Les intérêts économiques allemands, la politique d’occupation et l’assassinat des Juifs en Biélorussie de 1941 à 1943
Christian Gerlach
Traduit par François Pastre
1914-1945. L’Ère de la Guerre. Tome 2: 1939-1945. Nazisme, occupations, pratiques génocides, Anne Duménil, Nicolas Beaupré, Christian Ingrao (dir.), Paris: Agnès Viénot Éditions, 2004.© Christian Gerlach/Agnès Viénot Éditions 2004 – Reproduction interdite sauf autorisation de l’auteur, de l’éditeur ou des ayants droit
Les régions de l’URSS concernées (Ostland sud et Ukraine nord-ouest)
Préambule (par PHDN)
Les années 1990 furent une décennie très fructueuse pour l’historiographie allemande de la Shoah. Des analyses inédites et majeures, notamment de nombreuses études locales sur les politiques nazies à l’Est sont produites. Au début des années 2000, Anne Duménil, Nicolas Beaupré, Christian Ingrao dirigent un volume de traductions de certaines de ces études parmi les plus importantes. Christian Gerlach est l’un de ces historiens qui émergent alors et le texte présenté ici, d’abord publié en 1995 («Deutsche Wirtschaftsinteressen, Besatzungspolitik und der Mord an den Juden in Weißrußland, 1941-1943», in Ulrich Herbert (éd.). Nationalsozialistische Vernichtungspolitik 1939-1945. Neue Forschungen und kontroversen, Francfort, 1995), est un apport majeur à notre connaissance du génocide des Juifs. Il démontre, dans le cas de la Biélorussie, que les massacres des populations juives s’inscrivent dans une politique plus large, décidée avant même l’invasion de l’URSS, d’affamer en masse, par dizaines de millions, les populations civiles locales pour assurer l’approvisionnement des populations et armées allemandes. Christian Gerlach met au jour des mécanismes et dynamiques complexes entre autorités civiles, militaires, sécuritaires, échecs locaux, prises en compte pragmatiques des réalités de terrain, qui rendent in fine inapplicables les «plans famine» envisagés pour toute la population, et désignent presque mécaniquement les Juifs comme «variable d’ajustement». Les Juifs sont donc massacrés en priorité, sinon exclusivement, souvent à l’initiative des autorités civiles même qui avaient pu, dans un premier temps, freiner la volonté de massacre des forces sécuritaires, en raison de leurs propres besoins en main d’œuvre. Certaines interprétations de Christian Gerlach peuvent évidemment être contestées ou modérées, mais en montrant que l’extermination des Juifs ne pouvait être accomplie sans l’assentiment, sinon l’initiative, de tous les acteurs allemands locaux, il affine notre compréhension des événements. Il rappelle cependant fort opportunément que ces assentiments et ces initiatives s’inscrivent dans un contexte idéologique particulièrement mortifère, auquel adhère tant les militaires que les civils, et dans une volonté politique des échelons politiques supérieurs d’exterminer les Juifs. Sans cette idéologie et cette volonté, les massacres n’auraient pu être ni envisagés ni menés à bien. L’étude de Hannes Heer sur l’implication de la Wehrmacht dans les assassinats de masse en Biélorussie pendant la première année d’occupation, tirée du même volume que celle de Christian Gerlach, souligne cette très forte motivation idéologique et modère, selon nous, les arguments «économiques» soulignés par Gerlach.
L’ouvrage dont est tirée la traduction française de cette étude est aujourd’hui épuisé et ne se trouve que d’occasion. La plupart des travaux de Christian Gerlach ne sont pas traduits, notamment son Kalkulierte Morde. Die deutsche Wirtschafts- und Vernichtungspolitik in Weißrußland 1941 bis 1944 (Hambourg: Hamburger Edition, 1999) qui développe la présente étude. Il n’existe pas non plus de version en ligne ni même numérisée de l’ouvrage de 2004, a fortiori de l’étude de Gerlach. C’est la raison pour laquelle nous l’avons scannée, passée à l’OCR, et mise en web à partir de notre exemplaire papier. Il faut toutefois avoir pleinement conscience qu’il s’agit d’une littérature spécialisée et ardue, inadaptée avant les études supérieures, à moins d’avoir déjà une pratique de telles lectures. Elle permet néanmoins de voir l’historien au travail, ce qui n’est pas la moindre de ses qualités. Cela est également vrai des autres chapitres de l’ouvrage dont il est question et que nous espérons mettre également, un jour, en ligne. On pourra compléter la présente étude par:
- Hannes Heer, «Killing fields. La Wehrmacht et l’Holocauste», in 1914-1945. L’Ère de la Guerre. Tome 2: 1939-1945. Nazisme, occupations, pratiques génocides, Anne Duménil, Nicolas Beaupré, Christian Ingrao (dir.), Paris: Agnès Viénot Éditions, 2004. En ligne sur PHDN…
- Le numéro de la Revue d’Histoire de la Shoah no 1987, 2007, «La Wehrmacht dans la Shoah», propose plusieurs articles importants qui prolongent les problématiques abordées ici. Tous ces articles sont en ligne…
- Christian Gerlach, «Politique alimentaire, faim et persécution des Juifs de 1939 à 1945. Résultats de la recherche», Revue d’Histoire de la Shoah, no 209, 2018. En ligne…
- Stephen Vargas, Vernichtungskrieg: Wehrmacht Complicity in the Holocaust on the Eastern Front, The Holocaust History Project, 2011, en ligne…
- Waitman W. Beorn, Marching into darkness: the Wehrmacht and the Holocaust in Belarus, Cambridge, Massachusetts: Harvard University Press, 2014.
Un dernier point mérite l’attention du lecteur: l’éditeur et les coordinateurs de l’ouvrage dont le présent texte est tiré avaient confié la traduction intégrale des textes allemands à un jeune traducteur, François Pastre, disparu prématurément en avril 2020. On ne peut que souligner l’extrême difficulté que présentent pour celui qui doit en effectuer la traduction des textes de cette nature, tant sur la forme que sur le fond et on ne peut que louer la qualité et la rigueur du travail de François Pastre. Voici ce que Christian Ingrao a publié sur son mur facebook à l’occasion de sa disparition: «François Pastre s’est éteint soudainement dans la nuit du 15 au 16 avril. Il était un traducteur talentueux. Nicolas Beaupré, Anne Duménil et moi même avions fait appel à lui pour traduire vers le français un ensemble de 7 textes diffusant une nouvelle vague de recherche sur la Shoah et la Seconde guerre mondiale dans l’ère de la guerre Tome 2. Il a ainsi contribué à la réception en France de la recherche allemande et joué un rôle de passeur. Il était très apprécié dans son milieu et ses traductions avaient été d’une grande rigueur. Nous nous associons à sa famille et à ses proches dans leur affliction. Que la terre lui soit légère; que notre souvenir demeure».
Les intérêts économiques allemands, la politique d’occupation et l’assassinat des Juifs en Biélorussie de 1941 à 1943
Christian Gerlach
Aucun autre pays d’Europe n’a été autant dévasté par la Seconde Guerre mondiale que la Biélorussie. Lorsque l’armée soviétique la libéra au cours de l’été 1944, sur les 9,2 millions d’habitants qui la composaient auparavant, il en restait largement moins de 7 millions, dont 3 millions de sans-abri. Nombre de villages et de localités n’existaient plus. Des biens appartenant à l’État, aux coopératives et à des personnes privées avaient disparu dans des proportions difficiles à chiffrer. Environ 700 000 prisonniers de guerre avaient été assassinés par les Allemands en Biélorussie. 500 000 à 550 000 Juifs, 340 000 paysans et réfugiés avaient été victimes de la prétendue lutte contre les partisans, ainsi que 100 000 personnes appartenant à d’autres groupes de populations. En outre, plus de 380 000 personnes avaient été déplacées vers le Reich pour y effectuer des travaux forcés1.
Trois ans auparavant, pendant l’été 1941, le «Groupe d’armées centre» avait conquis la Biélorussie en l’espace de quelques semaines. Les autorités soviétiques avaient cependant réussi à évacuer en catastrophe par train vers l’intérieur de l’Union soviétique 1,5 million de personnes, résidant surtout dans l’est de la Biélorussie2. Parmi elles se trouvaient de nombreux citadins, surtout des ouvriers, des employés administratifs et des cadres du parti communiste, et avec eux de nombreux Juifs biélorusses, probablement entre 150 000 et 180 0003. L’été 1941, toute la Biélorussie fut placée sous administration militaire allemande, laquelle fut remplacée, dans la moitié occidentale, par diverses administrations civiles entre le 1er août et le 20 octobre 19414. L’extension prévue de l’administration civile à l’ensemble de la Biélorussie ne fut cependant jamais réalisée, si bien que la moitié orientale resta sous administration militaire pendant toute la durée de l’occupation. La Biélorussie, qui jusqu’en 1991 n’était pas un État indépendant, a toujours été la cause de tensions politiques entre ses grands voisins, la Pologne et la Russie. Depuis 1920, elle constituait l’une des républiques soviétiques. Par contre, la Biélorussie occidentale actuelle avait fait partie de la Pologne, jusqu’à ce que l’Union soviétique occupe et annexe la Pologne orientale5. Une forte minorité polonaise vivait dans la partie occidentale, et notamment dans les villes. Au moment de l’invasion allemande, après cette «réunification sous le signe du socialisme», la Biélorussie était, dans un certain sens, un pays divisé: dans la partie soviétique, les élites sociales et les Polonais étaient persécutés — de 1939 à 1941, il y eut plusieurs vagues d’arrestations et de déportations —, dans la partie polonaise, ce sont les Biélorusses qui étaient opprimés. En outre, le pays était divisé du point de vue économique et social: à l’ouest, l’industrie était peu développée et la plupart des exploitations agricoles appartenaient à des particuliers, tandis qu’à l’est, l’exploitation collectiviste était majoritaire.
Les occupants allemands divisèrent la Biélorussie en pas moins de sept territoires différents, plus ou moins étendus. La limite entre la zone placée sous administration militaire et celle placée sous administration civile traversait le pays du nord au sud et était différente de la frontière russo-polonaise d’avant-guerre. Les frontières furent presque toutes modifiées ou entièrement retracées, quasiment forgées de toutes pièces.
Le Commissariat général dit de «Ruthénie blanche», le seul territoire placé sous administration allemande qui, avec Minsk, la capitale, ne comprenait que des territoires biélorusses, faisait partie du Reichskommissariat Ostland (commissariat du Reich des territoires de l’est), dont la capitale était Riga. Des parties plus importantes de la Biélorussie, notamment la Polésie (les marais du Pripiat), furent en revanche intégrées au Reichskommissariat de l’Ukraine, au commissariat général de Volhynie et de Podolie et au commissariat général de Jitomir. Un autre territoire, le district de Bialystok, fut pratiquement annexé par le Reich et intégré à la Prusse orientale sans être placé sous la compétence du ministère des Territoires occupés de l’Est, mais sous la responsabilité d’un chef de l’administration civile, le Gauleiter et Oberpräsident de Prusse orientale Erich Koch, qui était en même temps commissaire du Reich pour l’Ukraine.
La partie orientale de la Biélorussie appartenait en grande partie au territoire situé en arrière du «Groupe d’armées centre». Elle fut répartie entre les secteurs administratifs des divisions de protection, des postes de commandement de terrain et des postes de commandement locaux. Le territoire situé en arrière du groupe d’armées centre dépendait administrativement de l’intendant en chef de l’armée de terre et du Groupe d’armées centre du point de vue militaire. Dans la zone placée sous administration militaire, l’appareil économique constituait une entité administrative à part, organisée pour le secteur contrôlé par le groupe d’armées centre par la Wirtschaftsinspektion Mitte (inspection économique centre), qui dépendait elle-même du Wirtschaftsstab Ost (état-major économique de l’est).
Une administration locale placée sous le contrôle des services de l’administration militaire et civile allemande avait été mise en place au niveau des villes, des «rayons» (districts), des communes et des villages. Le personnel était recruté, d’une part parmi les opposants au système soviétique qui se montraient loyaux envers les Allemands, d’autre part parmi des personnes présumées neutres: certains soutenaient en secret le pouvoir soviétique et l’opposition politique clandestine, beaucoup naviguaient entre l’un et l’autre. Néanmoins, dans l’ensemble, l’administration auxiliaire biélorusse «fonctionnait», en particulier pour ce qui était de la politique antisémite.
* *
*Dans un premier temps, l’analyse du «Projet famine» allemand du printemps 1941, qui consistait à faire mourir de faim des millions de personnes en Union soviétique, avec ses conséquences pour la Biélorussie, en particulier pour les Juifs biélorusses, retiendra notre attention.
La deuxième partie est consacrée à l’année 1941: le début des meurtres de Juifs de Biélorussie commis par les unités allemandes et la transition progressive vers leur extermination totale à l’est du pays.
La troisième partie vise à la description des campagnes d’extermination menées dans les différents territoires, dont presque tous les Juifs de Biélorussie occidentale furent victimes en 1942. Notre objectifest d’insister d’abord sur le déroulement, c’est-à-dire, en quelque sorte, sur la structure des meurtres de masse de Juifs et donc sur leurs objectifs. Il s’agira ensuite d’examiner la relation entre l’idée d’ensemble de la politique d’occupation allemande, qui se basait essentiellement sur des intérêts économiques, et l’extermination des Juifs, et enfin, dans une troisième partie, de déterminer le rôle joué dans cette politique par les différents organes d’occupation.
