Killing fields
La Wehrmacht et l’HolocausteHannes Heer
Traduit par François Pastre
1914-1945. L’Ère de la Guerre. Tome 2: 1939-1945. Nazisme, occupations, pratiques génocides, Anne Duménil, Nicolas Beaupré, Christian Ingrao (dir.), Paris: Agnès Viénot Éditions, 2004.© Christian Gerlach/Agnès Viénot Éditions 2004 – Reproduction interdite sauf autorisation de l’auteur, de l’éditeur ou des ayants droit
Les régions de l’URSS concernées (Ostland sud et Ukraine nord-ouest)
Préambule (par PHDN)
Les années 1990 furent une décennie très fructueuse pour l’historiographie allemande de la Shoah. Des analyses inédites et majeures, notamment de nombreuses études locales sur les politiques nazies à l’Est sont produites. Au début des années 2000, Anne Duménil, Nicolas Beaupré, Christian Ingrao dirigent un volume de traductions de certaines de ces études parmi les plus importantes. Hannes Heer est l’un de ces historiens qui émergent alors et le texte présenté ici, d’abord publié en 1995 («Killing Fields Die Wehrmacht und der Holocaust», in Hannes Heer, Klaus Naumann (éds) Vernichtungskrieg. Verbrechen der Wehrmacht, Hamburg, 1995), est un apport majeur à notre connaissance du génocide des Juifs. Il démontre l’implication massive de la Wehrmacht dans les massacres de masse de Juifs commis à l’Est dès le début de l’Opération Barbarossa, avec une attention particulière portée à la Biélorussie pendant la première année suivant l’invasion.
L’ouvrage dont est tirée la traduction française de cette étude est aujourd’hui épuisé et ne se trouve que d’occasion. La plupart des travaux de Hannes Heer ne sont pas traduits. Il n’existe pas non plus de version en ligne ni même numérisée de l’ouvrage de 2004, a fortiori de l’étude de Hannes Heer. C’est la raison pour laquelle nous l’avons scannée, passée à l’OCR, et mise en web à partir de notre exemplaire papier. Il faut toutefois avoir pleinement conscience qu’il s’agit d’une littérature spécialisée et ardue, inadaptée avant les études supérieures, à moins d’avoir déjà une pratique de telles lectures. Elle permet néanmoins de voir l’historien au travail, ce qui n’est pas la moindre de ses qualités. Cela est également vrai des autres chapitres de l’ouvrage dont il est question et que nous espérons mettre également, un jour, en ligne. On pourra compléter la présente étude par:
- Le numéro de la Revue d’Histoire de la Shoah no 187, 2007, «La Wehrmacht dans la Shoah», propose plusieurs articles importants qui prolongent les problématiques abordées ici. Tous ces articles sont en ligne…
- Le numéro de la Revue d’Histoire de la Shoah no 209, 2018, «La Shoah et l’historiographie allemande 1990-2015», propose un nombre impressionnant d’études importantes qui prolongent les problématiques abordées ici. Tous ces articles sont en ligne…
- Jean Solchany, «La lente dissipation d’une légende: la “Wehrmacht” sous le regard de l’histoire», Revue d’Histoire Moderne & Contemporaine, vol. 47, n. 2, 2000, En ligne…
- Stephen Vargas, Vernichtungskrieg: Wehrmacht Complicity in the Holocaust on the Eastern Front, The Holocaust History Project, 2011, en ligne…
- Waitman W. Beorn, Marching into darkness: the Wehrmacht and the Holocaust in Belarus, Cambridge, Massachusetts: Harvard University Press, 2014.
Un dernier point mérite l’attention du lecteur: l’éditeur et les coordinateurs de l’ouvrage dont le présent texte est tiré avaient confié la traduction intégrale des textes allemands à un jeune traducteur, François Pastre, disparu prématurément en avril 2020. On ne peut que souligner l’extrême difficulté que présentent pour celui qui doit en effectuer la traduction des textes de cette nature, tant sur la forme que sur le fond et on ne peut que louer la qualité et la rigueur du travail de François Pastre. Voici ce que Christian Ingrao a publié sur son mur facebook à l’occasion de sa disparition: «François Pastre s’est éteint soudainement dans la nuit du 15 au 16 avril. Il était un traducteur talentueux. Nicolas Beaupré, Anne Duménil et moi même avions fait appel à lui pour traduire vers le français un ensemble de 7 textes diffusant une nouvelle vague de recherche sur la Shoah et la Seconde guerre mondiale dans l’ère de la guerre Tome 2. Il a ainsi contribué à la réception en France de la recherche allemande et joué un rôle de passeur. Il était très apprécié dans son milieu et ses traductions avaient été d’une grande rigueur. Nous nous associons à sa famille et à ses proches dans leur affliction. Que la terre lui soit légère; que notre souvenir demeure».
Killing fields
La Wehrmacht et l’HolocausteHannes Heer
Dans d’un rapport sur la question juive daté du 25 janvier 1942, dans lequel est rendue compte l’exécution de 9 000 Juifs, le commissaire territorial de Slonim, Gerhard Erren, se plaint du manque d’ardeur de la troupe: «Pendant un certain temps, la Wehrmacht n’a pas ménagé sa peine pour nettoyer les campagnes; malheureusement, elle ne s’est intéressée qu’à des localités de moins de 1 000 habitants.» Un peu plus tard, son supérieur, Wilhelm Kube, directeur de l’administration civile de la Biélorussie occupée, critique aussi la Wehrmacht dans un courrier en date du 31 juillet 1942: «Les préparatifs que nous avons faits pour la liquidation des Juifs dans la région de Glebokie ont été perturbés, comme nous en avons déjà rendu compte, par des bavures commises par des troupes de l’arrière. Ces dernières ont, sans prendre contact avec moi, liquidé 10 000 Juifs dont nous avions de toute façon prévu l’élimination systématique.1» Alors que l’un critique le fait que la troupe n’ait commis l’Holocauste que sur une petite échelle et que l’autre lui reproche de s’attribuer d’autorité les lauriers de ces massacres de grande envergure, tous deux confirment malgré tout qu’il fallait aussi compter avec la Wehrmacht en matière de politique d’extermination. Comme nous allons le démontrer, ces pratiques ne se limitaient pas à un cas isolé ou à un territoire bien délimité, comme de nombreux historiens militaires le prétendent encore de nos jours. Le théâtre des événements choisi ici est la Biélorussie au cours de la première année d’occupation.
LE PREMIER COUP
Le 30 janvier 1939, au Reichstag, à Berlin, Hitler avait annoncé que si une nouvelle guerre mondiale éclatait, «le résultat ne serait pas la bolchevisation de la terre et donc la victoire de la juiverie, mais l’anéantissement de la race juive en Europe». Quand, le 3o mars 1941, après deux ans de guerre, il affirma, devant les commandants et les chefs d’états-majors rassemblés, que la campagne en préparation contre l’Union soviétique était la «lutte de deux idéologies» et fixa comme objectif «l’anéantissement de l’intelligentsia bolchevique», aucun des futurs guerriers de l’Est ne dut y voir une contradiction2. Bolchevisme et juiverie étaient des clichés caricaturant l’ennemi, en usage au moins depuis la défaite allemande de 1918 et les troubles révolutionnaires qui ont suivi, que la propagande national-socialiste avait réunis dans la formule habile du «bolchevisme juif». Cette expression réductrice se faisait sans cesse entendre dans les mois de préparation frénétique de la campagne Barbarossa au printemps 1941: le 3 mars, dans une directive fondamentale destinée au haut-commandement de la Wehrmacht (OKW), Hitler exigea l’élimination de «l’intelligentsia judéo-bolchevique». Franz Haider, le Chef d’état-major général de l’armée, a justifié l’abandon de la comparution des civils suspects devant les conseils de guerre parce qu’un éventuel «partisan de l’idéologie judéo-bolchevique» se cachait derrière chaque civil, et le service de propagande de la Wehrmacht a préparé la troupe à ne pas voir l’ennemi de l’Allemagne dans les peuples de l’Union soviétique, mais dans le «gouvernement soviétique judéo-bolchevique3».
