La guerre et l’assassinat des Juifs lituaniens en 1941
Christoph Dieckmann
Traduit par François Pastre
1914-1945. L’Ère de la Guerre. Tome 2: 1939-1945. Nazisme, occupations, pratiques génocides, Anne Duménil, Nicolas Beaupré, Christian Ingrao (dir.), Paris: Agnès Viénot Éditions, 2004.© Christoph Dieckmann/Agnès Viénot Éditions 2004 – Reproduction interdite sauf autorisation de l’auteur, de l’éditeur ou des ayants droit
Préambule (par PHDN)
Les années 1990 furent une décennie très fructueuse pour l’historiographie allemande de la Shoah. Des analyses inédites et majeures, notamment de nombreuses études locales sur les politiques nazies à l’Est sont produites. Au début des années 2000, Anne Duménil, Nicolas Beaupré, Christian Ingrao dirigent un volume de traductions de certaines de ces études parmi les plus importantes. Christoph Dieckmann est l’un de ces historiens qui émergent alors et le texte présenté ici, d’abord publié en 1995 («Der Krieg und die Ermordung der litauischen Juden», in Ulrich Herbert (éd.). Nationalsozialistische Vernichtungspolitik 1939-1945. Neue Forschungen und kontroversen, Francfort, 1995), est un apport important à notre connaissance du génocide des Juifs, à son émergence en Lituanie dans les semaines qui suivent le début de l’invasion allemande à l'été et à l’automne 1941.
L’ouvrage dont est tirée la traduction française de cette étude est aujourd’hui épuisé et ne se trouve que d’occasion. La plupart des travaux de Christoph Dieckmann ne sont pas traduits, notamment son Deutsche Besatzungspolitik in Litauen 1941-1944 (Hambourg: Göttingen: Wallstein-Verlag, 2011) qui développe la présente étude. C’est la raison pour laquelle nous l’avons scannée, passée à l’OCR, et mise en web à partir de notre exemplaire papier. Il faut toutefois avoir pleinement conscience qu’il s’agit d’une littérature spécialisée et ardue, inadaptée avant les études supérieures, à moins d’avoir déjà une pratique de telles lectures. Elle permet néanmoins de voir l’historien au travail, ce qui n’est pas la moindre de ses qualités. Cela est également vrai des autres chapitres de l’ouvrage dont il est question et que nous espérons mettre également, un jour, en ligne. On pourra compléter la présente étude par:
- Yitzhak Arad, «The Murder of the Jews in German-Occupied Lithuania (1941-1944)», Zeitschrift für OstmitteleuropaForschung vol. 54 n. 1, 2005. «. En ligne…
- Yitzhak Arad, «La réécriture de la Shoah en Lituanie d’après les sources lituaniennes», Revue d’Histoire de la Shoah, no 197, 2012. En ligne… (également en anglais)
- Konrad Kwiet, «Rehearsing for murder: the beginning of the Final Solution in Lithuania in june 1941», Holocaust and Genocide Studies vol. 12 n. 1, 1998. «. En ligne…
- Christoph Dieckmann & Saulius Sužiedėlis, The Persecution and Mass Murder of Lithuanian Jews during Summer and Fall of 1941: Sources and Analysis, Vilnius, Margi raštai, 2006. En ligne…
Un dernier point mérite l’attention du lecteur: l’éditeur et les coordinateurs de l’ouvrage dont le présent texte est tiré avaient confié la traduction intégrale des textes allemands à un jeune traducteur, François Pastre, disparu prématurément en avril 2020. On ne peut que souligner l’extrême difficulté que présentent pour celui qui doit en effectuer la traduction des textes de cette nature, tant sur la forme que sur le fond et on ne peut que louer la qualité et la rigueur du travail de François Pastre. Voici ce que Christian Ingrao a publié sur son mur facebook à l’occasion de sa disparition: «François Pastre s’est éteint soudainement dans la nuit du 15 au 16 avril. Il était un traducteur talentueux. Nicolas Beaupré, Anne Duménil et moi même avions fait appel à lui pour traduire vers le français un ensemble de 7 textes diffusant une nouvelle vague de recherche sur la Shoah et la Seconde guerre mondiale dans l’ère de la guerre Tome 2. Il a ainsi contribué à la réception en France de la recherche allemande et joué un rôle de passeur. Il était très apprécié dans son milieu et ses traductions avaient été d’une grande rigueur. Nous nous associons à sa famille et à ses proches dans leur affliction. Que la terre lui soit légère; que notre souvenir demeure».
La guerre et l’assassinat des Juifs lituaniens en 1941
Christoph Dieckmann
Le 24 juin 1941, deux jours seulement après le début de la guerre, ont été commis, dans la petite localité lituanienne de Gargzdai, située à quelques kilomètres de la frontière, les premiers meurtres de Juifs en Union soviétique occupée par les Allemands. Cet après-midi-là, un commando de la police de sécurité allemande et du service de sécurité (SD) de Tilsit, ainsi qu’un détachement de la police de Memel ont fusillé 201 personnes1. Cet assassinat de civils a été suivi par un grand nombre d’autres exécutions perpétrées dans la bande frontière lituanienne. Jusqu’au 18 juillet 1941, plus de 3 000 personnes y ont été tuées.
En apportant des précisions sur les premiers meurtres commis à Gargzdai le 24 juin, l’historien Eberhard Jäckel, de Stuttgart, a tenté de prouver la thèse selon laquelle le chef de l’Einsatzgruppe A (EG A), le Dr Walter Stahlecker, aurait également fait fusiller dès le début «les femmes et les enfants juifs». Selon M. Jäckel, il faut donc en conclure que, au cours d’un entretien avec son supérieur hiérarchique Reinhard Heydrich, chef de l’Office central de sécurité du Reich (RSHA), Stahlecker avait reçu une consigne orale selon laquelle «il Ce pouvait ou devait tuer tous les Juifs2».
Ce point de vue, qui revêt une grande importance pour l’analyse et l’interprétation de l’ensemble du processus ayant entraîné le génocide des Juifs, s’appuyait sur le rapport que l’historien munichois Helmut Krausnick avait présenté en tant qu’expert lors du procès d’Ulm intenté par la République fédérale en 1958, en renvoyant aux affirmations des accusés sur les meurtres commis dans la bande frontière lituanienne. D’après ce document, le 23 juin 1941, à Tilsit, Stahlecker aurait donné aux chefs de la police locale l’ordre de «mettre en œuvre le traitement spécial réservé à tous les Juifs, y compris les femmes et les enfants, et aux Lituaniens soupçonnés d’être communistes3». Cependant, à la lumière de nouvelles sources, et des documents relatifs aux crimes des Einsatzgruppen comparaissant à Ulm, cette hypothèse doit être remise en question. Les victimes de la première vague d’assassinats, essentiellement des Juifs, au nombre total de 10 000 à 12 000 environ, étaient surtout des Juifs de sexe masculin et des communistes. En règle générale, les femmes et les enfants juifs n’étaient pas touchés par ces exécutions. La première partie des réflexions ci-après est consacrée à discuter le contexte et les ordres donnés en vue des premiers meurtres en Lituanie.
Une nouvelle phase débuta en août 1941. L’administration civile allemande, mise en place dès la fin juillet 1941, adopta une politique visant à exterminer la quasi-totalité de la population juive, hommes, femmes et enfants, dans les zones rurales. A partir d’août 1941, dans les grandes villes lituaniennes, la population juive fut soumise à des opérations de sélection de grande envergure qui firent des dizaines de milliers de victimes. En l’espace de quelques mois, des policiers allemands et lituaniens fusillèrent et firent mourir au moins 120 000 Juifs lors de massacres dont la brutalité dépasse l’entendement. La police lituanienne avait été mise à contribution par les autorités d’occupation allemandes dès les premiers jours de la guerre et se trouvait sous contrôle allemand. Seuls 45 000 à 50 000 Juifs survécurent à ces opérations de sélection. Ils furent enfermés dans des ghettos afin de travailler encore quelque temps pour l’industrie de guerre allemande4.
La seconde partie de cet article tente de déterminer les facteurs du passage de la première à la seconde phase de la politique meurtrière allemande en Lituanie en août 1941. Si, comme nous allons tenter de le démontrer, aucun ordre n’a été donné dès le début de la guerre, en juin 1941, pour l’extermination totale des Juifs lituaniens, comment le gouvernement allemand a-t-il pu se décider six semaines plus tard seulement à fusiller non seulement des Juifs de sexe masculin, comme il le faisait auparavant, mais aussi des femmes et des enfants, au cours de centaines d’exécutions? Par rapport à d’autres régions de l’Union soviétique occupée. En Lituanie, ces crimes furent particulièrement précoces et touchèrent la quasi-totalité des Juifs. Mais pour quelle raison? Pour analyser les questions relatives aux motifs et à la date du durcissement de la politique antisémite en Lituanie, il s’agit de reconstruire les perspectives des décideurs allemands sur les événements: comment les responsables régionaux a1lemands ont-ils perçu la situation et comment cette dernière a-t-elle évolué pour le gouvernement du Reich?
Au cours de l’été et de l’automne 1941, l’attention du régime national-socialiste était centrée sur la guerre contre l’Union soviétique, qui suscitait les plus grandes espérances. On a souvent constaté un étroit rapport idéologique entre les objectifs allemands, la conduite de la guerre et l’extermination des Juifs. Comme Andreas Hillgruber l’affirmait déjà en 1972, le gouvernement allemand avait dès le printemps 1941 conçu cette guerre contre l’Union soviétique comme une «guerre idéologique» qui devait anéantir le «bolchevisme juif» et créer un«espace vital» pour le peuple allemand5. L’extermination des Juifs de l’Est pendant la guerre avait donc déjà été décidée. En revanche, d’autres auteurs mettent davantage l’accent sur le fait que le mauvais déroulement inattendu de la guerre a conduit les nationaux-socialistes, compte tenu de leur idéologie antisémite, à tuer les Juifs au titre d’un «sacrifice et d’un acte de vengeance» contre les difficultés rencontrées dans la conduite de la guerre et la menace de défaite qui pesait sur le IIIe Reich, en quelque sorte sous l’effet d’une «soif de vengeance»6.
Les doutes sur la pertinence de ces arguments pour analyser les rapports concrets entre la guerre, l’antisémitisme et l’extermination des Juifs en Union soviétique occupée constituent le point de départ des considérations suivantes, qui portent sur les structures et les motifs de la politique meurtrière menée par les Allemands en Lituanie au cours de l’été et de l’automne 1941.
LA PHASE DES PREMIÈRES EXÉCUTIONS ET DES POGROMS DE JUIN ET JUILLET 1941
Le 176e régiment d’infanterie (RI), commandé par le général-major Robert Sattler, qui appartenait à la 61e division d’infanterie (DI), faisait partie du groupe d’armées nord et avait pour mission de conquérir la petite ville de Gargzdai dès le premier jour de l’attaque contre l’Union soviétique. Gargzdai était traversée par l’unique route qui se trouvit dans le secteur imparti à ce corps d’armée. Le pont local sur la Minija revêtait une grande importance stratégique et il était facile de s’en emparer rapidement en contournant Gargzdai. Toutefois, les projets du 2e bataillon, qui voulait «prendre la localité par surprise», échouèrent car des troupes frontalières russes défendaient l’endroit avec acharnement7. On suppose que lors des combats qui se sont poursuivis dans l’après-midi du 22 juin, environ 100 soldats allemands ont péri. Les 1 000 Juifs de cette petite ville, de 3 000 habitants environ, vivaient surtout à l’ouest de la localité. C’est précisément ce secteur qui a été le plus âprement disputé; là se trouvaient les positions des troupes frontalières soviétiques8. Des pris troupes allemandes ont signalé que des «civils» avaient également part aux combats9. Le 23 juin, de nombreux habitants de la ville, ayant pour la plupart cherché refuge dans des caves, furent amenés sur la place du marché. Les Juifs et les supposés communistes furent certainement séparés du reste de la population par des policiers des frontières de Memel et des auxiliaires lituaniens de Gargzdai. De 600 à 700 Juifs passèrent la nuit dans le jardin public. Les fonctionnaires de la police des frontières parquèrent les hommes juifs âgés de plus de 15 ans dans un pré situé à l’ouest de la localité, 10 où ils furent surveillés par des douaniers allemands10. Conformément aux ordres donnés, qui stipulaient que des mesures de répression collective devaient être adoptées à l’encontre de la population dans les localités opposant de la résistance11, un chef de compagnie allemande, avec l’accord du commandement de sa division, avait informé le poste de police frontalier situé à proximité des combats qui se déroulaient à Gargzdai. Le «cas» lui fut confié car la compagnie devait vite rattraper un régiment déjà bien avancé. Les unités mobiles de la Wehrrnacht ne devaient pas effectuer elles-mêmes des «actions de recherche et de nettoyage particulières» car leur veritable mission était «le combat et le mouvement12». Par la suite, le commissariat de police de Memel avait informé le poste de police avancé de Tilsit qui, de son côté, avait adressé un télex urgent au RSHA pour demander ce qu’il convenait de faire car le nombre de personnes arrêtées par la Wehrmacht augmentait13.
Le 24 juin, le chef de la Gestapo de Tilsit, Hans-Joachim Böhme, et le chef du SD, Werner Hersmann, avaient rencontré Stahlecker. En 1958, lorsqu’ils furent mis en accusation, Böhme et Hersmann prétendirent que Stahlecker leur avait donné l’ordre de commettre les meurtres de Gargzdai, contrairement au rapport qu’ils ont fait parvenir au RSHA le 1er juillet 1941 et qui se lit d’une manière tout à fait différente. Ce texte stipule que, le 24 juin, ils auraient discuté de la situation avec Stahlecker. Il aurait «donné son accord de principe pour les opérations de nettoyage menées à proximité de la frontière allemande14». Dans ce document, il n’est pas question d’un ordre mais de «l’accord» de Stahlecker, ce qui permet de conclure qu’il a réagi aux propositions de Böhme et Hersmann. Dix-sept ans plus tard, le tribunal d’Ulm s’est laissé berner par les affirmations des accusés lorsque ces derniers ont prétendu qu’ils avaient agi en raison de la «nécessité d’obéir aux ordres».