Vers la fin de l’année 1940, le ministère de l’Alimentation et de l’Agriculture du Reich prépara le rapport annuel destiné à Hitler sur la situation alimentaire dans le Reich. Le secrétaire d’État au ministère de l’Alimentation et de l’agriculture du Reich, Herbert Backe, qui avait déjà privé son ministre Darré d’une grande partie de ses pouvoirs, renvoya ce rapport à deux reprises, car celui-ci n’était pas assez catastrophique à son goût, puis se mit lui-même au travail pendant les fêtes de Noël 1940 et rédigea le rapport de sa main6. Les considérations que développa ensuite Backe auprès de Göring et d’Hitler en janvier 1941 constituèrent le point de départ de ce projet qui consistait à se procurer les denrées alimentaires manquantes en Union soviétique en menant une politique d’occupation criminelle. Göring annonça immédiatement dans une circulaire une diminution des rations de viande en Allemagne pour l’été 1941 et Backe fut le premier à exprimer devant Hitler l’idée d’utiliser l’Ukraine comme «zone excédentaire» pour l’approvisionnement en vivres de l’Allemagne et donc d’arrêter les livraisons dans le reste de l’Union soviétique7. Très peu de temps avant, le 18 décembre 1940, Hitler avait signé l’ordre d’attaquer l’URSS.
Après l’échec de l’attaque contre la Grande-Bretagne pendant l’été 1940, la situation stratégique de l’Allemagne ressemblait à celle qui prévalait lors de la Première Guerre mondiale que le Reich avait perdue à cause de son infériorité en matière de capital (installations de production), de matières premières et de denrées alimentaires. La faim avait joué un rôle important dans la montée des mouvements révolutionnaires. Certes, en 1940, il n’y avait pas encore la guerre sur deux fronts, on avait occupé des territoires plus vastes que lors du conflit précédent et le concept de guerre éclair préservait les ressources et les moyens de combat. Mais dans le secteur économique de l’alimentation, il n’était pas question de guerre éclair. En grande partie coupée de l’outre-mer depuis le blocus maritime de la fin de l’année 1939, l’Allemagne ne pouvait pas assurer son propre approvisionnement en céréales et en graisses alimentaires. Les conquêtes menées en Europe occidentale en 1940 n’améliorèrent pas le bilan des produits alimentaires, bien au contraire. Les pays de l’Europe duSud-Est livraient déjà tellement de vivres au Reich que la famine commençait à y régner. Ce n’était pas encore le cas en Allemagne.
L’approvisionnement était suffisant, mais au cours de l’année 1940-1941, les réserves de céréales diminuèrent significativement. Au vu du déroulement de la guerre, cette situation s’avérait sérieuse. Ce n’est que grâce à une vaste campagne d’infonnation que, pendant l’été 1941, la nouvelle récolte permit de «faire la soudure» sans que l’on rencontrât de trop grandes difficultés d’approvisionnement8. Parmi les mesures adoptées une opération d’abattage des volailles fut engagée car elles avaient besoin d’une trop grande quantité d’aliments pour animaux, opération qui se déroula sous le slogan: «Éliminez les mauvaises poules!» Les mauvaises poules étaient celles qui pondaient moins de 100 à 120 œufs par an9. Le gouvernement soviétique avait déclaré à plusieurs reprises qu’il ne comptait pas augmenter significativement les livraisons de céréales à l’Allemagne car il serait alors dans l’obligation de limiter la consommation nationale. De plus, il exigeait en contrepartie un prix élevé, à savoir des produits industriels et des équipements militaires. Le gouvernement allemand s’engageait ainsi dans une relation de dépendance qui n’est pas à sous-estimer10. Au ministère de l’Alimentation et de l’Agriculture du Reich , on élabora alors un projet visant à «laisser mourir de faim des dizaines de millions de personnes» après l’invasion de la Russie. Il s’agit du plus vaste projet d’extermination que l’histoire ait jamais connu. Il visait deux groupes bien déterminés de populations: d’une part, les habitants du «territoire mis à contribution» en matière économico-alimentaire de la «zone de forêts» du centre et du nord de la Russie et, moyennant quelques insignifiantes restrictions, ceux de la Biélorussie, où il fallait organiser «la disparition de l’industrie et d’une grande partie des habitants», d’autre part, la population soviétique des villes en général. Les exportations massives de produits agricoles russes, telles qu’elles étaient de règle avant la Première Guerre mondiale, devaient reprendre, tandis qu’il fallait ramener la densité de la population au niveau de cette époque. En effet, si la population rurale était restée stable, le nombre d’habitants dans les villes avait augmenté de 30 millions. Se contenter de réduire un peu les rations de chacun n’aurait pas suffi en raison de l’existence d’un marché noir incontrôlable. Dans les territoires soviétiques occupés, il n’était pas possible à court terme d’augmenter la production agricole. Il était même plus réaliste de tabler sur une diminution considérable de la production, en raison des destructions dues à la guerre11.
À côté des calculs économico-alimentaires globaux, il existait par ailleurs un mobile supplémentaire, lié à la stratégie militaire, pour mener une politique de famine contre la population soviétique. Tous les plans d’opérations militaires se heurtaient au fait que le projet de campagne était surdimensionné12. Pour la Wehrmacht, il s’agissait d’anéantir la plus grande partie possible de l’Armée rouge au cours d’opérations rapides menées à l’ouest du Dniepr, afin de l’empêcher de se replier dans l’intérieur du pays et de constituer là de nouvelles lignes de défense solides. Pour écraser (ce que l’on supposait être) le reste de la résistance russe lors d’une grande avancée en direction de la Russie centrale et du Caucase avant l’hiver, l’autonomie des opérations allemandes dépendait du ravitaillement en munitions et en carburant et de l’arrivée de troupes de réserve. L’approvisionnement était rendu considérablement difficile par une profondeur d’opérations qui atteignait jusqu’à 2 000 km, distance largement supérieure aux 400 km qui permettaient encore d’assurer un ravitaillement par la route, comme ce fut par exemple le cas lors de la guerre en France. Toutefois, en Union soviétique, une grande partie de la capacité de transport aurait été mobilisée par le carburant consommé par les camions eux-mêmes. La progression devait par conséquent s’appuyer fortement sur le réseau ferroviaire. Dans la partie occidentale de l’Union soviétique, il existait cependant peu de lignes est-ouest bien aménagées13. Or la rapidité de la progression était absolument primordiale pour la réussite de l’attaque14. Il fallait par conséquent décharger le ravitaillement de tout ce qui ne paraissait pas absolument indispensable15. La solution, si tant est que c’en fût une, consista à décider qu’il n’y aurait pas, dans la mesure du possible, de ravitaillement en vivres. Toute l’armée engagée à l’Est, soit environ 3 millions d’hommes, devait, comme on disait, se nourrir «sur le pays». Ainsi, la politique de famine devint, dans la logique des agresseurs allemands, une nécessité militaire absolue. Inversement, cela signifiait que la plus grande partie des quantités de vivres extorquées fût désormais livrée à la Wehrmacht et non au Reich, et les choses se passèrent effectivement ainsi. Diminuer la fourniture de denrées alimentaires à la population russe était donc particulièrement dans l’intérêt de la Wehrmacht.
C’est la raison pour laquelle l’intendant en chef de l’armée de terre, le général Eduard Wagner, qui en tant que responsable tout à la fois de l’administration militaire et du ravitaillement occupait une position clé, avait élaboré des directives à destination des futures troupes d’occupation dès le mois de février 1941. Ces directives prévoyaient de soulager le ravitaillement en «exploitant le territoire[…] selon un plan bien conçu» et d’imposer brutalement les intérêts allemands. À ce propos, on remarque, comme le prévoyait le projet de Backe, l’ordre de «traiter différemment les différentes parties du pays», et de procéder de façon partirulièrement «impitoyable» en Biélorussie16. Le chef de l’Office chargé de l’économie de guerre et de l’armement à l’OKW, le géneral Georg Thomas, était depuis février 1941 l’un des défenseurs les plus ardents et l’un des co-initiateurs de la stratégie de famine. Depuis janvier déjà, son service avait abandonné le projet de s’approprier l’industrie d’armement russe17. Les cahiers d’information rédigés par l’état-major de l’armée de terre début mars 1941 sur les territoires occidentaux de l’Union soviétique faisaient état d’un «mépris de la valeur des vies humaines» qui y était prétendument très répandu. Pour les villes, les habitants juifs étaient recensés à part, et on trouvait des renseignements tellement inutiles du point de vue militaire sur la «densité de population» ou la «densité de la population rurale», qu’ils ne pouvaient pas servir à autre chose qu’à être modifiés18. Le plan de famine fut approuvé par Hitler, initié en commun par Göring et les dirigeants de la Wehrmacht; les secrétaires d’État compétents l’adoptèrent le 2 mai 1941 et les experts de la Banque du Reich allemand le vérifièrent une fois de plus en juin 194119. Avec les directives économiques publiées par Göring et contresignées par le chefde l’OKW Keitel dans le «dossier vert» , en juin 1941, ce plan devint le fondement de la politique d’occupation allemande en Union soviétique20. Les SS et la police considéraient qu’il était de leur devoir de le mettre en œuvre comme le prouvent les commentaires d’Himmler et de Franz Six, chef du Vorkommando Moskau de l’Einsatzgruppe B, qui nous sont parvenus. En juillet 1941, Six déclara, devant le haut-commandement du groupe d’armées centre, que 30 millions de personnes devaient mourir de faim dans une «bande de terre brûlée» autour de Moscou21. Himmler annonça que 30 millions de soviètiques devaient être exterminés lors d’une rencontre de Gruppenführer SS, que nous arrivons aujourd’hui à dater avec certitude en juin22. Simple coïncidence ou non: deux jours avant le début de la rencontre, il s’était entretenu avec Backe de l’agriculture dans les territoires soviétiques destinés à être occupés23. Le fait qu’Erich Koch, l’un des politiciens nazis les plus brutaux, ait refusé le poste de commissaire du Reich à Moscou sous prétexte que c’était «une tâche totalement négative», est révélateur24.
C’est à Bach-Zelewski, le HSSPF pour la Russie centrale, que nous devons l’indication sur les explications de Himmler que nous venons d’évoquer. Cependant, Bach-Zelewski a oublié de mentionner que la mort de 20 millions de personnes était prévue dans le seul territoire placé sous sa responsabilité25. Ce territoire devait d’abord être la Biélorussie, puis la Russie centrale. Au Wirtschaftsstab Ost, ce fut un des experts agronomes, probablement le géographe Waldemar von Poletika, qui inscrivit la mention «doivent mourir!» en marge d’un document de planification pour la Biélorussie, le document prévoyait également que 1 million de jeunes travailleurs en surnombre dans ce pays, bien motivés, pourraient être transférés en Allemagne. Selon d’autres mentions marginales de Poletika, toute la population urbaine et la moitié de la population rurale de Biélorussie étaient condamnées à mourir — soit 6,3 millions de personnes selon nos calculs26. Les débats scientifiques ont déjà permis d’établir une relation générale entre le plan de famine et les prétendus plans d’extermination des Juifs soviétiques faits avant la guerre, pour lesquels nous n’avons pratiquement aucune source27. Cette relation était cependant tout à fait réelle et concrète: en Biélorussie, par exemple, plus de 90 % des Juifs vivaient dans les villes, ils représentaient largement 30 % de la population citadine28. Cela signifie qu’il était prévu de laisser mourir la majorité des Juifs biélorusses. Bien plus, avant le 22 juin 1941, le plan de famine mentionnait la ferme intention des plus importants organes gouvernementaux allemands de faire mourir la grande majorité des Juifs soviétiques des villes de l’URSS occidentale, avant tout de famine, accompagnée d’une politique d’occupation extrêmement brutale. Les idées concernant la méthode et le temps nécessaire à la mise en œuvre concrète de ce meurtre de masse étaient cependant encore floues. Ceci transparaît dans les déclarations d’après-guerre concernant un ordre donné aux Einsatzgruppen au milieu du mois de juin 1941, déclarations selon lesquelles avait été annoncée l’extermination générale des Juifs soviétiques sans que soient donnés pour ce faire des ordres concrets et à la portée étendue29. Selon l’idéologie nationale-socialiste, les Juifs soviétiques constituaient des ennemis potentiels à com battre préventivement, car ils étaient les représentants et les «tireurs de ficelles» du système socialiste30. Ils auraient opposé une résistance farouche à l’écrasement du socialisme et de l’appareil d’État soviétique ainsi qu’aux projets d’oppression et d’exploitation allemands.
Le projet d’extermination par la faim s’avéra rapidement irréalisable. Jusqu’en 1944, le principal objectif de la politique d’occupation allemande en URSS resta pourtant le même: accaparer les excédents agricoles aux dépens de la population tout en désurbanisant et en désindustrialisant le pays.
