 janvier 1939. Cette «erreur», qu’il commettra à plusieurs reprises, est surtout le signe de l’importance qu’Hitler accorde à la guerre (commencée le 1er septembre 1939…) dans la justification et l’accomplissement de l’extermination des Juifs d’Europe. Ce passage figure partiellement dans Eberhard Jäckel, Hitlers Weltanschauung, op. cit., p. 74-75. 33. Le discours est réimprimé dans le recueil de discours de Hitler, Der grossdeutsche Freiheitskampf, vol. 3, Reden Adolf Hitlers von 16. März 1941 bis 15. März 1942, Munich, 1942, p.  (cité par Jean Stengers, «Hitler et les Juifs. À propos d’une vision récente du problème», Revue belge de philologie et d’histoire, tome 69, fasc. 4, 1991, p. 970). Jean Stengers mentionne notamment la réimpression dans le Völkischer Beobachter du 1er février 1942 (ibid.). Nous avons pu examiner le Litzmannstadter Zeitung du 1er février 1942 qui reproduit l’intégralité du discours d’Hitler pages 3 à 6, et mentionne les «tonnerres d’appaudissements». Le passage que nous citons figure en bas de la page 5 (3e colonne). Nous pensons que Jean Stengers cite probablement le document PS-2664 des Actes du Procès de Nuremberg qui reproduit partiellement l’article du Völkischer Beobachter, tome YYYI (31), p. 66 pour le passage cité. 34. Traduit d’après l’original allemand: «Zum ersten Male werden nicht andere Völker verbluten, sondern zum ersten Male wird diesmal das echt altjüdische Gesetz angewandt: Aug' um Aug', Zahn um Zahn! […] Und es wird die Stunde kommen, da der böseste Weltfeind aller Zeiten wieder wenigstens auf ein Jahrtausend seine Rolle ausgespielt haben wird.» (Litzmannstadter Zeitung du 1er février 1942, ibid.). Le même passage est retranscrit à l’identique dans la brochure de propagande de la Werhmacht, Bernst & Wedel (Alfred Ingemar Berndt & General von Wedel), Deutschland im kampf, 1942, Januar-Lieferung, (Nr. 57/58 der Gesamtlieferung), p. 92. Jean Stengers (voir note précédente) relève que Max Domarus, se fondant sur une retranscription officielle (du Deutsches Nachrichtenbüro) ne restitue pas le verbluten (saignés à mort, la version Domarus est la suivante: «Zum erstenmal wird diesmal das echt altjüdische Gesetz angewendet. Aug' um Aug', Zahn um Zahn!», p. 1829) et que c’est malheureusement cette version expurgée qui est le plus souvent reprise dans l’historiographie. Il ne relève cependant pas que cette édulcoration officielle, à chaud, d’une précision hitlérienne particulièrement violente (avérée puisque mentionnée par de nombreuses retranscriptions dans les journaux du lendemain et du surlendemain) est une forme d’aveu. On notera que quelques mois plus tard la compilation des discours d’Hitler mentionnée précédemment ne s’embarassera pas de ces scrupules (verbluten y figure bien comme le précise Stengers, art. cit.). Soulignons enfin que ce passage est remarqué dès 1946 puisqu’il figure dans le document PS-2664 des Actes du Procès de Nuremberg (voir note précédente). 35. Joseph Goebbels, Die Tagebücher von Joseph Goebbels, éd. Elke Fröhlich, Munich, 1993, partie II, vol. 3, entrée du 15 février 1942, p. 320-321. Le passage en allemand, sans les incises : «Der Führer gibt noch einmal seiner Meinung Ausdruck, daß er entschlossen ist, rücksichtslos mit den Juden in Europa aufzuräumen. Hier darf man keinerlei sentimentale Anwandlungen haben. Die Juden haben die Katastrophe, die sie heute erleben, verdient. Sie werden mit der Vernichtung unserer Feinde auch ihre eigene Vernichtung erleben. Wir müssen diesen Prozeß mit einer kalten Rücksichtslosigkeit beschleunigen, und wir tun damit der leidenden und seit Jahrtausenden vom Judentum gequälten Menschheit einen unabschätzbaren Dienst. Diese klare judenfeindliche Haltung muß auch im eigenen Volke allen widerspenstigen Kreisen gegenüber durchgesetzt werden». Une traduction légèrement différente se trouve dans Joseph Goebbels, Journal. 1939-1942, Taillandier, 2009, p. 504. Le passage est également cité par Peter Longerich, The Unwritten Order. Hitler’s Role in the Final Solution, op. cit., p. 93 (original dans Peter Longerich, Der ungeschriebene Befehl: Hitler und der Weg zur »Endlösung«, Munich: Piper Verlag GmbH, 2001, p. 141). 36. Monologe im Führerhauptquartier. Die Aufzeichnungen Heinrich Heims, Jochmann (éd.), Hambourg, 1980,  293: «Der Jude wird erkannt werden! Der gleiche Kampf, den Pasteur und Koch haben kämpfen müssen, muß heute von uns geführt werden. Zahllose Erkrankungen haben die Ursache in einem Bazillus: dem Juden! Japan würde ihn auch bekommen haben, wenn es dem Juden weiter offen gestanden hätte. Wir werden gesunden, wenn wir den Juden eliminieren.» En anglais dans Peter Longerich, The Unwritten Order. Hitler’s Role in the Final Solution, op. cit., p. 92. 37. Notre traduction d’après l’original en Allemand: «Meine Prophezeiung wird ihre Erfüllung finden, daß durch diesen Krieg nicht die arische Menschheit vernichtet, sondern der Jude ausgerottet werden wird. Was immer auch der Kampf mit sich bringen, oder wie lange er dauern mag, dies wird sein endgültiges Ergebnis sein. Und dann erst, nach der Beseitigung dieser Parasiten, wird über die leidende Welt eine lange Zeit der Völkerverständigung und damit des wahren Friedens kommen» (Völkischer Beobachter, no. 56 du 25 février 1942, p. 2). Le soulignement, restitué ici par une mise en caractères gras figure dans l’original sous la forme de mots aux lettres plus espacées, signalant très probablement un changement de ton, une insistance particulière de la proclamation sur les passages ainsi repérés. Il est impossible de savoir si cette insistance est à porter au crédit du Gauleiter Wagner qui effectue, selon le Völkischer Beobachter, la lecture de la proclamation, ou si elle est explicite dans le document communiqué au Völkischer Beobachter pour impression. Malheureusement, aucun des historiens qui ont ensuite cité cet extrait n’a jamais mentionné, à notre connaissance, ces insistances sur certains passages, soit parce qu’ils citent d’après le document reproduit dans les actes de Nuremberg (voir ci-après) qui omet ces différences typographiques, soit parce qu’ils citent d’après l’ouvrage de référence de Max Domarus, qui commet la même omission (Max Domarus, Hitler. Reden und Proklamationen, Leonberg: Pamminger & Partner, 1988, vol. II, p. 1844). Notre interprétation sur la signification des distinctions typographiques présentes dans le Völkischer Beobachter est confirmée par la façon dont la proclamation d’Hitler est restituée dans la presse étrangère. En effet, un communiqué de l’agence de presse nazie Telepress est diffusée pour publication auprès de organes amis mais aussi étrangers (c’est la Gazette de Lausanne suisse du 26 février 1942 qui en première page présente un encart intitulé «Un message du chancelier Hitler. 25 février 1942» en spécifiant qu’il s’agit d’une communication de Telepress. L’encart de la Gazette ne présente qu’un très court résumé de la proclamation). Ainsi une traduction quasi complète en français est présentée par le journal collaborationniste du PPF de Jacques Doriot, Le Cri du Peuple du 26 février 1942 en première page, sous le (gros) titre «“Les Juifs seront exterminés”» présenté comme un citation de Hitler avec cette précision en sous-titre «s’écrie-t-il» (il y a évidemment une erreur à faire s’«écrier» Hitler lui-même puisque c’est Wagner qui a lu sa proclamation, mais cela n’a pas ici d’importance). Il est presque certain que le texte publié a été communiqué par les services allemands puisque de nombreux titres français le publient quasiment à l’identique, le plus souvent en première page. Citons, parmi d’autres, Le Petit Parisien le 26 février et la La Dépêche du Berry du 27 février. La précision «s’écrie-t-il» devait très probablement faire partie du matériel transmis par Telepress aux différentes rédactions, ce qui conforte notre interprétation de la typographie du Völkischer Beobachter. Dès le 25 février 1942, le New York Times fournissait une transcription de la proclamation fondée sur sa diffusion radio par une agence allemande. On y lit évidemment que «The Jews will be exterminated» («Hitler forecasts ‘Final Showdown’», New York Times, mercredi 25 février 1942, p. 8). Il y a eu une évidente volonté politique de la part des nazis, en février 1942, à faire savoir au monde entier que pour Hitler, l’extermination des Juifs est fondamentale. Nous remercions vivement l’historien Tal Bruttmann qui nous a communiqué les facsimiles du Cri du Peuple et de la Gazette de Lausanne. La proclamation d’Hitler fut évidemment imprimée dans plusieurs journaux allemands (notamment dans l’organe du NSDAP de Hanovre, le Niedersächsische Tageszeitung du 25 février 1942 où il est lu par Karl Dükerfälden, un citoyen allemand qui tenait un journal et y retranscrit, le jour même, le passage sur l’extermination des Juifs en soulignant que de telles déclarations l’inclinaient à croire les rumeurs d’assassinats par gazage qu’il avait entendues: Herbert et Sibylle Oberhausen, «Schreiben wie es wirklich war…», Aufzeichnungen Karl Dürkefäldens aus den Jahren 1933-1945, Hanovre: Fackelträger, 1985, p. 108). Elle fait l’objet d’une diffusion massive dans la population via un «poster» qui en reprend les passages principaux (notamment celui de l’extermination) figurant dans le magazine Der Schulungsbrief (vol. V, no. 5, novembre-décembre 1942, paru avec le titre «Sieg der Rassenkraft»). La proclamation est de nouveau imprimée dans un recueil des discours d’Hitler paru en 1943, sous le titre «Botschaft zum Tage der Parteigründung 24 Februar», dans In Der Grossdeutsche Freiheitskampf, Band III, Reden Adolf Hitlers vom 16. März 1941 bis 15. März 1942, München: Zentralverlag der NSDAP, 1943, p. 115-116. Le passage sur l’extermination des Juifs, est utilisé comme matériel de formation idéologique interne par les nazis en 1943, par exemple dans un livret où il apparaît sous le titre «Le Juif sera exterminé» (Der Jude wird ausgerottet werden), ce qui souligne évidemment l’importance de cette extermination (Gauschulungsamt der NSDAP Gau Osthannover, Arbeitsunterlagen für die weltanschauliche Ausrichtung der politischen Leiter des Gaues Osthannover, Heft VII, Lüneburg, 1943, p. 23). Des extraits de cette proclamation d’Hitler sont remarqués dès la fin de la guerre puisqu’ils sont signalés lors du procès de Nuremberg où ils figurent dans les documents reproduits dans les actes (Actes du Procès de Nuremberg, Procès des grands criminels de guerre devant le tribunal militaire international: Nuremberg, 14 novembre 1945 - 1er octobre 1946, tome XLI (41), p. 544). En fait, l’annonce de l’extermination des Juifs avait déjà été relevée pendant la guerre, puisqu’elle figure dans un ouvrage publié en 1943 (Hitler’s wartime speeches: an indexed selection of German quotations with English translations, Office of War Information, Bureau of Overseas Intelligence, 1943, p. 90). Ce passage ne cesse d’être cité depuis par les historiens. Par exemple, il est cité partiellement notamment par Eberhard Jäckel, Hitlers Weltanschauung, op. cit., p. 75 ou Peter Longerich, The Unwritten Order. Hitler’s Role in the Final Solution, op. cit., p. 92. 38. Eberhard Jäckel, Hitlers Weltanschauung, op. cit., p. 74-75. «Ich habe am 1. September 1939 in der damaligen Reichstagssitzung zwei Dinge ausgesprochen: […] zweitens, daß, wenn das Judentum einen internationalen Weltkrieg zur Ausrottung etwa der arischen Völker anzettelt, dann nicht die arischen Völker ausgerottet werden, sondern das Judentum. […] Die Juden haben einst auch in Deutschland über meine Prophezeiungen gelacht. Ich weiß nicht, ob sie auch heute noch lachen, oder ob ihnen das Lachen bereits vergangen ist. Ich kann aber auch jetzt nur versichern: Es wird ihnen das Lachen überhall vergehen. Und ich werde auch mit diesem Prophezeiungen recht behalten.» Nous traduisons encore «das Judentum» par «les Juifs». Voir note 20. Sur l’«erreur» de date commise par Hitler concernant sa «prophétie», voir fin de la note 30. 39. Max Domarus, Hitler. Reden und Proklamationen, 1932-1945, Löwit, 1973, vol. IV, p. 1937: «Auch eine andere Macht, die einst in Deutschland sehr gewärtig war, hat unterdes die Erfahrung gemacht, daß die nationalsozialistischen Prophezeiungen keine Phrasen sind. Es ist die Hauptmacht, der wir all das Unglück verdanken: das internationale Judentum. Sie werden sich noch der Reichstagssitzung erinnern, in der ich erklärte : Wenn das Judentum sich etwa einbildet, einen internationalen Weltkrieg zur Ausrottung der europäischen Rassen herbeiführen zu können, dann wird das Ergebnis nicht die Ausrottung der europäischen Rassen, sondern die Ausrottung des Judentums in Europa sein. Man hat mich immer als Propheten ausgelacht. Von denen, die damals lachten, lachen heute Unzählige nicht mehr, und die jetzt noch lachen, werden es vielleicht in einiger Zeit auch nicht mehr tun. Diese Erkenntnis wird sich über Europa hinaus über die ganze Welt verbreiten. Das internationale Judentum wird in seiner ganzen dämonischen Gefahr erkannt werden, dafür werden wir Nationalsozialisten Sorgen.». Version française (sauf les deux dernières phrases) dans Ian Kershaw, Hitler. 1936-1945: Némésis, Flammarion, 2000, p. 783. 40. Max Domarus, Hitler. Reden und Proklamationen, 1932-1945, Löwit, 1973, vol. IV, p. 1992: «Dieser Kampf wird deshalb auch nicht, wie man es beabsichtigt, mit der Vernichtung der arischen Menschheit, sondern mit der Ausrottung des Judentums in Europa sein Ende finden.» 41. Mémorandum de Paul Otto Schmidt; le 18 avril 1943, Geheime Reichsahe [secret d’Etat], relatif à la conversation entre le Führer et le régent hongrois Horthy au château de Klessheim le 17 avril 1943: «Wenn die Juden dort nicht arbeiten wollten, würden sie erschossen. Wenn sie nicht arbeiten könnten, müßten sie verkommen. Sie wären wie Tuberkelbazillen zu behandeln, an denen sich ein gesunder Körper anstecken könne. Das wäre nicht grausam, wenn man bedenke, daß sogar unschuldige Naturgeschöpfe wie Hasen und Rehe getötet werden müßten, damit kein Schaden entstehe.», Trial of the Major War Criminals before the International Military Tribunal, IMT, vol. XXXV, 736-D, p. 428 (version Gallica ici). Cité également dans Andreas Hillgruber (ed.), Staatsmänner und Diplomaten bei Hitler, vol.  2, Bernard & Graefe, Frankfurt am Main, 1970, p. 257. Voir également Saul Friedländer, Les Années d’Extermination. L’Allemagne nazie et les Juifs 1939-1945, Editions du Seuil, 2008, p. 598 ainsi que (citation partielle) Gerald Fleming, Hitler et la solution finale, op. cit., p. 208. Notons que Paul Otto Schmidt, interrogé, dans le cadre du procès de Nuremberg a formellement authentifié ses notes. 42. Miklós Horthy, Mémoires de l’amiral Horthy, régent de Hongrie, Paris: Hachette, 1954. Version originale hongroise de la déclaration de Hitler à Horthy: «zsidókat vagy meg kell semmisíteni, vagy koncentrációs táborba kell dugni» (Miklós Horthy, Emlékirataim, Buenos Aires: 1953, rééd. Európa Könyvkiadó, 2011, p. 281 de l’édition de 2011). Les traductions du même passage en allemand ou en anglais sont conformes à la traduction française (par exemple «Juden müssen entweder vernichtet oder ins KZ gesteckt werden», Ein Leben für Ungarn, Bonn: Athenäum-Verlag, 1953, p. 254). Il nous faut relever que dans les notes de Paul Otto Schmidt (voir note précédente), la remarque attribuée par Horthy à Hitler est attribuée à Ribbentrop («Le ministre des Affaires étrangères déclara que les Juifs devaient être, soit exterminés, soit envoyés dans les camps de concentration. Il n’y a pas d’autres solutions», en allemand, «[Ribbentrop] erklarte, daß die Juden entweder vernichtet oder in Konzentrationslager gebracht werden mußten. Eine andere Moglichkeit gabe es nicht», IMT, ibid.). 43. «Judentum muß in Europa ausgerottet werden. Was sich dem entgegenstellt, muss fallen […] Bei Juden aber kein Mitleid […] Nicht entschuldigen die die sich gegen Juden nicht verteidigen.», in Christian Gerlach et Götz Aly, Das Letzte Kapitel. Der Mord an den ungarischen Juden, Stuttgart München, DVA, 2002, p. 87-88, notamment note 271, p. 88. 44. Journal de Goebbels, 13 mai 1943 (Joseph Goebbels, Die Tagebücher von Joseph Goebbels, éd. Elke Fröhlich, Munich, 1993, partie II, vol. 8, p. 287-288). Pour le contexte et une citation (partielle) voir Ian Kershaw, Hitler. 1936-1945: Némésis, Flammarion, 2000, p. 847. Voir également Saul Friedländer, Les Années d’Extermination, Editions du Seuil, 2008, p. 589. Le passage cité est le suivant: «Die Natur ist vom Gesetz des Kampfes beherrscht. Immer wieder wird es parasitäre Erscheinungen geben, die den Kampf beschleunigen und den Ausleseprozess zwischen den Starken und den Schwachen intensivieren. […] In der Natur handelt das Leben immer gleich gegen den Parasitismus; im Dasein der Völker ist das nicht ausschließlich der Fall. Daraus resultiert eigentlich die jüdische Gefahr. Es bleibt also den modernen Völkern nichts anderes übrig, als die Juden auszurotten. Sie werden sich mit allen Mitteln gegen diesen allmählichen Vernichtungsprozess zur Wehr setzen.» 45. En partie cité par Ian Kershaw, Hitler. 1936-1945: Némésis, op. cit., p. 915. Nous citons, complétons et traduisons les parties manquantes d’après l’original allemand cité intégralement par Hans-Heinrich Wilhelm, «Hitlers Ansprache vor Generalen und Offizieren am 26. Mai 1944», Militärgeschichtliche Mitteilungen, 2, 1976, p. 155-156: «Es hat mancher nicht begriffen, warum ich gerade hier so brutal und rücksichtslos vorgegangen bin […] Indem ich den Juden entfernte, habe ich in Deutschland die Möglichkeit irgendeiner revolutionären Kernbildung oder Keimzellenbildung beseitigt. Man kann mir natürlich sagen: Ja, hätten Sie das nicht einfacher - oder nicht einfacher, denn alles andere wäre komplizierter gewesen, aber humaner lösen können? Meine Herren Offiziere, wir stehen in einem Kampf auf Leben und auf Tod. Wenn in diesem Kampf unsere Gegner siegen, würde das deutsche Volk ausgerottet werden. Der Bolschewismus würde Millionen und Millionen und Millionen unserer Intellektuellen abschlachten. Was nicht durch Genickschuß stürbe, würde abtransportiert. Die Kinder höherer Schichten würden wegkommen und beseitigt werden. Diese ganze Bestialität ist vom Juden organisiert worden. […] Wenn ich mir schon den Haß der Juden zuziehe, dann möchte ich wenigstens nicht die Vorteile eines solchen Hasses vermissen. […] der Jude hat als Programm aufgestellt die Ausrottung des deutschen Volks. Ich habe am 1. September 1939 im Deutschen Reichstag erklärt: Wenn jemand glaubt, durch einen solchen Weltkrieg die deutsche Nation auszurotten, dann irrt er sich; wenn das Judentum das wirklich arrangiert, dann wird derjenige, der ausgerottet sein wird, das Judentum.» Il est intéressant de souligner (ce que fait Kershaw) que dans ce discours, Hitler cite une nouvelle fois sa «prophétie» de 1939 et reprend sa menace: en cas de guerre ce ne serait pas la nation allemande qui serait «ausgerottet» mais la «juiverie» (Kershaw, ibid, p. 926). Etant donnée la description que Hitler vient de faire de ce que serait l’«Ausrottung» du peuple allemand, ce qu’il entend par l’«Ausrottung» des Juifs devient clair: des millions de morts, des balles dans la nuque, des déportations, l’élimination des enfants: exactement ce que les nazis ont fait subir aux Juifs d’Europe. Un passage particulièrement intéressant s’insère également ici. Hitler insiste sur le fait que les Allemands sont totalement maîtres des espaces qu’ils contrôlent et que là où ce n’est pas le cas, les Juifs persistent et s’insinuent dans toute la société. Il déclare: «L’avantage est que nous possédons une entité proprement organisée dans laquelle nul ne peut s’immiscer. Voyez, en comparaison, les autres États. Nous en avons eu un aperçu dans un État qui a suivi la route opposée: la Hongrie. L’État tout entier a été miné et corrodé, des Juifs partout, jusque dans les plus hautes sphères, des Juifs et encore des Juifs, et l’État tout entier recouvert, je dois dire, par un réseau continu d’agents et d’espions qui ne se sont abstenus de frapper que parce qu’ils craignaient qu’une attaque prématurée ne nous fasse réagir, mais ils attendaient le moment de lancer cette attaque. Je suis intervenu ici aussi, et ce problème aussi va être maintenant résolu, comme je dois le dire…: » (Kershaw, ibid.). C’est alors qu’intervient le rappel par Hitler de sa «prophétie» d’extermination des Juifs de 1939, montrant que le sort réservé aux Juifs de Hongrie est bien la mort. Hitler fait donc ici une référence explicite et publique à l’«Opération Hongrie» de transport des Juifs de Hongrie vers Auschwitz qui avait débuté dix jours plus tôt (et se poursuivrait jusqu’au 9 juillet 1944, y amenant près de 430 000 Juifs, assassinés dès leur arrivée dans leur écrasante majorité). Ian Kershaw cite ce passage mais ne relève pas vraiment cet aveu public par Hitler de l’envoi à la mort des Juifs hongrois. Dans sa biographie d’Hitler, Peter Longerich également. Seul Volker Ullrich relève cette mention publique de l’assassinat des Juifs de Hongrie par Hitler, sans toutefois citer tout le passage. (Adolf Hitler: Die Jahre des Untergangs 1939-1945, Frankfurt am Main: Fischer Verlag, 2018). La version originale est citée par Hans-Heinrich Wilhelm (ibid.): «Der Verteil besteht darin, daß wir einen sauber organisierten Volkskörper besitzen, in den kein anderer mehr hineinreden kann. Schauen Sie demgegenüber die anderen Staaten an. Wir haben einen Einblick bekommen in einen Staat, der den umgekehrten Weg gegangen ist: Ungarn. Der ganze Staat zersetzt und zerfressen, überall Juden, bis in die höchsten Stellen hinauf Juden und wieder Juden, und der ganze Staat von einem, ich muß sagen, lückenlosen Netz von Agenten und Spionen überzogen, die nur noch nicht losgeschlagen hatten, weil sie Angst hatten, daß ein vorzeitiges Losschlagen uns hineinziehen würde, aber sie lauerten auf dieses Losschlagen. Ich habe auch hier eingegriffen, und auch dieses Problem wird nun gelöst werden, wie ich überhaupt sagen muß…». Les scans des pages de la transcription originale que nous présentons ont été effectuées dans les années 1990 par le projet Nizkor sur une copie des microfilm NARA (aux National Archives américaines) réalisée par Laura Finsten. Ces fichiers ont depuis longtemps complètement disparu d’internet (ils ne figurent même pas sur archive.org), mais nous les avions sauvegardés en 1997. Enfin relevons la finesse de Hans-Heinrich Wilhelm qui énonce ce qui semble parfois encore difficile à faire entendre, à savoir qu’au moment du discours d’Hitler, «l’extermination des Juifs n'était plus un secret depuis longtemps» («[die] Judenvernichtung, die um diese Zeit längst kein Geheimhaltungsgegenstand mehr war», ibid., p. 136). 46. Ian Kershaw, Hitler. 1936-1945: Némésis, op. cit., p. 1171-1172. Citation originale en Allemand dans Eberhard Jäckel, Hitlers Weltanschauung, op. cit., p. 78 (1re édition, Tübingen:Rainer Wunderlich Verlag H. Leins, 1969, p. 85): «Ich habe aber auch keinen Zweifel darüber gelassen, daß, wenn die Völker Europas wieder nur als Aktienpakete dieser internationalen Geld- und Finanzverschwörer angesehen werden, dann auch jenes Volk mit zur Verantwortung gezogen werden wird, das der eigentlich Schuldige an diesem mörderischen Ringen ist: Das Judentum! Ich habe weiter keinen darüber im unklaren gelassen, daß dieses Mal nicht nur Millionen Kinder von Europäern der arischen Völker verhungern werden, nicht nur Millionen erwachsener Männer den Tod erleiden und nicht nur Hunderttausende an Frauen und Kindern in den Städten verbrannt und zu Tode bombardiert werden dürften, ohne daß der eigentlich Schuldige, wenn auch durch humanere Mittel, seine Schuld zu büßen hat.». Texte complet et fac-similés en ligne. On peut rapprocher cette dernière déclaration d’Hitler d’une autre, qu’il aurait faite lors d’un entretien du 13 février 1945; il aurait confié: «J’ai lutté contre les Juifs à visage découvert. Je leur ai adressé un dernier avertissement au début de la guerre. Je ne leur ai pas laissé ignorer que s’ils précipitaient de nouveau le monde dans la guerre, cette fois ils ne seraient pas épargnés, que la vermine serait définitivement exterminée en Europe. […] J’ai percé le furoncle juif comme les autres. L’avenir nous en sera éternellement reconnaissant.» («Ich habe gegen die Juden mit offenem Vieser gekämpft. Ich ihnen bei Kriegsausbruch eine letzte Warnung zukommen lassen. Ich habe sie nicht im ungewissen darüber gelassen, daß sie sollten sie die Welt von neuem in dem Krieg stürzen, diesmal nicht verschont bleiben würden — daß das Ungeziefer in Europa endgültig ausgerottet wird. […] Die jüdische Eiterbeule habe ich aufgestochen, wie die anderen. Die Zukunft wird uns ewigen Dank dafür wissen»), dans Eberhard Jäckel, Hitlers Weltanschauung, op. cit., p. 77. Mentionnons toutefois que la source de laquelle est tirée cette citation, Hitlers Politische Testament. Die Bormann-Diktate vom Februarund April 1945, Hambourg, 1981, document édité par le milliardaire proto-nazi François Genoud, ne présente pas toutes les garanties d’authenticité tant ses conditions de découverte et de publication sont rocambolesques (voir l’explication complète de Ian Kerhaw, qui ne ne prononce pas, op. cit., p. 1491-1494). Le caractère extrêmement cohérent du contenu du document par rapport aux propos antérieurs d’Hitler plaide cependant en faveur de l’authenticité du document. François Delpla, historien et biographe français d’Hitler, est par ailleurs enclin à y voir un document authentique (échange avec l’auteur, juin 2001). Pierre Péan cite le document Bormann-Genoud longuement sans en mettre en doute l’authenticité (Pierre Péan, L’extrémiste: François Genoud, de Hilter à Carlos, Le Livre de Poche, 1996, p. 193-197), tandis que l’autre biographe de Genoud, Karl Laske en mentionne le caractère douteux (Karl Laske, Le banquier noir, Seuil, 1996, p. 166-167). [mise à jour 2020: l’historien Mikael Nilsson a démontré de façon convaincante que ce document est beaucoup trop douteux pour qu’on lui accorde la moindre confiance et qu’il s’agit probablement une fabrication de Genoud. Voir son «Constructing a Pseudo-Hitler? The question of the authenticity of Hitlers politisches Testament, », European Review of History: Revue européenne d’histoire, 2019, vol. 26, no. 5. Nous avions donc raison, dès 2002, de mentionner la prudence avec laquelle il fallait considérer ce document…].