Le bureau local de la Gestapo à Tilsit a probablement donné l’ordre au chef de la Gestapo, le Dr Erich Frohwann, et à Erwin Sakuth, chef du SD et du Commissariat de Police Frontalière de Memel, de préparer l’exécution de 200 hommes en état de porter les armes. Le 24 juin, 200 hommes, dont des communistes et un nombre important de Juifs, furent fusillés après avoir été dépouillés de leurs objets de valeur, par un commando de la Police des Frontières de Memel placé sous la direction du Poste de police de Tilsit et du Commissariat de police frontalier de Memel. L’épouse d’un commissaire russe fut également assassinée. Les femmes et enfants juifs furent enfermés dans des granges situées à l’autre extrémité de la ville et les femmes contraintes de travailler. Presque trois mois plus tard, les 14 et 16 septembre, ces femmes et ces enfants, au nombre de 300 environ, furent fusillés par les polices allemande et lituanienne dans un petit bois situé à 6 ou 7 km au nord-est de Gargzdai, lors de deux «actions»15.
Le bureau local de la Gestapo de Tilsit avait reçu l’accord de Stahlecker et pour l’exécution des communistes et des Juifs de sexe masculin à Gargzdai, et pour les autres meurtres commis dans la bande-frontière lituanienne. Dès le lendemain, le 25 juin, 214 hommes et 1 femme furent fusillés par le même commando à Kretinga (Krottingen) et, deux jours plus tard, 111 hommes furent tués à Palanga (Polangen). Le 25 juin, à Kretinga, les femmes et les enfants juifs furent explicitement épargnés par ces meurtres, comme le démontre le rapport de la police16. A Palanga, le commandant local, également le commandant de la base aérienne du lieu, mit à disposition un corrunando d’exécution de 16 à 20 hommes issus de la 6e compagnie d’aspirants d’une escadrille d’avions de chasse17. Auparavant, des aviateurs de la 1re flotte aérienne avaient déjà enfermé dans la synagogue et mis sous bonne garde les Juifs de sexe masculin, tandis que les femmes étaient isolées dans le domaine de Pryzmanziai. Comme à Gargzdai, les femmes et les enfants juifs de Kretinga et de Palanga furent fusillés deux mois plus tard, fin août et début septembre, par des unités lituaniennes et allemandes.
Au cours des premières exécutions, un autre commando d’intervention avait été mis sur pied. Il rassemblait des unités de la Wehrmacht, le commissariat de police frontalier de Memel et le bureau de la Gestapo de Tilsit, sous le commandement de l’ambitieux Hans-Joachim Böhme18. Ce commando avait reçu des autorisations d’une portée considérable pour mener des «opérations de nettoyage» dans la bande-frontière lituanienne, pour lesquelles, en réalité, on avait retenu le Sk 1b, dirigé par Erich Ehrlinger puis, par la suite, le Ek 3, commandé par Karl Jäger. Le 4 juillet, Heydrich fit état de ces autorisations auprès des autres commandos d’intervention: pour garantir la liberté de mouvement des groupes et des commandos d’intervention et les décharger, Heydrich prétendait avoir «donné aux responsables des postes de police l’autorisation de procéder à des opérations de nettoyage dans les territoires nouvellement occupés situés face à leurs sections de frontière19». La légende selon laquelle un ordre visant à liquider les hommes, les femmes et les enfants juifs dès le début de la guerre avait été donné au poste de police de Tilsit par Heydrich ou Stahlecker n’a vu le jour qu’à la faveur des stratégies de défense adoptées par les accusés en 1958, lors de leur procès devant le tribunal d’Ulm. Comme lors du procès intenté aux groupes d’intervention à Nuremberg, il ne s’agissait pas là de la réalité historique, mais d’une «ligne de défense», qui visait à disculper les accusés20. «L’accord» de Stahlecker, «l’autorisation» de Heydrich et le fait qu’en premier lieu, on ait surtout tué des Juifs de sexe masculin aptes à porter les armes et des communistes sont en parfaite contradiction avec la thèse selon laquelle des ordres précis auraient été donnés dès le début de la guerre pour l’extermination de l’ensemble de la population juive de l’Union soviétique occupée. Lorsque, le 30 juin 1941, le chef de police lituanien d’Alytus, une ville du sud de la Lituanie, a de lui-même proposé aux Allemands de tuer tous les Juifs en quelques jours avec une troupe lituanienne composée de 1 050 policiers et partisans lituaniens, la partie allemande s’y est opposée21.
Il existe, au contraire, des indications précises sur la teneur bien différente des ordres donnés aux Einsatzgruppen en Lituanie au début de la guerre: Hans-Joachim Böhme, le chef du poste de police de Tilsit, qui, dès les premiers jours de la guerre, a profité de la situation pour devenir le chef d’un groupe d’intervention, a probablement reçu de Stahlecker ou de Heydrich l’ordre de «fusiller les Juifs de sexe masculin âgés de 16 ans et plus, ainsi que les communistes dangereux». Lors de son procès, Böhme a lui-même cité un tel ordre pour sa défense alors qu’il cherchait à se justifier des exécutions de femmes et d’enfants juifs qui lui étaient reprochées. Un ordre analogue a été retrouvé pour la région voisine, située autour de Kaunas: le 15 août, à Kaunas, l’Hauptsturmführer SS Joachim Hamann du commando d’intervention de Kaunas, donna au chef de la police lituanienne l’ordre d’arrêter et d’isoler tous les Juifs de sexe masculin âgés de plus de 15 ans qui résidaient dans la zone correspondant au commissariat de la région de Kaunas, et toutes les femmes juives qui s’étaient livrées à des activités communistes22. Böhme a certes émis son affirmation en rapport avec sa responsabilité lors de l’exécution de femmes et d’enfants, et Hamann a transmis son ordre à la police lituanienne à une date plus tardive, mais l’hypothèse selon laquelle une consigne d’exécution de tous les hommes juifs de plus de 15 ans et de toutes les personnes soupçonnées d’être communistes avait été donnée est confirmée par la pratique de meurtres pendant ces premières semaines de guerre.
Seuls les Juifs de sexe masculin jugés indispensables pour la poursuite des activités des entreprises importantes pour la guerre, en particulier les ouvriers spécialisés juifs, furent épargnés par ces meurtres. Après plusieurs interventions des commandos économiques allemands, ils furent, dans un premier temps, laissés en vie pour travailler pour les besoins de la guerre dans des ghettos sous contrôle. Le 15 juillet 1941, le Wirtschaftsstab Ost (WiStab Ost), état-major économique de l’est, transmit une consigne générale à ce sujet aux services économiques régionaux. Ces derniers ont reçu la consigne de s’engager à maintenir les ouvriers spécialisés juifs dans les entreprises dont la production est vitale pour la guerre si aucun remplaçant n’est disponible et si le maintien de la production en dépend23.
L’action systématique des commandos d’intervention du poste de police de Tilsit dans les villes frontalières lituaniennes l’arrestation ciblée et l’exécution de certains groupes de communistes et de Juifs de sexe masculin, l’isolement de la population juive dans une partie précise de la localité, souvent en périphérie est caractéristique des procédés mis en œuvre contre les Juifs jusqu’à la mi-août dans toute la Lituanie par les polices allemande et lituanienne. L’Ek 3 à Kaunas, et le détachement de l’Ek 2 qui a sévi jusqu’à début octobre dans le nord de la Lituanie, ont également agi de la sorte.
Interrogé par ses juges sur l’exécution de Juifs de sexe masculin à Kretinga, l’Untersturmführer SS Krumbach, de la Gestapo de Tilsit, a décrit la situation qui prévalait en juin 1941 avec davantage de clarté que ses supérieurs, qui avaient fixé leur ligne de défense en invoquant la «nécessité d’obéir aux ordres». A la question: «Que vous a-t-on expliqué, notamment lorsqu’on vous a dit que tous les Juifs devaient être fusillés. Vous a-t-on également parlé des femmes et des enfants?», Krumbach a répondu: «À l’époque, Böhme et Hersmann m’ont expliqué que conformément à un ordre du Führer, il fallait extertniner tous les Juifs de l’Est, liés par le sang aux Juifs du monde entier, pour anéantir la juiverie mondiale par un coup décisif. À cette époque, ces justifications n’étaient, en soi, pas nouvelles, et faisaient partie de l’idéologie du parti. Les commandos d’intervention de la police et du SD avaient été créés par le Führer pour remplir cette mission […]. Lorsque j’ai demandé ce qu’il devait advenir des femmes et des enfants juifs restés sur place et des familles des officiers soviétiques, qui, en fin de compte, devaient être approvisionnés et nourris, on m’a répondu qu’ils devaient très probablement être internés dans des camps à aménager à cet effet. Toutefois, à ce sujet, nous n’avions pas d’informations plus précises, rien n’était encore décidé24.»
Dans une étude parue en 1991, Peter Longerich a supposé que les «chefs des unités d’extermination avaient [reçu] une sorte d’autorisation générale pour commettre, dans les régions conquises, des meurtres de Juifs en nombre illimité, meurtres qui, dans un premier temps, visaient essentiellement les hommes25». Même si la thèse de Longerich à propos d’une «technique de commandement basée sur l’interaction» est vraisemblablement juste, l’hypothèse d’une «autorisation générale» accordée aux chefs des Einsatzgruppen est, malgré tout, trop vague. Il faudrait plutôt parler d’un concept policier spécifique de la terreur et du meurtre que d’un mode de conduite de la guerre, à appliquer de manière systématique, concept qui gouvernait les activités des commandos d’exécution au cours des premiers mois. Un grand nombre de déclarations faites avant et après le 22 juin 1941 indiquent que les dirigeants politiques, militaires et policiers allemands visaient surtout à exterminer la «classe dirigeante judéo-bolchevique» qui, dans l’esprit des nationaux-socialistes, constituait le noyau de l’État soviétique. Ce concept reposait sur la ligne fixée par Hitler: «L’intelligentsia judéo-bolchevique, l’ancien oppresseur du “peuple”, doit être éliminée26.» Le gouvernement allemand croyait que l’exécution de ces «supports idéologiques» les plus importants accélérerait considérablement l’implosion de l’État soviétique.
Les actions meurtrières contre la classe dirigeante nationale menées en Pologne depuis septembre 1939 par la police de sécurité constituaient le modèle de ce concept27. Au printemps 1940, dans le gouvernement général, de telles actions avaient été intégrées à titre permanent dans le régime d’occupation allemand pour permettre la «domination complète du peuple polonais dans cette région», quand Hitler confia la mission suivante au gouverneur général Frank: «Les membres de la classe dirigeante polonaise que nous avons identifiés doivent être liquidés. Nous devons mettre sous bonne garde ceux qui prendront la relève avant de les éliminer quand le moment sera venu28.» Ce concept devait être mis en œuvre sous une forme plus radicale et sur une échelle plus large lors de la guerre contre l’Union soviétique et concernait alors également les Juifs de sexe masculin «aptes à porter les armes».
La discussion sur les plans d’exécution, menée au printemps 1941, démontre que «l’ordre concernant les commissaires» et le «décret sur la justice» ne visaient pas seulement les commissaires politiques. de l’Armée rouge, mais aussi la totalité de la «classe dirigeante» de l’État soviétique, telle que la définissaient les nazis, leur extermination fut finalement menée par l’armée et les groupes d’intervention. Le 25 avril 1941, Alfred Rosenberg s’est prononcé contre «le projet d’élimination généralisée des cadres nationaux, communaux et ruraux […] en raison du manque de personnel. Du point de vue politique et social, une extermination généralisée dès le début des combats serait une opération qui, par la suite, entraînerait des conséquences terribles29». Cependant, il n’y eut aucun désaccord sur les «commissaires de rang supérieur». D’après Rosenberg, «le fait que ces oppresseurs des peuples de l’Est, dont le nombre se chiffre bien entendu à plusieurs dizaines de milliers, devaient être éliminés allait de soi30». Par contre, les chefs de la Wehrmacht se prononcèrent contre cette limitation visant à «ne liquider que les cadres de rang supérieur, [car] devoir classer les différents degrés de responsabilité [paraissait] difficile et prendrait du temps31».
Dans la dernière version de cette «directive pour le traitement des commissaires politiques», en date du 6 juin 1941, il n’était plus question du «traitement des cadres politiques», mais pour la Wehrmacht, cela se réduisait désormais aux commissaires politiques, il est vrai au sens large32. Dans les autres régions de l’Union soviétique destinées à être occupées, le reste de la «classe dirigeante» devait être confié aux divisions de protection et aux groupes d’intervention en cours de progression car ils avaient davantage de temps pour «trier» et contrôler les responsables politiques. L’intendant en chef de l’armée de terre Eduard Wagner avait négocié cette répartition avec Heydrich pour que les divisions de protection se concentrent sur les grandes voies de circulation pendant que «l’action des forces du Reichsführer SS dans les régions contrôlées par les troupes à l’arrière se déroulait principalement à l’écart des axes de circulation33». Ces objectifs à court et à long termes ne semblaient en rien contradictoires, car l’exécution des communistes et des Juifs de sexe masculin devait permettre de «jeter les bases de l’élimination définitive du bolchevisme» et, en même temps, de «protéger les régions situées entre les voies de ravitaillement34».
Les explications bien connues, données par Heydrich aux chefs de la SS et de la police dans sa lettre du 2 juillet 1941, visaient expressément à «atteindre la classe dirigeante judéo-bolchevique de la manière la plus efficace possible35». Dans les consignes de Heydrich, les réserves formulées par Rosenberg fin avril 1941 furent prises en compte: les personnes appartenant aux «secteurs économiques, aux organisations syndicales et commerciales» ne devaient pas toutes être exécutées. Parmi les cadres subalternes, «seuls» ceux jugés «radicaux» devaient être tués alors que tous les cadres politiques de rangs intermédiaire et supérieur devaient être immédiatement exécutés.
Les ordres donnés par Heydrich à la police de sécurité et les ordres, que l’on appelle criminels, de la Wehrmacht doivent être analysés parallèlement comme un processus fondé sur la répartition du travail dans le cadre de la «guerre idéologique» à mener en commun. Les deux chaînes de commandement étaient reliées entre elles par le concept élaboré par la police de sécurité pour exterminer la classe dirigeante de l’État soviétique de manière à soumettre rapidement l’ensemble du pays. Dans les instances dirigeantes du RSHA d’Heydrich, et en dehors de ces instances, la «juiverie» était considérée comme la base «raciale» du bolchevisme. A ce titre, tuer les Juifs de sexe masculin était considéré comme un moyen d’exécuter l’ordre de «liquidation» de la classe dirigeante soviétique36.