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*Au cours des premières semaines suivant l’agression allemande, les unités de la SS et de la police arrivant en Biélorussie, l’ Einsatzgruppe B et les quatre bataillons de police n’avaient pas encore reçu l’ordre de tuer tous les Juifs qu’ils rencontraient31. Cependant, ils commencèrent tout de suite à perpétrer des meurtres de masse: à ce moment-là, 90 % environ de leurs victimes étaient juives. Toutefois, comme l’indique un rapport de l’Einsatzgruppe B, le groupe visé par ces assassinats fut «d’abord» restreint32: il s’agissait de personnes de sexe masculin, âgées de 15 à 60 ans, qualifiées «d’intelligentsia juive» dans le jargon nazi, ce qui désignait, au sens large, les «Juifs occupant des fonctions au sein de l’État ou du parti». Heydrich avait ordonné leur extermination dans son ordre initial aux Einsatzgruppen, il s’agit les enseignants, les avocats, les employés adrninistratifs, les cadres de l’État et du parti33. Il n’y eut cependant pratiquement pas de pogroms en Biélorussie. Au cours des premières semaines, les opérations d’extermination menées par les Allemands se concentrèrent sur les grandes villes, dont Bialystok, Minsk et Brest en particulier. À Minsk, les premières troupes de la Wehrmacht internèrent en tout 40 000 hommes âgés de 15 à 50 ans, Juifs et non-Juifs, dans un camp de détenus civils. Le Generalfeldmarschall Günther von Kluge, commandant en chef de la 4e division blindée de l’époque, donna probablement l’ordre à l’Einsatzgruppe B et à la police militaire secrète de procéder à leur sélection. Ces derniers exécutèrent environ 10 000 détenus — surtout des Juifs — en l’espace de quelques semaines34. À Brest, le Bataillon de police 307 et des unités de la 162e division d’infanterie (DI) procédèrent à des arrestations massives dans la nuit du 7 juillet sur ordre du poste de commandement local 184. Le lendemain, le Bataillon de police et un Sonderkommando du KdS de Lublin fusillèrent 4 000 hommes juifs et 400 hommes non-juifs. Trois séries d’exécutions d’une plus grande envergure encore eurent lieu à Bialystok35. Dans les villes de moindre importance, les SS et la police commirent «seulement» (cela est bien entendu tout relatif) des massacres de moindre ampleur, dont le nombre de victimes — des hommes juifs — oscillait entre quelques douzaines et quelques centaines.
C’est aussi au cours des premières semaines que l’administration militaire ordonna les premières mesures antijuives, dont l’identification des Juifs, la poursuite de la constitution de conseils juifs chargés de recenser tous les habitants juifs et différentes interdictions concernant, par exemple, le libre achat de denrées alimentaires, et la constitution de ghettos. Les instructions de base émanaient des instances régionales, des commandants en chef de l’armée, et des commandants des troupes qui progressaient dans la région située à l’arrière du front. Cependant, la date et la mise en œuvre de ces mesures étaient du ressort des autorités militaires locales. Les ghettos furent constitués à la suite de décisions prises sur place, notamment et surtout dans les villes qui avaient subi des destructions très importantes et où il y avait d’énormes problèmes de logement. Les ghettos devaient permettre de résoudre ce problème pour la population non-juive aux dépens des Juifs, comme ce fut le cas à Minsk, Vitebsk, Bialystok et Chklov. En Biélorussie, les derniers ghettos furent mis en place en 1942 et à certains endroits, aucun ne fut jamais créé. Les ordres de base donnés par le Général von Schlenckendorff, commandant le secteur de l’arrière du front centre, remontaient aux 7 et 13 juillet 1941. Au début, l’intendant en chef de l’armée de terre ne donna aucune consigne générale relative à la création de ghettos36. Les ghettos devaient également servir à limiter l’activité économique des Juifs. À partir du mois d’août, les rations alimentaires de ces derniers furent, en certains endroits, substantiellement réduites, la plupart du temps à 100 g ou 200 g de pain par jour, soit une ration plus réduite encore que celle des non-Juifs37, insuffisante pour vivre. Mais la population juive réussit à s’assurer un approvisionnement minimal grâce au marché noir, aux ersatz et aux produits des jardins, et le nombre de personnes mortes de faim resta relativement peu important. De nombreux Juifs furent cependant exécutés par les Allemands sous le prétexte de trafic de denrées alimentaires. Dès le mois d’août 1941, il fallut renoncer au projet de faire mourir de faim toute la population citadine biélorusse car le nombre de troupes de sécurité était insuffisant pour empêcher les gens de partir faire des réserves à la campagne ou sur le marché noir. Ici, l’administration militaire s’imposa face à l’administration agricole, car cette dernière était incapable de gérer aussi bien des révoltes dues à la famine que le déclenchement d’épidémies dans les villes, et que l’infrastructure urbaine devait fonctionner pour la Wehrmacht.
Au tout début, une évolution importante avait eu lieu concernant le travail des Juifs: des discussions passionnées, portant sur la question de savoir si les Juifs seraient encore à l’avenir autorisés à travailler dans les territoires soviétiques occupés, eurent lieu début juillet au sein du Wirtschaftsstab Ost. Si l’on interdisait aux Juifs de travailler cela laissait mal augurer de leur destin. Au retour des premiers voyages d’inspection en Lituanie, des cadres supérieurs du secteur économique déclarèrent que les experts juifs étaient indispensables pour le moment, comme si l’on s’était basé jusqu’alors sur une hypothèse différente38. Le 15 juillet 1941, le Wirtschaftsstab Ost promulgua la directive suivante: «Les services économiques doivent soutenir le maintien des ouvriers qualifiés juifs dans les entreprises dont la production est capitale pour la poursuite de la guerre s’il n’est pas possible de les remplacer et si la poursuite de la production en dépend.» Cette instruction fut confirmée par Göring le 28 juillet et par l’organisme de surveillance Wirtschaftefuührung Ost (direction économique pour les territoires de l’est) le 18 décembre 1941. Il ne s’agissait donc pas de «conserver» toute la main-d’œuvre juive: plusieurs restrictions avaient au contraire été fixées39. Cette directive détermina également la pratique adoptée en Biélorussie. L’administration, la SS et la police décidaient de la vie ou de la mort des hommes juifs capables de travailler au cours de négociations menées sur place.
En réalité, les Allemands avaient besoin de très peu de main-d’œuvre dans les villes de Biélorussie. Ils avaient détruit de nombreuses grandes villes et leurs usines par des attaques aériennes systématiques. En Biélorussie orientale, les Soviétiques avaient démonté et déplacé 109 usines et en avaient rendu d’autres inutilisables. De nombreux sites de production étaient à court de matières premières et d’énergie. Par ailleurs, l’administration allemande chargée de l’économie fermait les usines intactes ou réduisit leur production lorsque celle-ci profitait «uniquement» à la population civile, comme dans le cas de l’industriet extile40. Il n’y avait pratiquement pas de véritables usines d’armement.
En 1941 et, dans certains cas, en 1942 encore, dans de nombreuses villes, les habitants non-juifs furent évacués de force ou contraints au départ par de mauvaises conditions de vie imposées de manière ciblée, bien que la population ait déjà été souvent réduite de moitié par les destructions, les mesures d’évacuation et la fuite41. La pénurie de nourriture, de logements et de travail sévissait. Les municipalités biélorusses et les premiers bureaux allemands pour l’emploi n’étaient guère autorisés à créer de nouveaux emplois et n’ont vu, pour ainsi dire, qu’un seul moyen de diminuer le taux de chômage parmi la population non-juive: remplacer les travailleurs juifs par milliers42. Le besoin d’ouvriers qualifiés était particulièrement faible en Biélorussie. Les statistiques de l’agence pour l’emploi de 1941 et de 1942 font apparaître que le pourcentage de personnes en état de travailler était peu élevé dans l’ensemble de la population juive, et le quota des ouvriers qualifiés s’y situait la plupart du temps en dessous de 50 %43. Des déclarations des survivants juifs il ressort que les ouvriers n’étaient pas employés dans leur domaine de qualification et devaient souvent changer d’emploi. Les missions de courte durée étaient la règle lorsque les besoins de main-d’œuvre se faisaient momentanément pressants44. Pour l’administration allemande, la plupart des travailleurs juifs n’étaient donc pas difficiles à remplacer, contrairement à ce qui a été souvent prétendu.
Au cours des dernières décennies, la question des modalités d’extension des meurtres de masse de Juifs dans les territoires soviétiques ocrupés en 1941 a fait l’objet de discussions passionnées. Cette extension ne s’est pas faite d’un coup, mais en deux étapes. Dans un premier temps, les unités d’extermination commencèrent à fusiller, outre les hommes, un grand nombre de femmes et d’enfants juifs. Cette première étape ne fut pas franchie au même moment par les différentes unités d’extermination. L’Einsatzkommando (Ek) 9, fut la première unité de l’Einsatzgruppe B à s’engager dans cette voie, fin juillet-début août. Le gros de l’Ek 8 ne commença par contre à mener des actions de plus grande envergure qu’au début du mois de septembre, de même que le bataillon de police 32245. La brigade SS de cavalerie constitue un cas à part en raison des sources exceptionnelles disponibles. Bach-Zelewski l’avait réclamée à Himmler à la mi-juillet 1941 pour mener une opération d’extermination en Polésie. La visite de Himmler à Baranovitchi, le 31 juillet 1941, fut à l’origine du message radio suivant, émis dans la matinée du 1er août: «Ordre explicite du Reichsführer SS. Tous les Juifs doivent être fusillés. Chassez les femmes juives dans les marais46.» Au total, jusqu’à la mi-août, la brigade exécuta, entre Baranovitchi et Pinsk, au moins 15 000 personnes, dont 95 % étaient juives. Dans la plupart des localités concernées, on massacra «l’intelligentsia juive» au sens large. Le 1er régiment de cavalerie SS assassina au contraire tous les juifs dans quelques petites bourgades, tandis qu’il les épargna dans d’autres localités. Le 5 août à Pinsk, le 2e régiment exécuta 4 000 à 8 000 Juifs de sexe masculin et fusilla, deux ou trois jours plus tard, 2 000 femmes, enfants et vieillards au cours d’une opération menée séparément47. Ceci marqua la période de transition, mais il n’y a eu aucune véritable rupture.
Le 15 août, Himmler visita Minsk, où Bach-Zelewski, Nebe, le chef de l’Einsatzgruppe B et l’Ek 8 lui firent la démonstration d’une exécution de masse. Récemment, on a prétendu, en s’appuyant sur des témoignages de participants aux massacres, qu’Himmler aurait donné à cette occasion l’ordre de «tuer tous les Juifs rencontrés sans distinction aucunes48». Ceci est manifestement faux. Certes, trois jours auparavant, lors d’une rencontre personnelle avec Jeckeln, chef suprême de la police des SS (HSSPF) pour la Russie du sud, Himmler avait réellement donné l’ordre d’étendre les opérations d’extermination à la 1re brigade SS d’infanterie49, et il est même vraisemblable qu’il est allé beaucoup plus loin. Néanmoins, la légère diminution du nombre des exécutions commises par l’Einsatzgruppe B jusqu’à la mi-septembre et les formulations relatives à «l’importance minime de la question juive» que l’on peut trouver dans plusieurs rapports rédigés par Nebe indiquent qu’Himmler n’a jamais donné l’ordre qu’on lui prête à Minsk50, pas plus que sa visite à Minsk n’a été «l’acte de naissance des chambres à gaz» ou des camions à gaz. Ces projets avaient été lancés bien auparavant51.