L’antisémitisme mortifère d’Hitler

Gilles Karmasyn


L’antisémitisme tient une place centrale dans l’idéologie nazie. Son principal promoteur en est Hitler lui-même. Les discours, documents, déclarations qui en illustrent le caractère fanatique sont abondants. Parmi toutes ces déclarations un certain nombre illustre l’aspect radical de cet antisémitisme: Hitler voulait se débarrasser des Juifs. L’expression de ce désir a pris dès le début de la carrière politique d’Hitler la forme d’un appel au meurtre. Au cours des premières années de son parcours politique, Hitler exprime à maintes reprises son désir de meurtre sans qu’il soit possible d’affirmer qu’il s’agissait d’un projet arrêté. Lorsque son parti gagne en audience et que lui-même cherche à gagner en respectabilité, il évite de renouveler des déclarations trop ouvertement assassines. L’arrivée de la guerre change cela et Hitler reparle de la mort des Juifs, non plus en terme de désir ou de fantasme, mais en terme de prophétie, voire de projet. À mesure qu’Hitler avance dans la guerre, ces déclarations montrent que le fantasme s’est définitivement transformé en projet, puis les déclarations qui y font référence montrent que le projet est en train de se réaliser, et enfin qu’il s’est réalisé. Hitler a «rêvé» l’extermination des Juifs avant d’oser l’envisager puis de la réaliser. Nous proposons au lecteur une liste chronologique de ses déclarations les plus caractéristiques. Elles forment évidemment un corpus et doivent être considérées ensemble et non isolées les unes des autres.

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16 septembre 1919L’élimination des Juifs en général
début 1920Le Juif, cette sangsue, doit être exterminé
6 avril 1920Même si nous devons nous allier avec le diable
31 mai 1920 Pendre ! Mettre à mort !
3 juillet 1920Combattre le Juif signifie l’éliminer
août 1920Il faut exterminer le bacille juif
8 février 1921De la haine, de la haine brûlante
24 avril 1921La force brute... faire hurler notre ennemi
1922Jusqu’à ce que le dernier Juif de Munich ait été exterminé
2 février 1922La mort pour tout Juif avec un fille blonde
18 novembre 1922Mort aux Juifs!
18 janvier 1923Quand nous aurons le pouvoir, que Dieu ait pitié de vous
8 novembre 1923Tuer tous les Juifs en une nuit serait la meilleure solution
1926Ecarter la main des Juifs de notre gorge par le glaive et dans le sang
1926Douze ou quinze mille de ces Hébreux sous les gaz empoisonnés
21 janvier 1939Les Juifs seront anéantis
30 janvier 1939L’anéantissement de la race juive en Europe
10 juillet 1941le Juif est un bacille
21 juillet 1941Les Juifs sont le fleau de l’humanité dont il faut débarrasser l’Europe
10 octobre 1941La vie exigent que des meurtres soient commis
17 octobre 1941Nous nous débarassons entièrement des Juifs
21 octobre 1941En exterminant cette peste
25 octobre 1941Nous exterminons les Juifs
28 novembre 1941L’extermination des Juifs dans les pays arabes
1er décembre 1941Les Juifs s’exposent à mourir
1er janvier 1942Le Juif sera exterminé
25 janvier 1942S’ils ne partent pas volontairement, l’extermination totale
30 janvier 1942Le résultat de cette guerre sera l’anéantissement des Juifs
14 février 1942Débarrasser l’Europe des Juifs
22 février 1942Nous aurons éliminé les Juifs
24 février 1942Le Juif sera exterminé
30 septembre 1942Les Juifs seront exterminés, l’envie de rire leur a déjà passé
8 novembre 1942L’extermination de la juiverie en Europe
24 février 1943L’extermination de la juiverie en Europe
17 avril 1943Si les Juifs ne travaillent pas, qu’ils crèvent
7 mai 1943Les Juifs doivent être exterminés en Europe
13 mai 1943Les peuples modernes n’ont d’autre solution que d’exterminer les Juifs
26 mai 1944J’ai supprimé les Juifs
29 avril 1945La Juiverie a expié

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Pages 1, 2-3 et 4 de la lettre de Hitler du 16.9.1919
Scan dernière page de la lettre de Hitler du 16 septembre 1919Scan pages 2 et 3 de la lettre de Hitler du 16 septembre 1919Scan première page de la lettre de Hitler du 16 septembre 1919

Le 16 septembre 1919, Hitler s’exprime pour la première fois sur les Juifs, dans un document écrit. Il y déclare notamment:

«L’antisémitisme fondé sur des motifs purement sentimentaux, trouvera son expression ultime sous forme de pogroms. L’antisémitisme selon la raison doit, lui, conduire au combat législatif contre les privilèges des Juifs et à l’élimination de ces privilèges... Son but ultime [celui de l’antisémitisme] doit, immuablement, être l’élimination des Juifs en général.»1



 

Quelques mois plus tard, il prend des notes en vue d’un discours. Ces notes contiennent les réflexions suivantes:

«Le Juifs qui apporte avec lui la démocratie a pour but ultime de dominer les peuples. Par conséquent, le Juif, cette sangsue, doit être exterminé (der Jude als Blutengel muß ausgerottet werden).»2



 

Lors d’une réunion du NSDAP (le parti nazi), le 6 avril 1920, Hitler déclare:

«Nous n’avons aucune intention d’être des antisémites sentimentaux désireux de susciter des pogroms mais nos cœurs sont remplis d’une détermination inexorable d’attaquer le mal à sa base et de l’extirper de sa racine à ses branches. Pour atteindre notre but, tous les moyens seront justifiés, même si nous devons nous allier avec le diable.»3



 

Lors d’un rassemblement du parti nazi le 31 mai 1920 à Munich, le journal Münchener Presse du 1er juin 1920 rapporte à propos du discours d’Hitler:

«Lorsque l’orateur lança la question, comment devait on se défendre des Juifs, des cris s’élevèrent de l’assemblée — une assemblée modèle selon le président — pour répondre: Pendre! Mettre à mort! (Totschlagen!)»4



 

Dans une lettre du 3 juillet 1920, à en tête du NSDAP, Hitler écrivait ceci au Major Konstantin Hierl:

«Le Juif en tant que ferment de décomposition (selon Mommsen) n’est pas à envisager comme individu particulier bon ou méchant, [il est] la cause absolue de l’effondrement intérieur de toutes les races, dans lesquelles il pénètre en tant que parasite. Son action est déterminée par sa race. Autant je ne peux faire reproche à un bacille de tuberculose, à cause d’un action qui, pour les hommes signifie la destruction, mais pour lui la vie, autant suis-je cependant obligé et justifié, en vue de mon existence personnelle, de mener le combat contre la tuberculose par l’extermination de ses agents. Le Juif devient et devint au travers des milliers d’années en son action une tuberculose de race des peuples. Le combattre signifie l’éliminer»5

Les thématiques du parasite et de la maladie qu’Hitler introduit (mais n’invente pas) très tôt dans sa rhétorique antisémite imprègnera en profondeur la vision du monde nazie. Prise à la lettre (ce qu’elle est déjà ici), elle sera transformée en justification de l’extermination des Juifs dans la propagande nazie, comme on le voit notamment ci-desous.



 

En août 1920, un jeune étudiant en droit munichois, Heinrich Heim, futur aide de camp de Martin Bormann, rend visite à Hitler. Il relate son entrevue dans une lettre au baron Fritz von Trützschner, le 12 août 1920. Il lui rapporte les propos qu’Hitler lui a tenus sur la « question juive ». Hitler, écrit Heim, pense que:

«Il faut exterminer le bacille, puisqu’on n’est pas capable d’immuniser le corps; tant que le Juif sera à l’œuvre, on ne réussira pas à dissocier la masse en individus raisonnables […] de façon à ce que que l’influence des Juifs ne leur soit pas funeste. Il [Hitler] considère qu’une germanisation des Juifs est exclue, à quelque degré que ce soit. L’Allemagne ne peut donc pas guérir si les Juifs nuisibles y demeurent. Or, quand il s’agit de la vie ou de la mort d’un peuple, si on ne peut s’embarrasser de la vie des frères de race aveuglés, on le peut encore moins de celle de la tribu étrangère, dangereuse et hostile»6

On relève bien ici que le motif sanitaire — les Juifs sont un bacille infectant un corps sain, dont il faut se débarrasser — induit la nécessité de les exterminer, Hitler précisant bien ici qu’il s’agit de «vie et de mort» en usant d’un raisonnement évidemment pervers: si l’on doit sacrifier les pommes pourries de la communauté du peuple allemand («les frères de race aveuglés»), il n’y a aucune raison d’épargner les Juifs inassimilables (étrangers, dangereux et hostiles).



