Les amis de Faurisson
L’Institute for Historical Review
L’Institute for Historical Review (IHR) fut longtemps la principale officine négationniste au monde. Il fut le véritable «centre d’une Internationale révisionniste1». Il organisait régulièrement des conférences «révisionnistes», c’est-à-dire négationnistes. Faurisson a participé à plus de la moitié d’entre elles. Il fait également partie du comité de rédaction de la revue de l’IHR, depuis son premier numéro en 1980, le Journal of Historical Review (JHR). Il y a publié ses falsifications régulièrement pendant plus de 20 ans. L’IHR est véritablement la deuxième patrie de Faurisson.
«Les animateurs de l’IHR insèrent […] leur activité négatrice dans un cadre politique précis. Ils dénoncent un complot ayant conduit les états-Unis à s’engager dans les deux guerres mondiales. Des groupes politiques dont certains animateurs de l’IHR sont membres, nomment les comploteurs: les financiers juifs, communistes, francs-maçons et anglophiles ayant mis le gouvernement américain sous tutelle2»
Le catalogue de l’IHR, outre tout le matériel négationniste, comprend des centaines de titres, dont de très nombreuses apologies du nazisme, les ouvrages du SS Léon Degrelle, des apologies de la SS, et la panoplie d’hitlérolâtre habituelle3.
L’origine
L’IHR fut fondé en 1978 par Willis Carto et William D. McCalden, alias Lewis Brandon, néo-fasciste anglais, père du National Party britannique, qui avait fait scission du National Front néo-nazi.Carto est l’héritier spirituel de Francis Parker Yockey, antisémite et adepte des théories du complot, mort en prison en 19604. Yockey considérait Hitler comme un héros de la race aryenne, et traitait de parasites «les Juifs, les asiatiques, les Nègres et les communistes». Evidemment Carto a édité l’opus magnum de Yockey, Imperium, gros livre raciste et antisémite dédicacé à Hitler et préfacé par Carto lui-même5… et l’IHR a continué6,
En 1958, Willis Carto avait fondé le Liberty Lobby, devenu depuis, l’un des principaux organismes de propagande d’extrême droite aux états-Unis, un véritable empire financier et médiatique du racisme et de l’antisémitisme7. L’idéologie de Carto se caractérise par un racisme et un antisémitisme quasi hystériques8.
L’une des maisons d’édition de Carto, Noontide Press, publiait en 1969 un des premiers opuscules négationnistes anglo-saxons, The myth of the six millions9. Cette même maison d’édition rééditait également le faux antisémite, les Protocoles des sages de Sion10.
Carto considère la défaite d’Hitler comme «la défaite de l’Europe et de l’Amérique» dont la responsabilité revient aux «Juifs internationaux». Dans la lettre où il s’exprime ainsi, Carto ajoute que «Si Satan lui-même […] avait essayé de créer une force […] permanente de destruction de toutes les nations, il n’aurait pas pu faire mieux que d’inventer les Juifs»11. Carto, pour faire taire ses détracteurs, a usé et abusé des procès pour diffamation… Liberté, certes, mais pas de le critiquer12.
Les hommes
En 1980, l’IHR a offert $50 000 pour la preuve qu’un Juif avait été gazé. De l’aveu même de McCalden, il s’agissait seulement d’un coup publicitaire. Mais le «défi» fut relevé par Mel Melmerstein, un ancien déporté d’Auschwitz. L’IHR refusa, bien sûr, de payer. Melmerstein poursuivit l’IHR et obtint gain de cause13.McCalden quitte l’IHR en 1980, accusant Carto de détournement de fonds et de support d’un groupe de néo-nazis gays, ainsi que de recrutement via la secte de Scientologie14. De fait le successeur de McCalden, Tom Marcellus était un membre de l’Eglise de Scientologie15.
En 1993, une scission se produit au sein de l’IHR entre Carto et les autres membres de l’IHR. Ce conflit tourne autour de l’orientation du JHR que Carto veut rendre plus «raciste» et moins «révisionniste» mais aussi de l’héritage de la petite fille de Thomas Edison, 15 millions de dollars que se disputent Carto et les autres membres de l’IHR16.
En 1995 Mark Weber prend la suite de Tom Marcellus. Il est le directeur actuel de l’IHR. Mark Weber est un ancien activiste de la National Alliance, un important groupe néo-nazi américain dirigé par William Pierce17. En 1989, Weber exprimait publiquement ses convictions racistes. Avec son engagement dans le négationnisme, il s’est peu à peu abstenu de renouveler de semblables déclarations18. Il clame aujourd’hui n’avoir aucun lien avec les néo-nazis19. Il s’agit d’un mensonge au premier degré. Les liens de Mark Weber avec les néo-nazis allemands ont été démontrés en 1993 par le Centre Simon Wiesenthal20. Quand Weber cherche pourquoi Lénine a ordonné l’assassinat de la famille impériale russe, il avance en guise d’explication que Lénine était «au quart juif21».
