Faurisson, un antisémite
La loi Gayssot et le Grand Rabbinat
Quand Faurisson délire sur les origines
de la loi Gayssot
Dans le cadre d'une comparaison avec d'« illustres prédécesseurs » (le politicien romain corrompu Lucius Flaccus et l'antisémite fanatique Henri Labroue), Faurisson avait écrit qu'il était un « auteur interdit de publication à cause des décisions du grand rabbinat entérinées par la République française » (Robert Faurisson, Écrits révisionnistes, édition privée hors commerce, 1999, tome I, p. XLVII).
Nous avions pris soin de rappeler le pedigree de ces « illustres prédecesseurs », et dans le cas de Flaccus, nous avions précisé que « [le] laïus [de Faurisson] sur le « grand rabbinat » qui aurait pris des décisions « entérinées par la République française », outre qu'il s'agit d'un mensonge au premier degré, constituait un délire paranoïaque et antisémite.
Faurisson qui ne goûte guère que ses dissimulations et ses mensonges soient exposés a « répondu » à la page que nous consacrons à sa comparaison avec Flaccus. Dans cette « réponse » Faurisson a falsifié Cicéron et inventé un complot juif d'il y a deux mille ans! Il a notamment « répondu » à la critique que nous faisions de sa sortie sur les « décisions du grand rabbinat entérinées par la République française ». C'est cette partie de sa « réponse » que nous analysons ici. Le reste, fait l'objet d'une autre page web. On constatera que Faurisson persiste dans la paranoïa antisémite et en profite pour commettre une nouvelle falsification. Le texte de la lettre de Faurisson apparaît encadré dans la suite.
Voici:
Faurisson écrit :
Encore une erreur : sur la loi Fabius-Gayssot [...]
Seuls les négationnistes appellent ainsi cette loi. En général on dit « loi Gayssot ». Mais les négationnistes aiment à lui apposer le nom de Fabius. Il convient de s'attarder sur cette appellation qui constitue en fait un topos antisémite, le plus souvent implicite. Il a été explicité par Faurisson dans une interview en anglais datant de 2002, accordée lors d'un rassemblement négationniste de l'IHR. « Nous l'appelons parfois "loi Gayssot", d'après le nom d'un communiste, mais parfois nous l'appelons également "loi Fabius-Gayssot". Fabius est un juif très riche, un socialiste mais extrêmement riche. Ainsi, la loi anti-révisionniste de 1990 est une loi judéo-socialo-communiste » (Robert Faurisson, « Interview with Phil Sanchez », 22 juin 2002). Jean-Claude Gayssot, à l'origine de la proposition de loi faisait partie du groupe communiste à l'Assemblée). On n'est pas loin de la dénonciation (hitlérienne) du « judéo-bolchevisme », d'autant plus savoureuse que Faurisson insiste sur la « richesse » de Fabius. De fait, le syntagme « juif riche » signale un vieux poncif antisémite associant les Juifs à l'argent, ici repris sans vergogne par un Faurisson dont l'antisémitisme s'est exprimé de plus en plus ouvertement au fil des ans. On a ici une manifestation très intéressante d'un antisémitisme radical de facture nazie. En effet, la dénonciation simultanée d'une part de la collusion des Juifs et des communistes et d'autre part de la « richesse des Juifs » est une constante de la propagande antisémite du IIIe Reich. Caractériser, comme le fait Faurisson, Fabius avant tout par sa judéité (qui plus est sa judéité et sa richesse) constitue donc bien un puissant marqueur de la haine antisémite de Faurisson. Ce qui est véritalement intéressant, c'est que Laurent Fabius n'est pas juif. Son père, né dans une famille juive, est converti au catholicisme. La mère de Laurent Fabius est catholique et lui-même, baptisé, a été élevé dans la religion catholique. Qui plus est, Laurent Fabius n'a évidemment jamais excipé d'un quelconque sentiment d'appartenance à un groupe ou à une culture juive. Seule une reprise de critères nazis et une singulière paranoïa antisémite permet à Faurisson de présenter Fabius comme juif. Chaque fois que l'expression loi « Fabius-Gayssot » est utilisée, on a affaire à un message pernicieusement, mais très violemment antisémite.