 

Le 8 février 1921, Hitler s’exprime dans le Völkische Beobachter à propos des sentiments qu’il veut susciter chez les Allemands, envers les Juifs:

«De la haine, de la haine brûlante — c’est ce que nous voulons déverser dans les âmes de nos millions de compatriotes allemands, jusqu’à ce que s’embrase en Allemagne la flamme de colère qui nous vengera des corrupteurs de notre nation»7



 

Le 24 avril 1921, lors d’un discours, Hitler se met à crier:

«C’est la raison pour laquelle la résolution de la question juive est une question centrale pour les nationaux-socialistes. Cette question ne peut être résolue avec délicatesse; face aux armes terrifiantes de nos ennemis, nous ne pouvons la résoudre que par la force brute. La seule façon de combattre est de combattre durement. Lord Fischer l’a dit, “si vous frappez, alors frappez dur! Le seul combat sérieux est celui qui fait hurler votre ennemi.”»8



 

Le commandant à la retraite Josef Hell était journaliste durant les années vingt et au début des années trente. Il fut à cette époque le collaborateur du Dr Fritz Gerlich, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Der Gerade Weg. En 1922, Josef Hell demanda à Hitler: «Que comptez-vous faire aux Juifs, le jour où vous aurez les pleins pouvoirs?» Hitler, qui jusqu’alors avait parlé calmement et en employant des termes mesurés, subit une transformation totale, ses yeux se fixèrent dans le vide, il devint de plus en plus excité à mesure qu’il s’exprimait, en finissant par vociférer comme en transe:

«Lorsque je serai réellement au pouvoir, ma toute première tâche consistera à annihiler les Juifs. Dès que j’aurai la possibilité de le faire, je ferai construire — à la Marienplatz de Munich par exemple — autant de rangées de potences que la circulation le permettra. Puis les Juifs seront pendus sans discrimination et ils resteront pendus jusqu’à ce qu’ils puent. Ils resteront pendus tant que les principes d’hygiène le permettront. Dès qu’on les aura détachés, ce sera au tour de la prochaine fournée et ainsi de suite jusqu’à ce que le dernier Juif de Munich ait été exterminé. On agira séparément de même dans d’autres villes jusqu’à ce que l’Allemagne ait été complètement nettoyée des Juifs.»9



 

Dans un discours à Munich le 2 février 1922, Hitler demande la peine de mort pour «tout Juif pris avec une fille blonde»10.



 

Au mois de novembre 1922, Truman Smith, attaché militaire américain affecté en Allemagne, se rend en Bavière à la demande de l’ambassadeur des Etats-Unis pour enquêter sur un «nouveau groupe politique allemand à Munich, qui se fait appeler le parti national-socialiste». Après avoir rencontré diverses personnalités locales, ainsi que des cadres du Parti nazi tels qu’Alfred Rosenberg, Smith assiste, le 18 novembre 1922, à un discours de Hitler, qu’il consigne dans ses notes quotidiennes:

«Mille-deux-cents voyous parmi les plus patibulaires que j’aie jamais vus défilent devant Hitler au pas de l’oie sous le vieux drapeau du Reich, portant des brassards rouges à Hakenkreuz (swastikas). A l’issue de ce défilé, Hitler prononce un discours où il déclare que Berlin [le gouvernement républicain] a fait obstacle à leur mouvement à Regensburg [c’est à dire s’est opposé à la tenue d’une réunion de masse dans cette ville, Ratisbonne]. La semaine prochaine cependant [ajoute Hitler], les nationaux-socialistes nettoieront la ville. Il crie alors “Mort aux Juifs”, etc. et etc. Il y eut des acclamations frénétiques. Je n’ai jamais vu un tel spectacle de ma vie.»11.



 

Le 18 janvier 1923, Hitler fait un discours à Munich. Il promet:

«Il n’y a ici aucune possibilité d’accomodation: le Juif et ses complices demeureront à jamais des ennemis dans le cœur de notre peuple. Nous savons que s’ils se saisissent des commandes, nos têtes rouleront; nous savons aussi cependant que lorsque nous aurons le pouvoir entre nos mains, que Dieu ait pitié de vous!»12



 

La Veu de Catalunya du 24.11.1923, p. 5
Scan extrait page 5 La Veu de Catalunya du 24.11.1923

Dans la matinée du 8 novembre 1923, quelques heures avant le «putsch de la brasserie» de Munich, Hitler accorde un entretien aux journalistes catalans Eugeni Xammar et Josep Pla. Eugeni Xammar publie la restitution de cet entretien deux semaine plus tard dans le journal Catalan La Veu de Catalunya, le 24 novembre 1923. Hitler tient des propos très explicites, qu’il nous faut citer longuement (les mises en gras sont de nous):

«La question juive est un cancer qui ronge l’organisme national allemand. Un cancer politique et social. Heureusement, les cancers politiques et sociaux ne sont pas une maladie incurable. Ils peuvent être extirpés. Si nous voulons que l’Allemagne vive, nous devons éliminer les Juifs [question de Xammar: à coups de bâton?] Ce serait très bien, mais ils sont trop nombreux. Un pogrom est une chose formidable, mais de nos jours, il a perdu une bonne partie de son efficacité médiévale. Au Moyen-Âge, il n’y avait pas de problèmes juifs au niveau national. Il n’y avait qu’une série de problèmes locaux ou municipaux, et un pogrom constituait une méthode appropriée et suffisante pour les résoudre. Mais aujourd’hui, les choses ont changé. Que gagnerions-nous à exterminer la population juive de Munich si, dans le reste de l’Allemagne, les Juifs continuaient à être, comme ils le sont aujourd’hui, les maîtres de l’argent et de la politique? Il y a plus d’un million de juifs dans toute l’Allemagne. Que peut-on faire? Les tuer tous en une nuit? Ce serait bien sûr la meilleure solution, et si on y parvenait, l’Allemagne serait sauvée. Mais ce n’est pas possible. J’ai étudié le problème sous tous les angles: ce n’est pas possible. Le monde se retournerait contre nous, au lieu de nous remercier, comme il devrait le faire. Le monde n’a pas compris l’importance de la question juive pour la simple raison qu’il est dominé par les Juifs. Est-ce clair maintenant? La question juive est une chaîne. L’Allemagne doit briser cette chaîne si elle ne veut pas mourir. Comment? De quelle manière? Nous avons déjà vu que cela n’est pas possible avec des pogroms. Il ne reste plus que l’expulsion: l’expulsion en masse. Avec l’expulsion des Juifs il y a plus de quatre siècles […], l’Espagne a fait une affaire désastreuse. Mais pourquoi? Pouvez-vous me le dire? Les rois catholiques, laissez-moi vous le dire, n’ont pas compris le problème juif. Ils pensaient qu’il s’agissait d’un problème religieux et ont accordé aux Juifs le droit de rester en Espagne s’ils se convertissaient au catholicisme. Plus de la moitié d’entre eux se sont convertis, vous comprenez? Plus de la moitié! […] Le problème juif, sachez-le une fois pour toutes, n’est pas un problème religieux. C’est un problème de race. La moyen de résoudre ce problème est l’expulsion. Mais l’expulsion rigoureuse de tous ceux qui sont de race juive, aussi bien les pratiquants que les indifférents et les convertis.»13

Cet entretien permet de confirmer de façon claire plusieurs points que d’autres déclarations d’Hitler à la même période laissent entrevoir: il y a bien chez lui un imaginaire, un désir/aspiration/fantasme de meurtre de masse, bel et bien génocidaire qui concerne la totalité des Juifs d'Allemagne (l’Europe n’est évidemment pas encore un horizon pour Hitler en 1923), pour des motifs clairement raciaux (accompagnés de la métaphore sanitaire du cancer). Ce désir génocidaire est obsessionnel: Hitler souligne qu’il a «étudié le problème sous tous les angles». Enfin Hitler se veut (ou veut apparaître, mais l’un n’empêche pas l’autre) pragmatique. Ce n’est pas le principe même qui le fait reculer ou rejeter à cette époque un tel scénario, c’est son efficacité et sa faisabilité: le massacre ne peut être local, il devrait être global et Hitler réfléchit (déjà) — et peut prendre en considération — les réactions au niveau international14. Cette dimension pragmatique d’Hitler est d’ailleurs bien connue et étudiée pour des périodes plus tardives mais n’avait pas été mise en lumière aussi tôt, à notre connaissance, même si elle apparaît en filigranes dès la lettre de Hitler à Gemlich du 16 septembre 1919 (citée plus haut). Enfin, constatons que cette aspiration à une violence génocidaire (déclarée comme réfrénée pour des raisons pratiques) travaille Hitler au moment même où il s'apprête à commettre le putsch qui aurait dû le conduire à prendre le pouvoir en Bavière, et qui sait, en Allemagne.



 

A propos du moyen par lesquels les peuples peuvent se libérer du «mal juif» on peut lire dans Mein Kampf (publié en 1926):

«C’est maintenant l’inexorable Juif cosmopolite qui combat pour la domination des autres peuples. Aucun d’eux ne peut écarter cette main [celle des Juifs] de sa gorge autrement que par le glaive. Seule, la force rassemblée et concentrée d’une passion nationale peut, d’un sursaut, braver les menées internationales qui tendent à réduire les peuples en esclavage. Mais un tel geste ne saurait aller sans effusion de sang»15.



 

Toujours dans Mein Kampf, Hitler a clairement exprimé ce qui aurait justifié le «sacrifice» de millions d’Allemands, voire aurait pu en sauver certains:

«Si l’on avait, au début et au cours de la guerre, tenu une seule fois douze ou quinze mille de ces Hébreux corrupteurs du peuple sous les gaz empoisonnés que des centaines de milliers de nos meilleurs travailleurs allemands de toute origine et de toutes professions ont dû endurer sur le front, le sacrifice de millions d’hommes n’eût pas été vain. Au contraire, si l’on s’était débarrassé à temps de ces quelques douze mille coquins, on aurait peut-être sauvé l’existence d’un million de bons et braves Allemands pleins d’avenir»16.



   

Le 21 janvier 1939, Hitler s’adressa, avec Ribbentrop, au ministre des Affaires étrangères tchécoslovaque František Chvalkovský, qu’il avait convoqué à Berlin. Les propos d’Hitler ont été rapportés:

«Chez nous, les Juifs seront anéantis. Ils n’auront pas, en toute impunité, manigancé le 9 novembre 1918. Ce jour sera vengé.»17

Les propos de Hitler furent en fait encore plus violents. Quelques jours après son entretien avec Hitler et Ribbentrop, František Chvalkovský les rapporte à son concitoyen et collègue, le poète Camill Hoffmann, attaché de presse à l’ambassade de Tchécoslovaquie à Berlin. Ce dernier a immédiatement noté dans son journal les paroles que Chvalkovský lui avait rapportées. Camill Hoffmann note que Hitler et Ribbentrop ont parlé de:

«la nécessité d’exterminer les Juifs ([die] Notwendigkeit der Ausrottung der Juden)»18

František Chvalkovský a été tellement marqué par ce qu’il a entendu qu’il en fit également le récit, à son retour à Prague, à Leopold Victor de Lacroix, l’ambassadeur de France en poste en Tchécoslovaquie. Bien qu’édulcoré (prudence diplomatique oblige) par rapport à la franchise du récit fait à Camill Hoffmann, ce récit rapporté dès le 7 février 1939, le jour même de l’entretien, par de Lacroix à Georges Bonnet, alors ministre des affaires étrangères du gouvernement français, est édifiant. De Lacroix écrit:

«Ce qui l’a [Chvalkovský], semble-t-il, le plus frappé, c’est l’importance qu’attachent M. Hitler et M. de Ribbentrop à la question juive, ceci sans aucune commune mesure avec l’importance donnée aux autres sujets qui ont été abordés. Le Ministre des Affaires Étrangères du Reich comme le Chancelier auraient tous deux déclaré avec force qu’il n’était pas possible de donner la garantie allemande à un État qui n’élimine pas les Israélites […] Il faut supprimer cette vermine [auraient déclaré les deux hommes d’État].»19



   

Le 30 janvier 1939, Hitler déclare dans un discours au Reichstag:

«Aujourd’hui, je serai encore un prophète: si la finance juive internationale en Europe et hors d’Europe devait parvenir encore une fois à précipiter les peuples dans une guerre mondiale, alors le résultat ne serait pas la Bolchevisation du monde, donc la victoire de la juiverie, au contraire, ce serait l’anéantissement de la race juive en Europe.»20



 

Le diplomate Walther Hewel était un ami proche de Hitler. Il se suicida peu après lui en 1945. Souvent aux côtés de Hitler, il tenait un journal où il consignait notamment les déclarations de ce dernier à son cercle le plus proche. Il note ainsi que le soir du 10 juillet 1941, Hitler déclarait:

«Je me considère comme le Robert Koch de la politique. Il a découvert le bacille [de la tuberculose] et ouvert de nouvelles voies à la médecine. Moi, j’ai découvert que le Juif est un bacille et le ferment de toute décomposition sociale.»21

Le recours à l’imagerie sanitaire (bacille) et la classique (tant chez Hitler que chez Himmler ou d’autres) référence à Koch et à la tuberculose marquent le caractère radicalement nuisible des Juifs aux yeux des nazis. Ils font ici référence plus ou moins implicitement à une déclaration antisémite de Paul de Lagarde qui disait au XIXe siècle que les Juifs étaient un bacille avec lequel nulle composition n’était possible et dont seule l’extermination assurait d’en être débarrassé.



 

Les 21 et 22 juillet 1941, Hitler reçoit le Ministre croate de la Défense, le Maréchal Slavko Kvaternik à la Wolfsschanze (quartier général d’Adolf Hitler). Il lui déclare:

«Les Juifs sont le fléau de l’humanité […] Si les Juifs avaient la voie libre comme ils l’ont au paradis soviétique, ils exécuteraient les plans les plus terribles. C’est ainsi que la Russie est devenue un foyer pestilentiel pour l’Humanité. Qu’un seul État, pour quelque raison que ce soit, tolère une seule famille juive en son sein, alors cela constituera une source de bacilles génératrice d’une nouvelle infection. Lorsqu’il n’y aura plus de Juifs en Europe, plus rien ne s’opposera à l’unification des nations européennes. Peu importe que les Juifs soient envoyés en Sibérie ou à Madagascar, [J’]imposera[i] cette exigence à chaque État.»22

On retrouve dans cette déclaration un ensemble de caractéristiques intéressantes. Hitler martèle la comparaison sanitaire des Juifs avec des agents contagieux dont il faut extirper jusqu’à la dernière famille. Il explicite qu’il entend débarrasser l’Europe des Juifs et imposer ce choix à tous les pays, amis ou ennemis. L’indifférence rhétorique, et hypocrite, d’Hitler sur une prétendue «destination» des Juifs sert à peine à camoufler qu’il s’agit d’un projet génocidaire: en juillet 1941, l’option Madagascar n’était depuis longtemps plus réalisable et Hitler le savait. L’évocation de la Sibérie n’est qu’une façon d’exprimer qu’il souhaite bien envoyer tous les Juifs d’Europe à la mort (même si le moyen n’est évidemment pas encore fixé à cette époque). La juxtaposition de l’aspect mondial de la «menace» juive aux yeux d’Hitler et de son caractère sanitaire (Juifs bacilles, peste, etc.) ne peut être interprétée autrement que par une aspiration à une mort collective.



 

Le 10 octobre 1941, Hitler déclarait:

«Les lois de la vie exigent que des meurtres soient commis de façon ininterrompue afin que les meilleurs vivent»23



 

Le 17 octobre 1941, Hitler se laissait aller devant Fritz Sauckel et Fritz Todt à des considérations sur la germanisation des territoires de l’Est. Il leur déclare notamment:

«Des Juifs destructeurs, nous nous débarrassons complètement […] Je procède en cette affaire de façon glacée. Je me sens seulement comme l’exécuteur d’une volonté historique.»24



 

Le 21 octobre 1941, Hitler se lança devant des proches, une fois de plus, dans dans une diatribe contre les Juifs particulièrement violente. Il la conclut en assennant:

«En exterminant cette peste, nous rendrons à l’humanité un service dont nos soldats ne peuvent avoir la moindre idée.»25



 

Le 25 octobre 1941, au cours d’une rencontre avec Heydrich et Himmler, de retour de Moghilev, il déclare, après avoir rappelé sa «prophétie» de 1939 et accusé les Juifs des vies perdues pendant la guerre:

«Il est bon que la terreur nous précède du fait que nous exterminons les Juifs […] Nous écrivons de nouveau l’histoire, d’un point de vue racial.»26



   

Le 28 novembre 1941, Hitler rencontre le grand Mufti de Jérusalem, Haj Amin Husseini. Les notes sur cette rencontre sont prises par le Dr. Paul Otto Schmidt. Dans son compte-rendu, Schmidt rapporte les propos de Hitler au Mufti. Hitler expose certains projets stratégiques au Mufti, notamment, celui d’atteindre la porte sud du Caucase. Schmidt note alors ce qui suit:

«Dès que cette percée sera faite, le Führer annoncera personnellement au monde arabe que l’heure de la libération a sonné. Après quoi, le seul objectif de l’Allemagne restant dans la région se limitera à l’extermination des Juifs vivant sous la protection britannique dans les pays arabes.»27



 

Le 1er décembre 1941, Hitler déclare à un cercle d’amis:

«Beaucoup de Juifs n’ont pas été, non plus, conscients du caractère destructeur de leur existence. Mais celui qui détruit la vie s’expose lui-même à mourir et les Juifs ne feront pas exception à la règle. Qui doit-on blâmer, le chat ou la souris, si le chat mange la souris ?»28



 

Le 1er janvier 1942, Hitler à l’occasion de ses vœux de nouvel an, déclare:

«Mais le Juif n’exterminera pas les peuples européens, c’est lui qui sera la victime de sa propre machination.»29



 

En octobre 1941, le régime nazi interdisait toute émigration aux Juifs de l’ensemble des territoires qu’il contrôlait30. Hitler qui le savait parfaitement déclarait avec cynisme à un cercle de proches, dont Himmler, le 25 janvier 1942:

«Le Juif doit partir d’Europe. […] Je dis seulement qu’il doit dégager. S’il crève en route, je n’y peux rien. Je vois seulement une chose: s’ils ne partent pas volontairement, l’extermination totale.»31

En disant cela à Himmler, l’auteur même du décret d’interdiction d’émigration, Hitler savait parfaitement que le départ, même volontaire, des Juifs était impossible, interdit, et qu’il ne demeurait donc, c’était l’objectif, qu’un seul terme de son alternative, l’extermination.