Une partie des personnes à exterminer avait ainsi été déterminée: il s’agissait des commissaires de l’Armée rouge, des cadres civils du parti, et des partisans ou de ceux qui étaient soupçonnés d’être des partisans. Les ordres criminels, donnés par Hitler, exigeaient l’exécution immédiate de ces activistes politiques. Toutefois, une autre catégorie des futures victimes, la population juive, avait été clairement désignée bien avant l’agression. La déclaration de principe faite par Hitler le 3 mars 1941 avait eu conséquence directe de voir confier à Himmler des «missions spéciales» qui, comme on le disait prudemment, étaient rendues nécessaires par le caractère idéologique de la guerre qui s’annonçait. Les Einsatzgruppen, prévus pour exécuter cet ordre du Führer, devaient combattre «les menées hostiles à l’état et au Reich» et «s’assurer de la personne» des individus ayant de l’influence, comme cela avait été fixé le 26 mars par convention entre l’intendant en chef des armées de terre, Eduard Wagner, du Haut-commandement de l’armée, et Reinhard Heydrich. Les Juifs n’étaient pas cités, mais comme, à l’image de tous les officiers supérieurs, le général Wagner avait suffisamment connu les missions de cette troupe spéciale au cours de la campagne de Pologne — «nettoyage du plancher: juiverie, intelligentsia, clergé, noblesse» —, tous les intéressés savaient que cette omission n’avait aucune signification fondamentale, mais ménageait les vieilles rivalités entre la Wehrmacht et le service de sécurité (SD), remontant à la campagne de Pologne en 1939-1940. Pour l’heure, en 1941, les projets concernant les Juifs prévoyaient bien plus qu’un «nettoyage de plancher». Ainsi, le fait que, dans les «directives pour le comportement des troupes en Russie» élaborées en avril, les Juifs étaient expressément cités comme devant faire «l’objet d’un traitement impitoyable et énergique», en plus des «provocateurs communistes» et des francs-tireurs déjà connus. Dans le catalogue des missions assignées aux commandos spéciaux du SD opérant dans les Balkans, rédigé simultanément, l’exécution des Juifs était aussi prévue comme allant de soi4. Même si, pour cette période, on ne peut prouver l’existence d’ordres visant à l’accomplissement du génocide à l’Est, le fait que la «question juive» ait été formulée de manière explicite pour la Wehrmacht et que sa «résolution» fit partie du programme de la campagne à venir, est prouvé de manière irréfutable par l’analyse des documents correspondant à la période des préparatifs, et sera confirmé au plus tard par les événements survenus pendant les premiers jours de la guerre.
Dans les régions conquises, les troupes allemandes, élancées vers l’Est le 22 juin 1941, n’ont pas laissé qu’un champ de ruines: elles ont dressé un vaste réseau de postes de commandement locaux et de terrain qui constituaient les premières institutions des autorités d’occupation allemandes. Leurs missions comprenaient — outre la prise en charge de l’administration, le soutien à l’économie, la prévention médicale contre les épidémies et l’approvisionnement de leurs propres troupes — la «pacification» de la région qui leur avait été attribuée. Selon le rapport d’un commandant, cela englobait: «a) le recensement du butin, en partiailier la totalité des armes à feu; b) l’arrestation des partisans; c) la prise de contrôle des Juifs; d) le conditionnement de la population; e) les champs de mines; f) les prisonniers de guerre.5» Les Juifs étaient considérés comme le deuxième groupe d’ennemis le plus important après les partisans. Leur «prise de contrôle» faisait partie des missions normales des troupes d’occupation. Les premiers ordres du commandant en chef du secteur situé à l’arrière du groupe d’armées centre trahissaient la manière dont ce terme devait être interprété. élaborés avec une précision bureaucratique avant le début de la campagne — comme le laissent à penser des ordres analogues pour l’Ukraine et les pays baltes —, ils sont apparus en Biélorussie les 7 et 13 juillet après la chute de la capitale, Minsk. Ils décrétaient l’enregistrement général des Juifs, leur identification avec une étoile ou d’un morceau de tissu jaune, l’interdiction, de saluer un Allemand, leur transfert dans des ghettos et la création de conseils juifs. Des mises à contribution répétées et l’instauration immédiate du travail obligatoire étaient visiblement si naturelles qu’il n’y avait eu d’aucun ordre venant d’en haut pour ce faire. Avec l’apparition des troupes allemandes, la vie de centaines de milliers de Juifs avait donc connu d’un moment à l’autre des changements dramatiques. Dans l’ordre du Commandant de la place de Minsk, apparu partout sous forme de tracts et d’affiches dans la ville bombardée le 19 juillet, la nouvelle réalité était ainsi définie: «Un quartier juif est créé à Minsk à compter de la date de cet ordre […]. L’ensemble de la population juive doit immédiatement déménager dans le quartier juifde la ville de Minsk […]. Une fois le transfert terminé, le quartier juif sera séparé du reste de la ville par des murs en pierres sèches […]. Il est interdit aux Juifs rassemblés en colonnes de travail de séjourner en dehors du quartier qui leur est attribué […]. Un emprunt forcé de 30 000 Tchervonetz est imposé au conseil juif pour la mise en œuvre des mesures administratives nécessitées par le transfert6.» La population juive, enregistrée en totalité, fut privée de ses possessions et soumise à l’arbitraire de l’occupant. Dans la partie occidentale de la Biélorussie, la Wehrmacht est restée maîtresse des ghettos pendant deux mois jusqu’à ce qu’en octobre, l’administration civile prenne en charge les travailleurs forcés restants. Dans la partie orientale, la région située à l’arrière du Groupe d’armées centre, la Wehrmacht a assuré le contrôle pendant presque un an jusqu’à ce que les commandos de l’Einsatzgruppe B aient «vidé» le dernier ghetto. Jusqu’à cette date, le service VII des Commandants locaux et de terrain tenait, sous le point 5 de ses rapports de situation réguliers, un journal précis de l’évolution de la «question juive»7.
Dans l’historiographie, l’aide apportée par la Wehrmacht à l’extermination des Juifs d’Europe orientale est, souvent, passée sous silence, étant donné l’avalanche d’événements survenus pendant les premières semaines de la guerre et le massacre organisé commis par la suite par les Einsatzgruppen, devenus stationnaires. Si son rôle est mentionné au détour d’une ou deux phrases, cela n’a trait qu’à l’aide apportée à l’organisation. Jean Amery a introduit, dans la narration de son sort de déporté juif dans les camps de concentration allemands, la notion de «premier coup». Qu’il soit porté au moyen d’une crosse de fusil, du poing d’un homme ou d’une cravache, «le premier coup» permet au prisonnier de prendre conscience qu’il est désarmé, et ce premier coup contient en germe tout ce qui adviendra par la suite. Il réduit à néant dans l’esprit de la victime une hypothèse fondamentale, en quelque sorte universelle: la certitude que «l’autre me traite avec ménagement en vertu de contrats sociaux écrits ou non écrits, ou plus précisément, respecte mon intégrité physique et donc métaphysique8». La Wehrmacht a porté ce «premier coup» aux Juifs d’Europe orientale. Elle les a individuellement privés de leur personnalité et de leur dignité, transformant ainsi des centaines de milliers d’hommes en «déchets», systématiquement évacués par la suite par les groupes d’intervention, la police et les Walfen SS. Les Commandants locaux et de terrain savaient que les mesures qu’ils prenaient contre les Juifs ne constituaient qu’un travail préparatoire. Cela s’exprime aussi parfois d’une manière à la fois obscure et précise, comme dans un rapport datant de septembre 1941: «Dans ce district, les Juifs de sexe masculin ont, pour l’essentiel, été fusillés par des bataillons de police. Les juifs de sexe masculin qui vivent encore dans la partie sud sont internés sous le régime carcéral et […] mis à contribution pour des travaux forcés de toute sorte. Nous nous réservons le droit de décider de leur sort ultérieur9»
LA TROUPE À LA «CHASSE AUX JUIFS»
Le sort de nombreux Juifs fut scellé dès les premières semaines: l’Einsatzgruppe B, qui avait avancé vers l’est avec le groupe d’armées centre, avait exécuté 17 000 Juifs à la mi-août 1941. Comme le démontrent les journaux de démarche et d’opération qui ont été conservés, les unités de la Wehrmacht étaient parfaitement au courant de cette action et ont participé aux massacres en maints endroits10. Alors que cet aspect de la collaboration entre la Wehrmacht et le SD est largement mis en lumière dans l’ouvrage de référence écrit par Helmut Krausnick et Hans-Heinrich Wilhelm, une autre contribution effective de la Wehrmacht, beaucoup plus directe, est restée dans l’ombre. Elle concerne l’action dite «nettoyage des campagnes» dans le rapport du commissaire régional Erren.