In fine, de quoi s'agit-il? La loi Gayssot sanctionne la négation publique de la réalité et de l'ampleur du génocide juif. Faurisson a été condamné à plusieurs reprises en vertu de cette loi. Il a porté plainte contre la France auprès d'instances européennes de défense des droits de l'homme, prétendant que ses droits avaient été violés. Il a été débouté. Voir sur ces sujets: http://phdn.org/negation/gayssot/index.html
Faurisson écrit :
En ce qui me concerne personnellement, vous écrivez :
Son laïus sur le « grand rabbinat » qui aurait pris des décisions « entérinées par la République française », outre qu'il s'agit d'un mensonge au premier degré, constitue un délire paranoïaque et antisémite.
Il ne s'agit ni d'un mensonge, ni d'un délire.
Bien sûr que si: dans la mesure où il existe pas la moindre « décision » du « grand rabbinat » « entérinée » en tant que telle par la République française, les affirmations de Faurisson relèvent d'une théorie du complot grotesque et antisémite, ainsi qu'on va le vérifier plus bas.
Faurisson écrit :
La loi Fabius-Gayssot, avec sa disposition antirévisionniste, a été publiée au Journal officiel de la République française (Lois et décrets) le 14 juillet 1990.
Oui et alors? La loi a été publiée au Journal officiel, comme toutes les lois. Et en plus l'eau est humide. Et le feu brûle. Faurisson aime bien énoncer certaines évidences. Il croit sans doute que cela va renforcer les élucubrations qui les suivent ou les précèdent.
Raté.
Faurisson écrit :
Elle s'inspirait de la loi antirévisionniste de l'Etat d'Israël promulguée en 1986 et réclamée la même année, pour la France, par le Grand-Rabbin René-Samuel Sirat,
Le fait qu'un grand Rabbin l'aurait « réclamée » ne signifie nullement que le « Grand Rabbinat » ait pris une « décision » qui aurait été « entérinée » par la République. Cela relève de la paranoïa. Mais nous verrons plus bas ce qu'il en est vraiment de tout cela et de cette « réclamation » par le Grand Rabbin René Samuel Sirat...
Faurisson écrit :
entouré d'un certain nombre d'intellectuels juifs
On voit ce qui est important aux yeux de Faurisson...
Faurisson écrit :
dont Pierre Vidal-Naquet et Georges Wellers. Sur ce dernier point, vous pourrez vous reporter au Bulletin quotidien de l'Agence télégraphique juive du 2 juin 1986, p. 1, 3.
Faurisson prétend donc étayer sa thèse de « décisions du grand rabbinat entérinées par la République française » sur le numéro cité du journal en question. Pensait-t-il vraiment que nous ne vérifierions pas? Nous avons vérifié. Pas de chance pour Faurisson.
Nous nous reportons donc à la parution indiquée et constatons la présence de l'article suivant: « Une table ronde d'historiens a réfuté la thèse de Roques », Bulletin quotidien d'information - Agence télégraphique juive, n° 4109, lundi 2 juin 1986, p. 1
Avant de comparer le contenu de l'article avec la façon dont le rapporte Faurisson, rappelons le contexte. Henri Roques, vieux pilier de l'extrême-droite cornaqué par Faurisson, avait passé, en 1986, une thèse d'université (en lettres), au contenu négationniste. Outre le contenu de la production de Roques, les conditions dans lesquelles la « thèse » avait été passée étaient tout simplement frauduleuses. Les négationnistes avaient réussi à monter un scandale médiatique et à en faire une « affaire ». Sur cette affaire, voir Pierre Bridonneau, Oui, il faut parler des négationnistes, Cerf, 1997.