C’est pourquoi, dans un premier temps, les membres masculins de la «classe intellectuelle juive» n’ont pas seulement été tués dans la bande-frontière lituanienne, mais aussi dans toute la Lituanie37. Le processus systématique enclenché par les polices allemande et lituanienne dans les villes et les villages de Lituanie pour recenser et arrêter les élites juives locales, découle de ce concept de la terreur radicale préventive. Les «pogroms» qui eurent lieu dans des localités lituaniennes au cours des premières semaines de la guerre ont aussi eu un caractère systématique: des policiers lituaniens, et allemands procédaient à des arrestations ciblées. En certains endroits, notamment à Kaunas, eurent lieu des pogroms meurtriers ordonnés par Stahlecker, le chef de l’Einsatzgruppe A, au cours desquels des quartiers juifs entiers furent attaqués. En deux nuits, plus de 2 000 Juifs furent assassinés d’une manière extrêmement barbare dans la seule ville de Kaunas. Bien que le commando d’intervention de Vilnius ait signalé au RSHA que les «efforts d’autonettoyage» s’intensifiaient, il ne fut pas possible d’organiser une telle chasse à l’homme dans cette ville38. Toutefois, l’un des buts de ces pogroms fut atteint, car une «opération d’arrestation» fut immédiatement engagée à Vilnius et des communistes et des Juifs de sexe culin furent appréhendés39.
Cependant, les calculs de Heydrich allaient encore plus loin. Les chefs des groupes d’intervention devaient en effet organiser ces pogroms de façon à donner l’impression que les Lituaniens avaient commencé à se venger spontanément «des Juifs» par des massacres brutaux et des exécutions de masse sauvages manière, en raison de leur «activité bolchevique» supposée40. De cette on pouvait éviter que la responsabilité de la police de sécurité allemande dans ces meurtres puisse être reconnue «de l’extérieur41». Toutefois, sur des pogroms aussi «sauvages», la police de sécurité apparaissait justement comme la garante de l’ordre. Il est possible alors d’établir un parallèle avec l’instrumentalisation des pogroms du 9 novembre 1938 en Allemagne, menés par la police de sécurité et le SD42. Vis-à-vis des «cercles allemands», Heydrich voulait construire une base pour légitimer la politique antisémite: la population juive devait disparaître des régions occupées, ne serait-ce que pour des raisons d’ordre et de tranquillité, et aussi pour faciliter la coexistence avec la population autochtone dans ces secteurs destinés à être occupés par un personnel allemand réduit. La police de sécurité voulait en quelque sorte apparaître comme un contrepoids institutionnel face à la «colère sauvage du peuple» et a donc exigé des autres instances allemandes, et en particulier de l’administration civile, d’assurer à elle seule la politique antisémite dans l’Union soviétique occupée. Toutefois, elle n’obtint cette importante évolution de compétence qu’en 1943.
Avant le début de la guerre, le gouvernement allemand tablait sur une victoire rapide de la Wehrmacht sur l’Union soviétique, à remporter en quelques mois. Après cette victoire, les Juifs devaient être déportés «vers l’Est», comme on l’avait toujours dit. Concrètement, en juin et juillet 1941, cela signifiait des déportations vers les régions septentrionales de l’Union soviétique, situées près du cercle polaire, où étaient également une grande partie des goulags soviétiques. Cependant, à part de vagues indications, il n’existe pas, à ce jour, de plans écrits ou d’autres documents; toutes les réflexions portant sur ce sujet reposent sur des bases incertaines43. Jusqu’en mars 1941, aucun des plans échafaudés auparavant par le RSHA et le commissaire du Reich pour favoriser la germanisation et «déplacer» la population juive n’avait pu être mis en œuvre dans la mesure escomptée. La perspective de la «guerre de pillage, de conquête et d’anéantissement contre l’Union soviétique» devait permettre aux politiciens nationaux-socialistes chargés des populations de surmonter les difficultés rencontrées pour «nettoyer le sol national44». Bien que, de nos jours, un tel plan, prévoyant la déportation des Juifs européens vers «l’Est» puisse paraître absurde, en juin 1941, le gouvernement national-socialiste le considérait comme une possibilité viable. Les conditions de vie sur place, que ce fût dans les marais de Pripjet ou dans les camps de l’archipel du goulag, promettaient d’être si mauvaises et si cruelles que l’on voyait déjà poindre la perspective génocidaire dans ce projet.
Lors des premières semaines de la guerre et du régime d’occupation allemand, on constate qu’en juin 1941, aucun ordre global n’avait été donné pour l’extermination totale de la population juive pendant la guerre. Par contre, dans l’attente d’une défaite militaire rapide de l’Union soviétique, on travaillait à de vagues plans, à la brutalité extrême visant à déporter, après la victoire, les Juifs vivant sur le territoire gouverné par les Allemands dans l’Union soviétique occupée. Une campagne d’exécutions immédiate avait cependant fait l’objet de discussions et été décidée contre ceux qui, du point de vue des nationaux-socialistes, étaient les adversaires les plus dangereux de la domination allemande: la «classe dirigeante» de l’État soviétique, les Juifs de sexe masculin aptes à porter les armes et en particulier l’intelligentsia. Ce programme d’extermination reprenait un concept de prévention policière racial et concordait avec les intérêts militaires: il s’agissait d’accélérer la défaite de l’ennemi et de minimiser le risque d’une résistance éventuelle. A ce titre, un dispositif fondé sur la répartition du travail entre la Wehrmacht, la police de sécurité et les dirigeants de la future administration civile avait été discuté et mis au point. Les premiers ordres donnés aux Einsatzgruppen stipulaient que la totalité des communistes et des Juifs de sexe masculin âgés de plus de 15 ans devaient être arrêtés et exécutés. Les premiers meurtres eurent donc aussi lieu dans les endroits où une résistance effective avait été signalée.
LA SECONDE PHASE: D’AOÛT A NOVEMBRE 1941
Cependant, à la mi-août 1941, des fusillades d’une plus grande envergure furent subitement opérées en Lituanie. Au nord et au nord-est du pays, des unités allemandes et lituaniennes commencèrent à tuer des fenunes et des enfants juifs. Jusqu’à la fin de novembre 1941, en trois mois, au moins 120 000 Juifs furent assassinés en Lituanie.
Si l’on se réfère aux études sur le régime d’occupation allemand en Lituanie pour trouver davantage de précisions sur les circonstances de l’extension des meurtres aux femmes et aux enfants juifs, on constate que cette question n’a été que rarement évoquée45. Excepté dans les travaux ultérieurs de Hans-Heinrich Wilhelm46, on ne trouve aucune réflexion plus approfondie sur ce sujet, précisément parce que l’on partait du principe qu’une décision globale portant sur l’extermination de la totalité des Juifs d’Union soviétique avait déjà été prise avant la guerre contre l’URSS. Yitzhak Arad a certes relevé les différentes phases de la politique antisémite, mais il a supposé que, dans le cadre d’un processus progressif et planifié, les commandos d’intervention n’avaient qu’un problème «technique» de capacité47.
Pour aborder la question du durcissement de la politique antisémite en Lituanie à ce moment précis, il faut maintenant regarder de plus près son évolution au cours de l’été 1941, et plus précisément du point de vue des acteurs allemands. Qu’est-ce qui avait changé pour les décideurs allemands dans cette région ou à Berlin? Pour répondre à cette question, il convient de mettre en balance les attentes des Allemands sur la guerre contre l’Union soviétique et le déroulement effectif des opérations. En raison de l’évolution inattendue du conflit, deux points clés de la politique d’occupation allemande se sont retrouvés au premier plan: la sécurité militaire et la question de l’approvisionnement.
Le principe adopté par les chefs militaires allemands pour la conduite de la guerre consistait à encercler les principales formations de l’Armée rouge dès les premières semaines de l’agression pour «anéantir les forces vives de l’ennemi», formule sans cesse reprise par Hitler48. Le commandant en chef de l’armée, von Brauchitsch, imaginait le déroulement de la campagne de la manière suivante: «De violentes batailles frontalières auront probablement lieu et devraient durer quatre semaines au plus. Par la suite, il ne faudra s’attendre qu’à une résistance réduite49.» L’Armée rouge devait être vaincue avant une ligne délimitée par deux fleuves, la Dvina et le Dniepr, c’està-dire dans les pays baltes, à l’intérieur de la Lituanie et de la Lettonie occidentale50. Dans tous les plans, on était parti du fait «qu’en effet, on réussirait à empêcher l’Armée rouge de fuir vers l’intérieur de l’Union soviétiques51» sans envisager de véritable alternative. Le groupe d’armées nord, qui comptait 28 divisions, s’était vu confier la mission «d’empêcher la retraite des forces russes en état de combattre depuis les pays baltes vers l’est et de fixer les conditions pour une avancée rapide en direction de Leningrad52».
Toutefois, les opérations militaires ne se déroulèrent pas comme prévu. Malgré l’avance rapide du 4e groupe de chars et d’éléments des XVIIIe et XVIe armées la Lituanie fut entièrement occupée par les Allemands en l’espace de cinq jours le gros des forces des 8e et 11e armées soviétiques réussit à se retirer derrière la Dvina, soit en reculant de manière désorganisée, soit sur ordre des officiers supérieurs. Bien que la XIe armée soviétique n’ait pas réussi à fixer des lignes de défenses durables ni sur la Dvina ni dans le secteur de Pskov et d’Ostrov, une grande partie de ses forces resta en état de combattre et elle eut le temps de mettre en place des lignes de défenses dans le secteur de Louga.
L’hypothèse fondamentale des stratèges allemands, selon laquelle la route de Leningrad serait, pour l’essentiel, libre après les combats acharnés sur la frontière avec l’ancienne Russie au début de la guerre, n’était donc plus d’actualité. À la suite d’une évolution analogue dans le secteur des 16e et 18e armées allemandes, c’est, de fait, le contraire de la prise de possession rapide tant attendue du pays qui se produisit dans tout le secteur du groupe d’armées nord. À partir de la mi-juin 1941, stabiliser les différentes parties du front ne fut guère facile, notamment dans le secteur du groupe d’armées 4 et de la 16e armée, en raison des contre-attaques de l’Armée rouge53. Dès le 26 juillet, le chef d’état-major Halder considérait que la situation globale sur le front «tournait à la guerre de positions» et deux semaines plus tard, il dressait le constat suivant: «Ce que nous faisons maintenant constitue les dernières tentatives désespérées pour éviter de nous enliser dans une guerre de positions54.» La «guerre éclair» avait échoué car les principales forces de combat de l’Armée rouge au nord de l’Union soviétique n’avaient pas été écrasées au cours des premières semaines de l’agression55. La sous-estimation du «colosse russe» devint évidente dans la seconde moitié du mois de juillet et l’agression allemande «avait déjà manqué son but à ce moment-là56».
La tactique du repli et la sous-estimation de la force de combat et de l’équipement de l’Armée rouge ne constituaient cependant que deux des facteurs de l’échec annoncé des plans militaires et tactiques allemands, dans le cadre desquels les besoins en hommes et en matériels avaient été très chichement calculés. Les problèmes d’approvisionnement et de ravitaillement, en effet, revêtaient une importance capitale pour la situation des troupes allemandes.
Avant la guerre contre l’Union soviétique, une politique de famine d’une envergure incroyable avait été planifiée contre la population soviétique57. Remédier aux difficultés économiques causées en Allemagne par la guerre, en particulier pour les céréales et le pétrole, en exploitant les ressources soviétiques, constituait l’un des principaux buts de la guerre. Pour atteindre cet objectif, il avait été décidé «avec l’accord des plus hautes autorités» que «des dizaines de millions» de personnes devaient mourir de faim58. En même temps, la politique de la famine avait été pensée comme un mode de conduite de la guerre. Dans les délais les plus brefs, les deux tiers de l’armée allemande ne devaient plus dépendre du ravitaillement en provenance du Reich, mais «devaient être entièrement approvisionnés à partir de l’Est», comme le précisaient les directives de base du 23 mai 194159.
Concrètement, il avait été prévu d’installer une base d’approvisionnement à Dünaburg, à la frontière entre la Lituanie et la Lettonie, pour le ravitaillement du groupe d’armées nord, en particulier pour les carburants et la nourriture, et de remplacer le plus rapidement possible les livraisons en provenance du Reich par des produits venant des pays baltes occupés. Dès le début, il était évident qu’à l’est de la Dvina, l’approvisionnement deviendrait plus difficile60. Toutefois, le Panzergruppe 4, qui avait une longueur d’avancé sur les 16e et 18e armées, rencontra des problèmes de ravitaillement beaucoup plus importants que prévu. La distance entre des unités d’infanterie et l’arrière était très importante, les routes en fort mauvais état étaient constamment encombrées. Apparurent ainsi des «zones non maîtrisées du point de vue économique» dans lesquelles, d’après le rapport du chef du WiStab Ost, le général Schubert, «la population se livrait à un nombre de vols considérable». Le groupe de chars exigea des troupes motorisées de «surveillance économique» qui, toutefois, ne purent pas être mises sur pied61. D’emblée, les questions de ravitaillement ne furent pas seulement considérées comme un problème de fourniture, de recensement et de transport des produits, mais aussi comme un problème de contrôle et de sécurité62. Dès le 1er juillet, l’intendant en chef de l’année de terre Wagner dressait le constat suivant: «La pacification des territoires de l’arrière nous cause de sérieux soucis. Notre manière de combattre unique en son genre y a causé une forte insécurité en raison de la dispersion de certaines unités ennemies63.» Par ailleurs, les unités d’infanterie de la 16e armée, qui devaient s’approvisionner en Lituanie et dans certaines régions de Lettonie, et les unités de la 18e armée basées en Estonie, puisaient selon l’avis des commandos économiques d’une manière trop désordonnée dans les stocks de denrées alimentaires. L’inventaire organisé des produits, tel qu’il était envisagé, devint donc plus ardu. La tentative d’atténuer les problèmes de ravitaillement par voie terrestre en utilisant la voie maritime avec des bateaux d’approvisionnement échoua. La marine de guerre allemande ne réussit pas à conquérir les îles baltes, encore occupées par les Soviétiques et dont l’invasion était la condition de base64.