Le journal d’un ancien soldat du 354e Régiment d’infanterie, dont des extraits ont été publiés à Londres en 1961, fournit les premiers renseignements à ce sujet. L’auteur, le caporal-chef Richard Heidenreich, a relaté la manière dont son bataillon a procédé pendant un certain temps à des exécutions de Juifs, à Minsk, au cours du mois de juillet 1941, avant d’être déplacé dans le village de Krupka, situé 100 km plus loin, où il a, entre autres, accompli des missions comme celle qui suit: «Le 5 avril au soir, notre lieutenant a choisi 15 hommes aux nerfs solides […]. Nous avons attendu le matin avec impatience. À 5 heures précises nous étions prêts et le premier-lieutenant nous a expliqué notre mission. Dans le village de Krupka, il y avait environ 1 000 Juifs qui devaient tous être exécutés le jour même. […] Après que l’on eut procédé à l’appel, la colonne marcha jusqu’au prochain marécage […]. Un Lieutenant et un adjudant nous accompagnaient: 10 coups partaient, 10 Juifs étaient descendus, et cela a continué ainsi jusqu’à ce que tout soit terminé. Seuls quelques-uns ont fait bonne contenance. Les enfants s’accrochaient à leurs mères, les femmes à leurs maris […]. Quelques jours plus tard, un nombre aussi grand de personnes ont été fusillées à Kholoponichi. J’y ai également participé11.» En République Fédérale, ce récit a été à l’origine de l’un des rares procès intentés à d’anciens soldats de la Wehrmacht.
Comme l’historiographie militaire, y compris pour ce qui est de sa partie critique, prend exclusivement en compte les élites professionnelles lorsqu’il s’agit de relater et d’évaluer la campagne de Russie, il est nécessaire d’examiner de plus près le comportement des troupes à travers un tel procès. Même si on ne peut en tirer ni un échantillon représentatif des mentalités, ni des indices permettant de déterminer dans quelle mesure les «ordres criminels» étaient acceptés par la Wehrmacht, un tel examen est néanmoins riche enseignements.
Le procès contre les anciens camarades d’Heidenreich a entièrement confirmé les indications fournies par ce dernier. Il s’est avéré que des actions comme celle de Krupka faisaient partie intégrante du quotidien de son unité: «À partir de Krupka, nous avons mené plusieurs opérations désignées sous le nom de rafles. Certes, nous avions pour mission (la plupart du temps de nuit) d’interdire l’accès aux localités des environs et de les passer au peigne fin. Les Juifs résidant sur place (hommes, femmes et enfants) y étaient faits prisonniers et rassemblés dans le village. […] On procédait de manière à faire intervenir à tour de rôle dans ces opérations des sections de la 12e compagnie. Une fois les Juifs rassemblés dans les localités, nous choisissions un endroit et ils y étaient fusillés […]. Quelquefois, nous emmenions aussi avec nous des non-Juifs russes pour creuser les fosses. En contrepartie, suivant les cas, les Russes emportaient avec eux les affaires laissées par les Juifs […]. Il est également arrivé que nous n’ayons pu arrêter qu’un seul Juif et que nous ayons dû attendre jusqu’à ce que quelques personnes soient rassemblées12». Des rapports analogues venant d’autres parties du secteur situé à l’arrière du Groupe d’armées centre, confirment cette description. Toutefois, l’importante documentation réunie après-guerre lors des procès des anciens commissaires régionaux de la partie de la Biélorussie placée sous administration civile, appelée «Ruthénie blanche» dans le jargon nazi, a confirmé les soupçons selon lesquels ces opérations constituaient une action globale menée par la Wehrmacht13. était impliqué le 727e RI, stationné dans la région de Baranowiche, qui dépendait de la 707e division d’infanterie et de son commandant en chef, le Major général von Bechtolsheim, à Minsk. à l’examen de ces preuves accablantes, quatre points retiennent l’attention:
1. Concernant ces actions, il ne s’agissait pas d’interventions contre les partisans. Ce sont les Juifs qui devaient être exterminés: «De la période allant de début août à, je crois, la mi-octobre 1941, notre unité a accompli des missions d’occupation à Slonim et dans les petites localités des environs […]. Autant que je me souvienne, pendant cette période, notre compagnie a livré combat une fois contre des partisans.» (Erren, f. 32.);
«La plupart des personnes fusillées par S. étaient juives et n’étaient aucunement impliquées dans les actions militaires.» (Windisch, f. 1186.);
«Par ailleurs, je sais que notre compagnie devait rédiger ce que l’on appelait des rapports d’activité sur le bataillon et que, pour cette raison, elle faisait des patrouilles dans les environs, capturait à cette occasion des Juifs et les fusillait. Dans les rapports d’activité, cela était ensuite présenté comme si ces personnes avaient été abattues alors qu’elles prenaient la fuite.» (Windisch, f. 1354.)
2. La chasse aux Juifs et les exécutions ne se faisaient pas par hasard ni de façon spontanée. Elles se déroulaient selon une méthode précise et déterminée au préalable: «La compagnie effectuait des actions de peu d’importance dans les environs de Slonim. Nous étions conduits sur place en camions, quelquefois, nous allions également à pied […]. Lorsque, dans de telles occasions, nous faisions sortir les Juifs de leurs maisons, nous appliquions toujours la consigne de G., consistant à laisser croire aux Juifs qu’ils partaient dans des camps de rassemblement ou d’internement et qu’ils devaient emporter leurs bagages.» (Erren f. 3063 et suiv.)
«Le lieutenant S. est de nouveau parti patrouiller. En principe, il n’emmenait que des volontaires pour ces patrouilles […]. Lors de ces soi-disant patrouilles, S. se rendait dans les environs avec ses hommes. Lorsqu’il revenait, il signalait au 1er greffier S., à la compagnie, que plusieurs partisans avaient été fusillés au cours de l’intervention. En réalité, au sein de la compagnie, tout le monde savait qu’il s’agissait là de Juifs qui n’étaient en rien des partisans.» (Windisch f. 1178.) Voici un extrait d’une lettre de la poste aux armées envoyée le 15 octobre 1941 par le chef de compagnie de cette unité à son frère resté au pays: «À présent, nous menons une chasse sérieuse. Chaque jour, plusieurs partisans juifs ont pu s’en rendre compte. Ici, c’est toujours la violence. […] Nous évacuons les bandes, ça te plairait.» (Windisch, f. 1175.)
3. La brutalité des procédés est frappante. Le plaisir de tuer et l’insensibilité que l’on prêtait volontiers aux groupes d’intervention et aux bataillons de police se retrouvent également chez de simples soldats: «À leur retour, nos camarades ont raconté que, aux alentours du couvent, dans de petits villages, ils ont dû fusiller quelques familles juives, c’est-à-dire des hommes, des femmes et des enfants […]. L’un des soldats de ces compagnies a dit littéralement: “La cervelle de Juif, c’est bon.” Il a ajouté qu’ils venaient juste de fusiller des Juifs et que le cerveau de ces Juifs avait directement giclé sur sa figure.» (Erren f. 33.); «Je me rappelle encore avoir vu un enfant attrapé par la tête avant d’être abattu. Ensuite, cet enfant a été jeté dans la fosse.» (Erren f. 1155.); «H. a raconté en outre que des enfants avaient pris la fuite pendant cette exécution et qu’on les avait embrochés avec la baïonnette avant de les jeter dans la fosse.» (Windisch f. 1165.) Un survivant juif raconte: «Une unité de l’armée allemande était stationnée à Tchoutchine. Chaque samedi, elle s’amusait à “jouer avec les Juifs”. Les soldats torturaient et fusillaient sans raison des Juifs choisis au hasard.»(Windisch 1381 et suiv.);
«Le commandant de la place de Slonim était entouré d’une clique avec laquelle il buvait jusqu’à plus soif et jouait aux cartes. B., un Tyrolien du Sud, en faisait également partie. Il nous a raconté beaucoup de choses à ce sujet et nous a aussi dit qu’il devait toujours trouver des filles juives lorsque le commandant était ivre.» (Erren 3138 f. et suiv.)