La seconde étape, qui allait faire passer des exécutions de masse à l’extermination totale, et à laquelle les chercheurs n’ont porté que peu d’attention, commença avec l’extermination de communautés juives entières. Cette étape se situe aussi différemment dans le temps, selon les endroits concernés. À partir de la fin août 1941, c’est d’abord le détachement Borissov de l’Ek 8 qui extermina les communautés juives résidant entre Minsk et Borissov52. Vers la mi-septembre, l’Ek 8 s’engagea dans un processus analogue dans les environs de Moghilev, tandis que le reste de ses troupes menait des opérations locales similaires à Minsk en coopération avec la gendarmerie, et que l’Ek 9 faisait de même dans les environs de Vitebsk53. En septembre, la police de sécurité et le SD procédèrent à une série d’exécutions de plus grande envergure, massacrant plusieurs centaines de «Juifs sans travail» dans des villes plus importantes comme Orcha, Bobrouïsk, Borissov et Gomel54. L’emploi des travailleurs juifs fut alors interdit sur ordre de Keitel, sauf dans des unités de travail forcé, et cette interdiction fut appliquée55. La liquidation des grands ghettos situés dans la région située à l’arrière du groupe d’armées centre débuta le 2 octobre 1941, lorsque 2273 hommes, femmes et enfants juifs furent fusillés à Moghilev56. En l’espace de deux mois, tous les ghettos furent liquidés: 6 500 Juifs furent assassinés à Moghilev, 4 000 à Vitebsk, 7 000 à Borissov, 2 000 à Orcha, 2 500 à Gomel, 7 500 à Bobrouïsk, en plus des 7 000 exécutés auparavant par la brigade de cavalerie SS, et 7 000 à Polozk. Des ghettos de moindre importance furent liquidés en même temps57. Ce n’est que dans un très petit nombre de villes seulement que quelques centaines de travailleurs juifs furent épargnés. Au début du mois de février 1942, seuls 22 000 Juifs vivaient encore dans la région située à l’arrière du Groupe d’armées centre, la plupart d’entre eux se trouvant dans des endroits éloignés dans lesquels les commandos d’extermination n’avaient pas encore pu se rendre58. Ces survivants furent finalement exécutés au printemps 1942. L’extermination eut lieu très tôt [Note PHDN: Die Vernichtung war damit sehr früh total = L’extermination fut donc complète très tôt]
De toute façon, les SS et la police n’auraient pas pu engager aussitôt la liquidation des ghettos en raison de difficultés liées à l’organisation. En particulier, les Einsatzkommandos devaient d’abord s’acquitter de certaines tâches et réunir certaines conditions: examen de la situation, recherche des opposants politiques et constitution des dossiers, rédaction des premiers rapports destinés à Berlin et participation à la mise en place de structures administratives et policières auxiliaires en Biélorussie, dont le bon fonctionnement était une condition sine qua non pour mener des opérations d’extermination de plus grande envergure. Pour ce faire, les Einsatzkommandos devaient d’abord être implantés sur le terrain. Le premier à l’être en Biélorussie fut, en juillet 1941, l’unité Borissov, déjà évoquée, placée sous le commandement de Werner Schönemann59. L’Ek 3, en Lituanie, fut le premier à être implanté dans l’ensemble des territoires soviétiques occupés, et aussi le premier à engager des actions d’extermination contre les communautés juives60. Le fait que ces opérations n’aient pas débuté en même temps donne à penser qu’il n’existait pas d’ordre de principe pour l’extension des massacres, mais que, en la matière, les considérations tactiques prévalaient. Le signal de départ fut donné par le commandant suprême de la SS et de la police, Bach-Zelewski, le jour même où le Groupe d’armées Centre lança son offensive sur Moscou61. La plupart des Einsatzkommandos, contrairement aux Sonderkommandos (commandos spéciaux), ne participèrent pas à ce mouvement. Ils en furent empêchés par l’ordre alors déjà donné de tuer tous les Juifs. La genèse de cet ordre n’a pas encore été retrouvée mais le déroulement des événements et la situation alors existante font apparaître que résoudre les problèmes économiques de l’administration d’occupation fut un facteur décisif pour l’extermination totale des Juifs dans la région située à l’arrière du groupe d’armées centre. Ainsi les opérations débutèrent dans les grandes villes et s’achevèrent dans les ghettos éloignés, contrairement à ce qui s’était passé en Lituanie par exemple. Les situations locales témoignent aussi des rapports qui prévalaient: à Moghilev, des ouvriers qualifiés non-juifs étant réfugiés à la campagne pour échapper à la faim et à la pénurie de logements au moment où les deux massacres furent commis par l’Einsatzgruppe B, celui-ci fit ensuite savoir qu’il avait restitué immédiatement le ghetto à la municipalité62. À Bobrouïsk, le taux de chômage était considérable, à Borissov, la nourriture était tellement rare que, peu de temps après, même les agriculteurs de la région souffrirent de la faim. Dans la ville de Vitebsk, mal approvisionnée, les Juifs n’avaient dès le début reçu aucun vivre, si bien que la plupart d’entre eux moururent réellement de faim. De nombreux cadavres gisaient dans le ghetto et l’Ek 9 fusilla les survivants pour enrayer «le danger d’épidémies63».
Dans le Commissariat général de Ruthénie blanche, d’importants massacres de Juifs eurent lieu au même moment. Contrairement à certaines interprétations, ce n’était pas l’expression d’une violence aveugle et il ne s’agissait pas non plus d’exterminer ainsi tous les Juifs de la région64. Même si les commandants régionaux de la Wehrmacht avançaient des motifs idéologiques, ces assassinats réfléchis poursuivaient trois objectifs limités, et très précisément définis. Massacrer tout d’abord tous les Juifs dans les campagnes ou les déplacer dans les localités plus importantes est le premier objectif, confié à la 707e DI de la Wehrmacht. Ensuite, tous les Juifs présents dans l’ancienne partie soviétique du commissariat général, sauf à Minsk, devaient être assassinés. Le Bataillon de police de réserve II, secondé par des auxiliaires lituaniens, s’en chargea. Enfin, il s’agissait de confirmer la population juive dans les petites villes situées à proximité des principales voies de circulation est-ouest et dans les plus grandes villes de l’ex-partie polonaise, afin de simplifier les problèmes d’approvisionnement et de logement, tout en épargnant la main-d’œuvre juive nécessaire aux intérêts des troupes de la Wehrmacht stationnées là. Dans les petites villes, la 707e division s’en chargea, dans les plus grandes villes, ce fut le KdS Minsk65. À Minsk, on massacra 12 000 Juifs afin de faire de la place aux Juifs déportés d’Allemagne, à Slonim, 9 000 «bouches inutiles», comme le commissaire régional les appelait, furent fusillées. Dans les deux cas, l’administration avait, au préalable, fixé un contingent de victimes. À Minsk, l’opération fut renouvelée car le quota n’avait pas été attein66. Ce qui distingue les crimes commis dans le commissariat général de Ruthénie blanche est le fait que la Wehrmacht a fusillé jusqu’à 19 000 Juifs, et ce certainement sans avoir reçu d’ordre général émanant de l’OKW67, mais sans doute sur simple décision d’un commandant de division. En fait, les autres unités d’extermination étaient trop peu nombreuses: il n’y avait en effet aucun Bataillon de Police de maintien de l’ordre, et à Minsk, on ne trouvait qu’un maigre commando de la police de sécurité et du SD. Le 4 octobre, le Bataillon de Police de réserve II fut dépêché de Lituanie vers Minsk par le commandant régional de l’ORPO, sur demande du commandant de la Wehrmacht dans les territoires de l’Est68. Chronologiquement, le parallèle avec les événements de la région située derrière la zone des opérations est stupéfiant, encore plus si on prend en considération le début concomitant des exécutions de masse en Galicie orientale, dans le Reichsgau Wartheland et en Volhynie-Podolie69. Bien que 60 000 Juifs aient été fusillés, en 1941, le caractère encore restreint des massacres de masse pratiqués dans le commissariat général avait deux raisons, contrairement à ce qui se passait à l’arrière de la zone des opérations. D’une part, les villes et les usines avaient subi des destructions plus importantes en Biélorussie occidentale et l’on n’avait pratiquement plus besoin des travailleurs juifs. D’autre part, la pression engendrée par la famine et la pénurie de logements était plus importante dans les villes en raison de la mainmise directe de la Wehrmacht sur l’Est. Le cadre général reflète la même tendance: au mois de septembre, Backe avait dû élaborer un nouveau plan de ravitaillement de guerre à cause de l’évolution imprévue sur le front. Ce plan devait être approuvé par Göring et Hitler. Backe, qui réclamait des «mesures tout à fait radicales», exerça une pression énorme sur le Wirtschaftsstab Ost, sur l’intendant en chef de l’armée de terre et sur l’OKW, qui transmirent ces demandes sans états d’âme70. À l’automne 1941, la catastrophe logistique perturba l’approvisionnement du groupe d’armées centre pendant la bataille de Moscou. La liquidation préméditée par la famine intervint, à l’arrière de la zone des opérations, de tous les prisonniers de guerre inaptes à travailler, c’est-à-dire la plupart d’entre eux. La réduction des rations pour les citadins non juifs sévit et la sanglante répression menée contre les «éléments étrangers» — les personnes cherchant à fuir la famine et des soldats de l’Armée rouge coupés de leurs unités71 — se durcit. Ce fut la transition entre les projets utopiques de liquidation de tout un peuple et les programmes réalisables de meurtres de masse. Une partie des projets criminels initiaux devait pourtant être mise à exécution. De plus, les responsables estimèrent qu’il était moins urgent de liquider les Juifs dans l’ancienne partie polonaise que dans l’ancienne partie soviétique, où ils étaient considérés comme particulièrement «dangereux» politiquement. Cela explique qu’entre septembre 1941 et janvier 1942, les Juifs résidant dans le nord du commissariat général de Jitomir, — zone placée sous administration civile — furent massacrés sans exception72.
Ainsi, durant l’année 1941, environ 200 000 Juifs biélorusses vivant dans la moitié orientale du pays furent assassinés. À l’ouest, vivaient encore presque 300 000 Juifs. L’administration militaire porte une grande part de coresponsabilité politique dans ces meurtres car l’accélération du rythme des exécutions était cruciale pour les besoins d’approvisionnement des troupes de la Wehrmacht. Contrairement à l’extermination des prisonniers de guerre, qui leur furent directement imputées, les unités de la Wehrmacht ne commirent qu’exceptionnellement des massacres de Juifs. La série d’exécutions de Juifs perpétrées par les troupes du front au cours de leur avancée, revêtaient le caractère de bavures antisémites ou de mesures de représailles brutales, mais elles n’étaient pas des massacres organisés comme ceux que la SS, la police et les troupes de protection commirent par la suite73. On peut seulement apporter la preuve que, plus tard, des meurtres touchant ceux que l’on appelait des Juifs ruraux furent perpétrés par plusieurs divisions de sécurité et que la police de sécurité collabora localement à des massacres avec ses propres pelotons d’exécution. De nombreux de soldats et d’officiers s’étaient portés volontaires pour participer aux exécutions74. Les actions de la 701e DI constituent par conséquent une exception. Il a été suffisamment démontré que la SS et la police ont apporté leur soutien à ces opérations et en ont été complices (comme à Bobrouïsk, Orcha, Borissov, Slonim et Nowogrodek75), de même qu’a été prouvée la poursuite de la livraison à la police de sécurité des Juifs arrêtés. Il a aussi été démontré, en partie, que les unités de la Wehrmacht se servaient de la police pour commettre des meurtres de masse et donnaient des ordres en ce sens, comme à Brest ou dans le cas du Bataillon de police de réserve II. Elles se salissaient ainsi rarement elles-mêmes les mains.
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*L’année 1942 fut marquée par l’organisation, sur le mode d’une campagne militaire, d’un programme de meurtres visant la population juive de l’ouest de la Biélorussie, d’abord dans le commissariat général de Ruthénie blanche. Les 2 et 3 mars 1942, à Minsk, à Baranovitchi et à Vileïka, la police de sécurité fusilla plus de 6 500 Juifs: des femmes, des enfants et des chômeurs pour la plupart. Auparavant, une réunion de crise tenue entre le commissaire de la ville de Minsk et le commissaire général avait abouti au constat qu’il était impossible «d’apporter la moindre aide» à la population pour combattre la famine76. Le chef de la Gestapo de Minsk, Heuser, s’en est souvenu après la guerre lors d’un interrogatoire: «Au cours de cet hiver de pénurie sévère, il s’agissait avant tout de sauver des vies “qui en valaient la peine”, c’est-à-dire celles des Ruthènes blancs […] au détriment de vies “sans valeur” ou de “malades” (Juifs, Tsiganes, détenus ou malades mentaux)77.»
Toutefois, cela ne parut pas suffisant. Le 26 mai, les commissaires généraux, dont Wilhelm Kube, déclarèrent, à l’occasion d’une réunion à Riga: «Il est regrettable que le processus engagé jusqu’à présent [c’est-à-dire les exécutions de masse], aussi sérieux que ses inconvénients politiques aient sans doute pu être pour nous, ait dû être abandonné pour le moment. La situation actuelle, qui fait que, en général, les Juifs n’ont droit à aucune distribution de denrées alimentaires, ne constitue pas une solution.» Dès novembre 1941, en raison des grands risques que cela présentait, le Reichskommissariat avait interdit aux commissaires généraux de laisser mourir les Juifs de faim, tenant les commissaires pour personnellement responsables si une épidémie devait se répandre dans les ghettos78. Kube, Zenner, Chef de la SS et de la police (SSPF) de la Ruthénie blanche, et Strauch, KdS pour Minsk, engagèrent alors des négociations qui débouchèrent sur une sélection des Juifs dans toutes les localités, région par région. À l’issue de ces sélections, les Juifs que les commissaires régionaux (dont les fonctionnaires sélectionnaient les Juifs) ne retenaient pas pour travailler, furent fusillés ou exécutés dans des camions à gaz, avec leurs familles. Kube ordonna littéralement aux Commissaires régionaux de «retirer de la circulation» tous les Juifs «non indispensables à l’économie nationale79». Le Reichskommissariat, à Riga, avait donné son approbation. Dans une lettre similaire, le responsable des questions juives écrivit: «[…] conforme aux accords conclus jusqu’à présent […]80.» Les premières opérations de ce type eurent lieu dans la région de Lida, où la police assassina 16 000 Juifs sur 17 lieux différents entre le 8 et le 12 mai et en épargna environ 7 00081. Dans les autres régions, les opérations furent un peu moins efficaces, à cause d’attaques de partisans, de fuites massives, de révoltes des Juifs et d’effectifs policiers insuffisants. Dans les ghettos restants, les ouvriers qualifiés, eux, ne furent assassinés qu’au dernier trimestre de 1942. La majeure partie des quelque 112 000 Juifs assassinés en 1942 sur le territoire du commissariat général de Ruthénie blanche furent cependant victimes des campagnes menées entre mai et août. Le 31 juillet, Kube fit, apparament sur la demande de Lhose, un rapport à ce sujet destiné à son commissaire régional. Lohse présenta aussitôt les résultats à Göring lors d’une grande conférence consacrée à la question alimentaire dans l’Europe occupée. Lorsque Goring le questionna à ce sujet, il répondit: «Des dizaines de milliers de Juifs ont été liquidés, seule une petite partie est encore vivante82.»