 

Dans un discours prononcé au Sportpalast de Berlin le 30 janvier 1942, Hitler déclare:

«Que cela soit bien clair: la guerre ne peut s’achever que de deux façons, soit par l’extermination (Ausrottung) des peuples aryens, soit par la disparition des Juifs d’Europe. Le 1er septembre 1939, j’ai déjà dit au Reichstag allemand, et je me garde de toute prophétie précipitée, que cette guerre ne tournera pas comme les Juifs se l’imaginent, à savoir que les peuples européens seront exterminés (ausgerottet), mais au contraire, que le résultat de cette guerre sera l’anéantissement (Vernichtung) des Juifs.»32

Ce discours est non seulement public, il est diffusé à la radio et imprimé dans son intégralité dans les journaux dès le lendemain puis réimprimé dans un recueil de discours d’Hitler dès 1942. Ces journaux ne manquent d’ailleurs pas de mentionner les «tonnerres d’appaudissements» (Beifallstürm) qui ponctuent cette diatribe, notamment durant et à la fin du passage cité ci-dessus33. Hitler poursuit et précise:

«Pour la première fois, ce ne sont pas d’autres peuples qui seront saignées à mort (verbluten), mais cette fois-ci, pour la première fois, sera appliquée la vieille loi juive: œil pour œil, dent pour dent […] Et l’heure viendra où le plus infâme ennemi de l’humanité de tous les temps aura fini son rôle pour au moins un millénaire.»34

Le sens des paroles hitlériennes est claire: le sang versé par les soldats allemands (mentionné par ailleurs dans le discours) doit être expié par les Juifs. Ce sont bien ces derniers qui seront «saignés à mort» de façon définitive.



 

Le 14 février 1942, Hitler s’entretient avec Goebbels. Ce dernier note dans son journal les propos que Hitler lui a tenus:

«[Hitler est déterminé] à être tout à fait impitoyable afin de débarrasser l’Europe des Juifs. […] Les Juifs ont complètement mérité la catastrophe qui les frappe aujourd’hui. Ils subiront leur propre anéantissement en même temps que l’anéantissement de nos ennemis. Nous devons accélérer ce processus avec une froide cruauté, et ce faisant, nous rendront un service inestimable à l’humanité souffrante qui a été torturée par les Juifs pendant des milliers d’années.»35



 

Le 22 février 1942, Hitler confiait à un cercle de proches:

«Le Juif sera identifié! Nous devons livrer la même bataille que Pasteur et Koch. D’innombrables maladies trouvent leur origine dans un seul bacille: le Juif! Le Japon les aurait aussi attrapée s’il était resté plus longtemps ouvert aux Juifs. Nous irons bien quand nous aurons éliminé les Juifs.»36



 

Völkischer Beobachter du 25.2.1942, p. 2 entière et détail
Scan extrait page 2 Völkischer Beobachter 25.2.1942Scan pages 2 entière du Völkischer Beobachter 25.2.1942

Le 24 février 1942, à l’occasion du 22e anniversaire de la fondation du parti nazi, Hitler fait lire une proclamation à l’Hofbräuhaus de Munich, laquelle est intégralement reprise le lendemain dans le journal du parti nazi, le Völkischer Beobachter. On y trouve notamment ceci:

«Ma prophétie s’accomplira: ce n’est pas l’humanité aryenne qui sera anéantie par cette guerre, mais c’est bien le Juif qui sera exterminé. Quel que soit le résultat de cette lutte ou sa durée, ce sera son résultat final. Et alors seulement, après l’élimination de ces parasites, le monde souffrant connaîtra une longue période de compréhension entre les peuples et donc de paix véritable.»37

Il convient de remarquer que Hitler envisage ici implicitement une issue non victorieuse de la guerre pour l’Allemagne («Quel que soit le résultat»…) mais que dans tous les cas, il y aura extermination des Juifs. C’est presque comme de dire que la priorité n’est pas, avant tout, de gagner la guerre, mais bien, avant tout, d’exterminer les Juifs. Cette proclamation publique, imprimée officiellement, diffusée massivement à l’étranger notamment en France, a bien pour vocation de faire connaître au monde entier cette implacable volonté d’Hitler d’en finir avec les Juifs.



 

Le 30 septembre 1942, c’est encore au Sporpalast de Berlin qu’Hitler déclare:

«J’ai dit deux choses lors de la séance du Reichstag du 1er septembre 1939: […] deuxièmement, que si les Juifs trament une guerre mondiale internationale pour anéantir, disons, les peuples aryens, alors ce ne sont pas les peuples aryens qui seront exterminés, mais les Juifs. […] Naguère, en Allemagne, les Juifs ont ri de ma prophétie. J’ignore s’ils rient encore aujourd’hui, ou si l’envie de rire leur a déjà passé. Mais à présent, je ne peux aussi qu’assurer: partout, l’envie de rire leur passera. Et avec cette prophétie, c’est moi qui aurai le dernier mot.»38



 

Le 8 novembre 1942, dans un discours à la «vieille garde» du parti nazi, Hitler, après avoir clairement dit qu’il excluait tout compromis et toute offre de paix avec les ennemis extérieurs, invoque de nouveau sa «prophétie» en ces termes:

«Une autre force, jadis très présente en Allemagne, a entre-temps appris que les prophéties national-socialistes en sont pas des paroles vaines. C’est la principale puissance que nous devons remercier de toutes les infortunes: la juiverie internationale. Vous vous souvenez encore de la réunion du Reichstag dans laquelle j’ai déclaré: “Si la juiverie croit d’une manière ou d’une autre pouvoir provoquer une guerre mondiale internationale pour exterminer (Ausrottung) les races européennes, il en résultera non pas l’extermination (Ausrottung) des races européennes, mais l’extermination de la juiverie en Europe (Ausrottung des Judentums in Europa)”. On s’est toujours moqué de mes prophéties. De tous ceux qui riaient alors, beaucoup ne rien plus aujourd’hui. Et ceux qui rient encore aujourd’hui cesseront peut-être eux aussi de le faire d’ici peu […] Nous autres nazis devons faire en sorte que la menace absolument démoniaque de la juiverie internationale soit reconnue.»39



 

Le 24 février 1943, à l’occasion du 23e anniversaire de la fondation du parti nazi, Hitler fait lire un texte. Il y déclare:

«Ce combat ne s’achèvera pas par l’anéantissement planifié de l’humanité aryenne, mais par l’extermination de la juiverie en Europe.»40



 

Le 17 avril 1943, Hitler a une entrevue avec le régent Hongrois, Miklós Horthy. Les propos qu’il tient à Horthy ont été consignés par le le Dr. Paul Otto Schmidt:

«Si les Juifs ne voulaient pas travailler, ils étaient abattus. S’ils ne pouvaient pas travailler, ils devaient crever. Il fallait traiter les Juifs comme des bacilles tuberculeux susceptibles de contaminer un corps sain. Cela n’était pas cruel, si l’on considérait que des créatures aussi innocentes par nature que des lapins ou des chevreuils devaient être tuées pour éviter que des catastrophes ne surgissent.»41

Miklós Horthy rédige ses mémoires moins de dix ans plus tard. Voici comment il résume la sortie qu’Hitler lui fait sur les Juifs:

«Hitler se mit alors à me donner des leçons sur le problème juif et s’exclama : Les juifs doivent être, ou anéantis, ou enfermés dans des camps de concentration.»42



 

Le 7 mai 1943, Hitler fait un discours devant de hauts responsables du parti nazi, des Reichsleiter et des Gauleiter. Herbert Backe, secrétaire d’état à l’approvisionnement, à peine revenu d’un voyage en Italie, assiste à ce discours. Il prend des notes pendant le discours d’Hitler, sur les papiers même de son voyage, dont une partie sur un menu italien, et rapporte les paroles tenues sur les Juifs. Herbert Backe cite Hitler qui déclare:

«Les Juifs doivent être exterminés en Europe. Il faut abattre tout ce qui s’y oppose. […] Pour les Juifs, pas de pitié. […] Pas d’excuse pour ceux qui ne se défendent pas contre les Juifs.»43



 

Toujours en mai 1943, Hitler déclare à Goebbels, qui le note dans son journal:

«La nature est régie par la loi de la lutte. Il y aura toujours des formes d’existence parasitaires pour accélérer le combat et intensifier le processus de sélection entre les forts et les faibles. […] Dans la nature, la vie travaille toujours immédiatement contre les parasites; dans l’existence des peuples ce n’est pas exclusivement le cas. De là vient le danger juif. Les peuples modernes n’ont donc d’autre solution que d’exterminer les Juifs.»44



 

Pages de titre et 51 à 53 de la transcription officielle (secret d’État) du discours d’Hitler du 26 mai 1944
Scan dernière page de la lettre de Hitler du 16 septembre 1919Scan pages 2 et 3 de la lettre de Hitler du 16 septembre 1919Scan première page de la lettre de Hitler du 16 septembre 1919Scan première page de la lettre de Hitler du 16 septembre 1919Scan première page de la lettre de Hitler du 16 septembre 1919

Le 26 mai 1944, Hitler prononçait un discours au Platterhof, la maison d'hôtes de l’Obersalzberg, devant des généraux et des officiers supérieurs. Hitler y glose sur «la vie […] n’est qu’intolérance perpétuelle» que la nature «détruit tout ce qui est incapable de vivre», y parle des Juifs comme d’un «corps étranger» qu’il avait été essentiel de chasser même si tout le monde n’avait pas compris pourquoi il devait procéder «de manière aussi brutale et implacable». Il en arrive au point clé de son discours (on se souviendra qu’Hitler réserve à ses «adversaires» le sort même qui serait réservé aux Allemands, prétend-t-il, si ces «adversaires» étaient victorieux):

«Certains n'ont pas compris pourquoi j'ai agi [contre les Juifs] de manière si brutale et impitoyable […] En supprimant les Juifs, j’ai éliminé en Allemagne la possibilité de créer une sorte de cœur ou de noyau révolutionnaire. Naturellement, vous pourriez dire: d’accord, mais pourquoi ne pas l’avoir fait plus simplement, ou non pas plus simplement, puisque tout le reste eut été plus compliqué, mais avec plus d’humanité? Messieurs, nous sommes engagés dans un combat à mort. Si nos adversaires sortaient victorieux de ce combat, le peuple allemand serait éradiqué. Le bolchevisme massacrerait des millions, des millions et des millions de nos intellectuels. Qui échapperait à une balle dans la nuque serait déporté. Les enfants des classes supérieures seraient enlévés et éliminés. Toute cette bestialité a été organisée par les Juifs. […] Si je dois m’attirer la haine des Juifs, au moins je ne veux pas perdre les avantages d’une telle haine. […] Le Juif a conçu un programme d’extermination du peuple allemand. Le 1er septembre 1939, j’ai déclaré au Reichstag: si quelqu’un croit qu’une telle guerre mondiale va exterminer la nation allemande, il se trompe; si la Juiverie organise vraiment cela, alors c’est la Juiverie qui sera exterminée.»45

L’auditoire de militaires hauts gradés applaudit ou approuve bruyamment à plusieurs reprises pendant ces passages du discours d’Hitler.



 

En 1945, la défaite était consommée. Hitler avait voulu et poursuivi la guerre. Il l’avait perdue. Mais à ses yeux, tout n’aurait pas été vain. Dans son «testament politique» dicté la veille de son suicide le 29 avril 1945, il déclarait:

«Je n’ai laissé subsister aucun doute. Si les nations européennes doivent être à nouveau considérées comme de simples paquets d’actions de ces conspirateurs monétaires et financiers internationaux; alors cette race, qui est réellement coupable de ce combat meurtrier, sera elle aussi appelée à rendre des comptes: la juiverie! Je n’ai pas non plus dissimulé que cette fois des millions dhommes adultes n’iraient pas au devant de la mort, et des centaines de milliers de femmes et d’enfants ne périraient pas brûlés et écrasés sous les bombes dans les villes sans que le véritable fautif doive expier sa culpabilité, fût-ce par des moyens plus humains.»46


Il existe de nombreuses autres citations et documents contemporains de même nature par d’autres dignitaires nazis, ou par des témoins ou participants de l’extermination des Juifs. Nous donnons quelques exemples de tels déclarations ici:
http://phdn.org/histgen/documents/nazisdoc.html

Par ailleurs, quelques exemples de la volonté d’extermination nazis, notamment d’autres déclarations mortifères, sont données ici: http://phdn.org/histgen/documents/volonte.html


Notes

1. Lettre de Adolf Hitler à Adolf Gemlich, 16 septembre 1919, dans Hitler, Sämtliche Aufzeichnungen 1905-1924, édité par Eberhard Jäckel et Axel Kuhn, Stuttgart 1980, Doc 61, p. 88 et suiv., cité par G. Miedzianagora et G. Jofer, Objectif extermination, Frison Roche Edition, 1994, p. 13. Original: «Der Antisemitismus aus rein gefühlsmäßigen Gründen wird seinen letzten Ausdruck finden in der Form von Progromen [sic]. Der Antisemitismus der Vernunft jedoch muß führen zur planmäßigen gesetzlichen Bekämpfung und Beseitigung der Vorrechte des Juden, die er nur zum Unterschied der anderen zwischen uns lebenden Fremden besitzt (Fremdengesetzgebung). Sein letztes Ziel aber muß unverrückbar die Entfernung der Juden überhaupt sein». Dans la dernière phrase, nous avons traduit «Entfernung» par «élimination». Il ne s’agit pas nécessairement d’une élimination qui signifie le meurtre. De façon rigoureuse, «Entfernung» désigne le fait de «se débarrasser de». On rend ce sens en français par «suppression» ou «éloignement» qui restituent très mal le caractère potentiellement meurtrier du mot, mais aussi «élimination», plus approprié. Si, dans ce texte de 1919, on ne peut avoir l’assurance que l’«Entfernung» des Juifs signifie pour Hitler leur élimination physique, on a au moins un exemple précoce où Hitler utilise le verbe «entfernen» dans le même sens que «vernichten», à savoir «annihiler», «anéantir». Dans une lettre à un sympathisant datée du 3 juillet 1920, Hitler écrit: «Je ne peux reprocher au bacille de la tuberculose d’agir d’une façon qui signifie la destruction d’êtres humains mais la vie pour le bacille lui-même; je n’en suis pas moins obligé et justifié de conduire une bataille contre la tuberculose en annihilant (vernichten) sa cause, parce que mon existence en dépend. Depuis des milliers d’années, le Juif est devenu une tuberculose raciale qui affecte de nombreux peuples. Le combattre signifie l’éliminer (entfernen).» (lettre d’Hitler à Konstantin Hierl, Hitler, Sämtliche Aufzeichnungen 1905-1924, édités par Eberhard Jäckel et Axel Kuhn, Stuttgart 1980, cité par Peter Longerich, The Unwritten Order. Hitler’s Role in the Final Solution, Tempus, 2001, p. 22). De nouveau, le 24 février 1924, dans un discours public à l’Hofbräuhaus à Munich, Hitler désigne les Juifs comme des «parasites» qu’il est nécessaire d’entfernen («On ne peut pas rivaliser avec des parasites, on doit les éliminer», notre traduction d’après l’original en allemand: «Man kann mit Parasiten nicht in Wettbewerb treten, sondern man muß sie entfernen», cité dans Institut für Zeitgeschichte, Hitler. Reden, Schriften, Anordnungen. Februar 1925 bis Januar 1933, 6 tomes en 13 volumes, Munich, 1992-2003, ici Band II, Teil. 1, doc. 235, p. 674). Ce passage suit immédiatement un autre qui voit Hitler déclarer que si le Juif «se comporte correctement» («führt er sich gut auf»), il peut rester («kann er bleiben», ibid.). Il y a donc chez Hitler incohérence ou tension dans ses déclarations et certainement pas de projet d’extermination arrêté à cette époque, même si l’utilisation répétée de concepts sanitaires (bacilles, parasites) associés à leur entfernung démontre à quel point le fantasme d’élimination physique travaille Hitler.

Le journaliste allemand Sebastian Haffner, auteur d’une étude toujours appréciée sur Hitler (Un certain Adolf Hitler, Paris: Grasset, 1979, réédité en 2014 sous le titre Considérations sur Hitler, Paris: Perrin, titre plus conforme à l’original, Anmerkungen zu Hitler, München: Kindler, cop. 1978) a relevé très explicitement cette polysémie pour souligner quel sens il fallait, selon lui, donner à entfernen. Sebastian Haffner écrit que pour Hitler:«[die Juden] müssen weg, ganz weg, aus der Welt, nicht etwa nur aus Deutschland; sie müssen „entfernt” werden, aber nicht wie ein Möbelstück, das man entfernt, indem man es anderswohin schafft, sondern wie ein Fleck, den man entfernt, indem man ihn auslöscht.», ce que la version française rend par: «[les Juifs] doivent s’en aller – tout à fait: quitter ce monde, pas seulement l’Allemagne. Il faut les “éloigner”, non pas comme on éloigne un meuble en le reléguant ailleurs, mais plutôt comme une tache que l’on efface». Cela confirme évidemment le sens que nous proposons de éliminer, faire disparaître.

Himmler a également utilisé le verbe «entfernen» à l’occasion d’une comparaison entre les Juifs et les poux, d’une façon qui ne laisse planer aucun doute sur ce que l’«Entfernung» des Juifs pouvait signifier à ses yeux. Le 24 avril 1943, Himmler s’exprimait devant des SS et leur tenait le discours suivant: «Il en va de l’antisémitisme comme de l’épouillage. éliminer les poux ne relève pas d’une conception du monde (Es ist keine Weltanschauungsfrage, daß man die Laüse entfernt). C’est une question de propreté. De la même manière exactement, l’antisémitisme n’a pas été pour nous une question de conception du monde, mais une question de propreté qui sera bientôt réglée. Nous n’aurons bientôt plus de poux.» (Bradley F. Smith et Agnes F. Peterson, Heinrich Himmler Geheimreden 1933 bis 1945, Propylaën Verlag, 1974, p. 200-201). La métaphore des poux donne son sens à «entfernen»: on n’«éloigne» pas les poux, on les élimine. Physiquement. Enfin, il faut rappeler que dans un discours du 26 mai 1944 (voir citation complète à cette date et note 43), Hitler déclare avoir «entfernte» les Juifs, dans un contexte qui ne laisse planer aucune ambiguïté sur le fait, qu’à cette occasion, cette «élimination» signifie l’assassinat collectif. On ne prétendra pas que l’utilisation hitlérienne de 1919 signifie nécessairement une élimination physique, mais elle porte en elle cette possibilité. On remarquera en complément que le troisième chapitre de l’ouvrage d’Eberhard Jäckel, Hitlers Weltanschauung (Deutsches Verlag-Anstalt, 1991), est intitulé «Die Entfernung der Juden», traduit dans l’édition française (Hitler Idéologue, Gallimard, Tel, 1995) par «L’élimination des Juifs». Notons que le document est connu depuis longtemps puisqu’il est déjà cité in extenso en 1959 par Ernst Deuerlein, «Hitlers Eintritt in die Politik und die Reichswehr», Vierteljahrshefte für Zeitgeschichte, avril 1959, vol. 7, no. 2, notamment p. 205, qui mentionne la même source que Eberhard Jäckel et Axel Kuhn (HStA München. Abt. II. Gruppen Kdo. 4. Bd. 50/8. Abschrift). L’intégralité de la lettre est disponible en ligne:
http://germanhistorydocs.ghi-dc.org/sub_document.cfm?document_id=3909&startrow=1&language=german. Une traduction complète en français réalisée par Jean-Michel Crosnier, également fournie avec sa version originale en allemand et une présentation du contexte historique, est disponible sur le site Clio-Texte: https://clio-texte.clionautes.org/lettre-a-gemlich-premier-ecrit-antisemite-hitler-1919.html. Une traduction en anglais est également disponible en ligne:
http://germanhistorydocs.ghi-dc.org/sub_document.cfm?document_id=3909&language=english

2. Fac-similé des notes prises par Hitler dans Werner Maser, Hitlers Briefe und Notizen. Sein Weltbild in handschriftlichen Dokumenten, Stocker, 2002, p. 238. Transcription en allemand, ibid., p. 239. Nous reprenons la traduction proposée par Pierre-André Taguieff, La Judéophobie des Modernes. Des Lumières au Jihad mondial, Odile Jacob, 2008, p. 224.