4. On ne pouvait pas commander le plaisir de tuer, le sadisme, l’insensibilité et la perversion sexuelle qu’une grande partie des troupes amenait avec elle. Toutefois, les ordres des commandants permettaient aux soldats de laisser libre cours à ces pulsions. Un témoin a raconté ce qui s’est produit dans les environs de Slonim avant une intervention: «Je pense que le chef de la compagnie y a lu un courrier stipulant que, dans notre secteur, les Juifs devaient être liquidés.» (Erren, f. 1154.) Un autre précise: «En raison de l’existence d’un ordre donné au régiment, tous les Juifs étaient généralement considérés comme des partisans dès lors qu’on les rencontrait en dehors de leur lieu de résidence.» (Wmdisch, f. 1172.) Ces affirmations prouvent que ces ordres n’étaient pas des instrut1ions données par quelques chefs de compagnie fanatiques, mais qu’il devait s’agir de consignes générales. Elles ont été retrouvées et proviennent du quartier général du «Commandant de secteur de la Ruthénie blanche», le Major général von Bechtolsheim déjà cité. Le 10 septembre 1941, il émit une appréciation fondamentale dans le premier rapport de situation concernant sa région d’exercice: «La population juive est bolchevique et prête à adopter n’importe quelle attitude anti-allemande. Aucune directive n’est nécessaire pour la conduite à adopter.» Le commandant promulgua de telles directives le 29 septembre et les 4 et 10 octobre. En tout cas, il y fit référence dans ses rapports ultérieurs: «Comme stipulé dans les ordres déjà donnés, les Juifs doivent disparaître des campagnes.» Un ordre daté du 16 octobre montre que cette disparition ne signifiait pas simplement l’expulsion. Cet ordre faisait un devoir à ses unités, et donc aux hommes du 727e RI, «de tout faire pour que les Juifs soient intégralement chassés des villages. Il se confirme chaque jour un peu plus qu’ils sont les seuls soutiens que les partisans trouvent pour tenir encore aujourd’hui et pour affronter l’hiver. Il faut donc les exterminer impitoyablement». Et trois jours plus tard: «Les Juifs […] sont nos ennemis mortels. Cependant, ces ennemis ne sont plus des êtres humains au sens de la culture européenne, mais des bêtes féroces éduquées dès la jeunesse pour commettre des crimes. Et les bêtes féroces doivent être anéanties14.»
Le «nettoyage des campagnes» n’était pas laissé à l’arbitraire de la Wehrmacht, mais mené en accord avec l’administration civile. Dans ses «directives provisoires pour le traitement des Juifs» en date du 18 août 1941, le chef de cette dernière, le Commissaire du Reich de l’Ostland Hinrich Lohse, qui avait également en charge la «Ruthénie blanche», avait défini des «mesures minimales» — «tant qu’aucune autre mesure au sens de la solution définitive de la question juive» ne pouvait être prise. L’une de ces mesures était: «les campagnes devaient être nettoyées des Juifs15».
Fin novembre, la Wehrmacht interrompit ce programme. En raison de la situation militaire catastrophique qui régnait sur le front, elle fut contrainte de revenir à ses missions militaires d’origine. Au lieu de tuer les Juifs sur place, la Wehrmacht devait les chasser du pays et les transporter dans les ghettos les plus proches. Lorsque le commandant de la place de Slonim fit part de la nouvelle donne au Commissaire régional local, ce dernier répondit par retour de courrier. Cet échange de lettres illustre clairement le rôle actif joué par la Wehrmacht dans l’Holocauste. C’est justement lorsque l’administration civile et les services fixes du SD ont commencé à être mis en place que la Wehrmacht est devenue garante de la mise en œuvre de ce programme. Le 4 décembre 1941, le commissaire régional Erren écrivit au commandant local Glück:
«Jusqu’à présent, vous avez déployé de louables efforts pour me soutenir dans l’accomplissement de mes tâches politiques et de celles effectuées aans l’intérêt national — je n’aurais pas pu en venir seul à bout en raison de la faiblesse de mes forces de police — et je dois donc vous prier […] de bien vouloir obtenir de vos supérieurs qu’ils continuent à mettre vos forces à disposition pour l’accomplissement de la mission allemande à l’est.»
À cette date, environ 20 000 Juifs, tués par les unités du «Commandant de la Ruthénie blanche», avaient été victimes de la mission allemande à l’Est16.
LE JUIF EST LE PARTISAN
Le Commandant en chef de la Wehrmacht pour l’Ostland, le général de division Walter Braemer, en charge de la sécurité militaire dans les pays baltes occupés et dans la partie de la Biélorussie placée sous administration civile, exigea, dans ses directives en date du 25 septembre 1941, «la mise hors d’état de nuire de tous les éléments troublant le calme et l’ordre», avant de préciser concrètement: «Le calme et la tranquillité sont troublés par: a) les soldats et les agents bolcheviques (partisans) isolés ou laissés à dessein dans des forêts ou des endroits isolés, ou ayant décroché; b) les communistes et autres éléments radicaux; c) les Juifs et les cercles favorables aux Juifs17.» Visiblement, la préoccupation première est le danger constitué par les partisans. Les Juifs et leurs sympathisants semblent faire partie de ce mélange explosif. En s’appuyant sur les ordres tristement célèbres des généraux von Reichenau et von Manstein, des historiens militaires critiques ont également jugé comme une manœuvre tactique de telles formulations, laissant entendre l’existence d’une alliance naturelle du Juif et du partisan: que l’on suppose que, par cette justification pseudo-militaire, les officiers aient voulu se prémunir contre une éventuelle résistance de leurs soldats face au génocide, ou que l’on affirme que, en agissant ainsi, ils aient souhaité ne pas compromettre leur bonne coopération avec les commandos meurtriers du SD et de la Waffen SS pour la «protection et la pacification des territoires occupés», dans les deux cas, on trouve toujours à la base du raisonnement l’hypothèse selon laquelle aucun commandant en chef n’a vraiment cru à ses propres mots d’ordre18. Bien que la troupe n’avait pas d’états d’âme vis-à-vis du génocide, mais ne répugnait pas au contraire à s’en charger, comme nous l’avons démontré, la formule du partisan juif avait vu le jour bien avant les massacres de la fin de l’automne 1941 et de la guerre engagée contre les partisans. Elle était apparue dès les premières semaines de la guerre et ne reposait pas le moins du monde sur des réflexions tactiques.
Le 8 juillet, on pouvait lire les notes suivantes dans le journal de marche de la 221e Division de protection, stationnée à la frontière occidentale de l’Union soviétique: «Comme il a été constaté que le nettoyage de la région se heurte à des difficultés partout où vivent des Juifs — car ces derniers soutiennent la formation de groupes de partisans et entretiennent l’agitation créée dans le secteur par des soldats russes isolés — l’évacuation de tous les Juifs de sexe masculin habitant dans l’ensemble des villages situés au nord de Bialowiza est décrétée avec effet immédiat.» Un rapport du 350e RI, faisant partie de la même division, en date du 18 août, est formulé d’une manière similaire: «Parmi toutes ces mesures, il est en définitive de la plus haute importance de mettre un terrne à l’influence des Juifs, encore déterminante à ce jour en maints endroits et qui n’a absolument pas cessé de s’exercer, et de supprimer ces éléments par les moyens les plus radicaux, car ce sont justement eux, comme les habitants des communes le confirment sans arrêt, qui maintiennent la liaison entre l’Armée rouge et les bandes que nous combattons, et qui mettent à leur disposition les moyens nécessaires pour commettre des actes hostiles à l’armée allemande.» Le commandant de ce régiment approuvait ce rapport avant de le transmettre à sa division en ajoutant: «La question juive doit être résolue d’une manière plus radicale19.» Bien entendu, au sein des troupes, des tentatives furent faites pour décrire la situation de manière réaliste, considérer le mouvement des partisans en cours de formation comme le rassemblement de soldats de l’Armée rouge isolés et de civils communistes, ou interpréter la fuite de nombreux Juifs vers les forêts comme le résultat de la terreur exercée par l’occupant allemand. Mais de telles démarches restèrent des exceptions, les reliquats d’une perception normale. Un autre aspect, raciste celui-là, s’imposa: «Les Juifs sont donc assimilés sans aucune exception au concept de partisan20.»