En mai 1942, 326 000 Juifs vivaient encore dans le Commissariat général de Volhynie-Podolie, dont plus de 80 000 dans la partie biélorusse. En s’appuyant sur quelques déclarations faites après la guerre, Gerald Fleming a déjà établi qu’en juillet 1942 Hitler avait donné l’ordre de les exterminer à Erich Koch, non à Himmler. Diverses sources montrent que l’opération menée avec pour devise interne «Une Ukraine sans Juifs!» avait effectivement été orchestrée par Koch et son administration civile et que Koch avait été soumis à des obligations draconiennes concernant les livraisons de denrées alimentaires au Reich83. L’importance de ce fait est montré par l’accélération des meurtres au mois d’août et par la façon dont ces derniers se sont déroulés: du sud, où se trouvaient les régions les plus riches par l’agriculture, vers le nord. Sur la demande de Koch, Himmler réalisa lui-même l’opération par «protéger les récoltes» dans le Reichskommissariat d’Ukraine84. En septembre et octobre 1942, des unités de la SIPO et de l’ORPO assassinèrent ainsi tous les Juifs du sud-ouest de la Biélorussie, dont 16 000 à 18 000 à Brest et jusqu’à 26 000 à Pinsk, le plus grand ghetto biélorusse restant. La liquidation du ghetto de Pinsk a été considérée comme exemplaire du fait que Himmler aurait donné un ordre à exécuter au plus tôt fondé sur des motifs idéologiques85 alors que Koch avait lui-même donné un tel ordre plusieurs semaines auparavant et que l’administration civile en avait préalablement fixé le déroulement.
L’opération de Pinsk prit fin le 1er novembre 1942. Le lendemain, 100 000 Juifs environ du district de Bialystok furent regroupés dans des camps d’internement pour être transportés peu après vers les camps d’extermination de Treblinka et d’Auschwitz. Seules quelques grandes villes furent épargnées. Ceci démontre à nouveau la coopération sans heurt entre la police de sécurité, le SD et l’administration civile placée ici aussi sous la direction de Koch. Les seuls ralentissements étaient dus à des problèmes techniques dans les transports ferroviaires86. Dans la région, faisant actuellement partie de la Biélorussie, 60 000 à 70 000 Juifs furent victimes de cette opération jusqu’à la mi-février 1943.
Le reste des 20 000 Juifs biélorusses de Minsk, de Lida et de Glebokie furent déportés ou fusillés, pour la plupart, à la fin de l’été 1943. Le chef du département finances du Reichskommissariat Ostland, Vialon, avait, il est vrai, négocié l’autorisation de faire appel à des ouvriers qualifiés juifs, mais l’administration du commissariat général de Ruthénie blanche ne mit pas cette possibilité à profit car elle put les remplacer par des Biélorusses, des personnes évacuées de la zone du front sous la contrainte, et de nouvelles machines87. Seuls quelques centaines de Juifs biélorusses réussirent à survivre comme travailleurs forcés dans les camps polonais. De plus, 30 000 à 50 000 Juifs avaient fui les ghettos biélorusses. Moins de la moitié d’entre eux, cependant, survivèrent à ce qui fut alors désigné par la «chasse aux Juifs» par les Allemands jusqu’à la libération88.
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*CONCLUSION
J’aimerais conclure sur cinq points:
1. La majorité des Juifs biélorusses ont été assassinés lors de campagnes d’exécutions menées au niveau régional. Ils ont été fusillés près de leur domicile, un nombre relativement restreint d’entre eux ayant été asphyxiés dans des camions à gaz. Le début, la durée et l’envergure d’un tel programme n’étaient pas conditionnés par la mise à disposition par le Reichssicherheitshauptamt (Service central de la sécurité du Reich) de trains pour les convois et de capacités d’extermination dans les camps de la mort, ni par ceux qui dirigeaient «l’opération Reinhard».
2. Le rythme des exterminations de Juifs était imposé plutôt par des intérêts économiques et des crises, notamment lors des phases d’accélération. En Biélorussie, les différents programmes d’extermination qu’il convient de bien distinguer et visant par ailleurs d’autres groupes de la population, sont essentiellement le résultat des pressions existant dans le domaine de l’économie alimentaire. Celle-ci était au centre des préoccupations des autorités d’occupation. Des directives d’approvisionnement centrales ou régionales difficiles à respecter, et les contraintes locales pour assurer un approvisionnement à peine suffisant de la population non-juive des villes, ont entraîné la décision de tuer les Juifs sans travail ou l’ensemble des Juifs. Certes, l’antisémitisme et l’antibolchevisme étaient bien entendu des conditions nécessaires pour l’accomplissement de ces meurtres mais il faut bien réaliser que c’est avant tout la pression économique qui a conduit aux grandes campagnes d’assassinats et à l’effroyable dynamique des meurtres de masse.
3. Par ailleurs l’extermination des Juifs était aussi en liaison directe avec la situation sur le front. Il s’agissait d’une relation concrète, solide et non d’un schéma de pensée simpliste opposant l’euphorie au découragement. Même si l’on part du principe que le régime nazi était prêt à commettre des crimes, le Plan famine est devenu une cruelle nécessité de guerre au début de 1941, tant en raison de la situation stratégique générale de l’Allemagne qu’à cause des inévitables problèmes de ravitaillement générés par cette nouvelle campagne. Au cours de l’automne 1941, la situation s’était considérablement aggravée de ces deux points de vue: en raison de l’évolution sur le front, des problèmes logistiques, du nouveau plan d’approvisionnement de guerre à mettre en place dans le Reich et de la course contre la montre devant Moscou. De plus, les conceptions initiales simplistes du Plan de famine vouaient celui-ci à l’échec. L’évolution défavorable de la guerre était de plus en plus un poids reporté sur la population des territoires occupés pour garder le contrôle de la situation, essentiellement sur des groupes de populations bien déterminés et stigmatisés. Les retombées se traduisaient par des meurtres de masse non dissimulés de Juifs et de prisonniers de guerre soviétiques. Au cours du printemps et de l’été 1942, le ministère de l’Alimentation et de l’agriculture du Reich a revu à la hausse les obligations de livraisons de vivres par les territoires occupés pour améliorer l’approvisionnement du Reich. Ces mesures jouèrent un rôle décisif dans l’accélération des nouveaux programrnes d’extermination des Juifs biélorusses.
4. Au sujet de la participation des institutions, les administrations militaire et civile ne se contentaient pas de se tenir sur la réserve ou d’approuver, mais étaient plutôt les véritables forces motrices pour exterminer les Juifs. Assassiner des Juifs et d’autres groupes de populations en Biélorussie n’était pas un élément étranger à la politique d’occupation allemande, mais un moyen pour l’appliquer et un élément organique de cette dernière. Plus l’extermination apparaît comme faisant partie d’une stratégie globale de la politique d’occupation, plus le rôle de la police et des SS perd de son importance. De toute façon, ils exerçaient dans cette politique une influence réduite. Certes, ils ont toujours pris l’initiative des massacres et ont tué avec une brutalité inouïe et une haine indescriptible, dépassant même parfois les attentes de l’administration. Mais les campagnes d’extermination de grande envergure ne pouvaient avoir lieu que si elles servaient les intérêts des instances administratives. Ainsi, à l’automne 1941, l’Einsatzgruppe C ne put imposer son point de vue, qui visait à exterminer immédiatement tous les Juifs du Commissariat général de Volhynie-Podolie89, pour des raisons politiques. Les conflits, bien connus entre Kube et les SS, ne concernaient que la manière dont ces assassinats étaient commis et se situaient à un niveau personnel90.
5. Sur les causes en 1941 amenant à la décision, on a supposé jusque-là que les ordres étaient donnés de manière simple et directe, presque théâtrale, comrne à Minsk au mois d’août 1941. L’extension de la portée des ordres s’est faite pour répondre à des considérations tactiques, la possibilité de commettre des massacres au niveau régional et de prétendues nécessités. Comme le prouvent la plupart des déclarations des participants, cette extension était froidement calculée, même si la plupart des témoins ne s’en sont pas rendu compte. Un ordre général sur la liquidation de tous les Juifs était largement insuffisant pour déclencher partout des meurtres de masse. Pour que l’extermination totale devînt réalité, il a toujours fallu qu’il existe des programmes locaux ou régionaux complémentaires, avec des intérêts en jeu, des négociations et des procédures sans cesse renouvelées.
L’analyse des événements esquissée ici ne vise ni à mépriser, ni sous-estimer les victimes. En effet, quels que soient les facteurs ayant conduit à leur massacre — aveuglement raciste ou calcul économique criminel —, il est important de trouver la juste explication. En Biélorussie occupée, ces deux aspects réunis — conviction raciste et pensée instrumentale impitoyable — ont ouvert la voie à l’idée d’extermination. Ces deux motifs ne se sont contrariés que rarement et de manière limitée. Les facteurs économiques, qui étaient parfois quasiment des raisons d’économie nationale, ne déchargent pas les planificateurs, les initiateurs et ceux qui ont donné les ordres de leurs responsabilités. Pas plus qu’elles ne les excusent, bien au contraire, elles démontrent de manière irréfutable que leurs crimes furent prémédités. L’argument selon lequel ils auraient agi par aveuglement, pour ainsi dire par aliénation mentale, n’est pas recevable, du moins en ce qui les concerne.
Texte traduit de l’allemand par François Pastre.
Notes.
1. Ces chiffres se réfèrent au territoire biélorusse d’après-guerre et s’appuient sur les résultats de ma thèse Die deutsche Wirtschafts- und Vernichtungspolitik in Weißrussland 1941-1944. Le nombre d’habitants avant l’invasion allemande correspond aux chiffres donnés en Biélorussie, cf. Jerzy Turonek, Bialorus pod okupacja niemiecka, Varsovie, 1993. p. 236. Le nombre de personnes déplacées vers le Reich en tant qu’Ostarbeiter (travailleurs de l’est) que j’ai déterminé correspond presque exactement au nombre officiel (376362). «Total des victimes du fascisme allemand en Biélorussie (juillet 1945, russe)», ZSTA Minsk 845-1-58. f. 10. Le nombre des sans-abri est repris d’après M. P. Baranowa. N. G. Pawlowna, Kurze Geschichte der Belorussischen Sozialistischen Sowjetrepublik, Iéna, 1985. p. 124; Rolf-Dieter Müller, Wehrmacht und Okkupation. Berlin-Est, 1971. p. 262.2. Cf Klaus Seghers, Die Sowjetunion im Zweiten Weltkrieg, Munich, 1987 , p. 123; Lothar Köl, «Standortverlagerung von Produktivkraften zu Beginn des Großen Vaterlandischen Krieges der Sowjetunion (1941-1944)», Jahrbuch für die Geschichte der sozialistischen Länder Europas no 26/2, Turonck, Biélorussie, 1983. p. 54.
3. Selon mes propres calculs et Mordechai Altshuler, «Escape and Evacuation of Soviet Jews at the Time of Nazi Invasion», in Lucjan Dobrosycki, Jeffrey S. Gurock (dir.), The Holocaust in the Soviet Union, Armonk & London, 1993. p. 77-104, surtout p. 97.
4. Le district de Bialystok a été fondé le 1er août 1941. Le commissariat général de Ruthénie blanche, celui de Volhynie et de Podolie ont été créés le 1er septembre 1941. et celui de Jitomir le 20 octobre 1941.
5. Y compris la région située autour de Bialystok. qui, depuis 1945. fait à nouvueau partie de la Pologne et ne sera pas traitée dans la présente étude.
6. Backe à Darré le 9 février 1941. BA R 14/ 371, p. 9·
7. Backe exposa ses idées devant Göring le 13 janvier, devant Hitler le 29 janvier 1941. Cf. Backe à Darré, 9 février 1941, et le Reichsmarschall du grand Reich allemand, chargé du plan quadriennal VP510/3g, 13 janvier 1941, BA R 14/371, p. 10/R, 16-20; au sujet de la rencontre avec Hitler, KTB Bunderarchiv-Militärarchiv Freiburg dorénavant WiRüAmt/Stab, 30 janvier 1941, BA-MA, RW 19/164. p. 126. Le général Thomas (WiRüAmt) a dû être mis au courant la veille lors d’un entretien au sommet chez Goöring avec, entre autres, Backe: agenda de Göring du 29 janvier 1941, Institut für Zeitgeschichte, Munich, ED 180/5.
8. Cf. à ce sujet le dossier BA R 14/128, particulièrement la note du 24 mai concernant un entretien du 20 mai I94I au ministère de l’Alimentation et de l’agriculture du Reich (dorénavant RMEuL), duplicata, p. 44-47.