3. Hitler, Sämtliche Aufzeichnungen 1905-1924, op. cit., doc. 91, cité par Peter Longerich, The Unwritten Order. Hitler’s Role in the Final Solution, Tempus, 2001, p. 21. Original: «Wir wollen keine Gefühlsantisemiten sein, die Pogromstimmung erzeugen wollen, sondern es beseelt uns die unerbittliche Entschlossenheit, das Übel an der Wurzel zu packen und mit Stumpf und Stiel auszurotten. Um unser Ziel zu erreichen, muß uns jedes Mittel recht sein, selbst wenn wir uns mit dem Teufel verbinden müßten.» (rapport de Police, PND-Bericht masch., StA München, Pol.Dir.Mü. 6698, Blt 77f., vormals HStA, München, Abt. I, sonderabgabe 1 1478, cité dans Hitler, Sämtliche Aufzeichnungen 1905-1924, op. cit., p. 119-120). La transcription — il s’agit d’un compte-rendu de la police présente à la réunion — mentionne les applaudissements (Beifall) qui ponctuent cette déclaration. Hitler la faisait précéder de l’énumération de poncifs antisémites comme celui, diffamatoire et mensonger qui faisait des Juifs allemand des «planqués» (de nombreuses études ont montré que non seulement les Juifs étaient engagés significativement, mais qu’ils sont morts dans la même proportion que les non juifs. La première guerre mondiale a donc vu des Juifs français et des Juifs allemands se tirer dessus et se tuer car ils se sentaient avant tout des membres de leur patrie respective). Hitler déclare, après avoir mentionné (voir ci-après) son propre passé militaire, que «dans [mon] régiment on pouvait compter les Juifs sur les doigts d’une main» («die Juden bei seinem Regiment kann er an den 5 Fingern aufzählen», ibid., p. 119). On peut également remarquer que Hitler ment en se présentant comme «simple homme de troupe qui a passé quatre ans et demi […] en première ligne» («Er war selbst als einfacher Mann 4 1/2 Jahre beim 16. R[eserve] I[nfanterie] R[egiment] an der vordersten Front», ibid., p. 119). En effet, Hitler, estafette avec le grade de caporal, est loin d’avoir passé plus de quatre ans au front, même s’il fut exposé régulièrement au feu (mais pas comme combattant). Il passa la moitié de la guerre au QG de son régiment à Fournes-en-Weppes (loin derrière le front).

4. Hitler, Sämtliche Aufzeichnungen 1905-1924, op. cit., Doc 103, p. 139, cité par G. Miedzianagora et G. Jofer, op. cit., p. 13. Original: «Als der Redner die Frage aufwarf, wie man sich der Juden erwehren solle, gaben Zurufe aus der Versammlung – eine Musterversammlung nannte sie der Vorsitzende – die Antwort: Aufhängen! Totschlagen!»

5. Hitler, Sämtliche Aufzeichnungen 1905-1924, op. cit., Doc 116, p. 156, cité par G. Miedzianagora et G. Jofer, Objectif extermination, op. cit., p. 14. Il s’agit de la même lettre que celle citée dans la note 1, mais dans une traduction un peu différente. Original en allemand: «Der Jude ist als Ferment der Dekomposition (nach Mommsen) losgelöst von gut oder böse des einzelnen Ursache des inneren Zusammenbruchs aller Rassen überhaupt, in die er als Parasit eindringt. Seine Tätigkeit ist Zweckbestimmung seiner Rasse. Sowenig ich einer Tuberkelbazille einen Vorwurf machen kann einer Tätigkeit wegen, die für den Menschen Zerstörung bedeutet, für sie aber Leben heißt, so sehr bin ich aber auch gezwungen und berechtigt, um meiner persönlichen Existenz willen den Kampf gegen die Tuberkulose zu führen durch Vernichtung ihrer Erreger. Der Jude aber wird und wurde durch Jahrtausende hindurch in seinem Wirken zur Rassetuberkulose der Völker. Ihn bekämpfen heißt ihn entfernen.» (Hitler, Sämtliche Aufzeichnungen 1905-1924, op. cit., p. 156).

6. Traduit d’après l’original en allemand: «man müsse den Bazillus ausrotten, da man den Körper nicht widerstandsfähig machen könne; solange der Jude am Werk, wird es nicht gelingen, die Masse derart in vernünftige Einzelwesen aufzulösen […], daß sein Einfluß ihr nicht verderblich bleiben müßte. Eine Verdeutschung der Juden im Großen wie im Kleinen hält er für ausgeschlossen. Bei Verbleiben der schädlichen Juden also kann Deutschland nicht genesen. Handelt es sich aber um Sein oder Nichtsein eines Volkes, so kann man nicht haltmachen vor dem Leben der verblendeten Volksgenossen, viel weniger noch vor dem des feindlich gesinnten gefährlichen fremden Stammes», cité par Volker Ullrich, Adolf Hitler. Biographie Die Jahre des Aufstiegs 1889—1939, Frankfurt am Main: S. Fischer, 2013, p. 213. Notre traduction diffère de celle fournie dans la traduction française de l’ouvrage de Volker Ullrich, Adolf Hitler: une biographie: l’ascension, 1889-1939, Paris: Gallimard, 2017, p. 134-135. L’expression la plus délicate à traduire en français est ici Volksgenossen, que nous restituons par «frères de race», mais qu’Olivier Mannoni traduit par «compagnons d’ethnie». Le Genossen se traduit strictement par «camarades, et le Volk peut signifier peuple, race, nation. Le contexte permet, selon nous, d’insister sur la vision raciale d’Hitler, toujours liée chez lui à la vision sanitaire: il qualifie les Juifs de «bacille» infectant le corps qu’est le «peuple allemand», très probablement au sens racial. Une traduction plus lourde aurait pu être «membres de la communauté raciale»

7. Cité par Gerald Fleming, Hitler et la solution finale, Commentaire/Julliard, 1988, p. 35. Original: «Haß, brennenden Haß wollen wir in die Seelen der Millionen unserer Volksgenossen gießen, so lange bis einst eine Flamme von Zorn in Deutschland aufbrennt, die die Verderber unseres Volkes zur Rache zieht.» (Hitler, Sämtliche Aufzeichnungen 1905-1924, op. cit., p. 393).

8. Hitler, Sämtliche Aufzeichnungen 1905-1924, op. cit., no. 223, cité par Peter Longerich, op. cit., p. 22. Original: «Darum ist die Lösung der Judenfrage für uns Nationalsozialisten die Kernfrage. Diese Frage kann nicht gelöst werden durch Zartheit, sondern angesichts der fürchterlichen Waffen des Gegners nur durch Brachialgewalt. Eine Kampfart taugt nur dann, wenn sie hart ist. Lord Fisher sagte: wenn du schlägst, so schlage hart! Es taugt nur der Kampf, der den Gegner zum Schreien bringt.» (Hitler, Sämtliche Aufzeichnungen 1905-1924, op. cit., p. 366).

9. Joseph Hell, «Aufzeichnung», 1922, ZS 640, p. 5, Institut fur Zeitgeschichte, cité par Gerald Fleming, Hitler et la solution finale, op. cit., p. 38. La traduction française de l’ouvrage de Gerald Fleming a francisé l’orthographe de «Josef Hell» en «Joseph Hell», mais il s’agit bien de «Josef». Original en allemand: «Wenn ich einmal wirklich an der Macht bin, dann wird die Vernichtung der Juden meine erste und wichtigste Aufgabe sein. Sobald ich die Macht dazu habe, werde ich zum Beispiel in München auf dem Marienplatz Galgen neben Galgen aufstellen lassen und zwar so viele, als es der Verkehr zuläßt. Dann werden die Juden gehängt, einer wie der andere, und sie bleiben solange hängen, bis sie stinken. So lange bleiben sie hängen, als es nach den Grundsätzen der Hygiene überhaupt möglich ist. Sobald man sie abgeknüpft hat, kommen die nächsten daran und das geschieht so lange, bis der letzte Jude in München ausgetilgt ist. Genau so wird in den anderen Städten verfahren, bis Deutschland vom letzten Juden gereinigt ist» (cité par Gerald Fleming, Hitler und die Endlösung, Limes Verlag, Munich, 1982, p.29-30).

10. Peter Longerich, op. cit., p. 22. Le passage complet est le suivant: «Nos jeunes filles se font séduire par les Juifs qui souillent ainsi notre race. Chaque Juif pris avec une fille blonde devrait être… (pendu! [dit la foule])… je ne dirais pas pendu, mais un tribunal devrait pouvoir le condamner à mort.» («Unsere jungen Mädchen werden von den Juden verführt und dadurch das Volk verseucht. Jeden Juden, der mit einem blonden Mädchen erwischt wird, sollte man… (aufhängen!)… ich will nicht sagen aufhängen; aber ein Gericht sollte bestehen, das diese Juden zum Tode verurteilt (Beifall)», cité dans Hitler, Sämtliche Aufzeichnungen 1905-1924, op. cit., Doc. 355, p. 565). Cette tirade est évidemment accueillie par des applaudissements (Beifall).

11. Notre traduction d’après l’original en anglais: «Twelve hundred of the toughest roughnecks I have ever seen in my life pass in review before Hitler at the goosestep under the old Reichflag wearing red armbands with Hakenkreuzen (swastikas). Hitler, following the review, makes a speech, stating that Berlin has prevented their movement to Regensburg. Next week, however, the National Socialists will clean up the town. He then shouts, "Death to the Jews" etc. and etc. There was frantic cheering. I never saw such a sight in my life» (Notebook of Captain Truman Smith, Infantry, U.S. Army, Assistant Attaché, Berlin, Germany, November 1922, reproduit dans Robert Hessen (éd.), Berlin Alert. The Memoirs and Reports of Truman Smith, Stanford: Hoover Institution Press, 1984, p. 48-61, ici p. 57). La source primaire était mentionnée dans l’historiographie longtemps avant 1984, mais pas le passage que nous citons. Ainsi, William Shirer en parle assez longuement dès 1960 (William L. Shirer, The Rise and Fall of the Third Reich. A History of Nazi Germany, New York: Simon and Schuster, 1960, p. 46-47) en mentionnant que c’est Smith lui-même (qu’il remercie) qui lui a confié ses notes (qui ne feront pas l’objet d’une publication avant 1984, par Robert Hessen), ne juge pas opportun de citer le passage que nous présentons. En 1970, Richard Hanser (Putsch! How Hitler Made Revolution, New York: P.H. Wyden, 1970) évoque aussi les notes de Truman Smith de cette journée, mais ne cite que la première phrase («Twelve hundred of the toughest roughnecks I have ever seen», p. 300). Richard Hanser remercie Truman Smith de lui avoir permis de citer ses notes et mentionne que celles-ci sont alors conservées à la bibliothèque de l’Université de Yale (p. 402) dont Smith était diplômé. Ce n’est qu’en 1976 que John Toland cite (partiellement) le même passage que nous en y incluant l’appel à la mort des Juifs (John Toland, Adolf Hitler, volume 1, New York: Doubleday, 1970, p. 133-134). Toland a consulté lui aussi la source primaire décrite par un assez désinvolte «Captain Smith’s trip to Munich: Truman Smith report» (p. 545), qui n’aurait guère permis au chercheur intéressé de s’orienter pour trouver cette source… Les notes de Truman Smith conservées à Yale en 1970 semblent avoir été transférées aux archives du Hoover Institution on War, Revolution and Peace de l’Université de Stanford (Berlin Alert…, op. cit., p. 5).

12. Hitler, Sämtliche Aufzeichnungen 1905-1924, op. cit., Doc. no. 462, cité par Peter Longerich, op. cit., p. 22. Original: «Hier gibt es keine Verständigung, der Jude und seine Helfershelfer im Innern unseres Volkes bleiben ewig unsere Feinde. Wir wissen, wenn sie ans Ruder kommen, dann rollen unsere Köpfe in den Sand; wir wissen aber auch, wenn wir die Macht in den Händen haben werden: Dann gnade euch Gott!» (Peter Longerich, Der ungeschriebene Befehl: Hitler und der Weg zur »Endlösung«, Munich: Piper Verlag GmbH, 2001, p. 34). Comme ce genre de discours public le suggère, ainsi que l’épisode rapporté par Joseph Hell, l’illustre, nous sommes bien en présence d’un fantasme, sinon d’un espoir génocidaire chez Hitler. Cela est d’ailleurs confirmé, selon nous, de façon spectaculaire par un document contemporain. Rudolf Hess, l’homme de confiance de Hitler, passe l’hiver 1922-1923 en Suisse. Il y fréquente un officier supérieur helvète, Ulrich “Ully” Wille, personnalité de la droite locale ultraconservatrice. Hess compte énormément sur Wille et son réseau (notamment sa famille) pour récolter des fonds pour un NSDAP en crise financière permanente. Il leur arrive de parler du programme du parti nazi, ce qui amène Ulrich Wille à écrire à Hess, le 13 novembre 1922 pour lui faire part de ce commentaire: «L’extermination du marxisme et exterminer les Juifs à la mitraillette est une erreur. Car ils ne sont pas la cause d’un manque de sentiment national. La raison pour laquelle le marxisme et les Juifs ont pu acquérir une influence aussi honteuse au sein du peuple allemand réside plutôt […] dans un manque de sentiment national lui-même» (document et circonstances rapportées par Thomas Weber, Devenir Hitler. La fabrique d’un nazi, Paris: Armand Colin, 2021, p. 318-319. Nous proposons notre propre traduction de la lettre de Wille, d’après la version originale tirée de la source citée par Weber: Alexis Schwarzenbach, Die Geborene. Renee Schwarzenbach-Wille und ihre Familie, Zurich: Scheidegger & Spiess, 2004, p. 169, que voici: «Ausrottung des Marxismus und daneben Ausrotten der Juden mit Maschinengewehren ist ein Irrtum. Denn sie sind nicht die Ursache mangelnden Nationalgefühls. Warum Marxismus und Juden im deutschen Volk so schändlichen Einfluss gewinnen konnten , liegt vielmehr […] in mangelndem Nationalgefühl selbst»). Le commentaire critique de Wille paraît attester que l’hypothèse d’une mise à mort violente, et en masse, des Juifs a été sérieusement évoquée dans les hauts cercles du NSDAP, au moins entre Hitler et Hess en ce tout début des années 1920, au point que Hess en a discuté avec Wille.

13. Eugeni Xammar, «Adolf Hitler o la ximpleria desencadenada», La Veu de Catalunya, 24 novembre 1923, p. 5. Notre traduction directement depuis l’original catalan: «Pot pujar-hi de peus La qüestió jueva és un càncer que rosega l’organisme nacional germànic. Un càncer polític i social. Sortosament, els càncers polítics i socials no són una malaltia incurable. Hi ha l’extirpació. Si volem que Alemanya visqui, hem d’eliminar els jueus… [Xammar: -¿A garrotades?] Tant de bo, si no fos que n’hi ha massa. El pogrom és una gran cosa, però avui com avui ha perdut una bona part de la seva eficàcia medieval. A l’Edat Mitjana no hi havia problemes nacionals jueus. No hi havia sinó una sèrie de problemes locals i municipals, i el pogrom era un mètode adequat i suficient per a resoldre’ls. Però ara les coses han canviat. ¿Què en trauríem, d’estossinar la població jueva de Munic, si a la resta d’Alemanya els jueus continuen essent, com ara, els amos del diner i de la política? En tot Alemanya hi ha més d’un milió de jueus. ¿Què hi vol fer? ¿Els vol matar tots en una nit? Seria la gran solució, evidentment, i si això pogués passar la salvació d’Alemanya estaria assegurada. Però no és possible. Ho he estudiat per tots cantons i no és possible. El món se’ns tiraria al damunt, en compte de donar-nos les gràcies, que és el que hauria de fer. El món no ha comprès la importància de la qüestió jueva per la raó senzillíssima que el món està dominat pels jueus. ¿Ho va veient clar, ara? La qüestió jueva és una cadena. Alemanya, si no vol morir, ha de trencar aquesta cadena. ¿Com? ¿De quina manera? Ja hem vist que el pogrom no era possible. No queda més que l’expulsió: l’expulsió en massa. Amb l’expulsió dels jueus fa més de quatre segles, […] Espanya va fer un negoci desastrós. Però, ¿Per què? ¿Em vol dir per què? Els Reis Catòlics, permeti’m que li ho digui, no van comprendre el problema jueu. Varen creure que era un problema religiós i van donar als jueus els dret de romandre a Espanya si es convertien al catolicisme. Se’n van convertir més de la meitat. ¿Ho entén? Més de la meitat! Naturalment […] El problema jueu, sàpiga-ho d’una vegada, no és un problema religiós. És un problema de raça. El mitjà per a resoldre aquest problema és l’expulsió. Però l’expulsió rigorosa de tothom que sigui de raça jueva, tant els practicants com els indiferents i com els convertits». Cet article est passé complètement inaperçu lors de sa parution, puis fut totalement oublié jusqu’en 1998, date à laquelle paraît, en Catalan, un recueil d'articles de Eugeni Xammar (L’ou de la serp, Barcelone: Quaderns Crema, 1998), recueil toutefois passé quasiment inaperçu jusqu’à sa traduction en Espagnol en 2005 (El huevo de la serpiente. Crónicas desde Alemania (1922-1924), Barcelone: Acantilado), cette traduction n’offrant cependant pas de visibilité internationale à ces propos hitlériens jusqu’à la traduction en Allemand (depuis le Catalan) en 2007 (Das Schlangenei. Berichte aus dem Deutschland der Inflationsjahre 1922-1924, Berlin: Berenberg Verlag), qui permet finalement à l’article de Eugeni Xammar d’apparaître dans l'historiographie allemande, jusqu’à être cité assez longuement (bien que moins complètement que notre citation) depuis cette traduction allemande de 2007 dans l’édition critique allemande de Mein Kampf en 2016 (Mein Kampf. Eine kritische Edition, Munich: Institut für Zeitgeschichte, 2016, Band 1, note 172, p. 208). En français, nous n’avons trouvé que deux mentions (en 2024) de cet entretien. Très naturellement, on le retrouve dans l’édition critique française de Mein Kampf (Florent Brayard et Andreas Wirsching (dir.), Historiciser le mal, une édition critique de Mein Kampf. Nouvelle traduction, annotation critique, analyse historique, Paris: Fayard, 2021), dans un passage (p. 262) qui traduit (de l’Allemand) et commente la citation proposée dans l’édition critique allemande de Mein Kampf de 2016 que nous venons de mentionner. En 2023, l’entretien est mentionné accompagné d’une citation courte dans le très bon ouvrage de Anne Quinchon-Caudal, Avant Mein Kampf. Les années de formation d’Adolf Hitler, Paris: CNRS Éditions, 2023 (en note 48 du deuxième chapitre), d’après la note l’édition critique allemande de Mein Kampf. L’extrait que nous proposons ici est, en français, le plus long, et le premier traduit directement depuis la version originale catalane. Signalons enfin la série diffusée sur France Culture en juin 2024, «La Décision. À l’origine de l’extermination des Juifs d’Europe» (Michel Spinosa, série LSD) dont le premier épisode s’ouvre (à partir de la troisième minute) avec la lecture d’un extrait de cet entretien, commenté par les historiens Florent Brayard et Nicolas Patin.