Mi-juillet, les problèmes de ravitaillement et d’approvisionnement s’aggravèrent quand la situation militaire devenait de plus en plus critique sur le front. Les 17 et 18 juillet, le chef du Panzergruppe 4, le général Erich Hoepner, reprocha violemment le mode de gestion de l’approvisionnement65. Depuis la base d’approvisionnement de Dünaburg, il était fréquent que seul un train atteigne chaque jour les unités d’Hoepner au lieu des 10 prévus. L’ensemble du groupe d’armées nord ne recevait, dans le meilleur des cas, que 18 trains au lieu des 34 quotidiens jugés nécessaires. Pour l’attaque du Panzergruppe 4 contre Leningrad, prévue pour la seconde moitié du mois de juillet, il aurait fallu mettre à disposition la totalité des capacités d’approvisionnement du groupe d’armées nord, ce qui aurait signifié l’arrêt complet des 16e et 18e armées66. Dans les semaines qui suivirent, l’offensive contre Leningrad dut être repoussée à sept reprises, uniquement pour des questions d’intendance67. A ce moment-là, les 16e et 18e armées se trouvaient elles aussi dans une situation militaire critique68. Le 23 juillet, Hitler avait mis l’accent sur le fait qu’il était, en premier lieu, intéressé par l’attaque contre Leningrad dans laquelle il fallait engager «toutes les forces disponibles69». Cependant, l’intendant en chef de l’année de terre Wagner ne put mettre à disposition le ravitaillement nécessaire pour le Panzergruppe 470. Il fut décidé ainsi, dès juillet 1941, de ne pas conquérir d’abord Leningrad et Moscou pour les détruire ensuite, mais d’encercler et d’affamer les deux villes71. Non seulement le ravitaillement était sans cesse compromis par des conditions de transport difficiles, mais la fourniture des produits nécessaires s’avéra beaucoup plus compliquée que prévu. La conduite de la guerre semblait déjà être menacée par cette situation. Fin juillet, un officier d’état-major du Wirtschafts-Rüstungs-Amt (WiRü-Amt), bureau de l’économie et de l’armement, résuma la situation pour le secteur d’inspections économiques Nord et Centre, et évoqua les restrictions imposées aux mouvements de troupes par les problèmes d’approvisionnement: «Nous devons nous attendre à ne plus rien trouver dans les réserves. Si notre avancée se poursuit aussi lentement, et l’on ne pourra guère aller plus vite compte tenu des difficultés croissantes liées au ravitaillement, les Russes incendieront systématiquement tout (cf. Minsk), comme ils l’ont si bien fait pendant toutes leurs campagnes depuis des siècles72.»
LES DIFFICULTÉS D’APPROVISIONNEMENT DANS LE SECTEUR DU GROUPE D’ARMÉES NORD
Les organisations allemandes responsables de l’approvisionnement de la Wehrmacht savaient dès le départ que les projets militaires dépendaient, pour l’essentiel, de la sécurisation assez rapide du ravitaillement nécessaire. Certes, dans les premiers jours de la guerre, on annonça que des réserves alimentaires considérables avaient été trouvées en Lituanie. Toutefois, la situation changea très rapidement. L’officier de liaison du quartier général signala au WiRü-Amt: «Les messages reçus le 27 juin contredisent ce que l’on croyait jusqu’alors. En Lituanie, les stocks de l’armée sont presque entièrement détruits. La destruction systématique des réserves restantes est en préparation. Réalisation empêchée par les unités d’autoprotection lituaniennes. C’est pourquoi, d’un point de vue général, nous ne pouvons pas tabler sur des réserves aussi importantes qu’à Kovno73. Les différentes instances chargées du recensement et du transport étaient soumises à une pression grandissante lorsqu’il s’agissait de fournir les quantités de produits nécessaires et de les transporter vers le front.
Par exemple, la 16e armée, engluée dans des combats incessants, dépendait, pour son ravitaillement, du point d’approvisionnement de Dünaburg. Dès le 17 juillet, le premier intendant des armées de terre du groupe d’armées nord, le major Alfred Toppe, donna l’ordre d’établir ce point d’approvisionnement «autant que possible avec des stocks pris dans le pays conquis» et de recenser et de protéger les réserves dans la région environnante, au sud-ouest de Dünaburg74.
Simultanément, les premiers rapports des officiers de liaison du WiStab Ost parvenaient au haut-commandement de la 16e armée. Ils rapportaient l’hypothèse selon laquelle une «famine avec toutes ses conséquences» allait sévir à l’est de la Lettonie et de la Lituanie. Les fonctionnaires russes s’étant enfuis, les troupes allemandes procédaient à des réquisitions incontrôlées et les récoltes étaient compromises. «La population civile est menacée par le spectre de la famine75!» L’apparition de zones de disette avait certes été envisagée dès le début. Cependant, elle devait faciliter la conduite de la guerre par les Allemands et non la gêner, comme cela se passait en pratique car les soldats allemands étaient quelquefois mal approvisionnés, comme le démontre un courrier de la poste aux armées daté du 23 juillet, envoyé des environs de Dünaburg: «Cette guerre nécessite des nerfs d’acier et du calme. Le fait que nous ayons souvent des problèmes d’approvisionnement est uniquement dû aux mauvaises liaisons ferroviaires et routières. Nous avons souvent une alimentation très frugale, mais il faut tenir malgré tout. A l’heure actuelle, nous devons nous contenter d’une demi-miche de pain pour toute la journée. Combien de fois n’ai-je pas rêvé de faire un vrai repas, mais hélas76…»
Halder avait informé Hitler des grandes difficultés de la 16e armée77. Toutefois, le 27 juillet, l’ensemble du groupe de chars 3 du groupe d’armées centre, localisé plus au sud, fut également rattaché au point d’approvisionnement de Dünaburg, non pas militairement, mais pour le ravitaillement78. Pour les chefs du groupe d’armées, il était clair que l’on se trouvait là devant des «problèmes d’approvisionnement» insolubles79.
Mi-août, le service de l’intendant en chef des armées de terre, Wagner, responsable de l’approvisionnement du groupe d’armées nord connu sous le nom de district d’approvisionnement nord, constata que, dans tout le secteur de la 16e armée, on ne trouvait presque plus de bétail80. Des messages signalaient que les paysans avaient déjà sombré dans une pauvreté intégrale et manquaient de toutes les denrées de base, y compris de nourriture81. A partir d’octobre, tous les rapports signalaient qu’au nord-est des États baltes, la situation était catastrophique concernant la nourriture.
La situation empira rapidement, dans les régions rurales situées à l’est des frontières des pays baltes, et surtout dans les villes. Début juillet, à Kaunas, il y avait encore des réserves de farine et de viande pour six semaines, et de Vilnius, on annonçait que des vivres étaient disponibles pour deux semaines82. Le 9 juillet, le WiStab Ost signala à l’inspection économique nord à Kaunas que, pour protéger les régions situées à l’arrière, il était nécessaire de nourrir la population autochtone dans les limites du strict nécessaire. C’est pourquoi les «stocks restants» de denrées alimentaires devaient être mis à la disposition des autorités locales nouvellement mises en place83. Finalement, à Vilnius et à Kaunas, des tickets de rationnement furent distribués, en précisant que «les quantités délivrées n’étaient pas fixées à l’avance […] mais établies en fonction des disponibilités quotidiennes84». On refusa à la population des villes le droit de disposer d’une quantité déterminée de denrées alimentaires, les réserves recensées étant réduites. De 5 000 à 6 000 tonnes de céréales étaient encore disponibles dans les stocks qui devaient assurer aussi l’approvisionnement de Kaunas et de Vilnius85. Cependant, en août et en septembre, 6 500 tonnes furent livrées à la Wehrmacht86, si bien que ces villes sont officiellement restées les mains vides. Comme prévu, les troupes allemandes s’approvisionnaient «sur le pays», la situation devint alors «exceptionnellement difficile» pour la nourriture, dans les régions rurales au nord-est des frontières, et dans les villes lituaniennes87.
Le district d’approvisionnement nord s’efforça, en vain, d’obtenir des informations sur l’état de «l’approvisionnement immédiat des troupes dans le pays» pour pouvoir de déterminer les quantités nécessaires au ravitaillement88. Les consignes strictes et répétées de Keitel et de Wagner de juillet 1941, précisant qu’il fallait au moins que les services économiques fussent informés lorsque les soldats allemands puisaient dans les denrées alimentaires et le bétail, restèrent lettre morte89. Il était par contre plus facile de recenser le nombre des consommateurs. Mi-juin, les services lituaniens de gestion des denrées alimentaires demandèrent à tous les bourgmestres et maires de recenser les habitants qui ne produisaient pas eux-mêmes de nourriture, c’est-à-dire ceux qui «habitaient dans des villes ou des villages et ne possédaient pas de terrain». Il s’agissait de déterminer «le nombre d’habitants devant être approvisionnés en denrées alimentaires par un système centralisé90». Finalement, dans leur bilan alimentaire concernant la Lituanie, les autorités allemandes partirent sur une base de 803 000 habitants91.
Fin juillet, le gouvernement du Reich intervint en donnant des consignes précises pour résoudre les problèmes économiques «car les conditions de base n’étaient plus réunies pour mener des opérations très rapides92». Les projets pour la politique de famine et l’exploitation économique des régions occupées durent être modifiés93. Le 22 juillet, le secrétaire d’État du ministère de l’Alimentation du Reich, Herbert Backe, a «présenté la situation alimentaire» au responsable de l’économie de guerre, Hermann Göring94, qui décida, les 27 et 28 juillet, que «dans les territoires occupés de l’Est, les produits agricoles devaient être recensés selon une procédure centralisée et utilisés en tenant compte de la situation alimentaire allemande». Seules les personnes qui «fournissaient devaient être nourries95.
Dorénavant, c’était l’aptitude à travailler et la possibilité de le faire qui permettaient de décider qui recevait de la nourriture et qui n’en recevait pas. La division antérieure des territoires occupés entre des zones dites «déficitaires», condamnées à «dépérir», et des zones dites «excédentaires», destinées à devenir des «secteurs de production», fut modifiée96. Les personnes dont on n’attendait plus le moindre travail pour l’économie de guerre allemande furent soumises à une impitoyable politique de famine.
Le 28 juillet 1941, Wagner et les états-majors des trois groupes d’armées décidèrent également de compléter les stocks des points d’approvisionnement avant le 15 août. La constitution des réserves devait même commencer dès le 15 août97. Mais, deux semaines plus tard, le 12 août, Wagner fixa les exigences pour le trimestre à venir, le premier quart des volumes à livrer devait être mis à disposition dans la zone de compétence du district d’approvisionnement nord entre le 1er septembre 1941 et le 1er août 194298. Ces exigences étaient très élevées et atteignaient 250 000 tonnes par an pour les seules céréales panifiablesbles99 dont 120 000 tonnes au moins provenaient de Lituanie100. Cette quantité correspondait à 15% environ de la récolte espérée en Lituanie, évaluée à 800 000 tonnes de froment et de seigle101. Les services économiques des autorités d’occupation allemandes confièrent à l’administration lituanienne la responsabilité du respect des livraisons prévues et attribuèrent des contingents précis aux différents districts. Toutefois, ces quantités ne purent pas être atteintes, ni même approchées102. Les autorités d’occupation civiles allemandes étaient conscientes du problème de famine que cette situation engendrait pour la population civile, y compris dans les pays baltes. Le service de l’alimentation et de l’agriculture du commissariat du Reich signala que Göring avait décidé «d’une manière très claire» que, «compte tenu de ses besoins […], la Wehrmacht avait priorité sur la population civile. La quantité de nourriture que vous devez livrer à la Wehrmacht doit être respectée en toutes circonstances, le cas échéant aux dépens de la population autochtone103». Le 31 juillet, c’est précisément à ce sujet qu’avaient été consignées dans le procès-verbal d’un conseil du WiStab Ost, la plus haute instance chargée de la politique économique dans l’Union soviétique occupée, les phrases suivantes: «Backe demande que le Reichsmarschall [Göring] envoie un courrier en ce sens aux services concernés. A ce sujet, Körner signale que la consigne du Reichsmarschall signifie clairement que les intérêts alimentaires de la population du grand Reich allemand doivent bénéficier d’une priorité claire et nette par rapport à tous les besoins d’approvisionnement des régions nouvellement occupées104» Lors de la même réunion, Backe et Hans Joachim Riecke, qui était en même temps directeur du bureau de l’agriculture au WiStab Ost et chef du service alimentation et agriculture au RMO, insistèrent sur le fait que l’administration civile «devait, dès le départ, commencer à approvisionner la population avec des rations très réduites». La livraison de denrées alimentaires était ici directement liée aux questions fondamentales sur l’augmentation de la production, qui n’était possible qu’à moyen terme, et surtout aux craintes d’une résistance croissante rencontrée dans les régions destinées à être pillées.
L’APPROVISIONNEMENT DES JUIFS
En Lituanie, les autorités d’occupation allemandes essayèrent dès le départ d’instaurer une hiérarchie raciale pour l’alimentation, durcie encore fin juillet 1941 sur ordre du gouvernement du Reich. Elle concernait, d’une part, les Juifs qui n’étaient pas ouvriers spécialisés utiles aux Allemands et d’autre part les prisonniers de guerre soviétiques. Dans les camps lituaniens placés sous la responsabilité de la Wehrmacht, plus de 200 000 prisonniers de guerre moururent au cours des six premiers mois de l’occupation allemande.