On constate une évolution parallèle en ce qui concerne l’opposition armée. Les chefs de la Wehrmacht s’étaient aussi exprimés clairement avant la campagne. Si les «directives pour le comportement des troupes en Russie» prévenaient d’une manière encore plutôt réservée contre la «façon de combattre perfide» de l’ennemi, décrivant surtout les soldats asiatiques de l’Armée rouge comme «insaisissables, imprévisibles, sournois et dénués de sentiments», le premier numéro des «informations à l’usage des troupes» se déchaînait pour décrire les commissaires militaires communistes: «Ce serait offenser les animaux que de qualifier de bestiaux leurs traits trahissant un fort pourcentage de sang juif. Ils sont l’incarnation d’une haine infernale, la personnification d’une détestation déraisonnée contre tout ce que le genre humain peut avoir de noble. Ces commissaires incarnent la révolte des sous-hommes contre ceux dont le sang coule pur dans les veines.» à peine la campagne d’extermination avait-elle commencé que les rapports en provenance du front confirmaient cette propagande: «À travers le type du commissaire politique, c’est la grimaçante figure asiatique de l’ensemble du système rouge qui s’oppose à nous.» Ou bien: «i>
21.» Les rapports des officiers d’état-major sur le«cannibalisme» pratiqué dans les camps de prisonniers de guerre ou la collection de «types asiatiques» dans les albums photo des soldats confirment la diffusion de cette représentation et démontrent que l’identification du Juif au partisan n’était pas due à une tactique, mais bien à un racisme existant réellement. En dépit de toutes leurs différences, les Juifs et les partisans étaient considérés comme étrangers à l’espèce {humaine} et hostiles aux Allemands, leur alliance étant jugée, racialement comme idéologiquement, naturelle. Alors qu’aucun doute n’est permis quant au racisme quotidien de la troupe — compte tenu de photos, de lettres de la poste aux armées ou de déclarations faites devant des tribunaux soviétiques ou allemands — il n’existe pas de documents aussi révélateur pour le corps des officiers. Il y a surtout un manque de recherches quantifiables sur la mentalité des chefs de la Wehrmacht. À leur place, l’histoire militaire se fonde sur des études méthodologiquement dépassées sur «la perception de l’ennemi», «la perception de la Russie», «la perception de la guerre»22. L’ouvrage de référence publié en 1969 par Manfred Messerschmidt, Die Wehrmacht im NS-Staat (La Wehrmacht dans l’état nazi), qui aurait pu marquer le point de départ d’une histoire des mentalités, est resté sans suite23.
Bernhard Kroener a tenté de reprendre la thèse de «l’identité partielle des objectifs» développée dans l’ouvrage de Messerschmidt et de l’élargir de façon méthodique. En prenant pour point de départ «l’identité partielle des objectifs et de la mémoire», il répartit le corps des officiers en quatre groupes d’âge homogènes. Pour les représentants des classes 1880 à 1890, la plupart issus de la noblesse, avait vécu la Première Guerre mondiale comme officiers d’état-major et représentaient dorénavant la majorité des généraux, il diagnostique un large consensus avec la politique extérieure et militaire national-socialiste en dépit d’un «antagonisme dans les mentalités» qui se perpétue. Les plus jeunes, nés entre 1890 et 1900, avaient été officiers sur le front de 1914 à 1918 et sont partis pour la guerre officiers d’état-major en 1939. Ce groupe, en majorité issu de la bourgeoisie, «s’identifiait bien plus largement que la génération des officiers plus âgés, dans le domaine social, aux conceptions darwinistes sur le combat vu comme une forme d’existence et avec les critères de valeur et les principes de sélection qui en découlaient, que préconisait le national-socialisme dans le domaine de la vie de l’état et de l’individu24». Ces constatations doivent être complétées par quelques détails pour avoir un aperçu complet des convictions d’alors. Ces deux groupes de pairs avaient grandi sous l’Empire, et dans une ambiance impérialiste prononcée. En 1918, c’est tout leur univers qui s’est écroulé. Ils ont interprété la défaite militaire et la fin de l’état des Hohenzollern comme le résultat de la décomposition du front intérieur (Heimatfront) et comme la conséquence du coup de poignard donné par les révolutionnaires judéo-bolcheviques à un peuple pourtant capable de se défendre. Kroener renvoie au fait que les plus jeunes ont tenté, au sein des corps francs, de se venger de la«canaille rouge» et de renverser le «système» tandis que les plus âgés travaillaient, dans le cadre de la Reichswehr, à une révision stratégique des rapports à l’intérieur de cette dernière. En 1941, lorsqu’ils furent chargés de la«protection et de la pacification» des territoires occupés en tant qu’officiers d’état-major ou commandants en chef, face à un ennemi invisible et donc insaisissable, le traumatisme qu’ils avaient vécu de 1918 à 1923 refit surface dans les immenses étendues de l’Est. Les réserves exprimées vis-à-vis du national-socialisme pour des raisons idéologiques ou sociales, pour peu qu’ils en aient jamais eues, se sont alors dissipées. Le Juif et le partisan avaient repris le rôle du spartakiste avec tous ses aspects insidieux. Les ghettos créés par les généraux apparaissaient de plus en plus comme des foyers de conspiration et de révolte: le Juif, qui fuyait les menaces de massacres, apportait le poison de la décomposition dans les villages russes, chaque femme rencontrée sur les marchés et chaque paysan menant sa charrette étaient donc infectés depuis longtemps et bien plus dangereux qu’un simple partisan potentiel. La formation que le commandant en chef de la région située à l’arrière du groupe d’armées centre organisa du 24 au 26 septembre 1941 apportait une preuve macabre de cette paranoïa. Le chef de l’Einsatzgruppe B, Arthur Nebe, tint la première conférence sur le thème «La question juive avec prise en compte particulière du mouvement des partisans». Comme, au cours de l’exercice pratique final de «nettoyage d’un nid de partisans», on trouva, au lieu des partisans annoncés, quelques familles juives, exécutées sans autre forme de procès25.