14. Ces constats sont dressés également dans deux pages de commentaires de Historiciser le mal… (op. cit., p. 262-263), qui toutefois s’arrangent pour retomber sur les pieds du large consensus actuel chez les historiens, à savoir que «la première indication d'une intention génocidaire date du printemps 1941» (p. 263). Il nous semble toutefois que demeure trop peu étudié le très fort désir génocidaire non seulement chez Hitler mais chez les nazis, qu’illustrent suffisamment de documents bien antérieurs au printemps 1941, que souvent «l’intention» est trop peu distinguée des projets alors qu’elle est plus proche des désirs (aspirations, fantasmes, avec d’évidentes gradations). Outre les déclarations d’Hitler dans les années 1920, celle du 31 janvier 1939 au ministre des Affaires étrangères tchécoslovaque František Chvalkovský (citée plus bas), ainsi que les propos tenus en 1938 par le bras droit de Rudolf Hess, Franz Pfeffer von Salomon, à un diplomate britannique, illustrent la prégnance de l’élan génocidaire dans l’idéologie nazie. Les propos tenus à Eugeni Xammar montrent bien en outre combien Hitler se montre très tôt pragmatique et est capable de renoncer (en apparence? dans un premier temps…?) à ses «solutions» préférées. Cela ne signifie pas pour autant qu’elle ne demeure pas son horizon, auquel il est certes prêt à renoncer par pragmatisme, mais tout autant qu’il reste intensément habité par la possibilité d’atteindre cet horizon.

15. Adolf Hitler, Mon Combat, N.E.L, 1934, p. 649. Original: «[…]der unerbittliche Welt jude kämpft für seine Herrschaft über die Völker. Kein Volk entfernt diese Faust anders von seiner Gurgel als durch das Schwert. Nur die gesammelte konzentrierte Stärke einer kraftvoll sich aufbäumenden nationalen Leidenschaft vermag der internationalen Völkerversklavung zu trotzen. Ein solcher Vorgang ist und bleibt aber ein blutiger» (Hitler, Mein Kampf, München 1944, p. 738 cité par Armin Pfahl-Traughber, Antisemitismus in der deutschen Geschichte, Landeszentrale für politische Bildungsarbeit Berlin, 2002, p. 95). La traduction française de 1934 est datée mais préserve bien la violence du propos.

16.Ibid., p. 677-678. Original: «Hätte man zu Kriegsbeginn und während des Krieges einmal zwölf- oder fünfzehntausend dieser hebräischen Volksverderber so unter Giftgas gehalten, wie Hundertausende unserer allerbesten deutschen Arbeiter aus allen Schichten und Berufen es im Felde erdulden mussten, dann wäre das Millionenopfer der Front nicht vergeblich gewesen. Im Gegentei: Zwölftausend Schurken zur rechten Zeit beseitigt, hätten vielleicht einer Million ordentlicher, für die Zukunft wertvoller Deutschen das Leben gerettet.» (Hitler, Mein Kampf, München 1944, p. 772 cité par Armin Pfahl-Traughber, Antisemitismus in der deutschen Geschichte, Landeszentrale für politische Bildungsarbeit Berlin, 2002, p. 95).

17.«Die Juden werden bei uns vernichtet. Den 9. November 1918 hätten die Juden nicht umsonst gemacht, dieser Tag würder gerächt werden». Mémorandum de Walter (ou Walther) Hewel, fonctionnaire du ministère des affaires étrangères du Reich. Akten zur deutschen auswärtigen Politik, series D, vol. IV, doc. 158, p. 170, cité notamment par Gerald Fleming, Hitler und die Endlösung, Limes Verlag, Munich, 1982, p. 27. Fleming commet peut-être une erreur de retranscription en écrivant «Die Juden werden bei uns vernichtet» au lieu de «würden». Ainsi Peter Longerich, et avec lui la majorité des historiens, retranscrit «Die Juden würden bei uns vernichtet» (Peter Longerich, Politik der Vernichtung. Eine Gesamtdarstellung der nationalsozialistischen Judenverfolgung, Piper, 1998, p. 220). Par ailleurs, l’édition anglaise de l’ouvrage de Gerald Fleming (Hitler and the Final Solution, University of California Press, 1994, p. 14) semble comporter une erreur de date (en mentionant le 21 janvier 1940) absente de l’édition française (Gerald Fleming, Hitler et la solution finale, op. cit., p. 34) ou de l’édition allemande (Hitler und die Endlösung, op. cit., p. 27). Peter Longerich donne la date du 21 janvier 1939 (The Unwritten Order. Hitler’s Role in the Final Solution, op. cit., p. 43 ou Peter Longerich, Politik der Vernichtung, op. cit., p. 220), ainsi que d’autres sources.

18. Camill Hoffmann, Politisches Tagebuch, 1932-1939, Dieter Sudhoff (ed.), Alekto Verlag, Klagenfurt, 1995, p. 241, cité par David Bankier et Israel Gutman (éd.), Nazi Europe and the Final Solution, New York: Berghahn Books, 2009, p. 310. L’original en allemand («Notwendigkeit der Ausrottung der Juden») est cité par J. W. Brügel, AJR information, vol. YYYVIII no. 7, july 1983, p. 6. Juif, Camill Hoffmann a été assassiné par les nazis à Auschwitz en 1944.

19.«M. V. DE LACROIX, Ministre de France à Prague, à M. Georges BONNET, Ministre des Affaires Etrangères. Prague, le 7 février 1939», document No 45, in Le Livre jaune français. Documents diplomatiques, 1938-1939. Pièces relatives aux événements et aux négociations qui ont précédé l’ouverture des hostilités entre l’Allemagne d’une part, la Pologne, la Grande-Bretagne et la France d’autre part, Ministère des affaires étrangères, Paris, 1939, p. 51-52. Le passsage mérite d’être cité entièrement:«Ce qui l’a, semble-t-il, le plus frappé, c’est l’importance qu’attachent M. Hitler et M. de Ribbentrop à la question juive, ceci sans aucune commune mesure avec l’importance donnée aux autres sujets qui ont été abordés. Le Ministre des Affaires Étrangères du Reich comme le Chancelier auraient tous deux déclaré avec force qu’il n’était pas possible de donner la garantie allemande à un État qui n’élimine pas les Israélites: “N’imitez pas la sentimentalité et la lenteur que nous avons montrées dans le règlement de ce problème, auraient déclaré les deux hommes d’État. Notre bonté a été de la faiblesse et nous la regrettons. Il faut supprimer cette vermine. Les Juifs sont nos ennemis jurés et il n’y aura plus un Juif en Allemagne à la fin de cette année. Ce ne sont ni les Français, ni les Américains, ni les Anglais qui sont responsables des difficultés que présentent nos relations avec Paris, Londres ou Washington. Les responsables, ce sont les Juifs. Nous donnerons des avis semblables en Roumanie, en Hongrie, etc. L’Allemagne cherchera à constituer un bloc d’États antisémites, car elle ne saurait traiter en amis les États où les Juifs soit par leur activité économique, soit par leurs hautes fonctions publiques conserveraient une influence quelconque.”»

20. Eberhard Jäckel, Hitlers Weltanschauung, Deutsches Verlag-Anstalt, 1991, p. 72: «Ich will heute wieder ein Prophet sein: Wenn es dem internationalen Finanzjudentum inner- und außerhalb Europas gelingen sollte, die Völker noch einmal in einen Weltkrieg zu stürzen, dann wird das Ergebnis nicht die Bolschewisierung der Erde und damit der Sieg des Judentums sein, sondern die Vernichtung der jüdischen Rasse in Europa». Le compte rendu de la séance fait alors état d’applaudissements prolongés. On peut les entendre sur un enregistrement. Nous choisissons de traduire «Judentum» par «juiverie» et non par «judaïsme». En effet, dans les discours d’Hitler, les expressions «Judentum» (la juiverie, les Juifs), «die Juden» (les Juifs), «der Jude» (le Juif), et «die jüdische Rasse» (la race juive) sont interchangeables et signifient toujours pour Hitler l’ensemble des Juifs. Traduire «Judentum» par «judaïsme» ignore complètement le caractère concret et collectif de l’emploi hitlérien du mot. Il ne s’agit pas de la religion juive, mais bien pour Hitler de désigner la collectivité des Juifs. La distinction est de nature similaire à celle qui existe entre «Chrétienté», au sens de l’ensemble des Chrétiens, et «Christianisme». Traduire par «les Juifs» ou par «la juiverie» ne constitue d’ailleurs pas une sur-traduction dans la mesure où le Grand dictionnaire Langenscheidt propose lui-même la traduction de «Judentum» par le collectif «les Juifs». Le Harraps Universal Dictionnaire Allemand/Français - Français/Allemand donne pour premier sens de Judentum: «Gesamheit der Juden» (ensemble des Juifs) et traduit par «les Juifs». Les traductions en anglais utilisent généralement «Jewry» pour rendre «Judentum». On peut remarquer que de nombreuses traductions en français font l’impasse sur ce caractère collectif et concret, ne tiennent pas compte du contexte et de l’emploi hitlérien du mot, et rendent bien souvent «Judentum» dans les discours d’Hitler par un «judaïsme» à la limite du contre-sens. Ainsi, la traduction française de l’ouvrage de Eberhard Jäckel, rend-elle «Judentum» systématiquement par «judaïsme», notamment pour le discours cité (Hitler Idéologue, Gallimard, Tel, 1995, p. 83). Enfin la traduction par «juiverie» a l’avantage de restituer la dimension péjorative de l’usage hitlérien, absente des autres traductions (nous devons cette dernière remarque à Anne Quinchon-Caudal qui fait le même choix de traduction que nous dans son ouvrage de 2023, Avant Mein Kampf. Les années de formation d’Adolf Hitler, op. cit.).

21. Traduit d’après l’original en Allemand: «Ich fühle mich wie Robert Koch in der Politik. Der fand den Bazillus und wies damit der ärztlichen Wissenschaft neue Wege. Ich entdeckte den Juden als den Bazillus und das Ferment aller gesellschaftl[ichen]. Dekomposition. Ihr Ferment.» (Tagebuch Walther Hewel, 1941, vollständige Abschrift, in: IfZ-Archiv, Sammlung Irving, ED 100, Bd. 78, Zitat Bl. 112, cité par Roman Töppel «„Volk Und Rasse“ Hitlers Quellen auf der Spur», Vierteljahrshefte für Zeitgeschichte, vol. 64, no. 1, janvier 2016, p. 9. Ce passage avait également été cité par Peter Longerich & Dieter Pohl, Die Ermordung der europäischen Juden, Munich: Piper, 1989, p. 76). Hitler poursuit: «Je suis celui qui a prouvé qu’un État peut vivre sans Juifs. L’économie, la culture, l’art, etc. etc. peuvent réussir sans Juifs et même mieux. C’est le pire coup que j’ai porté contre les Juifs.» («Und eines habe ich bewiesen, daß ein Staat ohne Juden leben kann. Daß Wirtschaft, Kultur, Kunst etc etc ohne Juden bestehen kann und zwar besser. Das ist der schlimmste Schlag, den ich den Juden versetzt habe.», cité par Peter Longerich & Dieter Pohl, ibid.).

22. Cité par Andreas Hillgruber (éd.), Staatsmänner und Diplomaten bei Hitler 1939-1941, Volume 2, Vertrauliche Aufzeichnungen über Unterredungen mit Vertretern des Auslandes, Frankfurt am Main: Bernard und Graefe, 1970, p. 557: «Die Juden seien die Geißel der Menschheit […] Wenn die Juden freien Weg hätten wie im Sowjetparadies, so würden sie die wahnsinnigsten Pläne verwirklichen. So sei Rußland zu einem Pestherd für die Menschheit geworden. Wenn auch nur ein Staat aus irgendwelchen Gründen eine jüdische Familie bei sich dulde, so würde diese der Bazillenherd für eine neue Zersetzung werden. Gäbe es keine Juden mehr in Europa, so würde die Einigkeit der europäischen Staaten nicht mehr gestört werden. Wohin man die Juden schicke, nach Sibirien oder Madagaskar, sei gleichgültig. Er werde an jeden Staat mit dieser Forderung herantreten.»

23. Adolf Hitler, Monologe im Führerhauptquartier 1941-1944, éd. Werner Jochmann, Hambourg, 1980, p. 76, cité par Gerald Fleming, Hitler et la solution finale, op. cit., p. 50. Original: «Das Gesetz des Daseins fordert ununterbrochenes Töten, damit das Bessere lebt.» (Gerald Fleming, Hitler und die Endlösung, Munich: Limes Verlag, 1982, p. 40).

24. Traduit d’après l’original allemand: «Den destruktiven Juden setzen wir ganz hinaus […] Ich gehe an diese Sache eiskalt heran. Ich fühle mich nur als der Vollstrecker eines geschichtlichen Willens.» (Adolf Hitler, Monologe im Führerhauptquartier 1941-1944, éd. Werner Jochmann, Hambourg, 1980, p. 90-91, également traduit en Anglais dans Christopher Browning, The Origins of the Final Solution. The Evolution of Nazi Jewish Policiy, September 1939-March 1942, University of Nebraska Press, Yad Vashem, 2004, p. 370. Une première traduction longtemps présentée sur cette page se fondait sur cette traduction de Browning. La voici, pour mémoire: «Nous nous débarassons entièrement des Juifs destructeurs. […] Je procède en ces matières d’une façon glacée. Je me sens être seulement l’exécuteur de la volonté de l’histoire.»).

25. Adolf Hitler, Monologe im Führer-Hauptquartier 1941-1944, ed. Werner Jochmann et Heinrich Heim, Munich 1980, p. 99: «Wenn wir diese Pest ausrotten, so vollbringen wir eine Tat für die Menschheit, von deren Bedeutung sich unsere Männer draußen noch gar keine Vorstellung machen können.» Traduction française dans Saul Friedländer, Les Années d’Extermination. L’Allemagne nazie et les Juifs 1939-1945, Editions du Seuil, 2008, p. 351.

26. Adolf Hitler, Monologe im Führerhauptquartier 1941-1944, éd. Werner Jochmann, Hambourg, 1980, p. 106, cité par Christopher Browning, The Origins of the Final Solution. The Evolution of Nazi Jewish Policiy, September 1939-March 1942, University of Nebraska Press, Yad Vashem, 2004, p. 370. Notre traduction française s’appuie sur l’original en Allemand cité par Browning et est conforme à sa traduction en Anglais. On peut d’ailleurs restituer ce passage dans son contexte: «Vor dem Reichstag habe ich dem Judentum prophezeit, der Jude werde aus Europa verschwinden, wenn der Krieg nicht vermieden bleibt. Diese Verbrecherrasse hat die zwei Millionen Toten des Weltkrieges auf dem Gewissen, jetzt wieder Hundertausende. Sage mir keiner: Wir können sie doch nicht in den Morast schicken! Wer kümmert sich denn um unsere Menschen? Es ist gut, wenn uns der Schrecken vorangeht, daß wir das Judentum ausrotten. Der Versuch, einen Judenstaat in Afrika oder Asien zu gründen, wird ein Fehlschlag sein […] Wir schreiben die Geschichte auch wieder neu: vom Rassestandpunkt aus.» (Monologue, ibid., p. 106). Ce qui signifie: «Au Reichstag, j’ai prophétisé aux Juifs que le Juif disparaîtrait d’Europe si la guerre n’était pas évitée. Cette race de criminels a deux millions de morts de la [première] guerre mondiale sur la conscience, et maintenant encore des centaines de milliers. Qu’on ne vienne pas me dire que nous ne pouvons tout de même pas les pousser dans les marais. Il est bon que la terreur nous précède du fait que nous exterminons les Juifs. La tentative de créer un Etat juif en Afrique ou en Asie sera un échec. […] Nous écrivons de nouveau l’histoire, d’un point de vue racial.». La référence aux marais n’est pas fortuite. Une directive de Himmler de juillet 1941 ordonnait de tuer tous les Juifs et de pousser les femmes dans les marais. Hitler ne l’ignorait pas.Voir ici...

Il nous faut remarquer que le passage cité ici (surtout «Es ist gut, wenn uns der Schrecken vorangeht, daß wir das Judentum ausrotten») fait partie d’un corpus d’abord publié dans une traduction française effectuée par l’homme d’affaire pro-nazi François Genoud, Hitler, Libres propos sur la guerre et la paix recueillis sur l’ordre de Martin Bormann, Flammarion, 1952. François Genoud a sciemment édulcoré les propos d’Hitler en traduisant le passage mentionné ainsi: «Il n’est pas mauvais d’ailleurs que la rumeur publique nous prête le dessein d’exterminer les Juifs.» La traduction de Schrecken comme «la rumeur publique» est tout à fait impropre car elle ne permet pas de rendre les connotations de terreur et d’angoisse associées au mot Schrecken. La tournure «la rumeur publique nous prête» suggère clairement — c’est la fonction du mot rumeur — que cela est faux. Par ailleurs, Hitler dans son propos original ne fait aucune mention d’attribution (la rumeur nous prête...) mais parle bien de fait. Enfin, l’édulcoration se mue en falsification pure et simple avec l’insertion par Genoud du mot «dessein». En effet, ce mot ou même la notion de plan ou de projet sont complètement absents de la version originale. L’objectif de Genoud est très clair; il s’agit de faire croire qu’une rumeur concernerait non des événements en cours mais tout au plus un projet à venir. Bien évidemment, les propos réels d’Hitler sont clairs et sans ambiguité: il énonce la réalité du fait que les Juifs sont en train d’être exterminés à l’arrière du front de l’Est et qu’il approuve a minima l’effet de terreur que ces assassinats ont sur la population des territoires conquis. L’analyse qui précède est due à l’historien Richard Evans qui décortique la version anglaise des propos d’Hitler sous la plume du négationniste britannique David Irving, qui s’est contenté (ce que Richard Evans ignore) de traduire en anglais la version française de Genoud, qu’Irving a longtemps fréquenté (Richard Evans, Lying About Hitler: History, the Holocaust and the David Irving Trial, Basic Books, 2001, p. 73). Irving n’est cependant pas innocent de la falsification dont l’accuse Evans puisque l’on sait qu’il avait connaissance de l’original en Allemand.