Dès les quinze premiers jours de juillet, l’administration allemande avait ordonné, pour la première fois, un rationnement alimentaire pour toute la Lituanie. À ce titre, une distinction entre Juifs et non-Juifs avait été établie. Pour la population non-juive des quantités hebdomadaire frugales étaient prévues: 170 g de pain, 200 g de farine, 150 g de gruau, 400 g de viande, 125 g de graisse et 125 g de sucre. La population juive, elle, ne devait pratiquement rien recevoir: 875 g de pain, 100 g de farine et 75 g de gruau par semaine105. Les quartiers juifs étaient exclus des cuisines collectives prévues dans les grandes entreprises approvisionnées par les réserves municipales dans les différents secteurs des villes106. Lorsque, à partir du 12 juillet, les réserves furent contingentées et les tickets de rationnement instaurés, les Juifs ne purent faire leurs achats qu’à des heures précises dans des magasins particuliers, «pour raccourcir les queues107». Quand la population fut recensée pour faire le bilan des besoins alimentaires, les «personnes d’origine juive […] furent consignées séparément108». Le 5 août, le Deutsche Zeitung im Ostland résuma les instructions les plus importantes de l’administration civile sous le titre «Les nouvelles normes en vigueur dans notre secteur économique»: «La vente de marchandises aux Juifs n’est autorisée que s’il y a suffisamment de réserves pour satisfaire les besoins du reste de la population.» Toutefois, le rationnement alimentaire minimum prévu pour la population juive ne put pas être appliqué comme prévu en raison du manque de personnel et des possibilités de contrôle réduites qui en découlaient, contrairement aux rations de famine imposées aux prisonniers de guerre plus faciles à surveiller. Cependant, un tel rationnement démontre la volonté des autorités d’occupation allemandes de la région d’atténuer les problèmes d’approvisionnement aux dépens de la population juive pour qu’elle sombre rapidement dans la misère. La combinaison de la politique alimentaire nationale-socialiste et des mesures antisémites n’est pas spécifique à la Lituanie. Le 28 juillet, Göring ordonna aux autorités d’occupation allemandes d’appliquer cette politique dans toute l’Union soviétique occupée. En outre, sur la demande du WiStab Ost, il décida que «les Juifs n’avaient plus rien à faire dans les territoires dominés par l’Allemagne. Si on doit faire appel à eux pour travailler, ce doit être au sein d’unités de travail […]. Leur alimentation doit faire l’objet d’une réglementation et d’une surveillance particulières109».
Ainsi était résumée la ligne de conduite générale de la politique antisémite menée par le gouvernement du Reich à ce moment-là.
L’administration civile installée en Lituanie fin juillet avait pour mission de mettre cette politique en œuvre en collaboration avec les instances de la SS et de la police. Le commissaire du Reichskommissariat Ostland (RKO), Hinrich Lohse, déclara peu après que «conformément à la décision du Führer […], la germanisation du Reichskommissariat Ostland était notre but final et que les Juifs devaient être intégralement chassés de ce territoire110». Toutefois, on ne savait pas encore ce que signifiait concrètement cette ligne de conduite, qui précisait que «les Juifs devaient être intégralement chassés de ce territoire [et] n’avaient plus rien à faire dans les territoires dominés par l’Allemagne». Dans le cadre de la discussion qui eut lieu dans les dix jours suivants entre la Sichereitspolizei (SIPO)et l’administration civile au sujet des «directives provisoires sur la question juive dans le Reichskommissariat Ostland», des opinions contradictoires furent exprimées. Cependant, il était évident qu’une révision des projets élaborés jusqu’alors était en cours de discussion. Le 6 août, Stahlecker, le chef de l’Einsatzgruppe A, nota en marge d’un courrier dans lequel il prenait position au sujet du projet de directive de l’administration civile: «Ce projet prévoit un transfert de la population des campagnes vers les villes. Si le transfert doit être envisagé dès à présent, ce dernier doit, en principe, avoir lieu comme décrit ci-après111.» Par la suite, Stahlecker, qui se fondait manifestement sur les projets antérieurs, fit part de ses réflexions sur des «espaces réservés aux Juifs» dans lesquels on pourrait «refouler» les Juifs afin de les employer pour effectuer un «travail utile». La formule «dès à présent» utilisée par Stahlecker signifie que la police de sécurité avait également dû modifier ses projets pour l’ensemble de la population juive. Visiblement, le «transfert» était prévu pour plus tard, probablement après une guerre rapidement gagnée. Toutefois, cette victoire s’éloignait sans cesse.
Quels furent alors les résultats des discussions entre l’administration civile et l’Einsatzgruppe A? Il est possible de reconstituer leur processus de prise de décision en se basant, d’une part, sur des témoignages (quelquefois très détaillés) apportés à l’occasion des procès intentés après la guerre et, d’autre part, sur l’analyse de la politique qui fut effectivement mise en œuvre.
Depuis fin juillet 1941, la situation était de plus en plus difficile pour les Juifs lituaniens. Les Juifs qui vivaient à la campagne étaient fréquemment isolés en périphérie des localités, dans des synagogues, des baraques, des granges ou des fermes éloignées. Plusieurs milliers d’hommes étaient déjà arrêtés ou exécutés. Les femmes, les enfants et les hommes plus âgés n’étaient, en général, pas autorisés à quitter ces camps improvisés, et souffraient de la faim et des maladies se répandaient. Certaines femmes étaient contraintes de travailler, surveillées et approvisionnées par la police et l’administration lituanienne.
De nombreuses discussions sur l’aggravation des problèmes d’approvisionnement eurent lieu au niveau des commissariats de district et des commissariats régionaux. Au cours de ces débats, comme l’ont affrrmé plusieurs témoins, il fut suggéré que, en fonction du manque de vivres, les femmes et les enfants juifs ne devaient plus recevoir de rations112. Lors d’une de ces réunions, un fonctionnaire de la Gestapo de Memel expliqua que, de toute manière, les femmes et les enfants juifs ne travaillant pas devaient être éliminés en tant que bouches inutiles113. Par la suite, l’administration lituanienne refusa de distribuer des tickets de rationnement aux Juifs. En juillet 1941, le bourgmestre de Kretinga s’était plaint au SD qu’il ne savait pas comment approvisionner les Juifs114. Le bourgmestre lituanien nommé à Gargzdai par les Allemands réclama des vivres pour les femmes et les enfants juifs du chef. lieu de l’arrondissement de Kretinga. Ladministration allemande expliqua que les Juifs étaient des «bouches inutiles» et qu’ordre avait été donné de les tuer115. Le commissaire régional de Siauliai, Hans Gewecke, ordonna à la souspréfecture de Lituanie et aux bourgmestres de fusiller les femmes et les enfants juifs par la police lituanienne sous la direction des Allemands116. Dans l’ensemble, les témoignages concordent largement sur ce point. Par contre, dans les documents de l’administration civile à notre disposition, on ne trouve que peu d’indications, qui sont d’ailleurs à vérifier soigneusement. Le 13 août, ordre fut donné d’enfermer tous les Juifs du commissariat régional de Siauliai dans des ghettos en l’espace de 14 jours: les Juifs devaient être concentrés dans les chefs-lieux de district et approvisionnés par les municipalités lituaniennes117. Selon des sources dont on dispose aujourd’hui, on de se demande si les déclarations faites par Böhme, le chef de la Gestapo de Tilsit, à propos du massacre de plus de 500 femmes et enfants juifs à Batakiai, sont exactes. Il a prétendu que le Hauptsturmführer SS Hans Merten, le commissaire et directeur de l’alimentation de Taurage, avait déclaré, à propos de ces meurtres, qu’une «solution définitive» de ce genre était en accord avec les directives du 13 août de l’administration civile sur la «question juive», car les Juifs «devaient être parqués dans des ghettos et être simultanément soumis à des restrictions alimentaires118».
Dans les sources, le fait que la SIPO avait désormais pour mission, dans un secteur de Lituanie, de «liquider tous les Juifs119» apparaît pour la première fois de façon précise le 3 septembre 1941. Comme la discussion entre l’administration civile et la police de sécurité ne portait que sur la question des travailleurs juifs et de leurs familles, un accord stipulant que le reste de la population juive devait être assassiné a dû être conclu dans le courant du mois d’août. Les directives provisoires «pour le traitement des Juifs sur le territoire du Reichskommissariat Ostland», datées du 13 août, éclairent une partie de cet accord: «La campagne doit être nettoyée des Juifs120.» Ce qui eut lieu dans les trois mois qui ont suivi. Contrairement à la question des travailleurs juifs, l’extension des meurtres aux femmes et aux enfants juifs n’avait pas été contestée lors des négociations entre l’administration civile et la SS, comme cela s’est vérifié en pratique au cours des semaines et des mois qui ont suivi.
L’exécution des femmes et des enfants juifs lituaniens commença le 15 août dans les régions rurales du nord-est et du nord de la Lituanie âvant de continuer à Kaunas et dans ses environs. Parmi les plus de 90 000 Juifs assassinés jusqu’à la mi-octobre 1941, plus de 40 000 avaient vécu dans le commissariat régional de Siauliai, dans le nord, et plus de 30 000 dans la région de Kaunas121. À propos des témoignages disponibles, qui concordent largement sur ce point, il est possible d’affirmer que les problèmes d’approvisionnement en Lituanie et dans le secteur du groupe d’armées nord ont, en général, été un facteur important, voire décisif, dans la décision de ne plus approvisionner en vivres les femmes et les enfants juifs, considérés comme des «bouches inutiles» incapables de travailler, et de les tuer plutôt que de les nourrir.
CONCLUSION
L’analyse de la politique antisémite dans les pays baltes démontre que, les autorités d’occupation militaires, remplacées six semaines plus tard par une administration civile, ont été toujours plus incitées à pratiquer des massacres de masse. La situation difficile et inattendue rencontrée sur le front par les armées qui se trouvaient à l’est des frontières des pays baltes a surtout eu des effets sur deux points, dans ces pays devenus «l’arrière du front». D’une part, des quantités croissantes de marchandises venues des pays occupés devaient être recensées pour les besoins du ravitaillement et mises rapidement à la disposition des troupes allemandes, alors que la logistique rencontrait constamment des difficultés de transport. D’autre part, de l’avis des décideurs, les problèmes de ravitaillement et de transport étaient indissolublement liés aux questions de sécurité. L’ordre donné au début du mois de juillet par le WiStab Ost, déjà mentionné ci-dessus, précisant que la population autochtone ne devait être nourrie que dans les limites du strict nécessaire, était justifié par la nécessité de «protéger les régions situées à l’arrière». Par ailleurs, les transports ne devaient pas être compromis par des attentats. Ce risque semblait s’amplifier en raison des capacités de protection peu importantes des autorités d’occupation allemandes. Ces deux problèmes, sur l’acquisition de denrées alimentaires et la protection de l’arrière-front, paraissaient alors, du point de vue des nazis, ne pouvoir être «résolus» que par un durcissement de la politique menée à l’encontre de la population juive. En janvier 1942, l’Ek 3 a en conséquence récapitulé en ces termes les activités meurtrières de ce qu’on appelait le commando Hamann, responsable de l’exécution de 60 000 Juifs environ: «Concernant le déroulement des activités de ces commandos, qui se sont étendues à toute la Lituanie, il a été établi qu’il n’aurait pas été possible de stabiliser la partie située à l’arrière du front en liquidant moins de Juifs122.»
Le meurtre des Juifs était justifié par de prétendues contraintes matérielles: une quantité de denrées alimentaires plus élevée avait ainsi été mise à la disposition du reste de la population et surtout des combattants allemands. Simultanément, la sécurité s’en trouvait, d’après eux, améliorée. La possibilité de déporter l’ensemble de la population juive «vers l’Est», envisagée avant la guerre, était conditionnée par la victoire sur l’Union soviétique et ne semblait pas pouvoir être mise en œuvre dans un premier temps.
Alors que la guerre exigeait de nombreux sacrifices, les autorités d’occupation se sont également demandées si les vivres devaient être distribués à la population juive, isolée à la périphérie des localités, ou aux soldats qui combattaient sur le front. L’administration lituanienne n’était responsable que pour la forme de l’approvisionnement des Juifs à la campagne et dans les ghettos. De son côté, l’administration lituanienne exigeait l’attribution de vivres contrôlés par les Allemands. Toutefois, l’administration allemande n’était guère en mesure d’approvisionner les soldats des armées et des groupes de chars sans recourir au ravitaillement en provenance du Reich. Sa mission était cependant différente et devenue de plus en plus ardue en l’espace de quelques semaines: elle devait davantage remplacer le ravitaillement en provenance du Reich par des livraisons en provenance des territoires ocrupés. De plus, Wagner donna des consignes pour que des réserves soient constituées dans les points d’approvisionnement dès le 15 août, et, peu après, des livraisons trimestrielles très importantes de viande, de céréales panifiables, etc., eurent lieu. Si, dans cette situation, on décèle l’ordre de Göring pour qui seuls ceux qui travaillaient pour l’économie de guerre allemande devaient être nourris, on comprend que la population juive se voyait ainsi refuser le droit à la vie. Les autorités d’occupation régionales étaient libres de décider de quelle manière elles mettaient en œuvre les lignes de conduite de Hitler et Göring.
Si l’on met en perspectives les choix des décideurs allemands en Lituanie pour cette période, on s’aperçoit que, depuis la mi-juillet 1941, la situation semblait prendre un tour inattendu et menaçait de compromettre leurs objectifs. Ils avaient rapidement été soumis à une pression constante par les événements et le manque de temps. Dans cette situation, procéder à l’exécution immédiate des Juifs lituaniens leur paraissait comme une possibilité d’action réaliste, certainement conforme à leurs opinions antisémites. Le personnel nécessaire pour mettre en œuvre une telle campagne de meurtres se recruta parmi les représentants radicaux de la police de sécurité allemande dans les pays baltes et parmi les policiers lituaniens prompts à collaborer, d’autant plus que la SS étendait son réseau de points d’appui et son personnel en Lituanie depuis début août. Himmler avait visité Kaunas le 29 juillet et ordonné de construire des postes SS le 2 août123. Les unités de police lituaniennes étaient sous les ordres des chefs locaux de la SS et de la police via l’ORPO124. Ces derniers, de leur côté, étaient sous les ordres des HSSPF, et avaient été mis à disposition du commissaire général pour les «opérations de protection policière125». Pour exécuter les Juifs lituaniens de manière systématique, les autorités d’occupation régionales devaient recevoir l’accord du gouvernement du Reich. Il s’agissait ici de meurtres de masse commis dans des proportions qui, en dernier ressort, ne pouvaient être approuvées que par Hitler lui-même.
Pour le gouvernement du Reich, on constate que la situation lui échappait de plus en plus et que le temps dont il disposait s’amenuisait constamment. À la veille de la guerre contre l’Union soviétique, Hitler avait jugé indispensable qu’aucun retard ne puisse se produire126. Fin juillet 1941, il se trouva immédiatement confronté à la pression du temps: «Combien de temps me reste-t-il pour en finir avec la Russie et de combien de temps ai-je encore besoin127?» Au Quartier général d’Hitler, Canaris exposa la situation et déclara que «sur place, l’ambiance était très tendue car, comme on peut s’en rendre compte un peu plus tous les jours, la campagne russe ne se déroule pas “selon les règles du jeu”». Il devient évident que cette guerre ne va déclencher «l’implosion du bolchevisme, mais le renforcer128».