9. NSDAP-Kanzlei (chancellerie du parti national-socialiste), instruction 32/41/r du 12 juillet 1941 avec RMEuL II, B4. Objet: élimination des mauvaises poules, BA NS 6/821; RMEuL, II 84 aux Landesbauernführer (dirigeants nationaux des agriculteurs) du 9 septembre 1941, BAR 43 II/613, p. 260/R.
10. Cf. Rolf-H. Dieter Müller, «Von der Wirtschaftsallianz zum kolonialen Ausbeutungskrieg», in Horst Boog et al., Der Angriff auf die Sowjetunion, Francfort, 199I, p. 141-245. ici p. 144-156; Heinrich Schwendemann, Die wirtschaftliche Zusammtnarbeit zwischen dem Deutschen Reich und der Sowjetunion von 1939 bis 1941, Berlin, 1993; Ludolf Herbst, Das nationalsozialistische Deutschland 1933-1945, Francfort, 1996, p. 339-342; Andreas Hillgruber, Hitlers Strattgie, Politik und Kriegführung 1940-1941, Francfort, 1965, p. 245 et suiv., surtout p. 256 au sujet d’un nouvel accord germano-soviétique en date du 10 janvier 1941, avec des livraisons portées à 2,5 millions de tonnes en l’espace de 15 mois. Cf. Ludolf Herbst, op. cit., p. 350. Son appréciation selon laquelle cette quantité «aurait suffi pour couvrir les besoins d’importation de l’Allemagne jusqu’en 1943» est difficilement concevable. C’est pourquoi le gouvernement allemand ne le considéra pas non plus comme une alternative au projet de famine qui commençait à prendre forme. Au sujet des doutes portant sur les livraisons soviétiques, cf. colonel général Halder, Kriegstagebuch, t. 2, édité par Hans-Adolf Jacobsen, Stuttgart, 1963, p. 207, 311 (notes du 3 décembre 1940 et du 13 mars 1941).
11. Wirtschaftsstab Ost (WiStab Ost). Gruppe Ia, directives économiques pour l’organisation économique à l’est, groupe agriculture, 23 mai 1941, IMT, t. 36, p. 135-157, note figurant dans le dossier (du général Thomas) sur le résultat de la réunion avec les secrétaires d’État à propos de l’opération Barbarossa en date du 2 mai 1941, IMT, t. 31, p. 84. Au sujet du projet de famine en général, cf. Rolf-Dieter Müller, op. cit., p. 184 et suiv.; Götz Aly, Susanne Heim, Vordenker der Vernichtung, Hamburg, 1991, p. 365-393.
12. Cf. l’analyse d’Albert Beer, Der Fall Barbarossa. Untersuchungen zur Geschichte der Vorbereitungen des deutschen Feldzuges gegen die Union der Sozialistischen Sowjetrepubliken im Jahre 1941, thèse, Münster, 1978, en particulier p. 27-82.
13. Cf. l’ouvrage fondamental de Klaus A. Friedrich Schiller, Logistik im Russlandftldzug. Die Rolle der Eisenbahnen bei Planung, Vorbereitung und Durchführung des deutschen Angriffs auf die Sowjetunion bis zur Krise vor Moskau im Winter 1941-1942, Francfort, 1987, ici p. 106 et suiv.
14. Cf. Albert Beer, op. cit., p. 194; Klaus Reinhardt, Die Wende vor Moskau, Stuttgart, 1972, p. 35; Alfred Philippi, Das Pripjetproblem, Francfort, 1956, surtout p. 10.
15. Cf. lhno Krumpelt, Das Material und die Kriegführung, Francfort, 1968, p. 140 et suiv.
16. OKH, GenStdH, GenQu, Qu 1/11, Nr I/050: 41 g Kdo S question clé, février 1941, ann. 15; ordres concernant les droits de souveraineté militaire, la sécurité et l’administration des territoires situés à l’arrière et les prisonniers de guerre, BA-MA RH 3/132, ici p. 78 et suiv. L’italique a été ajouté.
17. Rolf.-Dieter. Müller, op. cit., p. 165 et suiv.; au sujet du rôle joué par Thomas, du même auteur, «“Das Unternehmen Barbarossa” als wirtschafllicher Raubkrieg», in Gerd R. Ueberschär, Wolfram Wette, Der deutsche Oberfall auf die Sowjetunion, Francfort, 1991, p. 125-157, en particulier p. 137.
18. Renseignernents géographiques et militaires sur la Russie d’Europe, dossier A: «Allgemeiner Überblick» (GenStdH, Abt. IV-Mil. Geo). 2e éd. revue et close le 1er mars 1941, Berlin. 1: livre de textes, p. 36; 2: suppl. au livre de textes/grandes cartes, suppl. 8. annotation imprimée sur la boîte: «Supplément 8 enregistré au dernier moment.») En outre. sur le même sujet, dossier E: «Biélorussie», clos le 27 mars 1941.
19. Hitler. WiStab Ost, Gruppe Ia, directives de politique économique pour l’organisation économique à l’est, groupe agriculture, 23 mai 1941, IMT, t. 36. p. 140. Au sujet de Göring et des services de la Wehrmacht, cf. le paragraphe suivant et Rolf.-Dieter. Müller, op. cit., p. 172 et suiv., et p. 184 et suiv. Secrétaires d’État: note de dossier sur la réunion du 2 mai 1941, IMT, t. 31, p. 84. Banque du Reich allemand: section A4. Dr Stamm, «Über die Möglichkeit, den großdeutschen Fehlbedarf an Getreide in Höhe von jährlich 3 Millionen t. aus Sowjetrussland sicherzustellen», 13 juin 1941, duplicata, BA 25/01. no 7007, p. 233-256.
20. Le Reichsmarschall des Großdeutschen Reiches, directives pour diriger l’économie dans les territoires nouvellement occupés à l’est (dossier vert), part. I (2e éd., juillet 1941. tâches et organisation de l’économie, Nbg. Dok. NG-1409, avec lettre adressée au chef de l’OKW, WFSt/WiRüAmt du 16 juin 1941), différentes versions du «dossier vert» continuellement mis à jour, BA-MA RW 31/128D et 130-33.
21. Rudolph-Christoph Freiherr von Gersdorff, Soldat im Widerstand, Francfort, 1977, p. 93; Wilfrid Strik-Strikfeld, Gegen Hitler und Stalin. General Wlassow und die russische Freiheitsbewegung, Mayence, 1970, p. 32. L’orateur peut être identifié comme étant le chef d’un Vorkommando Moskau (von Gersdorff), même si les deux auteurs cherchaient à dissimuler qui il était exactement. Six était le chef du Vorkommando Moskau de l’Einsatzgruppe B. [Note de PHDN: le titre des mémoires de Rudolph-Christoph Freiherr von Gersdorff est Soldat im Untergang et non Soldat im Widerstand]
22. Interrogatoire de Erich von dem Bach-Zelewski du 7 janvier 1946, IMT, t. 4. p. 535 et suiv., agenda de Himmler du 12 au 15 juin 1941, archives spéciales Moscou I 372-5-23. p. 445. Source à présent éditée, Peter Witte et al.(éds). Der Dienstkalendtr Heinrich Himmlers 1941-1942, Hambourg, 1999, agenda du secrétaire personnel de Himmler, Rudolf Brandt, du 12 au 15 juin 1941, BA NS 19/3957, p. 87 R-89 R (avec indication des noms des participants). Voir Karl Hüser, Wewelsburg 1933 bis 1945: «Kult-und Terrorstätte der SS», Paderborn, 1982, p. 3, 323.
23. Himmler à Greifelt, le 11 juin 1941, BA NS 19/3874. p. 9.
24. Propos rapportés par Rosenberg à Lammers le 5 juillet 1941, BA R 6/21, p. 101.
25. Interrogatoire Friedrich Jeckeln du 2 janvier 1946, Bundesarchiv Dahlwitz-Hoppegarten (BA D-H) ZM 1683, A1, p. 105. Six avait fait des déclarations similaires au sujet de la responsabilité de Bach-Zelewski, cf. Rudolph-Christoph Freiherr von Gersdorff, op. cit., p. 93.
26. Eugen von Engelhardt, «Die Ernährungs und Landwirtschaft der Weißrussischen Sozialistischen Sowjetrepublik», BA F 10772, p. 5895-6051; cf. BA-MA RW 31/299 et /300, ici RW 31/299. p. 11, 72. les mentions marginales ont déjà été évoquées par Bernhard Chiari, «Deutsche Zivilverwaltung in Weißrussland 1941-1944», Militärgeschichtliche Mitteilungen, 52/1, 1993, p. 67-89, ici p. 78 et suiv., note 72, sans toutefois faire apparaître toute la portée de leur signification. Au sujet de l’identité de l’auteur des mentions en marge, voir la lettre d’accompagnement du Dr Buchholz, conseiller administratif de guerre au Wirtschaftsstab Ost en réponse à Waldemar von Poletika, en date du 7 octobre 1941, BA-MA RW 31/299; Kürschners deutscher Gelehrten-Kalender, 8e-14e éd., Berlin-Ouest, 1954, p. 83. Poletika (né en 1888) fut, de 1919 à 1923, professeur à l’Université de Petrograd, puis émigra à Berlin en 1923. De 1934 à 1945, il a été professeur à l’Université de Berlin. À partir de 1950, il a été, pendant de longues années, le chef du bureau de recherche agronomique pour les Länder de l’est à Bonn.
27. Cf. essentiellement Ulrich Herbert, «Arbeit und Vernichtung. Ökonomisches lnteresse und Primat der “Weltanschauung” im Nationalsozialismus», in Dan Diner (dir.), Ist der Nationalsozialismus Geschichte?, Francfort, 1993, p. 203 et suiv. Selon le déroulement des événements — si tant est qu’on puisse le reconstruire —, il paraît toutefois impossible de partager l’opinion selon laquelle «l’intention d’exterminer» n’ait été «justifiée rationnellement» par des expertises agronomiques qu’a posteriori. En outre, il s’agissait d’un programme d’assassinat sélectif. Le même constat vaut pour les conclusions au sujet de «la primauté “idéologique”».
28. Cf. Mordecai Altshuler (dir.), Distribution of the jewish Population in the USSR 1939, Jérusalem, 1993, p. 38-41, 69-73 (je remercie Dieter Pohl de m’avoir signalé l’existence de cette publication); statistiques de la population de Ruthénie blanche (élaborées et publiées par le bureau de statistiques de Berlin-Dahlem), Berlin, 1942.
29. Cf. l’interrogatoire d’Alfred Filbert le 9 juin 1959, parquet de Munich I 22 Ks 1/61, p. 966R-67R; les 11 et 14 mai 1959, parquet de Berlin, 3 PKs, 1/62. t. I, p. 171, 200 et suiv. Cf. l’interrogatoire de Walter Blume le 2 août 1958, parquet de Munich, I 22 Ks 1/61, p. 254; le 20 mai 1960, parquet de Berlin, 3sPKs/62, t. 6. Cf. l’interrogatoire d’Ernst Ehlers le 17 avril 1959. parquet de Munich, I 22, Ks 1/61, p. 843/R. Cf. Alfred Streim, Die Behandlung sowjetischer Kriegsgefangener im «Fall Barbarossa», Heidelberg, Karlsruhe, 1981, p. 88 et suiv.; avec une appréciation différente de Ralf Ogorreck, Die Einsatzgruppen und die «Genesis der Endlösung», Berlin, 1996, p. 68-76.
30. Le schéma de pensée raciste à la base du rapport artificiel entre les Juifs et leurs prétendus agissements révolutionnaires particulièrement violents est décrit par Fritz Nova, Alffed Rosenberg. Nazi theorist of the Holocaust, New York, 1986, p. 103-124.
31. Ralf Ogorreck, op. cit., p. 110-127; Andrej Angrick, Martina Voigt et al., «“Da hatte man schon ein Tagebuch führen müssen”. Das Polizei Bataillon 322 und die Judenmorde im Bereich der Heeresgruppe Mitte wahrend des Sommers und des Herbstes 1941», in Helge Grabitz et al. (dir.), Die Normalität des Verbrechens. Festschrift für Wolfgang Scheffler, Berlin, 1994. p. 325-385.
32. EM 43 en date du 5 août 1941, Militärisches Zwischenarchiv Potsdam (archives fédérales militaires depuis lors transférées à Freiburg, dorénavant MZAP). SF 01/28930. p. 1787.
33. Heydrich aux HSSPF à l’est le 2 juillet 1941, BA R70 SU/32. Heydrich informa les HSSPF des instructions qu’il avait données aux Einsatzgruppen avant le 22 juin 1941.
34. Cf. Paul Kohl, «Ich wundere mich, dass ich noch lebe.» Sowjetischen Augenzeugen berichten, Gütersloh, 1990, p. 77, 84 et suiv., 261 et suiv. Rapport du conseiller ministériel Dorsch (centrale de l’organisation Todt) du 10 juillet 1941, IMT. t. 25, p. 81-83 (selon ce document, Kluge se réservait le droit de procéder personnellement à des licenciements); EM 20-23 des 12, 13 et 15 juillet 1941, MZAP, SF 01/28929, p. 1479 et suiv., 1493, 1513 (entretien Nebe-Kluge), groupe GFP 570, plan d’intervention du 6 au 12 juillet 1941, MZAP, WF 03/30429, p. 347-349.