Soulignons que la version anglaise de 1953 (que ne reprend pas Irving), Hitler’s Table Talk, (présentée par H. R Trevor-Roper, London, Weidenfeld and Nicolson, 1953, nombreuses rééditions, notamment 1973, 2000, 2007) est une traduction directe de la version française de Genoud et non de la version originale allemande, contrairement à ce qui est affirmé dans la préface de cette version anglaise. Browning qui traduit par contre directement depuis l’original en allemand rend notre passage correctement par: «It is good when the terror precedes us that we are exterminating the Jews». L’historiographie française, malheureusement, s’est laissée piéger par Genoud en citant directement sa version plutôt que de retraduire depuis l’original (disponible seulement depuis 1980 cependant). Les plus compétents se sont laissés prendre. Le plus récent est Edouard Husson, excellent germaniste et historien, dans ses deux ouvrages, «Nous pouvons vivre sans les Juifs» Novembre 1941. Quand et comment ils décidèrent de la Solution finale (Perrin, 2005, p. 140 notamment. La traduction fautive constitue même le titre du chapitre 7!) et surtout Heydrich et la Solution finale (dans ses deux éditions, Perrin 2008 & 2012, p. 434 dans cette dernière). C’est d’autant plus dommage que la traduction exacte renforce plutôt les thèses de Husson. Il faut craindre, compte tenu du sérieux du travail de Husson que la version falsifiée de Genoud continue à se répandre. Notons que le très bon historien de la Shoah, Maxime Steinberg, lui aussi reprend la version Genoud en 1998 (Un pays occupé et ses juifs, La Belgique, entre France et Pays-Bas, Quorum, 1998, p. 230 et 239), mais aussi François Delpla dans son Hitler (Grasset, 1999).

Il nous faut insister sur le fait que les versions Genoud (la française, mais aussi l’anglaise de Trevor Roper) ne doivent absolument pas être utilisées à des fins de citations, non seulement à cause des manipulations des traductions par Genoud mais aussi parce que Genoud a très certainement inventé quelques propos qu’Hitler n’a pas tenus et en a camouflé d’autres. Voir sur ces points et sur les traductions falsifiées, le très précieux article de Richard C. Carrier, «Hitler’s Table Talk - Troubling Finds», German Studies Review, octobre 2003, vol. 26, no. 3 (version mise à jour et complétée dans Richard Carrier, Hitler Homer Bible Christ: The Historical Papers of Richard Carrier 1995-2013, Philosophy Press, 2014). Les ajouts de Genoud ne portent cependant que sur les croyances religieuses d’Hitler, que Genoud tente de faire passer pour athée, ce qui est contraire à la réalité. Soulignons enfin que l’étude de Carrier démontre de façon convaincante que les éditions originales en allemand aujourd’hui disponibles (celles de Werner Jochmann déjà citée, mais aussi celle de Henry Picker, Hitlers Tischgespräche im Führerhauptquartier, Propyläen Verlag, 2003, dernière édition, améliorée, d’un recueil dont la première version date de 1951) sont des sources dignes de confiance. Depuis 2016 on dispose d’une édition française fiable, émanant de l’historien spécialiste d’Hitler et du IIIe Reich, François Delpla: Adolf Hitler, Propos intimes et politiques, traduit de l’allemand et commenté par François Delpla (Tome I, Juillet 1941-mars 1942, Tome II, mars 1942-novembre 1944), Paris: Nouveau monde éditions, 2016.

[mise à jour 2017] Le travail pionnier de Richard Carrier, et nos propres intuitions, ont été confirmées de façon documentée par l’historien suédois Mikael Nilsson en 2016: Genoud a menti à Trevor-Roper pour la première édition anglaise des Propos de table en le manipulant pour lui faire authentifier une version traduite non de l’original allemand mais de de sa propre traduction française. Mikael Nilsson a démontré que Trevor-Roper, de dupe, est devenu complice de cette tromperie («Hugh Trevor-Roper and the English editions of Hitler’s Table Talk and Testament», Journal of Contemporary History, Vol 51, Issue 4, 2016). Richard Carrier rapporte que les recherches, toujours en cours, de Mikael Nilsson confirment que Picker et Heim ont bien noté les propos d’Hitler, même s’ils ne consignaient pas ceux-ci le jour même. Toutefois Heim semble avoir parfois arrangé son texte dans la foulée. Cela signifie que les versions publiées en Allemand par Picker et Jochmann sont, comme nous le pensions, authentiques, dans le sens où ce sont bien les textes rédigés au fil des jours par Picker et Heim, et non (pour le Jochmann qui est à l’origine du texte de Genoud) un faux fabriqué par Genoud. On peut remarquer qu’avant 1980, Genoud avait d’ailleurs fait en sorte que personne n’accède au texte original en Allemand. On ne sait pas encore ce qui l’a décidé à laisser publier à cette date un texte qui tôt ou tard finirait par révéler ses propres manipulations.

27. Notes prises par Paul Otto Schmidt entre le Führer et le grand Mufti de Jérusalem à Berlin, le 28 novembre 1941, geheime Reichssache 57 a/41, Records Dept. Foreign and Commonwealth Office Pa/2, cité par Gerald Fleming, Hitler et la solution finale, op. cit., p. 142-143. Original: «Sobald dieser Fall eingetreten sei, würde der Führer von sich aus der arabischen Welt die Versicherung abgeben, daß die Stunde der Befreiung für sie gekommen sei. Das deutsche Ziel würde dann lediglich die Vernichtung des im arabischen Raum unter der Protektion der britischen Macht lebenden Judentums sein» (Gerald Fleming, Hitler und die Endlösung, Munich: Limes Verlag, 1982, p. 117). Le compte-rendu original complet se trouve en ligne:
http://www.ns-archiv.de/verfolgung/antisemitismus/mufti/in_berlin.php

28. Adolf Hitler, Monologe im Führerhauptquartier 1941-1944, éd. Werner Jochmann, Hambourg, 1980, p. 148: «Viele Juden sind sich such des destruktiven Charakters ihres Daseins nicht bewußt gewesen. Aber wer Leben zerstört, setzt sich dem Tode aus, und etwas anderes geschieht auch ihnen nicht. Wer hat die Schuld, wenn die Katze die Maus frißt?» Traduction française dans Gerald Fleming, Hitler et la solution finale, op. cit., 1988, p. 143.

29.«Der Jude aber wird nicht die europäischen Völker ausrotten, sondern er wird das Opfer seines eigenen Anschlages sein», Max Domarus, Hitler. Reden und Proklamationen, Würzburg, 1963, vol. II, p. 1821, cité par Eberhard Jäckel, Hitlers Weltanschauung, op. cit., p. 74.

30. Le 23 octobre 1941, le chef de la Gestapo, Heinrich Müller diffusa une circulaire aux bureaux et agences du Sipo-SD, faisant état de l’ordre d’Himmler interdisant l’émigration des Juifs. Voir Christopher Browning, The Origins of the Final Solution. The Evolution of Nazi Jewish Policiy, September 1939-March 1942, University of Nebraska Press, Yad Vashem, 2004, p. 369.

31. Adolf Hitler, Monologe im Führerhauptquartier 1941-1944, éd. Werner Jochmann, Hambourg, 1980, p. 229, cité par Christopher Browning, The Origins of the Final Solution. The Evolution of Nazi Jewish Policy, September 1939 - March 1942, University of Nebraska Press, 2004, p. 546. En Allemand: «Der Jude muß aus Europa heraus […] Ich sage nur, er muß weg. Wenn er dabei kaputtgeht, da kann ich nicht helfen. Ich sehe nur eines: die absolute Ausrottung, wenn sie nicht freiwillig gehen».

32. Max Domarus, Hitler, Reden und Proklamationen, 1932-1945, volume 2, 2e partie (ou vol. IV), Munich: Süddeutscher Verlag, 1965, p. 1828-1829: «Wir sind uns dabei im klaren darüber, daß der Krieg nur damit enden kann, daß entweder die arischen Völker ausgerottet werden, oder daß das Judentum aus Europa verschwindet. Ich habe am 1. September 1939 im Deutschen Reichstag es schon ausgesprochen — und ich hüte mich vor voreiligen Prophezeiungen —, daß dieser Krieg nicht so ausgehen wird, wie es sich die Juden vorstellen, nämlich daß die europäischen arischen Völker ausgerottet werden, sondern daß das Ergebnis dieses Krieges die Vernichtung des Judentums wird.» Nous traduisons «Judentum» par «les Juifs». Voir, à ce sujet, note 20. Par ailleurs, le lecteur aura noté qu’Hitler commet une erreur en datant sa «prophétie» du 1er septembre 1939, alors que sa menace d’anéantissement de la race juive en Europe date du 30 janvier 1939. Cette «erreur», qu’il commettra à plusieurs reprises, est surtout le signe de l’importance qu’Hitler accorde à la guerre (commencée le 1er septembre 1939…) dans la justification et l’accomplissement de l’extermination des Juifs d’Europe. Ce passage figure partiellement dans Eberhard Jäckel, Hitlers Weltanschauung, op. cit., p. 74-75.

33. Le discours est réimprimé dans le recueil de discours de Hitler, Der grossdeutsche Freiheitskampf, vol. 3, Reden Adolf Hitlers von 16. März 1941 bis 15. März 1942, Munich, 1942, p.  (cité par Jean Stengers, «Hitler et les Juifs. À propos d’une vision récente du problème», Revue belge de philologie et d’histoire, tome 69, fasc. 4, 1991, p. 970). Jean Stengers mentionne notamment la réimpression dans le Völkischer Beobachter du 1er février 1942 (ibid.). Nous avons pu examiner le Litzmannstadter Zeitung du 1er février 1942 qui reproduit l’intégralité du discours d’Hitler pages 3 à 6, et mentionne les «tonnerres d’appaudissements». Le passage que nous citons figure en bas de la page 5 (3e colonne). Nous pensons que Jean Stengers cite probablement le document PS-2664 des Actes du Procès de Nuremberg qui reproduit partiellement l’article du Völkischer Beobachter, tome YYYI (31), p. 66 pour le passage cité.

34. Traduit d’après l’original allemand: «Zum ersten Male werden nicht andere Völker verbluten, sondern zum ersten Male wird diesmal das echt altjüdische Gesetz angewandt: Aug' um Aug', Zahn um Zahn! […] Und es wird die Stunde kommen, da der böseste Weltfeind aller Zeiten wieder wenigstens auf ein Jahrtausend seine Rolle ausgespielt haben wird.» (Litzmannstadter Zeitung du 1er février 1942, ibid.). Le même passage est retranscrit à l’identique dans la brochure de propagande de la Werhmacht, Bernst & Wedel (Alfred Ingemar Berndt & General von Wedel), Deutschland im kampf, 1942, Januar-Lieferung, (Nr. 57/58 der Gesamtlieferung), p. 92. Jean Stengers (voir note précédente) relève que Max Domarus, se fondant sur une retranscription officielle (du Deutsches Nachrichtenbüro) ne restitue pas le verbluten (saignés à mort, la version Domarus est la suivante: «Zum erstenmal wird diesmal das echt altjüdische Gesetz angewendet. Aug' um Aug', Zahn um Zahn!», p. 1829) et que c’est malheureusement cette version expurgée qui est le plus souvent reprise dans l’historiographie. Il ne relève cependant pas que cette édulcoration officielle, à chaud, d’une précision hitlérienne particulièrement violente (avérée puisque mentionnée par de nombreuses retranscriptions dans les journaux du lendemain et du surlendemain) est une forme d’aveu. On notera que quelques mois plus tard la compilation des discours d’Hitler mentionnée précédemment ne s’embarassera pas de ces scrupules (verbluten y figure bien comme le précise Stengers, art. cit.). Soulignons enfin que ce passage est remarqué dès 1946 puisqu’il figure dans le document PS-2664 des Actes du Procès de Nuremberg (voir note précédente).

35. Joseph Goebbels, Die Tagebücher von Joseph Goebbels, éd. Elke Fröhlich, Munich, 1993, partie II, vol. 3, entrée du 15 février 1942, p. 320-321. Le passage en allemand, sans les incises : «Der Führer gibt noch einmal seiner Meinung Ausdruck, daß er entschlossen ist, rücksichtslos mit den Juden in Europa aufzuräumen. Hier darf man keinerlei sentimentale Anwandlungen haben. Die Juden haben die Katastrophe, die sie heute erleben, verdient. Sie werden mit der Vernichtung unserer Feinde auch ihre eigene Vernichtung erleben. Wir müssen diesen Prozeß mit einer kalten Rücksichtslosigkeit beschleunigen, und wir tun damit der leidenden und seit Jahrtausenden vom Judentum gequälten Menschheit einen unabschätzbaren Dienst. Diese klare judenfeindliche Haltung muß auch im eigenen Volke allen widerspenstigen Kreisen gegenüber durchgesetzt werden». Une traduction légèrement différente se trouve dans Joseph Goebbels, Journal. 1939-1942, Taillandier, 2009, p. 504. Le passage est également cité par Peter Longerich, The Unwritten Order. Hitler’s Role in the Final Solution, op. cit., p. 93 (original dans Peter Longerich, Der ungeschriebene Befehl: Hitler und der Weg zur »Endlösung«, Munich: Piper Verlag GmbH, 2001, p. 141).

36.Monologe im Führerhauptquartier. Die Aufzeichnungen Heinrich Heims, Jochmann (éd.), Hambourg, 1980,  293: «Der Jude wird erkannt werden! Der gleiche Kampf, den Pasteur und Koch haben kämpfen müssen, muß heute von uns geführt werden. Zahllose Erkrankungen haben die Ursache in einem Bazillus: dem Juden! Japan würde ihn auch bekommen haben, wenn es dem Juden weiter offen gestanden hätte. Wir werden gesunden, wenn wir den Juden eliminieren.» En anglais dans Peter Longerich, The Unwritten Order. Hitler’s Role in the Final Solution, op. cit., p. 92.

37. Notre traduction d’après l’original en Allemand: «Meine Prophezeiung wird ihre Erfüllung finden, daß durch diesen Krieg nicht die arische Menschheit vernichtet, sondern der Jude ausgerottet werden wird. Was immer auch der Kampf mit sich bringen, oder wie lange er dauern mag, dies wird sein endgültiges Ergebnis sein. Und dann erst, nach der Beseitigung dieser Parasiten, wird über die leidende Welt eine lange Zeit der Völkerverständigung und damit des wahren Friedens kommen» (Völkischer Beobachter, no. 56 du 25 février 1942, p. 2). Le soulignement, restitué ici par une mise en caractères gras figure dans l’original sous la forme de mots aux lettres plus espacées, signalant très probablement un changement de ton, une insistance particulière de la proclamation sur les passages ainsi repérés. Il est impossible de savoir si cette insistance est à porter au crédit du Gauleiter Wagner qui effectue, selon le Völkischer Beobachter, la lecture de la proclamation, ou si elle est explicite dans le document communiqué au Völkischer Beobachter pour impression. Malheureusement, aucun des historiens qui ont ensuite cité cet extrait n’a jamais mentionné, à notre connaissance, ces insistances sur certains passages, soit parce qu’ils citent d’après le document reproduit dans les actes de Nuremberg (voir ci-après) qui omet ces différences typographiques, soit parce qu’ils citent d’après l’ouvrage de référence de Max Domarus, qui commet la même omission (Max Domarus, Hitler. Reden und Proklamationen, Leonberg: Pamminger & Partner, 1988, vol. II, p. 1844). Notre interprétation sur la signification des distinctions typographiques présentes dans le Völkischer Beobachter est confirmée par la façon dont la proclamation d’Hitler est restituée dans la presse étrangère. En effet, un communiqué de l’agence de presse nazie Telepress est diffusée pour publication auprès de organes amis mais aussi étrangers (c’est la Gazette de Lausanne suisse du 26 février 1942 qui en première page présente un encart intitulé «Un message du chancelier Hitler. 25 février 1942» en spécifiant qu’il s’agit d’une communication de Telepress. L’encart de la Gazette ne présente qu’un très court résumé de la proclamation). Ainsi une traduction quasi complète en français est présentée par le journal collaborationniste du PPF de Jacques Doriot, Le Cri du Peuple du 26 février 1942 en première page, sous le (gros) titre «“Les Juifs seront exterminés”» présenté comme un citation de Hitler avec cette précision en sous-titre «s’écrie-t-il» (il y a évidemment une erreur à faire s’«écrier» Hitler lui-même puisque c’est Wagner qui a lu sa proclamation, mais cela n’a pas ici d’importance). Il est presque certain que le texte publié a été communiqué par les services allemands puisque de nombreux titres français le publient quasiment à l’identique, le plus souvent en première page. Citons, parmi d’autres, Le Petit Parisien le 26 février et la La Dépêche du Berry du 27 février. La précision «s’écrie-t-il» devait très probablement faire partie du matériel transmis par Telepress aux différentes rédactions, ce qui conforte notre interprétation de la typographie du Völkischer Beobachter. Dès le 25 février 1942, le New York Times fournissait une transcription de la proclamation fondée sur sa diffusion radio par une agence allemande. On y lit évidemment que «The Jews will be exterminated» («Hitler forecasts ‘Final Showdown’», New York Times, mercredi 25 février 1942, p. 8). Il y a eu une évidente volonté politique de la part des nazis, en février 1942, à faire savoir au monde entier que pour Hitler, l’extermination des Juifs est fondamentale. Nous remercions vivement l’historien Tal Bruttmann qui nous a communiqué les facsimiles du Cri du Peuple et de la Gazette de Lausanne. La proclamation d’Hitler fut évidemment imprimée dans plusieurs journaux allemands (notamment dans l’organe du NSDAP de Hanovre, le Niedersächsische Tageszeitung du 25 février 1942 où il est lu par Karl Dükerfälden, un citoyen allemand qui tenait un journal et y retranscrit, le jour même, le passage sur l’extermination des Juifs en soulignant que de telles déclarations l’inclinaient à croire les rumeurs d’assassinats par gazage qu’il avait entendues: Herbert et Sibylle Oberhausen, «Schreiben wie es wirklich war…», Aufzeichnungen Karl Dürkefäldens aus den Jahren 1933-1945, Hanovre: Fackelträger, 1985, p. 108). Elle fait l’objet d’une diffusion massive dans la population via un «poster» qui en reprend les passages principaux (notamment celui de l’extermination) figurant dans le magazine Der Schulungsbrief (vol. V, no. 5, novembre-décembre 1942, paru avec le titre «Sieg der Rassenkraft»). La proclamation est de nouveau imprimée dans un recueil des discours d’Hitler paru en 1943, sous le titre «Botschaft zum Tage der Parteigründung 24 Februar», dans In Der Grossdeutsche Freiheitskampf, Band III, Reden Adolf Hitlers vom 16. März 1941 bis 15. März 1942, München: Zentralverlag der NSDAP, 1943, p. 115-116. Le passage sur l’extermination des Juifs, est utilisé comme matériel de formation idéologique interne par les nazis en 1943, par exemple dans un livret où il apparaît sous le titre «Le Juif sera exterminé» (Der Jude wird ausgerottet werden), ce qui souligne évidemment l’importance de cette extermination (Gauschulungsamt der NSDAP Gau Osthannover, Arbeitsunterlagen für die weltanschauliche Ausrichtung der politischen Leiter des Gaues Osthannover, Heft VII, Lüneburg, 1943, p. 23). Des extraits de cette proclamation d’Hitler sont remarqués dès la fin de la guerre puisqu’ils sont signalés lors du procès de Nuremberg où ils figurent dans les documents reproduits dans les actes (Actes du Procès de Nuremberg, Procès des grands criminels de guerre devant le tribunal militaire international: Nuremberg, 14 novembre 1945 - 1er octobre 1946, tome XLI (41), p. 544). En fait, l’annonce de l’extermination des Juifs avait déjà été relevée pendant la guerre, puisqu’elle figure dans un ouvrage publié en 1943 (Hitler’s wartime speeches: an indexed selection of German quotations with English translations, Office of War Information, Bureau of Overseas Intelligence, 1943, p. 90). Ce passage ne cesse d’être cité depuis par les historiens. Par exemple, il est cité partiellement notamment par Eberhard Jäckel, Hitlers Weltanschauung, op. cit., p. 75 ou Peter Longerich, The Unwritten Order. Hitler’s Role in the Final Solution, op. cit., p. 92.