Les retards causés par les mauvaises conditions de déroulement des opérations militaires, auxquelles on ne s’attendait pas, ne remettaient pas seulement en question des projets militaires de moindre importance, mais bien «l’ensemble du programme d’Hitler129». La «crise grave130» qui sévit de la mi-juillet à la mi-août 1941 mit en danger le fondement du projet national-socialiste visant à contraindre l’Angleterre à se ranger du côté allemand en dominant le continent européen tout en maintenant, dans un premier temps, les États-Unis en dehors de la guerre. C’est l’inverse qui commençait à se produire. Au lieu d’une «victoire éclair» sur l’Union soviétique, c’est une guerre d’usure, à long terme, qui s’annonçait131. De plus, elle allait sans doute être menée contre une alliance regroupant des États qui, peu à peu, coopéraient de plus en plus étroitement et se montraient supérieurs en termes de potentiel de guerre.
A ce jour, nous ne connaissons pas encore la date exacte d’une discussion éventuelle entre le gouvernement du Reich et les autorités d’occupation régionales des pays baltes sur l’exécution des Juifs dans cette partie de l’Union soviétique. Fin juillet et début août, les directeurs des instances concernées de l’administration civile, de l’économie, de la police de sécurité et de la Wehrmacht eurent de nombreuses occasions de parvenir à un accord oral132. Le résultat de ces discussions est déjà mentionné ci-dessus: le 1~ août, Hinrich Lohse a parlé de la «décision du Führer», selon laquelle les Juifs devaient être «intégralement chassés de ce territoire133». Finalement, deux semaines après, il est manifeste qu’il ne s’agissait plus de déporter les Juifs lituaniens «vers l’est», mais les autorités d’occupation allemandes devaient les exterminer avec l’aide des Lituaniens. Les 15 et 16 août 1941, des unités allemandes et lituaniennes fusillèrent 3 200 hommes, femmes et enfants juifs à Rokiskis (Rokischken), près de Dünaburg, localité qui dépendait du commissariat régional de Siauliai, dirigé par Hans Gewecke, un ami intime de Hinrich Lohse134. On peut supposer d’après la date que la note de Goebbels sur une rencontre avec Hitler le 19 août concernait également la campagne d’assassinats contre les Juifs lituaniens, à mener à grande échelle: «Nous parlons aussi du problème juif. Le Führer est convaincu que la prophétie qu’il a faite au Reichstag se confirme: si la juiverie réussit à déclencher une nouvelle guerre mondiale, elle se terminera par l’extermination des Juifs. Au cours de ces semaines et de ces mois, cette prophétie se réalise avec une certitude qui nous paraît presque inquiétante. À l’Est, les Juifs doivent payer la note; en Allemagne, ils en ont déjà payé une partie et à l’avenir, ils devront payer encore plus135.»
L’analyse de la situation dans le nord de l’Union soviétique occupée au cours de l’été 1941 révèle un grand nombre de facteurs intervenant dans le processus politique qui a entraîné l’assassinat des Juifs lituaniens en si peu de temps. Avant la guerre, il avait été prévu de «déloger» le plus vite possible tous les Juifs du RKO. Ces projets signifiaient aussi que la population juive sombrerait très rapidement dans une immense misère et la prétendue «intelligentsia judéo-bolchevique» assassinée immédiatement. Au départ, la politique de sécurité nationale-socialiste se trouvait au premier plan. Toutefois, au début, il n’était pas prévu de tuer tous les Juifs pendant la guerre.
L’important contexte historique dans lequel les projets de pillages et d’expulsions, motivés par des critères racistes et économiques, se transformaient en l’exécution immédiate de la plus grande partie de la population juive, ne résulte que du mauvais déroulement inattendu de la guerre. Il n’y a aucun doute qu’avant la guerre contre l’Union soviétique, la politique antisémite avait pris une telle ampleur que l’exécution des Juifs faisait partie de l’éventail des possibilités, d’autant plus que les projets de déportation illustrent cette volonté d’extermination. L’analyse de la politique réellement menée amène à penser que des facteurs supplémentaires ont été nécessaires. En Lituanie, la modification de la politique de famine raciste menée contre de grandes parties de la population soviétique a touché les Juifs, exposés à la misère, et auxquels on refusait le droit de vivre dans le Reich. De plus, ces meurtres de masse étaient justifiés par la politique de sécurité nationale-socialiste qui voyait dans la population juive un danger pour la «stabilisation de la partie située à l’arrière du front». Ici, les politiques d’alimentation et de sécurité semblent être les deux critères cruciaux ayant entraîné le durcissement de la politique antijuive et permis les «processus de découplage» décisifs136.
Concrètement, en ce qui concerne la Lituanie, cela signifierait que l’exécution immédiate d’une grande partie des Juifs lituaniens était considérée par les décideurs nationaux-socialistes comme une façon de limiter le nombre de goulots d’étranglement menaçants et inattendus, en particulier du point de vue de l’économie de guerre, et de réduire les soucis de la police de sécurité. Comme la pression augmentait rapidement en termes d’actions et de temps, il fut décidé que «les Juifs […] payeraient la note». Dans le système de perception antisémite des décideurs nationaux-socialistes, cela était même vu comme une «légitime défense» contre les Juifs, les supposés «ennemis mortels» du peuple allemand137.
Ainsi, il me semble douteux que l’état d’esprit dans lequel ces décisions ont été prises soit caractérisé de manière appropriée par le fait que le gouvernement national-socialiste les a en quelque sorte prises dans l’euphorie de la victoire138. Les radicalisations successives répondaient à des situations considérées par les décideurs comme très menaçantes en termes de pénurie et d’augmentation constante des contraintes de temps. Elles ne pouvaient être surmontées que par le recours au «pragmatisme» national-socialiste: par une violence politiquement motivée, la terreur d’une «prophylaxie raciale générale» et des campagnes de meurtres ciblées: certains devaient mourir pour que les autres puissent vivre ou combattre mieux.
Texte traduit de l’allemand par François Pastre.
Notes.
1. Ereignismeldung UdSSR (dorénavant EM1) no 26, 18 juillet 1941, archives fédérales (dorénavant BA) R 58/214.2. Eberhard Jäckel, «Der Entschlußildung als historisches Problem», in Eberhard Jäckel, Jürgen Rohwer (dir.), Der Mord an den juden im Zweiten Weltkrieg. Entschlußildung und Verwirklichung, Francfort, 1987, p. 9-17, extrait p. 16 et suiv.
3. Helmut Krausnick, «Hitler und die Befehle an die Einsatzgruppen», Rohwer (dir.). op. cit, p. 88-106, extrait p. 99.
4. Yitzhak Arad propose une vue d’ensemble de l’extermination des Juifs lituaniens: Yitzhak Arad, «The “Final Solution” in Lithuania in the Light of German Documentation», Yad Vashem Studies, no XI, 1976, p. 234-272 {en ligne…}. Les nombres de victimes juives indiqués sont toujours minimaux. Il n’est plus guère possible d’établir des estimations précises. Le chiffre de 175 000 Juifs lituaniens assassinés jusqu’à fin 1941, cité par Dina Porat, est certainement quelque peu élevé: Dina Porat, «The Holocaust in Lithuania. Some Unique Aspects», in David Cesarani (dir.), The Final Solution. Origins and Implementation, Londres-New York, 1994, p. 159-174, ici p. 161.
5. Cf. Andreas Hillgruber, «Die “Endlösung” und das deutsche Ostimperium als Kernstück des rassenideologischen Programms des Nationalsozialismus», Vierteljahrshefte für Zeitgeschichte (VfZ), no 20, 1972, p. 133-153; Gerd R. Ueberschär, «Der Mord an den Juden und der Ostkrieg. Zum Forschungsstand über den Holocaust», in Heiber Lichtenstein, Otto R. Romberg (dir.), Täter-OpferFolgen. Der Holocaust in Geschichte und Gegenwart, Bonn, 1995, p. 49-81.
6. Cf. Philippe Burrin, Hitler und die Juden. Die Entscheidungfar den Völkermord, Francfort, 1993, p. 172. Arno J. Mayer, Krieg als Kreuzzug. Das Deutsche Reich. Hitlers Wehrmacht und die «Endlösung», Reinbeck, 1989, p. 660.
7. Procédure du tribunal d’instance d’Ulm contre Bernhard Fischer-Schweder et al., ZstL Ludwigsburg, t. 8, p. 1955, déclarations du chef de compagnie du 3e RI 176 en date du 30 janvier 1957.
8. Déclaration de Feliksas S., un habitant de Gargzdai, ibid., t. 8, p. 2095-2097.
9. Cf. Walter Hubatsch, Die 61. Infanterie-Division 1939-1945. Ein Bericht in Wort und Bild, Friedberg, 1983, p. 18.
10. Acte d’accusation contre Fischer-Schweder et al., op. cit, t. 13, p. 3374. Un médecin juif, le Dr Uksmann, qui avait été médecin régional sous le régime soviétique, et le rabbin Meir Levin subirent des traitements cruels avant d’être assassinés. Cf. Dov Levin (dir.). Pinkas HaKehilot, Lita (Buch der Gemeinden, Litauen), Jérusalem, 1996, p. 190.
11. Décret d’Hitler en date du 13 mai 1941 sur l’exercice de la justice de guerre dans la région «Barbarossa» et sur les opérations particulières confiées aux troupes, reproduit in Gerd Bucheim, Martin Broszat, Helmut Krausnick, Hans-Adolf Jacobsen, Anatomie des SS-Staates, t. 2, Munich, 1989, p. 182 et suiv.
12. Courrier de von Brauchitsch en date du 24 mai 1941, complétant le «décret sur la justice de guerre» en date du 13 mai 1941, reproduit in ibid., t. 2, p. 185-186.
13. A ce sujet, cf. EM no 2, 23 juin 1941. BA R 58/214.
14. Courrier recommandé {du 1er juillet 1941} de la Gestapo de Tilsit au RSHA IV A1. Objet: opérations de nettoyage menées au-delà de l’ancienne frontière entre l’Union soviétique et la Lituanie, Zentralstelle der Landesjustizverwaltungen zur Aufklärung von NS-Verbrechen (Bureau central des administrations judiciaires des Länder pour l’étude des crimes nazis), Ludwigsburg (dorénavant ZStL), collection URSS, classeur 245, dossier no 254-257, p. 2-5.
15. Seule Rachel Jamai a survécu à ces meurtres, cf. Dov Levin (dir.), op. cit, p. 190.
16. «Jusqu’à présent, nous n’avons pas envisagé de nouvelle action car à Kretinga, il ne restait que les femmes et les enfants juifs.» (Courrier recommandé de la Gestapo de Tilsit au RSHA, 1er juillet 1941, cf. note 14.)
17. ZStL 207 AR-Z 72/60, procédure contre H-H St. Des descriptions précises des meurtres commis par des hommes de la Luftwaffe sont contenues dans cette procédure. Jusqu’à présent, la participation des unités de la Wehrmacht aux exécutions commises à Kretinga n’a pas pu être chiffrée avec précision.
18. Cf. également Jürgen Matthäus, «Jenseits der Grenze. Die ersten Massenerschießungen von Juden in Litauen (Juni-August 1941)», ZfG, no 44, 1996, p. 101-117. Matthäus n’a pas pris en compte le rôle de la Wehrmacht car il n’a pas consulté les documents relatifs au procès dans les archives nationales de Ludwigsburg et les preuves correspondantes n’apparaissent ni dans l’acte d’accusation, ni dans le texte du jugement.
19. Ordre no 6 de Heydrich aux chefs des Einsatzgruppen, en date du 4 juillet 1941, archives spéciales de Moscou 500-5-3, p. 48.
20. À ce sujet, cf. Alfred Streim, «Zur Eröffnung des allgemeinen Judenvernichtungsbefehls», in Eberhard Jäckel, Jürgen Rohwer (dir.). op. cit, p. 107-119, extrait p. 111.
21. Courrier du «responsable de l’autoprotection» du district d’Alytus, du président du comité d’administration du district, et du chef de la police du district au commandant allemand de la place d’Alytus en date du 30 juin 1941, Lietuvos Centrinis Valstyb_ys Archyvas (archives nationales centrales lituaniennes, dorénavant LCVA) R 1436-1-29, p. 12 et suiv.
22. Circulaire d’Hamann à Reivitys en date du 15 août 1941., LCVA R 693-2-2, p. 2.
23. Télex du WiStab Ost à la liste de destinataires B en date du 15 juillet 1941. Objet: emploi des ouvriers spécialisés juifs, Latvijas Valsts Arhivs (archives nationales lettones, dorénavant LVA) P70-2-52, p. 202.
24. Interrogatoire d’Alfred Krumbach, 7 octobre 1958, ZStL 207 AR-Z 51/58, procédure contre A. Krumbach et al., t. 1, p. 86-87.
25. Peter Longerich. «Vom Massenmord zur “Endlösung”. Die Erschießungen von jüdischen Zivilisten in den ersten Monaten des Ostfeldzuges im Kontext des nationalsozialistischen Judenmords», in Bernd Wegner (dir.), Zwei Wege nach Moskau. Vom Hitler-Stalin-Pakt zum «Unternehmen Barbarossa», Munich, 1991, p. 251-274, extrait p. 267.
26. Entrée du 3 mars 1941, in Percy E. Schramm (dir.), Kriegstagebuch des Oberkommandos der deutschen Wehrmacht, t. 1, Munich, 1982, p. 341 (dorénavant KTB OKW).
27. Cf. Uwe Dietrich Adam, Judenpolitik im Dritten Reich, Düsseldorf, 1972, p. 305.
28. Werner Präg, Wolfgang Jacobmeyer (dir.), Das Diensttagebuch des deutschen Generalgouverneurs in Polen 1939-1945, Stuttgart, 1975, p. 211 et suiv.
29. Document PS 1020 de Nuremberg, mémorandum no 3. Objet: URSS, p. 7 et suiv. Italiques dans l’original.
30. Ibid., p. 6 et suiv.
31. Notes prises par Tippelkirch, de l’OKW/WFSt/service L (IV/Qu), lors de l’exposé du 12 mai 1941, reproduit in Anatomie des SS-Staates, t. 2, p. 179 et suiv.