LA WEHRMACHT ASSASSINE À GRANDE ÉCHELLE
Aussi frappant que puisse apparaître l’exemple de la formation sur les partisans, les événements qui intervinrent en Biélorussie en octobre et en novembre 1941 — les premières actions d’extermination contre les ghettos — fournissent une preuve plus nette encore de l’état d’esprit des troupes. Ces événements commencèrent avec une opération du commandant en chef de la Wehrmacht pour l’Ostland, le général de division Braemer, stationné à Riga. Le 4 octobre, ce dernier donna l’ordre à deux compagnies du 11e Bataillon de Police de réserve, complétées par des «troupes de protection» lituaniennes, de faire route vers Minsk. Au cours d’un procès intenté après la guerre, le commandant du bataillon s’est souvenu de cette opération nommée
». Après les actions meurtrières préliminaires de moindre envergure menées contre les Juifs dans le secteur de Minsk, les habitants du ghetto de Slemovitchi, 1338 Juifs, furent exécutés le 14 octobre. Le 21 octobre, une opération analogue fut menée à Koidanovo, faisant 1 000 victimes. Pour finir, 5 900 Juifs furent assassinés dans le ghetto de Sloutsk les 27 et 28 octobre26. Ce massacre déclencha la fureur des chefs des autorités d’occupation: le commissaire régional de Sloutsk protesta contre cette opération meurtrière «menée d’une façon véritablement sadique», son supérieur Wilhelm Kube transmit cette protestation au commissaire du Reich pour l’Ostland à Riga. Cette intervention du Gauleiter Kube, national-socialiste convaincu, ne fut pas dictée par des raisons morales, mais par l’existence de rivalités, comme le prouve son courrier: «Le Bataillon de Police 13, basé à Kauen, a, sans m’en informer, agi de sa propre initiative comme une troupe directement placée sous les ordres de la Wehrmacht […] et gravement compromis l’estime dont bénéficie la civilisation allemande27». En effet, cette expédition sanguinaire avait donné, avec la liquidation des ghettos, le signal de départ de la mise en œuvre de la deuxième phase de la «solution finale» en Biélorussie. Et l’administration civile de Kube se voyait en la matière dépassée par une alliance inattendue entre la Wehrmacht et le SD. Pour comprendre ce signal de départ surprenant donné par le commandant en chef de la Wehrmacht pour l’Ostland au génocide en «Ruthénie blanche», il paraît utile de récapituler brièvement la poursuite du projet de «solution finale» au niveau politique le plus élevé28. Dans la première moitié du mois de juillet 1941, quand une importante victoire des troupes allemandes se dessinait dans la région de Smolensk, Hitler avait décidé l’extermination totale des Juifs russes. Alors que l’administration civile del’Ostland la considérait comrne une mission à long terme et était préparée à adopter des mesures transitoires contre les Juifs, le chef de l’Einsatzgruppe A le pressa de passer à l’acte dès le début du mois d’août, promettant de «nettoyer immédiatement tout l’Ostland de la quasi-totalité de ses Juifs29». On n’en arriva pas là car le gouvernement nazi avait entre-temps radicalisé, donc élargi, son programme: à la mi-septembre, alors que la chute de Kiev était imminente, Himmler annonça la décision de Hitler de «nettoyer de leurs Juifs» le plus rapidement possible l’ancien Reich et le protectorat: les Juifs qui y vivaient devaient être transportés vers l’Est — à Riga, à Reval et à Minsk précisa-t-il un peu plus tard — pour y être liquidés. À la mi-octobre, alors que la Wehrmacht avait fait plus d’un demi-million de prisonniers lors de la bataille acharnée de Viazma et de Briansk et que la panique se répandait dans Moscou, le premier train de déportés partait de Vienne en direction de Lodz. Le 8 novembre, les déportations à partir de l’Allemagne commencèrent avec un convoi au départ de Hambourg à destination du ghetto de Minsk.
Le général de division Braemer, le militaire le plus haut gradé de l’Ostland occupé, avait été informé très tôt sur les convois prévus aux fins d’extermination en raison de son amitié avec les cadres supérieurs de la SS de Riga30. Ce qui était difficilement envisageable dans la zone de compétence directe du Commissaire du Reich Lohse fut mis en œuvre en «Ruthénie blanche» sous la forme d’une action commune de la Wehrmacht et du SD ayant pour but de liquider une partie importante des ghettos existants avant l’arrivée des premiers convois, et donc de réduire considérablement le potentiel de risque supposé. Braemer, un tenant fanatique de la thèse du Juif partisan, s’attendait à ce que l’arrivée des Juifs allemands, «qui, du point de vue intellectuel, sont largement supérieurs à la masse de la population de la Ruthénie blanche», présentât un important risque de contagion, comme il le signalait dans une lettre de protestation31. Il réagit promptement aux transports non désirés et ce en accord avec le commandant en chef de la région située à l’arrière du groupe d’armées centre. Le fait que, le 18 octobre, ce dernier ait levé l’interdiction faite aux soldats de la Wehrmacht de pénétrer dans les ghettos «au cas où ils recevraient l’ordre de lancer une opération» en est la preuve. Sur ce, le 20 octobre, 7 000 Juifs furent massacrés à Borissov avec l’aide de la Wehrmacht, et en novembre, 5 000 victimes moururent dans le ghetto de Bobrouïsk. Dans le même temps, le chef de la région située à l’arrière du groupe d’armées avait interdit les transports de Juifs dans sa zone de commandement en raison des risques de résistance armée32. En «Ruthénie blanche», la Wehrmacht, en l’occurrence le 721e RI déjà mentionné, reçut la mission de faire route vers les ghettos à la suite du retrait du 11e Bataillon de Police. Le 30 octobre, la 8e compagnie «évacua» le ghetto de Nieswiecz et exécuta 4 500 Juifs. Le 2 novembre, un nombre inconnu de Juifs furent victimes de la même unité à Lachowicze. Le 5 novembre, elle fit 1 000 victimes juives à Turec et à Swierzna. Le 9 novembre, les soldats de la 8e compagnie célébrèrent la journée commémorative nationale en abattant tous les Juifs de Mir au nombre de 1 800. À Slonim, la 6e compagnie soutint activement l’exécution de 9 000 Juifs menée les 13 et 14 novembre par le SD et la police et, le 8 décembre, la 7e compagnie apporta son soutien lors de l’exécution de 3 000 Juifs à Novogrudok33.
La plupart des opérations meurtrières de la Wehrmacht — qu’il s’agisse de petites rafles ou des grandes actions menées dans les ghettos — eurent lieu avant le 3 décembre 1941. Ce jour-là, les groupes de chars 3 et 4 interrompirent de leur propre chef leur offensive en direction de Moscou. Le 5 décembre, la 2e armée blindée fit de même. La «guerre-éclair» avait échoué, la Wehrmacht s’était fourvoyée à l’Est. Faire mention de cette date est donc important car pour des historiens militaires comme Omer Bartov, la conduite de la guerre changea de caractère à partir de cette date: la troupe devenait «un outil d’un régime criminel, motivé par l’idéologie de celui-ci» et la guerre «barbare».
Pour lui, le fait que la conférence de Wannsee ait eu lieu au même moment n’est pas le fruit du hasard34. Aussi importants que soient les questions de Bartov et le résultat de ses recherches sur la mentalité des troupes engagées à l’Est dans une guerre de position, la date citée pour le début de la barbarie et les déductions causales faites sont erronées. Les crimes de la Wehrmacht, dans un territoire limité et une courte période, ont tous eu lieu avant ces journées critiques du tournant des années 1941-1942. Les premières mesures décisives sur le génocide des Juifs n’ont pas été prises dans un contexte de défaite, mais elles ont été planifiées et mises en œuvre lors des plus grandes victoires. La Wehrmacht n’est pas passée des persécutions quotidiennes aux exécutions menées sur une grande échelle — des rafles à l’Holocauste — au cours de l’hiver 1942, mais en septembre et octobre 1941. Jusqu’en décembre 1941, en Biélorussie, la Wehrmacht a fusillé «environ 19 000 partisans et criminels, c’est-à-dire une majorité de Juifs» comme l’a signalé l’Einsatzgruppe A. Un rapport de Buchardt, chef du SD de Minsk, également rédigé à la fin de l’année 1941, signalait que ceci ne s’était pas fait par hasard: «Il existe des divergences d’opinion fondamentales entre la Wehrmacht et le commissariat général […] car la Wehrrnacht considère que la résolution de la question juive est absolument nécessaire pour des raisons de sécurité générale, alors que l’administration civile tient pour inappropriée la résolution prochaine de la question juive au regard des nécessités économiques35.» Il fallait donc compter avec un engagement plus déterminé de la troupe en ce qui concernait les Juifs. Au cours du premier semestre 1942, la Wehrmacht, une fois encore, exécuta au moins 20 000 Juifs sur le territoire biélorusse.