35. Brest, EM 32, 24 juillet 1941, MZAP, SF 01/28930, p. 1637; échange de courrier 221, division de protection de l’HSSPF de la Russie centrale, 7 et 8 juillet 1941, BA-MA RH 26-221/12a, p. 307, 315; notices du Landeskriminalamt (services régionaux de police judiciaire ou LKA) du Bade-Wurtemberg, ZStl, 23 février 1962, ZStL 202 AR-Z 52/59, p. 3646-3676. Au sujet de Bialystok, cf. Heiner Lichtenstein, Himmlers grüne Helfer. Die Schutz- und Ordnungspolizei im Dritten Reich, Cologne, 1990. p. 69-93; Angrick, Voigt (éds), op. cit., p. 331-336.
36. Commandant du territoire situé à l’arrière de l’armée centre. Abt. VII/Mil. Verw. instructions administratives n°s 1-2 des 7 et 13 juillet 1941. ZStA Minsk 409-1-1. p. 71-73/R; Reichskommissariat Ostland (RKO). instructions provisoires pour le traitement des Juifs dans le territoire du RKO en date du 18 août 1941, IfZ Fb 104/2; proclamation «du commandant en chef de l’armée de terre allemande», MZAP, WF 03/25645, p. 806 (Panzergruppe 3), WF 03/14270. p. 242 (4e armée), également reproduit in Paul Kohl. op. cit., p. 197. (9e armée). Au sujet de l’instruction de l’intendant en chef de l’armée de terre, commandant du territoire situé à l’arrière de l’armée centre, Abt. VII/Kr. Verw., du 19 août 1941. voir instructions administratives no 6 du 12 septembre 1941. BA F 40540, p. 795.
37. 403e division de protection, section Ib, instructions spéciales d’approvisionnement no 23, du 13 juillet 1941, duplicata, ZStA Minsk, 409-1-1, p. 14; Commissaire de la ville de Brest, rapport de situation du 21 novembre 1941, BA F 13752. p. 9; WiStab Ost, instructions spéciales no 44 du 4 novembre 1941, MZAP (BAP). F 72745. p. 478-80.
38. Cf. différents rapports: BA-MA RW 31/90 b; KTB WiStab Ost, rapports des 10 et 12 juillet 1941, MZAP (BAP), F 43384. p. 15, 17, chef WiStab Ost, rapports des 10 et 12 juillet 1941 , MZAP (BAP), F 43390, p. 832, 836.
39. WiStab Ost. Fü/Ia. Objet: emploi des ouvriers qualifiés juifs, 15 juillet 1941, MZAP (BAP), F 72745. bureau de liaison de l’OKW/WiRüAmt auprès de Göring à Thomas, 29 juillet 1941, MZAP (BAP), F 44544. p. 103, procès-verbal de la réunion de la direction de l’économie des territoires de l’est (Wirtschaftsführung Ost) les 18 et 21 décembre1941, MZAP (BAP), F 42743, p. 623.
40. ZB WiStab Ost, 2e rapport bimensuel (20 juillet-28 août), 9 août 1941, MZAP (BAP), F 43390, p. 870, Wiln centre, chef du groupe économie, instructions spéciales no 1 du 12 juillet 1941, ainsi que l’avenant du 13 juillet et l’annexe 1 du 19 juillet 1941, MZAP (BAP), F 42747, p. 677, 685.
41. Cf., par exemple, KTB, officier de liaison IV Wi, OKW/WIRüAmt à la 4e armée, 5 et 6 juillet 1941, MZAP (BAP), F 42872, p. 9 et suiv., et EM 145, du 13 juillet et du 12 décembre 1941, MZAP, SF 01/28929 . p. 1489, 1491, et /28934. p. 3391 .
42. Wiln centre, rapport d’activités KTB du 20 au 27 juillet 1941, MZAP (BAI’), F 42858, p. 668, poste de commandement local de Minsk, ordre no 8 du 21 août 1941, ZStA Minsk, 379-2-4, p. 109, commissaire régional de Slonim, rapport de situation du 25 janvier 1942, parquet de Hambourg 147 Js 29/67, t. dossier spécial D.
43. Cf. le nombre de travailleurs employés dans les entreprises produisant pour la Wehrmacht, état du 10 octobre 1942, MZAP (BAP), F 42898. p. 996 et suiv., commissaire du district de Grodno, bureau de l’économie du district, rapport du 9 décembre 1942, in Serge Klarsfeld (dir.), Documents concerning the Destruction of the jews of Grodno, t. 6, Paris, 1992, p. 241.
44. Par contre, l’ordonnance du commissaire de la ville de Minsk sur le travail, l’approvisionnement et la rémunération des Juifs, en date du 25 août 1942, était contraire à ce principe. Cf. Minsker Zeitung, 2 septembre 1942.
45. Jugement du TGI de Berlin 3 PKs 1/62 du 22 juin 1962, in Justiz und NS-Verbrechen, t. 18, Amsterdam, 1977, p. 616 et suiv. Au sujet de la phase de transition. cf., par exemple, KTB Pol. Btl. 322, 31 août et 1er septembre 1941, BA F 56753, et le rapport de la commission d’enquête du district de Dribin du 5 novembre 1941, BstU ZUV 9, t. 20, p. 17.
46. Section de cavalerie SS-Kav. Rgt. 2, le 1er août 1941 à 10 heures, BA 6296, p. 936, agenda de Brandt, 31 juillet 1941, BA NS 19/3957.
47. Conclusions de la procédure ZStl. 204 AR-Z 393/59 et TGI de Brunswick 2 Ks 1/63, STA Wolfenbüttel, 62 Nds Fb. 2, no 1264 et suiv.; cf. en général, Yehoshua Büchler, «Kommandostab Reichsführer-SS: Himmler’s Persona! Murder Brigades in 1941», Holocaust and Genocide Studies, no 1, 1986. t. 1, p. 11-25: Ruth Bettina Birn, «Zweierlei Wirklichkeit? Fallbeispiele zw-Partisanenbekampfung im Osten», in Bernd Wegener (dir.), Zwei Wege nach Moskau, Zurich., 1991, p. 275-290.
48. Ralf Ogorreck, op. cit., p. 179-183, 211, ici p. 220.
49. Himmler fut «très irrité» et demanda des rapports de situation journaliers et le renforcement des activités de la brigade. À ce sujet, cf. les messages radio de Grothmann (adjudant d’Himmler) à Hermann (commandant de la 1re brigade d’infanterie SS) du 11 août (citation), de Knoblauch (chef de l’état-major opérationnel du Reichsführer SS) à Jeckeln et de l’Obersturmbannführer SS Wander à Knoblauch, tous deux en date du 12 août 1941, BANS 33/312. p. 18, 26, ainsi que NS 33/292, p. 23. À ce sujet, cf. la procédure ZStL 202 AR-Z 1212/60 (1re brigade d’infanterie SS) et Ralf Ogorreck, op. cit., p. 190 et suiv.
50. En juillet 1941, l’Einsatzgruppe B a exécuté. en moyenne, 346 personnes par jour; entre le 1er et le 20 août, ce nombre a atteint 295, puis 285 entre le 21 août et le 13 septembre. Du 14 au 28 septembre, 419 personnes furent fusillées. Ces calculs s’appuient sur ses propres indications: EM 31, EM 43, EM 73, EM 92 et EM 108 des 23 juillet, 5 août, 4 septembre, 23 septembre et 9 octobre 1941, MZAP, SF 01/28929-33, p. 1627, 1792, 2201, 2558, 2863. Einsatzgruppe B, rapport d’activité policière du 17 au 23 août 1941, BStU, ZUV 9, t. 31, citation p. 35.
51. Cf. Christian Gerlach, «Failure of Plans for an SS-Extermirnation camp in Moghilev, Belorussia», Holocaust and Genocide Studies, no 11, 1997, t. 1, p. 60-78, citation p. 65.
52. Cf. Bataillon de police de réserve II, rapport de situation du 21 octobre 1941. ZStA Minsk 655-1-1, p. 4, jugement du TGI de Cologne 24 Ks 1/63 du 12 mai 1964. in Justiz und NS-Verbrechen, t. 20, Amsterdam, 1979. p. 173 et suiv.
53. Cf. EM 92 et EM 12, 23 septembre et 25 octobre 1941, MZAP, SF 01/28932-33. p. 2552-2554, 3042; différents interrogatoires de témoins et de participants, ZStL 202 AR-Z 179/67, doc. t. 1, p. 156 et suiv., 199 et suiv., 236 et suiv., et t. 2, p. 27 et suiv., 170 et suiv.; interrogatoire L. A. M. du 12 mars et S. G. Z. du 13 mars 1949, ainsi que le rapport de la commission d’enquête du district de Dribin du 5 novembre 1944, BStU ZUV 9, t. 20, p. 17, III, 126.
54. EM 90 du 21 septembre, EM 92 du 23 septembre, EM 108 du 9 octobre, EM 124 du 25 octobre 1941. MZAP, SF 01/28932, p. 2479, 2552, et /28933, p. 2859. 3042 et suiv.
55. OKW/WFSt/Abt. L(IV Qu). Objet: Juifs dans les territoires à l’est nouvellement occupés, 12 septembre 1941, in Rolf-Dieter Müller, Deutsche Besatzungspolitik in der UdSSR, Cologne, 1982, p. 72; Wiln centre, rapports de situation n°s 8-10 des 6 novembre, 22 novembre et 22 décembre 1941, MZAP (BAH), F 42862, p. 966, 1003, 1034.
56. Pour le déroulement, cf. Angrick, Voigt. art. cit., p. 346-350.
57. Un aperçu. avec des différences légères concernant les chiffres se trouve dans Wila Orbach, «The Destruction of the Jews in the Nazi Occupied Territories of the USSR», Soviet Jewish Affairs, no 6, t. 2, 1976, p. 14-51.
58. Délégué du RMO auprès du commandant du territoire situé derrière l’Armée Centre , rapport no 6 du 10 février 1942, MZAP, FPF 01/8212, p. 595.
59. Jugement du TGI de Cologne du 12 mai 1964, in Justiz und NS-Verbrechen, t. 20, p. 173 et suiv., déposition de Schönemann et de son interprète R. L. (1962), ZStL, 202 AR-Z 81/59. t. 3. p. 598, 605 et suiv. 628, 695, 702, 773.
60. À ce sujet, cf. l’article de Christoph Dieckmann dans le présent volume.
61. Cf. AOK 9. Ic/AO au groupe de blindés 3, AOK 9/Ia et Sk 7a, 28 septembre 1941, BDC, SL 47 F, p. 236; cf. également Helmut Krausnick, «Die Einsatzgruppen vom Anschluss Österrreichs bis zum Feldzug gegen die Sowjetunion», in Helmut Krausnick, Hans-Heinrich Wilhelm, Die Truppe des Weltansckauungskrieges, Suttgart, 1981, p. 179 et suiv.
62. EM 133 du 14 novembre 1941, MZAP.,SF 01/28934, p. 3178, 3188-3190, rapports d’activité et de situation no 7 des Einsatzgruppen pour la période du 1er au 30 novembre 1941, ZStL UdSSR, t. 401.
63. Cf. KTB Wirtschaftskommando Bobrouïsk, pour la péricxle du 1er au 15 octobre et du 15 au 31 octobre 1941, MZAP (BArchP), F 42901, p. 24; KTB, Gruppe IV Wi zbV no 38 (Borissov), pour la période du 20 au 27 octobre et pour le 3 décembre 1941, MZAP (BArchP), F 43063, p. 955, 958; administration du district de Borissov, 23 décembre 1941, 23 janvier, 23 février et 18 mars 1942, archives régionales de Minsk, 624-1-1, p. 17, 20 et suiv., 25; au sujet de Vitebsk, cf., par exemple, l’interrogatoire W I.B. du 29 août 1944, ZStL UdSSR. t. 423, compte rendu de la p. 65 et suiv.; rapports de la commission d’enquête de Witebsk, ZStA Minsk, 861-1-1 , p. 15, 23; Leni Yahil, The Holocaust, New York-Londres. 1990, p. 271.
64. Cf. en revanche, Hannes Heer, «Killing Fields. La Wehrmacht et l’Holocauste», dans le présent volume.
65. Au sujet des objectifs et des ordres donnés: commandant en Ruthénie blanche au commandant en chef de la Wehrrnacht pour l’Ostland, section la, rapport mensuel du 11 octobre au 10 novembre 1941, BA-MA RH 26-707/2, p. 1. (Bien qu’il mentionne que «l’éradication complète de ces éléments étrangers au peuple ait été réalisée», ce rapport fait en même temps état de la portée locale limitée des opérations et du déplacement des «Juifs ruraux»). Pour le Res.Pol.Btl. 11: Fschr. HSSPF de la Russie du Nord à Himmler, entre autres, 6 et 10 octobre 1941, BA D-H, ZB 6735, OII, p. 111, dossier ZstA Minsk, 651-1-1.