32. Directives de l’OKW en date du 6 juin 1941 pour le traitement des commissaires politiques, reproduit in ibid., p. 188-191.
33. Propos tenus par Wagner les 15 et 16 mai 1941 lors d’une réunion avec la division de protection 285 qui intervenait dans les pays baltes. Cité d’après Ralf Ogorreck, Die Einsatzgruppen und die «Genesis der Endlösung», Berlin, 1996, p. 42.
34. Directives émises le 6 juin 1941 par Nockemann, chef de l’Amt (bureau) II du RSHA, lors d’une réunion avec l’intendant en chef des armées de terre Wagner, des représentants de la police de sécurité. des officiers de l’armée de terre et du service Abwehr de l’OKW. Cité d’après Ralf Ogorreck, Die Einsatzgruppen der Sicherheitspolizei und der SD im Rahmen der «Genesis der Endlösung». Ein Beitrag zur Entschlußbildung der Endlösung der Judenfrage im Jahre 1941, thèse non publiée, université libre de Berlin, 1992, p. 42. A noter que 51 pages (p. 36-87). décrivant et analysant, avec la plus grande précision rencontrée jusqu’à présent, la manière dont ces ordres criminels furent pris, sont malheureusement absentes de la version publiée de cette thèse citée précédemment.
35. Cette formulation est celle de l’EM no 43, 5 août 1941, BA R 58/214. Le courrier de Heydrich en date du 2 juillet 1941 est reproduit in Peter Longerich (dir.), Die Ermordung der europäischen Juden, Munich, 1989, p. 116-118.
36. A ce sujet, cf. Ulrich Herbert, Best: Biographische Studien über Radikalismus, Weltanschauung und Vernunft: 1909-1989, Bonn, 1996, p. 163-180, 237-245.
37. Voir EM 32, 24.7.41, BAR.58/214.
38. EM no 9. 1er juillet 1941, BA R 58/214.
39. EM no 10, 2 juillet 1941, BA R 58/214.
40. Heydrich a évoqué ce point oralement le 17 juin, l’a rappelé le 29 juin et l’a ordonné par écrit le 2 juillet 1941, cf. Peter Longerich, Die Ermordung der europäischen Juden, op. cit, p. 116-119.
41. Cf le rapport global de l’Einsatzgruppe A, 15 octobre 1941. On pouvait y lire: «Cependant, il était souhaitable qu’elle [la police de sécurité allemande] se manifeste, mais pas dans l’immédiat, lors de ces opérations d’une dureté inhabituelle, qui devaient également attirer l’attention des cercles allemands. Il fallait montrer à l’extérieur que la population autochtone avait pris d’elle-même les premières mesures dans le cadre d’une réaction naturelle contre l’oppression qu’elle a subie pendant des décennies du fait des Juifs, et contre la terreur imposée par les communistes.» (Archives spéciales de Moscou 5oo-4-93.)
42. Cf Ulrich Herbert, «Von der “Reichskristallnacht” zum “Holocaust”. Der 9. November und das Ende des “Radauantisemitismus”», in Ulrich Herbert, Arbeit, Volkstum, Weltanschauung. über Fremde und Deutsche im 20. Jahrhundert, Francfort, 1995, p. 59-79.
43. A ce sujet, cf. Götz Aly, «Endlösung». Völkerverschiebung und der Mord an den europäischen Juden, Francfort, 1995, p. 268-279; Philippe Burrin, op. cit, p. 114-116; Hans Safrian, Die Eichmann Männer, Vienne-Zurich,1993, p. 169.
44. Götz Aly, op. cit, p. 319. Dès fin mars 1941, un projet concernant la «solution de la question juive», présenté à Göring par Heydrich, s’est heurté aux questions portant sur les compétences du futur ministère des Territoires occupés de l’est; notes rédigées le 26 mars 1941 à la suite de l’exposé fait par Heydrich devant Göring. Archives spéciales de Moscou 500-3-795, p. 145. Jusqu’à la fin septembre, Adolf Eichmann a pensé aux «territoires occupés de Russie soviétique» comme «territoire destiné à recevoir les contingents évacués». Cf. ibid., p. 268-279. Finalement, en octobre 1941, le gouverneur général Hans Frank demande à Alfred Rosenberg si les Juifs polonais ne peuvent pas être déportés en Union soviétique occupée, car Hitler avait autorisé Frank à procéder au déplacement général des Juifs polonais dès la seconde moitié du mois de mars, puis, une fois encore, le 19 juin 1941, notes prises le 14 octobre 1941 après la visite de Rosenberg à Frank, le 13 octobre 1941. Cf. Werner Präg, Wolfgang Jacobmeyer (dir.), op. cit, p. 412; Götz Aly, op. cit, p. 334-336, 338, 351 et suiv.
45. Cf. Seppo Myllyniemi, Die Neuordung der baltischen Länder 1941-1944. Zum nationalsozialistischen lnhalt der deutschen Besatzungspolitik, Helsinki, 1973; Roswitha Czollek, Faschismus und Okkupation. Wirtschaftspolitische Zielsetzung und Praxis des faschistischen deutschen Besatzungsregimes in den baltischen Sowjetrepubliken, Berlin, 1974; Hans-Heinrich Wilhelm, Die Einsatzgruppe A der Sicherheitspolizei und des SD 1941/42, Francfort, 1996; Knut Stang, Kollaboration und Massenmord. Die litauische Hilfspolizei; das Rollkommando Hamann und die Ermordung der litauischen Juden, Francfort, 1996; Joozas Bulavas, Vokiskyjy Fasisty Okupacinis Lietuvos Valdymas 1941-1944 (Le Régime d’occupation fasciste allemand en Lituanie de 1941 à 1944), Vilnius, 1969; Kazys Ruksenas, Hitlerininky Politika Lietuvoje 1941-1944 Metais (La Politique hitlérienne en Lituanie de 1941 à 1944), Vilnius, 1970; Yitzhak Arad, Ghetto in Flames. The Struggle and Destruction of jews in Vilna in the Holocaust, Jérusalem, 1980; Dov Levin (dir.), op. cit
46. Hans-Heinrich Wilhelm, «Offene Fragen der Holocaust-Forschung. Das Beispiel des Baltikums», in Uwe Backes (dir.), Die Schatten der Vergangenheit. Impulse zur Historisierung des Nationalsozialismus, Francfort, 1992, p. 403-425.
47. « The rate of extermination [was] dictated by the physical ability of the murder sqads. » (Yitzhak Arad, «The “Final Solution” in Lithuania in the Light of German Documentation», op. cit, p. 239.)
48. Propos tenus par Hitler par exemple le 23 juillet 1941, KTB OKW, t. 1, p. 1030; le 18 août 1941, ibid., p. 1054; le 22 août 1941, ibid., p. 1063 et suiv. Cette formule de Hitler doit être comprise du point de vue militaire et se référait à la destruction du potentiel militaire de l’Union soviétique en hommes et en matériel.
49. Notes prises par von Brauchitsch le 1er mai 1941 pendant une réunion avec le chef L., le 30 avril 1941, PS 873. Tribunal militaire international de Nuremberg (TMI), Der Nürnberger Prozeß gegen die Hauptkriegsverbrecher vom 14. November 1945. 1. Oktober 1946, certificats et pièces à convictions, t. 26, p. 399-401; cf. Andreas Hillgruber, Hitlers Strategie, Politik und Kriegsführung 1940-1941, Bonn, 1993, p. 508.
50. Cf. Rolf-Dieter Müller, «Das Scheitern der wirtschaftlichen “Blitzkriegsstrategie”», in Horst Bong et al., (dir.), Das Angriff auf die Sowjetunion. Aktualisierte Ausgabe von Das Deutsche Reich und der Zweite Weltkrieg, t. 4, Francfort, 1991, p. 1116-1227, ici p. 1138.
51. Klaus Reinhardt, Die Wende vor Moskau. Das Scheitern der Strategie Hitlers im Winter 1941/42, Stuttgart, 1972, p. 35.
52. Ordre de marche de l’OKH pour l’opération Barbarossa en date du 31 janvier 1941, colonel Halder, Kriegstagebuch. Tägliche Aufzeichnungen des Chefs des Generalstabes 1939-1942, Stuttgart, 1964 (dorénavant KTB Halder), extrait t. 2, ann. 2, p. 464.
53. Cf. KTB Halder, t. 3, 17 juillet 1941, p. 88; KTB OKW, t. 1, p. 1029; les «compléments à la consigne no 33» de Hitler en date du 23 juillet 1941, in Walter Hubatsch (dir.), Hitlers Weisungen für dit Kriegeführung, Munich, 1965, p. 166-168.
54. Notes prises le 26 juillet 1941 et le 11 août 1941, KTB Halder, t. 3, p. 121, 170.
55. Le groupe d’armées sud n’a pas non plus réussi à atteindre ce but, et les succès remportés au départ par le groupe d’armées centre furent remis en question à partir de la mi-juin 1941 par la durée de la bataille de Smolensk. Cf. Klaus Reinhardt, op. cit, p. 28-35.
56. Rolf-Dieter Müller, op. cit, p. 1167; Gerhard L. Weinberg, Eine Welt in Waffen. Die globale Geschichle des zweiten Weltkrieges, Stuttgart, 1995, p. 301. Par «ce moment-là», Weinberg se référait aux premières semaines d’août.
57. Cf. Götz Aly, Susanne Heim, Vordenker der Vernichtung. Auschwitz und die deutschen Pläne für eine neue europäische Ordnung, Hambourg, 1991, surtout le chapitre «La guerre contre l’Union soviétique et l’extermination de plusieurs millions d’êtres humains», p. 365-393; cf. l’article de Christian Gerlach dans cet ouvrage.
58. Directives sur la politique économique concernant le secteur économique est en date du 23 mai 1941, Chefgruppe Landwirtschaft, TMI, t. 36, p. 135-137, extraits p. 140, 145.
59. Ibid., p. 148.
60. Cf. Charles de Beaulieu, Der Vorstoß der Panzergruppe 4 auf Leningrad 1941, Neckargemünd, 1961, p. 21 et suiv.
61. Rapport hebdomadaire du WiStab Ost, 6 juillet-12 juillet 1941, archives militaires de Fribourg.
62. Cf. l’ouvrage de base sur les questions liées au ravitaillement, Klaus A. Schüler, Logistik in Rußlandfeldzug. Die Rolle der Eisenbahn bei Planung, Vorbereitung und Durchführung des deutschen Angriffes auf die Sowjetunion bis zur Krise vor Moskau im Winter 1941/42, Francfort, 1987.
63. KTB Halder, t. 3, p. 21.
64. La conquête des îles baltes avait été ordonnée le 11 juillet 1941. Cf. Werner Haupt, Heeresgruppe Nord 1941-1945, Bad Nauheim, 1966, p. 46.
65. Hoepner se plaignit «avec la plus grande virulence» des défaillances du ravitaillement devant les commandants du front est (Rolf-Dieter Müller, op. cit, p. 1173). Selon ses plans originels, Hoepner voulait atteindre Leningrad dès le 13 juillet (Heinrich Bücheler, Hoepner. Ein deutsches Soldatenschicksal des XX. Jahrhunders, Herford, 1980, p. 136).
66. Cf. Rolf-Dieter Müller, op. cit, p. 1146.
67. Ibid., p. 1147.
68. Cf. la consigne no 33 de Hitler en date du 19 juillet 1941, in Walter Hubatsch (dir.), Hitlers Weisungen für die Kriegsführung, op. cit, p. 163.
69. Notes prises par Halder lors de son exposé devant Hitler, le 23 juillet 1941, KTB Halder, t. 3, p. 108.
70. Cf. Rolf-Dieter Müller, op. cit, p. 1147.
71. Le 28 juillet 1941, le haut comnmandement de l’armée s’est fondé sur cette décision (KTB OKW, t. 1, p. 1036). Dès le 8 juillet 1941, Hitler avait signalé à Halder qu’il entendait «faire raser Leningrad et Moscou par l’aviation pour éviter qu’il y reste des êtres humains que nous serions obligés de nourrir pendant l’hiver» (KTB Halder, t. 3, p. 52).
72. Rapport de Gusovius au général Thomas, en date du 28 juillet 1941, sur son voyage dans le secteur des inspections économiques (Wiln) centre et nord, effectué du 23 au 27 juillet 1941, BA-MA WilD 86.
73. Message quotidien de l’officier de liaison (OL) du quartier général (GenQu) au WiRüAmt. Thomas a pris ces notes le 1er juillet 1941, BA-MA RW 31/90s.
74. Courrier du service GenQu nord (quartier général du nord) service II B aux intéressés en date du 17 juillet 1941. Objet: recensement et transport des stocks confisqués dans les pays conquis pour nourrir les troupes engagées dans les opérations, LVA P70-1-3, p. 1.
75. Ann. 52 (23 juillet 1941), Kriegstagebuch VO des OKW/WiRüAmt (IV WI) beim Armeeoberkommmando (AOK) 16, 22 juin 1941-14 février 1942, BA-MA RW 46/261.
76. Courrier de la poste aux armées du caporal M. F., de la 256e DI, qui faisait partie de la 9e armée (Groupe d’armées Centre) et avait conquis le sud de la Lituanie, en date du 23 juillet 1941, reproduit en extraits in Walter Manoschek (dir.), “Es gibt nur eines für das Judentum: Vernichtung.” Das Judenbild in deutschen Soldatenbriefen 1939-1944, Hambourg, 1995, p. 37.
77. Notes prises par Halder le 23 juillet 1941 pour un exposé fait à Hitler.
78. Annonce faite à Halder par le général Wagner le 23 juillet 1941, KTB Halder, t. 3, p. 103, 106. Le 15 août 1941, Hitler décida de rattacher aussi militairement 3 divisions du groupe de chars 3 au groupe d’armées, ibid., p. 179.
79. Réunion des chefs des 3 groupes d’armées, le 25 juillet 1941, ibid., p. 120.
80. Ann. 96, KTB IV Wi AOK 16, BA-MA RW 46/261.
81. Ann. 83. ibid.
82. EM no 12, 4 juillet 1941; EM no 14, 6 juillet 1941. Rapport rédigé par Marrenbach le 6 juillet 1941 au sujet du déplacement effectué à Vilnius et à Kaunas du 1er au 4 juillet 1941. BA-MA RW 31/90b.