L'article cité s'inscrit dans ce contexte. Il évoque une table ronde, organisé par l'Institut d'histoire du temps présent, à laquelle participaient notamment François Bédarida, alors directeur de cet institut, Pierre Vidal-Naquet, Jean-Pierre Azéma, Serge Klarsfeld, le grand rabbin René Samuel Sirat, Hélène Harweiler, alors recteur de l'Académie de Paris et Harlem Désir. Nous ignorions que Jean-Pierre Azéma, François Bédarida et Harlem Désir fussent juifs!
Il ne s'agit donc pas d'une réunion des instances religieuses juives. Le rabbin qui y participe est la seule personnalité religieuse. Quand bien même il s'y serait exprimé, c'est la personne et non l'institution du Grand rabbinat qui se serait exprimée. L'article du Bulletin cité rapporte, de façon tout à fait informelle, certains contenus de cette réunion. Il s'étend sur trois colonnes. On y lit la phrase suivante:
« Ils [les participants] ont aussi formulé l'espoir d'une extension à tous les pays européens de la loi allemande interdisant la mise en doute du génocide »
C'est la seule évocation qui touche à la sanction légale du discours négationniste. Une phrase. Et Faurisson rapporte cela en prétendant que la loi Gayssot est issue de:
« décisions du grand rabbinat entérinées par la République française »
Or que constate-t-on? Il n'est fait mention dans l'article cité par Faurisson d'aucune « décision » (Faurisson renforçait son mensonge en mettant d'ailleurs « décisions », au pluriel!). Ni d'aucune « réclamation » d'ailleurs. On ne sait pas quel fut le contenu des discussions qui aboutirent à la « formulation de cet espoir », ni quels furent les avis des différents participants. Il est mensonger de parler de « décision ». Il est mensonger de prétendre même que la formulation en question est le fait du « Grand Rabbinat ». Il n'y a pas de décision, certainement pas de décision prise par le « Grand Rabbinat ». Cette formulation relève évidemment d'un rhétorique antisémite. La seule chose rapportée c'est que « ils » (les participants) ont « formulé un espoir ». Pas de mention spécifique de Sirat -- aucun poids particulier n'est accordé au rabbin Samuel Sirat dans la mention de ce souhait --, ni de « décision ». Compte tenu du vague de la formulation, pourquoi Faurisson insiste-t-il sur la composante juive? La composante universitaire était bien plus pregnante. A ce compte là, il aurait d'ailleurs du plutôt évoquer une « décisions du rectorat » puisque Hélène Harweiler était à la tête de celui-ci! Mais dans l'idéologie faurissonienne, le rectorat ne constitue pas un repoussoir. Non, ce qui obsède Faurisson, ce sont les Juifs, une obsession telle qu'elle induit chez lui des présentations parfaitement frauduleuses de textes qu'il brandit ensuite emphatiquement pour avancer des thèses mensongères. Il n'y a évidemment aucune « décision » enterinée « par la République ». Cette formulation relevait elle-aussi d'un vieux fantasme antisémite, celui de la « République juive ». Il s'agit d'un mensonge et d'un délire. Nous avions donc bien raison d'écrire ce que nous avions écrit: paranoïa et antisémitisme sont deux des mamelles frelatées auxquelles s'abreuve Faurisson. D'autres mamelles sont le mensonge et la falsification.
Voilà. Quand on se reporte à l'article évoqué par Faurisson (mais peut-être croyait-il qu'on ne s'y reporterait pas?), on constate que la façon dont il en rend compte relève de la falsification la plus grossière. C'est une habitude de Faurisson: il avance un gros mensonge et ose donner des références pour appuyer son affirmation. Et lorsqu'on se reporte à la source invoquée, on se rend compte que Faurisson en a falsifié le véritable contenu. Nous avons démontré notamment comment Faurisson a falsifié l'historien Uwe Dietrich Adam avec exactement ce genre de procédé.
Faurisson utilise le même genre de procédés pour falsifier les propos de l'historien allemand Martin Broszat.
Pas de surprise. Pour le contexte dans le cadre duquel Faurisson s'est permis cette nouvelle falsification, voir l'analyse de la lettre où il falsifie Cicéron...
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18/02/2001 — mis à jour le 10/10/20 13