38. Eberhard Jäckel, Hitlers Weltanschauung, op. cit., p. 74-75. «Ich habe am 1. September 1939 in der damaligen Reichstagssitzung zwei Dinge ausgesprochen: […] zweitens, daß, wenn das Judentum einen internationalen Weltkrieg zur Ausrottung etwa der arischen Völker anzettelt, dann nicht die arischen Völker ausgerottet werden, sondern das Judentum. […] Die Juden haben einst auch in Deutschland über meine Prophezeiungen gelacht. Ich weiß nicht, ob sie auch heute noch lachen, oder ob ihnen das Lachen bereits vergangen ist. Ich kann aber auch jetzt nur versichern: Es wird ihnen das Lachen überhall vergehen. Und ich werde auch mit diesem Prophezeiungen recht behalten.» Nous traduisons encore «das Judentum» par «les Juifs». Voir note 20. Sur l’«erreur» de date commise par Hitler concernant sa «prophétie», voir fin de la note 30.

39. Max Domarus, Hitler. Reden und Proklamationen, 1932-1945, Löwit, 1973, vol. IV, p. 1937: «Auch eine andere Macht, die einst in Deutschland sehr gewärtig war, hat unterdes die Erfahrung gemacht, daß die nationalsozialistischen Prophezeiungen keine Phrasen sind. Es ist die Hauptmacht, der wir all das Unglück verdanken: das internationale Judentum. Sie werden sich noch der Reichstagssitzung erinnern, in der ich erklärte : Wenn das Judentum sich etwa einbildet, einen internationalen Weltkrieg zur Ausrottung der europäischen Rassen herbeiführen zu können, dann wird das Ergebnis nicht die Ausrottung der europäischen Rassen, sondern die Ausrottung des Judentums in Europa sein. Man hat mich immer als Propheten ausgelacht. Von denen, die damals lachten, lachen heute Unzählige nicht mehr, und die jetzt noch lachen, werden es vielleicht in einiger Zeit auch nicht mehr tun. Diese Erkenntnis wird sich über Europa hinaus über die ganze Welt verbreiten. Das internationale Judentum wird in seiner ganzen dämonischen Gefahr erkannt werden, dafür werden wir Nationalsozialisten Sorgen.». Version française (sauf les deux dernières phrases) dans Ian Kershaw, Hitler. 1936-1945: Némésis, Flammarion, 2000, p. 783.

40. Max Domarus, Hitler. Reden und Proklamationen, 1932-1945, Löwit, 1973, vol. IV, p. 1992: «Dieser Kampf wird deshalb auch nicht, wie man es beabsichtigt, mit der Vernichtung der arischen Menschheit, sondern mit der Ausrottung des Judentums in Europa sein Ende finden.»

41. Mémorandum de Paul Otto Schmidt; le 18 avril 1943, Geheime Reichsahe [secret d’Etat], relatif à la conversation entre le Führer et le régent hongrois Horthy au château de Klessheim le 17 avril 1943: «Wenn die Juden dort nicht arbeiten wollten, würden sie erschossen. Wenn sie nicht arbeiten könnten, müßten sie verkommen. Sie wären wie Tuberkelbazillen zu behandeln, an denen sich ein gesunder Körper anstecken könne. Das wäre nicht grausam, wenn man bedenke, daß sogar unschuldige Naturgeschöpfe wie Hasen und Rehe getötet werden müßten, damit kein Schaden entstehe.», Trial of the Major War Criminals before the International Military Tribunal, IMT, vol. XXXV, 736-D, p. 428 (version Gallica ici). Cité également dans Andreas Hillgruber (ed.), Staatsmänner und Diplomaten bei Hitler, vol.  2, Bernard & Graefe, Frankfurt am Main, 1970, p. 257. Voir également Saul Friedländer, Les Années d’Extermination. L’Allemagne nazie et les Juifs 1939-1945, Editions du Seuil, 2008, p. 598 ainsi que (citation partielle) Gerald Fleming, Hitler et la solution finale, op. cit., p. 208. Notons que Paul Otto Schmidt, interrogé dans le cadre du procès de Nuremberg, a formellement authentifié ses notes.

42. Miklós Horthy, Mémoires de l’amiral Horthy, régent de Hongrie, Paris: Hachette, 1954. Version originale hongroise de la déclaration de Hitler à Horthy: «zsidókat vagy meg kell semmisíteni, vagy koncentrációs táborba kell dugni» (Miklós Horthy, Emlékirataim, Buenos Aires: 1953, rééd. Európa Könyvkiadó, 2011, p. 281 de l’édition de 2011). Les traductions du même passage en allemand ou en anglais sont conformes à la traduction française (par exemple «Juden müssen entweder vernichtet oder ins KZ gesteckt werden», Ein Leben für Ungarn, Bonn: Athenäum-Verlag, 1953, p. 254). Il nous faut relever que dans les notes de Paul Otto Schmidt (voir note précédente), la remarque attribuée par Horthy à Hitler est attribuée à Ribbentrop («Le ministre des Affaires étrangères déclara que les Juifs devaient être, soit exterminés, soit envoyés dans les camps de concentration. Il n’y a pas d’autres solutions», en allemand, «[Ribbentrop] erklarte, daß die Juden entweder vernichtet oder in Konzentrationslager gebracht werden mußten. Eine andere Moglichkeit gabe es nicht», IMT, ibid.).

43.«Judentum muß in Europa ausgerottet werden. Was sich dem entgegenstellt, muss fallen […] Bei Juden aber kein Mitleid […] Nicht entschuldigen die die sich gegen Juden nicht verteidigen.», in Christian Gerlach et Götz Aly, Das Letzte Kapitel. Der Mord an den ungarischen Juden, Stuttgart München, DVA, 2002, p. 87-88, notamment note 271, p. 88.

44. Journal de Goebbels, 13 mai 1943 (Joseph Goebbels, Die Tagebücher von Joseph Goebbels, éd. Elke Fröhlich, Munich, 1993, partie II, vol. 8, p. 287-288). Pour le contexte et une citation (partielle) voir Ian Kershaw, Hitler. 1936-1945: Némésis, Flammarion, 2000, p. 847. Voir également Saul Friedländer, Les Années d’Extermination, Editions du Seuil, 2008, p. 589. Le passage cité est le suivant: «Die Natur ist vom Gesetz des Kampfes beherrscht. Immer wieder wird es parasitäre Erscheinungen geben, die den Kampf beschleunigen und den Ausleseprozess zwischen den Starken und den Schwachen intensivieren. […] In der Natur handelt das Leben immer gleich gegen den Parasitismus; im Dasein der Völker ist das nicht ausschließlich der Fall. Daraus resultiert eigentlich die jüdische Gefahr. Es bleibt also den modernen Völkern nichts anderes übrig, als die Juden auszurotten. Sie werden sich mit allen Mitteln gegen diesen allmählichen Vernichtungsprozess zur Wehr setzen.»

45. En partie cité par Ian Kershaw, Hitler. 1936-1945: Némésis, op. cit., p. 915. Nous citons, complétons et traduisons les parties manquantes d’après l’original allemand cité intégralement par Hans-Heinrich Wilhelm, «Hitlers Ansprache vor Generalen und Offizieren am 26. Mai 1944», Militärgeschichtliche Mitteilungen, 2, 1976, p. 155-156: «Es hat mancher nicht begriffen, warum ich gerade hier so brutal und rücksichtslos vorgegangen bin […] Indem ich den Juden entfernte, habe ich in Deutschland die Möglichkeit irgendeiner revolutionären Kernbildung oder Keimzellenbildung beseitigt. Man kann mir natürlich sagen: Ja, hätten Sie das nicht einfacher - oder nicht einfacher, denn alles andere wäre komplizierter gewesen, aber humaner lösen können? Meine Herren Offiziere, wir stehen in einem Kampf auf Leben und auf Tod. Wenn in diesem Kampf unsere Gegner siegen, würde das deutsche Volk ausgerottet werden. Der Bolschewismus würde Millionen und Millionen und Millionen unserer Intellektuellen abschlachten. Was nicht durch Genickschuß stürbe, würde abtransportiert. Die Kinder höherer Schichten würden wegkommen und beseitigt werden. Diese ganze Bestialität ist vom Juden organisiert worden. […] Wenn ich mir schon den Haß der Juden zuziehe, dann möchte ich wenigstens nicht die Vorteile eines solchen Hasses vermissen. […] der Jude hat als Programm aufgestellt die Ausrottung des deutschen Volks. Ich habe am 1. September 1939 im Deutschen Reichstag erklärt: Wenn jemand glaubt, durch einen solchen Weltkrieg die deutsche Nation auszurotten, dann irrt er sich; wenn das Judentum das wirklich arrangiert, dann wird derjenige, der ausgerottet sein wird, das Judentum.» Il est intéressant de souligner (ce que fait Kershaw) que dans ce discours, Hitler cite une nouvelle fois sa «prophétie» de 1939 et reprend sa menace: en cas de guerre ce ne serait pas la nation allemande qui serait «ausgerottet» mais la «juiverie» (Kershaw, ibid, p. 926). Etant donnée la description que Hitler vient de faire de ce que serait l’«Ausrottung» du peuple allemand, ce qu’il entend par l’«Ausrottung» des Juifs devient clair: des millions de morts, des balles dans la nuque, des déportations, l’élimination des enfants: exactement ce que les nazis ont fait subir aux Juifs d’Europe. Un passage particulièrement intéressant s’insère également ici. Hitler insiste sur le fait que les Allemands sont totalement maîtres des espaces qu’ils contrôlent et que là où ce n’est pas le cas, les Juifs persistent et s’insinuent dans toute la société. Il déclare: «L’avantage est que nous possédons une entité proprement organisée dans laquelle nul ne peut s’immiscer. Voyez, en comparaison, les autres États. Nous en avons eu un aperçu dans un État qui a suivi la route opposée: la Hongrie. L’État tout entier a été miné et corrodé, des Juifs partout, jusque dans les plus hautes sphères, des Juifs et encore des Juifs, et l’État tout entier recouvert, je dois dire, par un réseau continu d’agents et d’espions qui ne se sont abstenus de frapper que parce qu’ils craignaient qu’une attaque prématurée ne nous fasse réagir, mais ils attendaient le moment de lancer cette attaque. Je suis intervenu ici aussi, et ce problème aussi va être maintenant résolu, comme je dois le dire…: » (Kershaw, ibid.). C’est alors qu’intervient le rappel par Hitler de sa «prophétie» d’extermination des Juifs de 1939, montrant que le sort réservé aux Juifs de Hongrie est bien la mort. Hitler fait donc ici une référence explicite et publique à l’«Opération Hongrie» de transport des Juifs de Hongrie vers Auschwitz qui avait débuté dix jours plus tôt (et se poursuivrait jusqu’au 9 juillet 1944, y amenant près de 430 000 Juifs, assassinés dès leur arrivée dans leur écrasante majorité). Ian Kershaw cite ce passage mais ne relève pas vraiment cet aveu public par Hitler de l’envoi à la mort des Juifs hongrois. Dans sa biographie d’Hitler, Peter Longerich également. Seul Volker Ullrich relève cette mention publique de l’assassinat des Juifs de Hongrie par Hitler, sans toutefois citer tout le passage. (Adolf Hitler: Die Jahre des Untergangs 1939-1945, Frankfurt am Main: Fischer Verlag, 2018). La version originale est citée par Hans-Heinrich Wilhelm (ibid.): «Der Verteil besteht darin, daß wir einen sauber organisierten Volkskörper besitzen, in den kein anderer mehr hineinreden kann. Schauen Sie demgegenüber die anderen Staaten an. Wir haben einen Einblick bekommen in einen Staat, der den umgekehrten Weg gegangen ist: Ungarn. Der ganze Staat zersetzt und zerfressen, überall Juden, bis in die höchsten Stellen hinauf Juden und wieder Juden, und der ganze Staat von einem, ich muß sagen, lückenlosen Netz von Agenten und Spionen überzogen, die nur noch nicht losgeschlagen hatten, weil sie Angst hatten, daß ein vorzeitiges Losschlagen uns hineinziehen würde, aber sie lauerten auf dieses Losschlagen. Ich habe auch hier eingegriffen, und auch dieses Problem wird nun gelöst werden, wie ich überhaupt sagen muß…». Les scans des pages de la transcription originale que nous présentons ont été effectuées dans les années 1990 par le projet Nizkor sur une copie des microfilm NARA (aux National Archives américaines) réalisée par Laura Finsten. Ces fichiers ont depuis longtemps complètement disparu d’internet (ils ne figurent même pas sur archive.org), mais nous les avions sauvegardés en 1997. Enfin relevons la finesse de Hans-Heinrich Wilhelm qui énonce ce qui semble parfois encore difficile à faire entendre, à savoir qu’au moment du discours d’Hitler, «l’extermination des Juifs n'était plus un secret depuis longtemps» («[die] Judenvernichtung, die um diese Zeit längst kein Geheimhaltungsgegenstand mehr war», ibid., p. 136).

46.Ibid., p. 1171-1172. Citation originale en Allemand dans Eberhard Jäckel, Hitlers Weltanschauung, op. cit., p. 78 (1re édition, Tübingen:Rainer Wunderlich Verlag H. Leins, 1969, p. 85): «Ich habe aber auch keinen Zweifel darüber gelassen, daß, wenn die Völker Europas wieder nur als Aktienpakete dieser internationalen Geld- und Finanzverschwörer angesehen werden, dann auch jenes Volk mit zur Verantwortung gezogen werden wird, das der eigentlich Schuldige an diesem mörderischen Ringen ist: Das Judentum! Ich habe weiter keinen darüber im unklaren gelassen, daß dieses Mal nicht nur Millionen Kinder von Europäern der arischen Völker verhungern werden, nicht nur Millionen erwachsener Männer den Tod erleiden und nicht nur Hunderttausende an Frauen und Kindern in den Städten verbrannt und zu Tode bombardiert werden dürften, ohne daß der eigentlich Schuldige, wenn auch durch humanere Mittel, seine Schuld zu büßen hat.». Texte complet et fac-similés en ligne. On peut rapprocher cette dernière déclaration d’Hitler d’une autre, qu’il aurait faite lors d’un entretien du 13 février 1945; il aurait confié: «J’ai lutté contre les Juifs à visage découvert. Je leur ai adressé un dernier avertissement au début de la guerre. Je ne leur ai pas laissé ignorer que s’ils précipitaient de nouveau le monde dans la guerre, cette fois ils ne seraient pas épargnés, que la vermine serait définitivement exterminée en Europe. […] J’ai percé le furoncle juif comme les autres. L’avenir nous en sera éternellement reconnaissant.» («Ich habe gegen die Juden mit offenem Vieser gekämpft. Ich ihnen bei Kriegsausbruch eine letzte Warnung zukommen lassen. Ich habe sie nicht im ungewissen darüber gelassen, daß sie sollten sie die Welt von neuem in dem Krieg stürzen, diesmal nicht verschont bleiben würden — daß das Ungeziefer in Europa endgültig ausgerottet wird. […] Die jüdische Eiterbeule habe ich aufgestochen, wie die anderen. Die Zukunft wird uns ewigen Dank dafür wissen»), dans Eberhard Jäckel, Hitlers Weltanschauung, op. cit., p. 77. Mentionnons toutefois que la source de laquelle est tirée cette citation, Hitlers Politische Testament. Die Bormann-Diktate vom Februarund April 1945, Hambourg, 1981, document édité par le milliardaire proto-nazi François Genoud, ne présente pas toutes les garanties d’authenticité tant ses conditions de découverte et de publication sont rocambolesques (voir l’explication complète de Ian Kerhaw, qui ne ne prononce pas, op. cit., p. 1491-1494). Le caractère extrêmement cohérent du contenu du document par rapport aux propos antérieurs d’Hitler plaide cependant en faveur de l’authenticité du document. François Delpla, historien et biographe français d’Hitler, est par ailleurs enclin à y voir un document authentique (échange avec l’auteur, juin 2001). Pierre Péan cite le document Bormann-Genoud longuement sans en mettre en doute l’authenticité (Pierre Péan, L’extrémiste: François Genoud, de Hilter à Carlos, Le Livre de Poche, 1996, p. 193-197), tandis que l’autre biographe de Genoud, Karl Laske en mentionne le caractère douteux (Karl Laske, Le banquier noir, Seuil, 1996, p. 166-167). [mise à jour 2020: l’historien Mikael Nilsson a démontré de façon convaincante que ce document est beaucoup trop douteux pour qu’on lui accorde la moindre confiance et qu’il s’agit probablement une fabrication de Genoud. Voir son «Constructing a Pseudo-Hitler? The question of the authenticity of Hitlers politisches Testament, », European Review of History: Revue européenne d’histoire, 2019, vol. 26, no. 5. Nous avions donc raison, dès 2002, de mentionner la prudence avec laquelle il fallait considérer ce document…].

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