83. Télex du WiStab Ost à la Wiln nord, 9 juillet 1941, LVA P70-1-2. p. 2. Le 11 juillet 1941, cette consigne a été envoyée dans les mêmes termes aux centres de commandement économique dans l’instruction particulière no 7 (LVA P70-2-52, p. 190).
84. Rapport rédigé le 31 juillet 1941 par le capitaine Reiner et le conseiller en économie de guerre Ihde, du WiStab Ost, au sujet d’un déplacement effectué à Riga, à Dünaburg et à Kaunas, archives spéciales de Moscou 1458-40-221, p. 68-72.
85. Instruction de l’IV Wi AOK 18 sur les réserves en date du 20 juillet 1941, LVA P70-2-40, p. 2.
86. Instruction sur la consommation de viande, de graisse et de farine du groupe d’armées nord (16e et 18e armées, groupe de chars 4) en août et en septembre 1941, LVA P70-1-16, p. 39.
87. Rapport général de l’Einsatzgruppe A en date du 15 octobre 1941, archives spéciales de Moscou 500-4-93, p. 68.
88. Service extérieur GenQu nord II B à l’AOK 18 en date du 4 juillet 1941. Objet: directives pour la gestion de l’économie dans les régions nouvellement occupées, LVA P70-2-1, p. 14-15.
89. Notes prises par le général Thomas le 18 juillet 1941 après un rendez-vous avec Göring et Keitel le 17 juillet 1941, BA-MA RW 19/512, p. 37-39. Général Wagner, au sujet de l’exploitation de la terre dans les régions situées à l’arrière, copiées par le WiRüAmt, état-major 1a, le 1er août 1941, LVA P70-1-2, p. 16.
90. Services de gestion des denrées alimentaires de Kaunas aux bourgmestres et aux maires de l’ensemble des villes et des villages, 16 juillet 1941, LCVA R 1444-1-13, p. 162.
91. Note rédigée par le chef du Chefgruppe Landwirtschaft (Chefgr. La) du WiStab Ost. Objet: rapport sur le déplacement à Riga, à Kaunas et à Minsk du 24 octobre au 2 novembre 1941, LVA P70-2-38, p. 83-88.
92. «Directives pour la gestion et le travail des centres de commande économiques dans les régions nouvellement occupées de l’est» en date du 11 août 1941, reproduit in Rolf-Dieter Müller (dir.), Die deutsche Wirtschaftspolitik in den besetzten sowjetischen Gebieten 1941-1943, Boppard, 1999, p. 418-420.
93. Conseil du Wirtsschaftsführung Ost (état-major de gestion économique est) en date du 31 juillet 1941, BA-MA RW 31/11, p. 99-109. Notes figurant dans le journal de guerre du WiRüAmt sous le titre «Questions d’organisation en Russie», BA-MA WilD/1222.
94. Notes inscrites dans l’agenda de Göring le 22 juillet 1941, IfZ Ed 180/5.
95. Ordre donné par Göring le 27 juin 1941, «Schwerpunkte und Methoden der wirtschaftlichen Ausbeutung der Sowjetunion», BA-MA RW 31/188, p. 74, 76. Rapport rédigé le 29 juillet 1941 par le général Nagel sur les réponses de Göring aux questions posées par le WiStab Ost, BA-MA RW 31/97.
96. Directives de politique économique en date du 23 mai 1941 (note 62), p. 156 et suiv.
97. KTB Halder, t. 3, p. 125. 129.
98. Cela ressort d’un courrier adressé le 11 septembre 1941 par le district d’approvisionnement nord à l’intendant en chef auprès du commandant en chef de la Wehrmacht pour l’Ostland, concernant les besoins en nourriture pour le ravitaillement du groupe d’armées nord du 15 septembre au 15 décembre 1941, LVA P70-1-4, p. 54.
99. A l’automne, les quantités de céréales panifiables ont été réduites de 55 000 tonnes en raison des mauvaises récoltes. Les livraisons théoriques étaient fixées à 195 000 tonnes. Instruction du service «alimentation et agriculture» du RKO en date du 31 janvier 1942, fixation des quantités nécessaires à l’approvisionnement et livraison à la Wehrmacht, LVA P70-1-16, p. 119.
100. Notes prises par un membre du Chefgr. La du WiStab Ost au sujet de son rapport sur le déplacement effectué à Riga, Kaunas et Minsk du 24 octobre au 2 novembre 1941, LVA P70-2-38, p. 83-88.
101. Notes prises par Krauss (RKO), discussion avec le commissaire général de Kaunas au service de l’alimentation et de l’agriculture, du 16 au 18 août 1941, Latvijas Valsts Vestures Arhivs (archives historiques nationales lettones, dorénavant LVVA) P1018-1-155, p. 24.
102. District d’approvisionnement nord à la Wiln nord, le 1er octobre 1941. Sujet: remise des denrées alimentaires et de la nourriture produites dans le pays aux postes d’approvisionnement, LVA P70-1-7, p. 26.
103. Lettre adressée le 5 janvier 1941 par Martin Matthiessen, directeur du service économique du RKO, 4 aux chefs de service de Kaunas, de Wehrmacht, LVVA P69-1a-10, p. 532.
104. Dans le procès-verbal destiné au chef du WiStab Ost, ce passage est marqué en gros, RW 31/11, p. 99-109. Le secrétaire d’État chargé du «plan de 4 ans», Paul Körner, s’était vu confier la direction WiStab Ost par Göring.
105. Ordre de la Kommandantur d’Alytus pour les autorités civiles, en date du 14 juillet 1941, LCVA R 1436-1-38. Le 16 juillet, on a signalé explicitement à la police lituanienne la mise en place de ces rations alimentaires, LCVA R 1436-1-29, p. 19-20. A la Kommandantur de Vilnius, on avait décidé, dès les premiers jours du mois de juillet, de ne laisser aux Juifs que la moitié des vivres accordés au reste de la population. Rapport rédigé le 6 juillet par Marrenbach au sujet d’un déplacement qu’il a effectué à Vilnius et à Kaunas du 1er au 4 juillet 1941, BA-MA RW 31/90b.
106. EM no 33, 25 juillet 1941, BA R 58/214.
107. EM no 17, 9 juillet 1941, BA R 58/214.
108. Service de gestion de l’industrie alimentaire de Kaunas à tous les bourgmestres et maires des villes et des villages, 16 juillet 1941, LCVA R 1444-1-13, p. 162.
109. Rapport rédigé le 29 juillet 1941 par le général Nagel sur les réponses de Göring aux questions posées par le WiStab Ost, BA-MA RW 31/97.
110. Procès-verbal en date du 5 août 1941 sur la «discussion menée au sujet de la situation politique et économique dans l’Ostland au cours de la réunion chez le ministre du Reich Rosenberg, le 1er août 1941», BA R 6/300, p. 1-5, extrait p. 2.
111. LVVA P1026-1-3, p. 237-239. Noté à la main par Stahlecker sur la marge gauche de la p. 238. Dans la version publiée de ce document, on a déchiffré par erreur: «Si nous pensons maintenant “ici” à un déplacement.» (Hans Mommsen, Susanne Willems (dir.), Herrschaftsalltag im Dritten Reich. Studien und Texte, Düsseldorf, 1988, p. 467-471, extrait p. 469, note 17.)
112. Rüter, jugement, t. 15, p. 194-203; procédure contre Fischer-Schweder et al., acte d’accusation, t. 15, p. 3466-3484.
113. Rüter, jugement, t. 15, p. 200 et suiv.; procédure contre Fischer-Schweder et al.; dossier complémentaire, consignation de Böhme, p. 48.
114. Procédure contre Fischer-Schweder et al., acte d’accusation, dossier no 13, p. 3468-3484.
115. Procédure contre Fischer-Schweder et al., dossier no 8. témoignage de F. S., p. 2 100.
116. A ce sujet, cf. en particulier les affirmations du chef de la police de sécurité lituanienne de Kretinga, Pranas Lukys; procédure contre Fischer-Schweder et al., t. 10.
117. Ordre donné le 14 août 1941 aux maires des chefs-lieux d’arrondissements et des villes indépendantes par le commissariat régional de Siaulai. Objet: consignes et direction du commissaire régional en date du 13 août 1941, LCVA R 1099-1-1, p. 153-155.
118. Procédure contre Fischer-Schweder et al., déclaration de Böhme, p. 52.
119. Notes prises par Gewecke le 3 septembre 1941 au sujet des affaires juives à Schaulen, ZstL 207 AR-Z 774/61, t. 3, p. 529-530.
120. Directives provisoires pour le traitement des Juifs sur le territoire du RKO, reproduit in TMI, t. 27, p. 19-25, extrait p. 24.
121. Rapport global de l’Einsatzgruppe A en date du 15 octobre 1941, archives spéciales de Moscou 500-4-93.
122. Projet de 2e rapport de Stahlecker, probablement daté de janvier 1942, RA R 90/146.
123. Courrier adressé le 2 août 1941 par Himmler aux HSSPF 101-103 et au HSSPF Ost, à Cracovie. Concerne: chefs de la SS et des postes de police dans les régions situées à l’arrière, placés sous les ordres de l’HSSPF, LVVA P 1026-1-17, p. 279.
124. L’ordre donné en ce sens aux unités lituaniennes de Vilnius, en date du 2 août 1941, se trouve dans LCVA R 689-1-223, p. 16.
125. Himmler a annoncé cela Je 9 août 1941. Objet: organisation de la SS et de la police dans les territoires occupés de l’est, archives spéciales de Moscou 1323-1-50.
126. «Nous devons remporter des succès dès le départ. Aucun recul ne doit se produire.» (KTB Halder, t. 2, p. 318-319.) Le 4 juin 1941, Halder a, une fois encore, résumé la situation aux commandants en chef des groupes d’armées: «Important: l’opération Barbarossa doit être menée rapidement.» (KTB Halder, t. 2, p. 438.)
127. Keitel a rapporté cette inquiétude de Hitler lorsqu’il visita le QG du groupe d’armées centre à Borissov, cité d’après Klaus Reinhardt, op. cit, p. 35. Je remercie Christian Gerlach pour cette indication.
128. Journal d’Erwin Lahousen, notes prises le 20 juillet 1941, IfZ Fd 47.
129. Klaus Reinhardt, op. cit, p. 13.
130. Elke Fröhlich (dir.), Die Tagebücher von joseph Goebbels. Teil II Diktate, t. 1, Munich, 1996, notes prises le 19 août 1941, p. 257, 261 et suiv. Le 29 juillet 1941, pour la première fois, Goebbels nota qu’il s’agissait d’une «crise». Le 2 août 1941, il se fondait déjà sur le fait que le peuple allemand devait se préparer à une «guerre rude et longue le cas échéant» (ibid., p. 139, 164). Et le 8 août 1941, il considérait déjà qu’il était «fort improbable» de réussir à terminer la guerre contre l’Union soviétique en 1941 (ibid., p. 194-195).
131. À chaque fois, les ordres de plus en plus draconiens concernant la sécurité dans les régions occupées étaient également dirigés contre les Juifs, même si, à cette date, ces derniers n’opposaient encore guère de résistance. Après que, dès le 16 juillet 1941, Hitler ait déclaré qu’il fallait fusiller toute personne qui regardait de travers, Keitel a donné l’ordre suivant le 23 juillet 1941: «Les troupes mises à disposition pour la protection des territoires occupés de l’est ne suffisent […] que si la puissance occupante répand la terreur, qui est le seul moyen adapté pour ôter à la population toute envie de résistance.» (Notes prises par Bormann au sujet d’une discussion avec Hitler, Rosenberg, Lammers, Keitel, Göring, Bormann, TMI, dossier no 38, 221-L, p. 86-92; TMI, dossier no 34, p. 258-259, 052-C.)
132. Avant de prendre ses fonctions dans les pays baltes, Lohse, le commissaire du RKO, s’est enquis de la situation auprès de l’intendant en chef des armées de terre Wagner le 24 juillet 1941, a vu le commandant en chef de la Wehrmacht pour l’Ostland, Walter Braemer, le 25 juillet, et a parlé avec Hitler le 26 juillet. Peu après, Lohse a rencontré Himmler, Adolf Prützmann, HSSPF, et le chef de l’ORPO, Karl Daluege, au cours du déplacement de 3 jours qu’Himmler effectua dans les pays baltes du 29 au 31 juillet. Stahlecker avait également «pris contact avec le commissaire du Reich dès son entrée en fonction» (cf. journal de guerre du diplomate Otto Bräutigam, «Biedermann und Schreibtischtäter. Materialien zur deutschen Täter-Biographie», in Beitrage zur nationalsozialistischen Gesundheits-und Sozialpolitik, t. 4, Berlin, 1987, p. 138 et suiv.; EM no 35, 27 juillet 1941, BA R 58/214; Richard Breitman, The Architect of Genocide. Himmler and the Final Solution, Hanover (Nouvelle-Angleterre), 1991, p. 190; archives régionales du Schleswig-Holstein, service 399.65, no 10; Rapport global de l’Einsatzgruppe A en date du 15 octobre 1941, archives spéciales de Moscou 500-4-93, p. 3 et suiv.).
133. Procès-verbal en date du 5 août 1941 sur la «discussion menée au sujet de la situation politique et économique dans l’Ostland au cours de la réunion chez le ministre du Reich Rosenberg, le 1er août 1941», BA R 6/300, p. 1-5.
134. «Liste globale des exécutions menées à ce jour dans le secteur de l’Ek 3», 10 septembre 1941, BA R 70 SU/15, p. 78.
135. Elke Fröhlich (dir.), op. cit, notes prises par Goebbels le 19 août 1941, t. I, p. 269.
136. Cf. Ludolf Herbst, Das nationalsozialistische Deutschland 1933-1945, Francfort, 1996, chap. 12-13, extrait p. 378.
137. 1er rapport bihebdomadaire du WiStab Ost, 22 juin 1941-5 juillet 1941, BA-MA RW 31/90b.
138. Cf. par exemple Christopher R. Browning, «The Euphoria of Victory and the Final Solution: Summer-Fall 1941», German Studies Review, no 17, 1994, p. 473-481; Gerhard L. Weinberg, op. cit, p. 334.