Les congrès
Le premier congrès se tient du 31 août au 1er septembre 1979. Faurisson en est, aux cotés de l’antisémite pornographe Ditlieb Felderer ou du responsable du Klu Klux Klan David Duke. Le dernier a eu lieu en mai 2000 Faurisson en était encore. Outre Faurisson qui est la vedette de plus de la moitié des congrès de l’IHR, ceux-ci rassemblent une belle brochette d’extrémistes. On y croise à de nombreuses reprises, l’ancien SS Léon Degrelle, Arthur Butz, David Irving, le nazi Ernst Zündel, Fred Leuchter, Henri Roques, le nazi et ancien général Major Otto Ersnt Remer et activiste néo-nazi, l’ancien SS Thies Christofersen, Wilhelm Stäglich, Ditlieb Felderer, et bien d’autres, dont Ahmed Rami et (mais que faisait-il donc là?) Noam Chomsky, en 1985 pour un long exposé sur «la crise du Moyen-Orient et la menace de la guerre nucléaire»22. Ces conférences sont le passage obligé des négationnistes de «renom».Le JHR
L’IHR publie une revue qu’elle voudrait «honorable», le Journal of Historical Review. L’un de ses rédacteurs en chef adjoint, H. Keith Thompson avait été un animateur de l’American Renaissance Party lié au nazi Otto Ersnt Remer23. La création de l’American Renaissance Party, le premier parti nazi créé après guerre sur le sol américain, avait été pilotée par un ancien bras droit de Goebbels, Johann von Leers. Lors de la conférence de 1983, Keith Thomson a déclaré que «si, en fin de compte, l’holocauste a bien eu lieu, alors tant mieux!». Cette déclaration fut accueillie par des tonnerres d’applaudissements24.Les signataires des articles du JHR se recrutent dans les mêmes milieux que les participants aux congrès, et sont souvent les mêmes personnes. Anciens nazis, négationnistes, antisémites fanatiques, extrémistes de droite.
Le JHR se voudrait depuis sa création une publication «sérieuse» variant ses sujets. Mais il s’agit bien d’une parution où suintent les obsessions antisémites et négationnistes de l’IHR, ainsi que sa volonté de réhabilitation du nazisme. Plus de 50% des articles traitent de négationnisme et du génocide. Plus de 20% sont consacrés aux nazis ou aux argumentaires soutenant que ces derniers n’étaient pas pires que d’autres (dont les démocraties occidentales)… Les derniers numéros, depuis 1995, sont marqués par un nombre croissant d’articles consacrés aux Juifs, à teneur évidemment antisémite25.
Faurisson se meut dans ce cloaque de haine, d’anciens et de néo-nazis, d’antisémites pathologiques, sans la moindre difficulté et ce, depuis plus de 20 ans. Ce sont ses amis…
Liens:
Sur l’IHR: http://www.nizkor.org/faqs/ihr/
Sur Carto: http://www.nizkor.org/ftp.cgi/people/c/carto.willis/carto.002
Sur Yockey: http://www.nizkor.org/ftp.cgi/people/y/yockey.francis/yockey.001
Notes.1. Pierre Vidal-Naquet, «Thèses sur le révisionnisme», dans Les assassins de la mémoire, Seuil, Points Essais, 1995. (1ère éd., La Découverte, 1987), p. 117
2. René Monzat, Enqûetes sur la droite extrême, Le Monde éditions, 1992, p. 198
3. René Monzat, op. cit. p. 196
4. Ciaran O Maolain, The Radical Right, a world directory, Harlow - Longman, 1987, p. 373
5. Deborah Lipstadt, Denying the Holocaust, Macmillan, 1993, p. 146-148
6. Michael Shermer & Alex Grobman, Holocaust Denial, Who says the Holocaust Never Happened and Why do they say it?, University of California Press, 2000, p. 80-81
7. Voir Ciaran O Maolain, op. cit., p. 373-374. Voir aussi Stephen Scheinberg, «Right-Wing Extremism int the United States», dans Aurel Braun, Stephen Scheinberg (ed.), The extreme right: freedom and security at risk, Westview Press, 1997, p. 63-64
8. voir notamment Deborah Lipstadt, op. cit., p. 146
9. Deborah Lipstadt, op. cit., p. 105
10. Catherine Nicault, «Antisionisme et négationnisme», Relations internationales, n° 65, printemps 1991, p. 57. En ligne sur PHDN…
11. Cité par Shermer & Grobman, op. cit., p. 97
12. Deborah Lipstadt, op. cit., p. 153
13. Deborah Lipsfadt, op. cit., p. 138-141. Voir aussi Peter Grosz, «Révision», dans Rapport 1996. Panorama des actes racistes et de l’extrémisme de droite en Europe, CRIDA, 1996, p. 191-192
14. voir Ciaran O Maolain, op. cit., p. 367
15. Shermer & Grobman, op. cit., p. 43
16. Sur le combat des vautours, voir Michael Shermer & Alex Grobman, op. cit., p. 44-45
17. Michael Shermer, Why people believe weird things, W. H. Freeman and Company, 1997, p. 193
18. Deborah Lipstadt ; op. cit., p. 186
19. Shermer & Gorbman, op. cit., 46
20. voir http://www.nizkor.org/ftp.cgi/people/w/weber.mark/weber.swc. Voir aussi Michi Ebata «The Internationalization of the Extreme Right», dans Aurel Braun & Stephen Scheinberg, op. cit. p. 225, et aussi Shermer & Grobman, op. cit., p. 46-47
21. cité par Shermer & Grobman, op. cit., p. 76
22. René Monzat, op. cit., p. 197
23. René Monzat, op. cit., p. 198
24. «Institute for Historical Review», dans Poisoning the Web: Hatred Online, ADL. Voir: http://www.adl.org/poisoning_web/ihr.html
25. Shermer & Grobman, op. cit., p. 76-79
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07/09/2000