Depuis la contre-offensive de l’Armée rouge et les percées réalisées dans le front, en particulier au Nord-Est de la Biélorussie, le partisan n’était plus celui sur lequel on pouvait projeter toutes les angoisses réelles et traumatismes réactivés: il existait vraiment et il commençait à mener une véritable guerre. La «solution de la question juive» disparaissait dans le flou de ce nouveau front. Le fait que la première opération menée contre les partisans dans la région située à l’arrière du groupe d’armées centre ait été ordonnée par le même général auparavant responsable des «chasses aux Juifs» et des «actions contre les ghettos» dans la partie de la Biélorussie placée sous administration civile, c’est-à-dire le commandant de la 707e DI, le Général de division von Bechtolsheim, n’est pas dû au hasard. Dans son premier ordre de mission, daté 18 mars 1942, il stipule s’en être tenu aux méthodes utilisées là-bas: «Dans la nouvelle zone d’intervention, la troupe doit mener la lutte contre les partisans et les autres éléments hostiles à l’Allemagne avec une grande sévérité, comme elle l’a fait avec succès en Ruthénie blanche, surtout dans les mois de l’automne 1941. À cet égard, les ordres selon lesquels il convient de sévir impitoyablement contre les hommes, les femmes et les enfants, sont également valables pour la nouvelle zone d’intervention.» La suite des événements montra que ses hommes avaient bien compris les consignes. Lors de l’opération Bamberg, qui se déroula du 28 mars au 4 avril dans la partie sud-ouest de la région située à l’arrière du Groupe d’armées centre, 3 500 «partisans et individus qui leur prêtaient assistance» furent fusillés. Les rapports quotidiens le prouvent: la plupart d’entre eux étaient Juifs. Les pertes subies par les Allemands, six morts et dix blessés, étaient si dérisoires que le commandant en chef von Schenckendorff émit des critiques à ce sujet36. Toutefois, l’opération avait atteint le but que von Bechtolsheim lui avait assigné avant l’attaque: fixer des critères. «Bamberg» devint un modèle. Par la suite, les opérations contre les partisans furent menées de façon telle que les ghettos situés dans la zone d’intervention étaient liquidés soit au début de l’action, soit à la fin. Dans le jargon des occupants, on parlait de la «liquidation des ghettos périphériques».
La «bavure» de la Wehrmacht dans le secteur de Glebokie, citée en introduction, s’est également déroulée selon ce schéma. Georg Heuser, responsable des affaires juives au KdS Minsk, a décrit ainsi le scénario fixé pour cette région au début de l’été 1942: «Je me rappelle que les actions menées contre les Juifs […] étaient, la plupart du temps, menées en liaison avec des opérations contre les partisans, au cours desquelles nous faisions intervenir des unités de la police, de la gendarmerie et aussi de l’armée. Les unités militaires venaient de l’arrière37.» La Wehrmacht fit appel à un officier de liaison du SD, qui informa l’administration civile qu’il était prévu de «nettoyer des Juifs la région frontière entre l’arrière des armées et le territoire pris en charge par l’administration civile». Il se justifia en expliquant les risques liés à la présence de partisans dans cette zone Le résultat de cette action de deux semaines contre les huit ghettos furent: 13 000 Juifs exécutés et un virement de 115 247 reichsmarks sur le compte «biens juifs» du Commissariat général de Minsk Le 12 juin 1942, au plus fort de ces actions meurtrières, le commandant en chef de la région située à l’arrière du groupe d’armées centre avait noté en gros caractères, au point 36 de l’ordre du jour d’une réunion de commandants: «La question juive»38.
POUR UNE HISTOIRE SOCIALE DE LA GUERRE
La légende d’une Wehrmacht honorable et efficace, invention d’après-guerre, a été mise à mal dans les années soixante-dix et quatre-vingts. Une histoire militaire critique a commencé à s’écrire, en particulier dans le cadre de l’Institut de recherches sur l’histoire militaire de Fribourg, démontrant aussi bien le caractère des «ordres criminels» élaborés par la direction de la Wehrmacht que la participation active des chefs militaires à la «guerre d’extermination» à l’Est. Toutefois, la comparaison des résultats de la présente étude de cas avec ceux de «l’école critique de Fribourg» fait apparaître des différences considérables, qui montrent les limites fondamentales des recherches menées jusqu’à présent. Les activités de la Wehrmacht en Biélorussie du 22 juin 1941 au 1er juillet 1942 sont, en résumé:
1. La participation de la Wehrmacht aux politiques génocides a eu lieu à tous les niveaux du commandement militaire, des commandants en chef des régions situées à l’arrière et de celles de l’Ostland, placé sous administration civile, aux chefs des troupes. Il n’y eut aucun cas de résistance ou de refus d’obéissance.
2. Le «recensement» des Juifs et leur internement dans les ghettos avaient été méthodiquement préparés. Chronologiquement, ils ont concordé avec les différentes étapes de la «solution finale» et ont été réalisés avec l’accord concret des autres organes d’occupation. Il en alla de même pour les mesures d’élimination physique prises par la suite.
3. Le programme d’extermination de la Wehrmacht était raciste dans ses objectifs et sa justification. Comme le montre l’identification du Juif au partisan, les considérations militaires n’entraient pas en concurrence avec le racisme, mais lui étaient inhérentes.
4. La mentalité des chefs de la Wehrmacht était en accord avec l’état d’esprit des troupes. L’engagement personnel des soldats dans la «chasse aux Juifs», que ce soit dans le cadre d’une collaboration volontaire avec les groupes d’intervention ou lors d’une action propre à la Wehrmacht, trahit leur acquiescement spontané à l’assassinat des Juifs.
5. Ces résultats peuvent être généralisés à la lumière des recherches de Margers Vestermanis sur les agissements de la Wehrmacht dans les pays baltes et des crimes perpétrés en Ukraine, connus dès les procès de Nuremberg.
Compte tenu de ces résultats, on ne peut plus simplement parler des «tendances antisémites des armées engagées à l’est» (Krausnick) ou de «l’implication» de l’armée dans le processus d’extermination (Messerschmidt). La précision selon laquelle il convient de «distinguer» entre les mesures visant directement les Juifs et les actions de pacification du pays (Förster) se révèle aussi douteuse en raison de l’enchaînement des activités d’occupation. Finalement, réduire les causes de la guerre d’extermination national-socialiste à un «arrière-plan idéologique» (Förster) n’est pas suffisant: l’essentiel de ces causes ne se réduit pas seulement à «l’antibolchevisme» (Streit) pas plus que l’identification du Juif au partisan n’est une «corrélation inventée» (Hillgruber)39. Toutes ces formulations prudentes, voire erronées, ne découlent pas d’un calcul effectué sciemment dans un souci de minimisation ou de protection. Toutefois, tous sont d’accord pour respecter une limite interne: ne pas décrire la Wehrmacht comme l’outil d’une société tournée vers la violence et ne pas considérer la guerre comme l’expression naturelle de cette société.
Michael Geyer, pourtant, a décrit la «fusion du nationalisme et de la violence» comme un trait caractéristique de l’histoire allemande de ce siècle et analysé le national-socialisme comme «l’événement le plus abouti de ce processus40». Au cours de l’entre-deux-guerres, des millions d’Allemands ne se sont pas contentés de choisir ce programme politique, mais l’ont généré collectivement. Les actions révolutionnaires et les grèves militantes menées par la gauche, même si elles se situaient dans un contexte internationaliste, avaient en commun avec les coups d’état et les meurtres politiques de la droite nationale d’avoir défini et légitimé le recours à la violence comme moyen politique. La contribution spéciale de la Wehrmacht à cette histoire violente a consisté à développer, avec la doctrine de la «guerre totale», un modèle de solution pour les crises extérieures et à préparer son application. Dans le régime national-socialiste, ce potentiel de violence devint une force organisée. En combinant les rêves d’élimination avec un programme politique et la volonté de puissance la plus agressive, il a réussi cette fusion, consistant à diffuser la terreur élitiste du corps franc dans le corps social sous forme de guerre. «La guerre et la violence sont organisées par l’état, mais activées par la société. Elles vivent de […] la participation de la société ou de certaines couches de celle-ci à la guerre», a écrit Michael Geyer41.
Une science qui n’ose pas porter un tel regard ne peut que percevoir isolément crimes et auteurs. Parler des crimes commis par la Wehrmacht signifie donc se prononcer contre la poursuite de la simple écriture de l’histoire de la guerre et opter pour une description historique du conflit vue sous l’angle de la société.
Traduit de l’allemand par François Pastre
Notes.
1. Zentrale Stelle Ludwigsburg (dorénavant ZStL), Verschiedenes, t. 25, p. 126; Nürnberger Dokumente, PS-3428.2. Cf. Max Domarus (dir), Hitler-Reden und Proklamationen, t. 2, Neustadt, 1963, p. 1058; Hans-Adolf Jacobsen (dir.), Generaloberst Franz Haider. Kriegstagebuch, t. 2, Stuttgart, 1963, p. 336 et suiv.