66. Cf. commissaire régional de Slonim, rapport de situation du 25 janvier 1942, parquet de Hambourg. 147 Js 29/67, t. spécial D, un survivant juif fut renseigné par l’adjoint du commandant local au sujet des motifs et du nombre prévu des victimes: interrogatoire A. O. du 26 octobre 1960, ibid., t. spécial C1, p.19, 22; de même, un complice au sujet du rapport précédent: interrogatoire X. H. du 1er février 1974, ibid., t. 54, p. 10326 et suiv.; au sujet de l’arrêt brusque lorsque le quota fut atteint, déclaration J. M. (1946), ibid., t. 1, p. 140, 142; Nachum Alpert, The Destruction of Slonim Jewry, New York, 1990, p. 87.
67. Cf. Herbert Jäger, Verbrechen unter totalitärer Herrchaft, Francfort, 1982, p. 343.
68. BdO Ostland à Lohse, 17 octobre 1941, ZstA Minsk, 651-1-1, p. 28.
69. À ce sujet, cf. Dieter Pohl, Nationalsozialistische Judenverfolgung in Ostgalizien 1941-1944, Munich, 1996. p. 139 et suiv., et l’article de Thomas Sandkühler, «Judenpolitik und Judenmord im Distrikt Galizien», in Ulrich Herbert (dir.), Nationalsozialistische Vernichtungspolitik 1939-1945. Neue Forschungen und Kontroversen, Francfort, p. 122-147; Götz Aly, Endlösung, Völkerverschiebungund der Mord an den europaischen Juden, Francfort, 1995. p. 355; Shmuel Spector, The Holocaust of Volhynian Jews 1941-1944, Jérusalem, 1990.
70. WiRüAmt, chef d’état-major, note de dossier: entretien avec le secrétaire d’ État Körner, le 4 septembre 1941 à 12 h, BA-MA RW 19/177, p. 117-119; lettre de l’intendant en chefde l’armée de terre Wagner à son épouse du 9 septembre 1941, BA-MA N 510/48, état-major de liaison de l’OKW/WiRüAmt auprès de Göring à Thomas du 16 septembre 1941, IMT, t. 36, p. 107 et suiv.; KTB WiStab Ost du 23 septernbre 1941, MZAP (BArchP), F 43384, p. 146, extrait de Elke Fröhlich (dir.), Die Tagebücher des Joseph Goebbels, Teil II, Munich, 1996. p. 132 (17 octobre 1941). Pour cette indication, je remercie Peter Witte, H. Cf. également ibid., le 23 octobre 1941, p. 161.
71. À ce sujet, je renvoie à ma thèse Die deutsche Wirtschafts- und Vernichtungspolitik, op. cit.
72. À ce sujet, cf. les conclusions des procédures ZStL 204, AR-Z 117/67, 119/67, 122/67; rapports des commissions d’enquête de la Polésie du 20 juin 1945, des districts de Kalinovitchi, du 15 décembre 1944, et de Mozyr du 12 janvier 1945, ZStA Minsk, 845-1-1, p. 1-4. et 861-1-12, p. 25-30, 71-76.
73. Des unités du front assassinèrent 20 Juifs à Lida, 73 à Baranovitchi, 16 à Pinsk, plusieurs à Grodno et Lenin. une fois 10 et une autre fois 20 à Slonim, et entre 100 et 300 à Stolby. Au sujet de l’évaluation, se reporter à ma thèse; une appréciation différente se trouve dans Hannes Heer, Killing fields, dans le présent volume.
74. Durant le seul mois de février 1942, les unités de la Wehrmacht assassinèrent 2 200 Juifs dans la région contrôlée par le groupe d’armées centre: commando de défense III B, rapport d’activité Feber, 12 mars 1942, BA D-H FW 490, A28, p. 10; cf., en outre, Hannes Heer, «Die Logik des Vernichtungskrieges, Wehrmacht und Partisanenkampf», in Hannes Heer, Klaus Naumann (dir.), Vernichtungskrieg. Verbrechen der Wehrmacht, Hambourg, 1995, p. 104·138, ici p. 117. Les affirmations de Hannes Heer dans «Killing fields» au sujet d’un «programme d’extermination exhaustif» allant au-delà de la 707e DI sont à relativiser: pour les grands massacres, le RI 354 participa «seulement» aux actions de l’unité Borissov de l’Ek 8 et ne les réalisa pas tout seul (bureau central à Dortmund, 45 Js 9/64, par exemple, t. 1, p. 165 et suiv., 186 et suiv.; t. 2, p. 3 et suiv., 11 et suiv., 43 et suiv.; t. 3, p. 102 et suiv.; t. 6, p. 131 et suiv.; t. 7, p. 54 et suiv.; t. 9, p. 106 et suiv.; t. 10, p. 132. Cf. ZStL 202, AR-Z 81/59, surtout t. 3). Les 3 500 victimes (si ce n’est plus) de l’opération de «lutte contre les partisans» appelée «Opération Bamberg» ne furent pas «majoritairement des Juifs», mais surtout des paysans non juifs. 200 parmi eux étaient juifs: cf. messages quotidiens des unités de la 701e DI, BA-MA RH 26-707/5, ou MZAP, WF-03/7364, p. 471-494. Rapports de témoins oculaires in Ales Admovitch, Yanka Bryl, Wladimir Kolesnik, Out ofthe Fire, Moscou, 1980, p. 31-56. En mai et juin 1942, 13 000 Juifs furent assassinés non par la Wehrmacht, mais par l’unité de Lepel de l’Ek 9 sous les ordres de Heinz Tangermann et avec la participation de la gendarmerie locale allemande dans la région de Glebokie (Glubkoje): commissaire régional de Glebokie au commissaire général de Ruthénie blanche, 1er juillet 1942, ZstA Minsk 370-1-483, p. 15; à ce sujet. cf. Jürgen Matthäus, «“Reibungslos und planmäßig” Die zweite Welle der Judenverfolgung im Generalkommissariat Weißruthenien (1942-1944)», Jahrbuch für Antisemitismusforschung, t. 4, 1995, ici p. 258 et suiv.; rapport de l’Untersturmführer SS Heinz Tangermann. Objet: décoration pour la lutte contre les bandes, 30 mars 1944, BA D-H ZM 635. A1, p. 73-76, fragment.
75. Conclusions de ZStL 202, AR-Z 64/60 contre des membres du personnel de l’aérodrome militaire de Bobrouïsk; au sujet d’ Orcha, cf. Hannes Heer, Klaus Naumann (dir.), op. cit., p. 122; au sujet de Borissov, cf. Hans-Heinrich Wilhelm, «Die Einsatzgruppe A der Sicherheitspolizei und des SD 1941-1942», in Helmut Krausnick, Hans-Heinrich Wilhelm, Einsatzgruppen, p. 576-581; au sujet de Slonim et de Nowogrodek, cf. l’article de Hannes Heer dans le présent ouvrage, p. 25.
76. EM 178, 9 mars 1942, MZAP, SF 01/28936, p. 3966; Schwarzbuch, p. 249 et suiv.; au sujet de Baranovitchi, cf. également la note ZStL du 2 juillet 1969, parquet de Munich I 113 Ks 1/65a-b, t. 7, p. 1203. Au sujet de la réunion du 12 février, EM 169, 16 février 1942, MZAP, SF 01/28935, p. 3946.
77. Interrogatoire de Georg Heuser, 1er mars 1966, parquet de Hambourg 147 Js 31/67, p. 4291.
78. Citation du rapport du représentant permanent du ministère des Territoires occupés de l’est au RKO en date du 12 mai sur un entretien avec Lohse le 26 mars 1942, IfZ Fb 104/2. Au cours des mois qui suivirent, des exécutions de plus grande envergure eurent lieu uniquement dans le commissariat général de Ruthénie blanche. Cf. RMO, 20 septembre 1941 (double), BAR 6/387, p. 1. Objet: intervention des médecins juifs (signé Trampedach), 3 novembre 1941, ZStA Minsk 370-1-141a, p. 183. On remarquera surtout que ce courrier n’a pas été envoyé par le service de santé, mais par le conseiller chargé des Juifs au service politique du RKO.
79. Commissaire général de la Ruthénie blanche aux commissaires régionaux, 10 juillet 1942, IfZ Fb 104/2.
80. Commissaire général de la Ruthénie blanche, service IIa. Objet: présence de Juifs parmi les bandits, 8 septembre 1942 (note marginale de Trampedach), archives spéciales de Moscou 504-1-7.
81. Conclusions de la procédure devant le parquet de Mayence 3 Ks 1/67.
82. Procès-verbal sténographié de la réunion entre Göring et les commissaires du Reich et les commandants en chef militaires des territoires occupés, 6 août 1942, IMT, t. 39, p. 402. Cf. Kube à Lohse. Objet: lutte contre les partisans et actions menées contre les Juifs dans le district général de Ruthénie blanche, 31 juillet 1942, reproduit in Ernst Klee, Willi Dreßen, Volker Riess, «Schöne Zeiten.» Judenmord aus der Sicht der Tater und Gaffer, Francfort, 1988, p. 169-171 {en ligne…}. Au sujet des différentes régions, cf., par exemple, les procédures du parquet de Hambourg 147 Js 29/67 (Slonim); parquet de Munich I 113 Ks 1/65a-b (poste de commandement extérieur de Baranovitchi). Le chiffre de 112 000 Juifs exécutés en 1942 dans le commissariat général de Ruthénie blanche, indiqué ici, se base sur les résultats de ma thèse.
83. Cf. les indications figurant dans la note 82; parquet de Francfort, acte d’accusation 4 Js 901/62, 28 mars 1968, ZstL 204 AR-Z 393/59, t. 17, p. 4629: explications de Koch sur ses notes concernant la réunion organisée à Rovno du 26 au 28 août 1942, IMT, t. 25. p. 318. Cf. Gerald Fleming, Hitler und die Endlösung. «Es ist des Führers Wunsch…», Wiesbaden-Munich 1982. p. 141-148. Au sujet du nombre d’habitants juifs, cf. les informations émises depuis les territoires occupés de l’Est par le chef de la police et du SD no 5, 29 mai 1942, MZAP, SF 01/28937, p. 430.
84. Himmler à Keitel, le 9 juillet, et OKW (Warlimont) à Backe le 13 juillet 1942, MZAP (BArchP), F 43386, p. 507, 510; Shmuel Spector, op. cit., p. 172 et suiv.
85. Cf. Himmler à l’HSSPF de l’Ukraine, le 27 octobre 1942, in Helmut Heiber (dir.), «Reichsführer…!», courriers expédiés et reçus par Heinrich Himmler, Stuttgart, 1968, p. 165: à ce sujet, cf., par exemple, Raul Hilberg, Die Vernichtung der europaischen Juden, Francfort, 1991, p. 400; par contre: WFSt/Qu. Objet: réunion avec le commandant en chef de la Wehrmacht pour l’Ukraine le 12 septembre, 14 septembre 1942, BA-MA RW 31/59b, p. 365 («Le Commissaire du Reich a donné l’ordre de liquider ces Juifs.»); commissaire général de Volhynie-Podolie (poste de commandement de Rovno) à différents postes de commandement extérieurs le 31 août 1942, duplicata, archives de la commission principale polonaise de Varsovie, recueil d’extraits de dossiers d’unités de la SS et de la police, t. 77. Je remercie Dieter Pohl pour les copies des documents contenus dans ce dossier.
86. Conclusions de la procédure du TGI de Bielefeld 5 Ks 1/65: archives d’État de Rhénanie-du-Nord-Westphalie Detmold D 21 A, nos 6134-6360. Yitzhak Arad a établi un résumé des opérations allemandes in Belzec, Sobibor, Treblinka. The Operation Reinhard Death Camps, Bloomington-Indianapolis, 1987, p. 131-135.
87. Reuben Ainsztein, Jüdischer Widerstand im deutschbesetzten Osteuropa während des Zweiten Weltkrieges, Oldenburg, 1993. p. 89, 233 et suiv.; procédures du parquet de Mayence 3 Ks 1/67 (Lida); RK Ostland, II Fin. Objet: rassemblement des Juifs dans des camps de concentration, 31 juillet 1943, BA D-H ZR 945, A2, p. 22 et suiv.; au sujet du “remplacerncnt sans problème”: Wiln Mitte, notes rédigées au cours d’une réunion avec le commissariat général de Ruthénie blanche, 20 septembre 1943; MZAP (BArchP), F 42860, p. 1044; d’un point de vue rétrospectif, commissaire régional de Glebokie, rapport d’évacuation, 9 août 1944, BA R 93/14.
88. Estimation d’après Moshe Kaganovitch, «Der Anteil der juden an der Partisanenbewegung Sowietrußlands», table des matières; parquet de Harnbourg 147 Js 29/67, t. 3, p. 594/R; commissaire principal de Baranovitchi, rapport du 27 août 1942, Nbg. Dok. NG-1315; Shmuel Spector, «Jewish Resistance in Small Towns of Eastern Poland», in Norman Davies, Antony Polonsky (dir.), Jews in Eastern Poland and in the USSR, 1939-1946, Londres, 1991, p. 138-144, ici p. 143 et suiv.; Paul Kohl, op. cit., p. 75.
89. EM 133, 14 novembre 1941, MZAP, SF 01/28934, p. 3196.
90. Cf. Helmut Heiber (éd.). «Aus den Akten des Gauleiters Kube», VfZ, no 4, 1956, p. 67-92.