3. Hans-Adolf Jacobsen (dir.) Kriegstagebuch des Oberkomntandos der Wehrmacht, t. 1, Francfort, 1961, p. 341, cité in Jürgen Förster, Das Deutsche Reich und der Zweite Weltkrieg (dorénavant DRZW), t. 4, Stuttgart, 1983, p. 428 et suiv.
4. Cf. DRZW, t. 4, p. 415, 422; Helmut Krausnick, Hitlers Einsatzgruppen. Die Truppe des Weltanschauungskrieges 1938-1942, Francfort, 1985. p. 52; DRZW, t. 4, p. 441, 423; directives. reproduites in Gerd R. Ueberschar, Wolfram Wette (dir.). Der deutsche Überfall auf die Sowjetunion, «Unterehmen Barbarossa» 1941, Francfort, 1991, p. 258.
5. Archives fédérales militaires de Fribourg (dorénavant BA-MA) RH 26-221-21, p. 303.
6. Archives nationales biélorusses de Minsk (dorénavant ANB) 370-1-478, p. 20, et 393-3-42, p. 1; ABN, tracts 110/45.
7. Archives spéciales de Moscou 1275-3-661-667.
8. Jean Améry, Jenseits von Schuld und Sühne, Stuttgart, 1980, p. 55 et suiv.
9. BA-MA RH 26-221-21, p. 303.
10. Cf. BA-MA RH 22-224, p. 109, 120, 141; BA-MA-RH 26-403-2, p. 26 RS; BA-MARH 26-403-4, Tätigkeitsbericht, p. 6; BA-MARH 26-339-6, Kriegstagebuch, 4 et 7 décembre 1941; BA-MARH 26-221-19, p. 147; EM no 32, 24 juillet 1941, p. 4.
11. Staats und Waltschaft bureau du procureur, dorénavant StA Dortmund, Js 9/64, décret du 9 septembre 1969, p. 3 et suiv.
12. LG Cologne Ks 1/63, vol. spécial K, p. 53 et suiv.
13. Cf. LG Darmstadt 2 Ks 2/54; LG Mayence 3 Ks 1/67, affaire Windisch et ministère public du LG Hambourg, 147 Js 29/67, affaire Erren.
14. ANB Minsk, 651-1-1, 651-1-1, p. 25; 378-1-698, p. 32, 12; 651-1-1, p. 19 suiv.
15. Archives centrales historiques nationales lettones, Riga (dorénavant ZHA), P 1026-1-3, p. 143.
16. ANB Minsk, 3500-2-38. p. 533 et suiv., rapport Stahlecker, cité in Raul Hilberg, Die Vernichtung der europäischen Juden, t. 2, Francfort, 1991, p. 317 et suiv.
17. ZHA Riga, P 1026-1-25, p. 12.
18. Cf. Raul Hilberg, op. cit., p. 315; Christian Streit, «Ostkrieg, Antibolschewismus und “Endlosung”», Geschichte und Gesellschaft, 1991, p. 251 et suiv.; DRZW, t. 4, p. 1040, 1050, 1054.
19. BA-MA RH 26-221-10, p. 87; BA-MA RH 26-221-21, p. 294 et suiv.
20. BA-MARH26-403-2, p. 69 R; BA-MA RH 26-339-5, rapport en date du 5 novembre 1941; BA-MA RH 26-707-15, p. 4.
21. DRZW, t. 4. p, 441, cité in Jürgen Förster, «Zum Rußlandbild der Militärs 1941-1945», in Hans-Erich Volkmann (dir.), Das Rußlandbild im Dritten Reich, Cologne-Weimar-Vienne, 1994, p. 148 et suiv.
22. Förster Ru Bandbild, op. cit.; Hans-Heinrich Wilhelm, «Motivation und “Kriegsbild” deutscher Generäle und Offiziere im Krieg gegen die Sowjetunion», in Peter Jahn, Reinhard Rürup (dir.) Erobern und Vernichten, Berlin, 1991, p. 153 et suiv.; Peter Jahn, «Russenfurcht und Antibolschewismus: Zur Entstehung und Wirkung von Feindbildern», in ibid., p. 47 et suiv.
23. Manfred Messerschmidt, Die Wehrmacht im NS-Staat: Zeit der Indoktrination, Hambourg, 1969.
24. Bernhard R. Kroener, «Strukturelle Veränderungen in der militärischen Gesellschaft des Dritten Reiches», in Michael Prinz, Rainer Zitelmann (dir.), Nationalsozialismus und Modernisierung, Darmstadt, 1991, p. 273 et suiv.
25. Cf. BA-MA RH 22-225, p. 70 et suiv.; archives historiques militaires de Prague (dorénavant KHA), A 2-1-3, p. 104.
26. ANB Minsk, 651-1-1, p. 2 et suiv.; LG Coblence 9 Ks 2/62, affaire Heuser, t. 23, p. 3415; LG Kassel 3a Ks 1/61, affaire Erren, dossier spécial L 16, p. 4o et suiv.; BA-MA RH 26-707-2, p. 3.
27. Affaire Erren, op. cit., p. 66.
28. Ce qui suit s’appuie sur Christopher Browning, «Beyond “Intentionalism” and “Functionalism”: The Decision for the Final Solution Reconsidered», in Christopher Browning, The Path to Genocide. Essays on lauching the Final Solution, Cambridge, 1992, p. 101 et suiv.
29. ZHA Riga, P 1026-1-3, p. 237 et suiv.
30. Affaire Erren. p. 33; Raul Hilberg. op. cit., p. 368 et suiv.
31. Raul Hilberg, op. cit., p. 369 et suiv.; affaire Erren, p. 39.
32. KITA Prague. K 10-M 94, p. 190; procès contre David Egoff, archives du KGB de Minsk (consultées), et BA-MA RH 22-225, p. 174; archives militaires de Podolsk 500-12473-164, 12 novembre 1941.
33. Cf. Zentrale Stelle II 202 AR-Z 16/67; StA Traunstein 6 Js 1/67; StA Munich 1a Js 545/60 et 1a Js 1775/60; affaire Erren; StA Traunstein 6 Js 72, 74, 75/64; StA Munich 113 Js 30/62; affaire Windisch
34. Omer Bartov, «Brutalität und Mentalität: zum Verhalten deutscher Soldaten an der “Ostfront”», in Peter Jahn, Reinhard Rürup (dir.), op. cit., p. 187 187.
35. Raul Hilberg, op. cit., p. 317 et suiv.; affaire Windisch, vol. 3 des documents, p. 216 et suiv.
36. BA-MA RH 26-707-5, ordre du jour no 32 de la division; BA-MA RH 22-229, journal de guerre, 7 avril 1942; BA-MA RH 26-707-5, ordre du jour no 39 de la division.
37. Affaire Heuser, dossier spécial, p. 14; StA du LG Hanovre 2 Js 388/65, p. 1295.
38. ANB Minsk, 370-1-483, p. 15, 30; BA-MA RH 22-231, p. 311.
39. Cf. Helmut Krausnick. op. cit., p. 189; Manfred Messerschmidt, «Die Harte Sühne am Judentum», in Jörg Wollenberg (dir.), Niemand war dabei und keiner hat’s gewußt, Munich-Zurich. 1956. p. 126; DRZW, t. 4, p. 1044; Christian Streit, op. cit., p. 242 et suiv.; Andreas Hillgruber, «Der Ostkrieg und die Judenvernichtung», in Gerd Ueberschär, Wolfram Wette (dir.), Unternehmen Barbarossa. Der deutsche überfall auf die Sowjetunion, Francfort, 1991, p. 196.
40. Michael Geyer, «The Stigma of Violence. Nationalism and War in Twentieth-Century Germany», German Studies Review, hiver 1992, numéro spécial «German identity», p. 77; cf. Michael Geyer, «Krieg, Staat, Nationalismus», in Jost Dülffer, Bernd Martin, Günter Wollstein (dir.), Deutschland in Europa—Kontinuität und Bruch. Gedenkschrift für Andreas Hillgruber, Berlin, 1990, p. 259 et suiv.
41. Michael Geyer, «Krieg als Gesellschaftspolitik», Archiv für Sozialgeschichte, no 26, 1986, p. 55.