1. Le texte déclencheur de Faurisson, «A-t-on lu Rimbaud?» paraît dans le numéro d’automne 1961 de la revue Bizarre. Voir Florent Brayard, Comment l’idée vint à M. Rassinier. Naissance du révisionnisme, Fayard, 1996, p. 422-428. Voir également Nadine Fresco, «Les redresseurs de morts», Les Temps Modernes n° 407, juin 1980. Faurisson ramène toute l’œuvre de Rimbaud à une érotomanie prosaïque, imprégnée de scatologie (Florent Brayard, op. cit., p. 427). Même si Rimbaud a joué parfois, de connotations érotiques (il suffit de penser à Un cœur sous une soutane), on a presque envie de demander: «Qui est obsédé?». 2. Pierre Citron, directeur de l’UER de lettres de la Sorbonne, où il avait Faurisson dans son équipe à la fin des années 60, cité par Valérie Igounet, Histoire du négationnisme en France, Seuil, 2000, p. 200. 3. La soutenance a lieu le 17 juin 1972 devant un jury dont le président est Jacques Robichez, futur président du conseil scientifique du Front National et «Ami de Rivarol» (Valérie Igounet, op. cit., p. 201). 4. Robert Faurisson, A-t-on lu Lautréamont?, Gallimard, 1972. 5. voir note 1. 6. Florent Brayard, op. cit., p. 431-432. 7. Claude Martin, «La vérité sur l’affaire Faurisson», Le Nouvel Observateur, 26 mars-1er avril 1979, p. 111, cité par Valérie Igounet, op. cit., p. 202.

Le «talent» de Faurisson

à propos du travail de Faurisson sur Lautréamont…


Avant de donner dans les falsifications antisémites, Faurisson s’est fait connaître, dans les années 60 et 70, par des scandales littéraires. Car tel était alors son domaine professionnel. Il n’en eût d’ailleurs jamais d’autre. Son premier coup d’éclat fut, en 1961, d’attribuer au sonnet «Voyelles» de Rimbaud un sens exclusivement érotique1. Faurisson avait mis à jour sa première mystification. Sa méthode d’analyse littéraire: étudier les textes «au ras des paquerettes, sans tenir compte aucunement du contexte»2. Les textes ont un sens et un seul, celui que Faurisson leur donne, ou plutôt, leur découvre

Dix ans après Rimbaud, Faurisson s’attaque, à l’occasion d’une thèse de doctorat, aux Chants de Maldoror de Lautréamont (Isidore Ducasse, dit le comte de)3. Là encore, Faurisson prétend découvrir une mystification (ben tiens!). Gallimard le publie4. Si la méthode faurissonienne a fait l’objet de critiques5, son travail récolte quelques lauriers, que même des auteurs qui traitent du négationniste Faurisson rechignent à égratigner. Il n’est plus de bibliographie sur Lautréamont qui ne mentionne l’ouvrage de Faurisson. Il faut cependant remarquer que ces mentions ne sont jamais accompagnées de discussions de la «thèse» faurissonienne. Celle-ci fait des Chants de Maldoror, une «bouffonnerie» rédigée par un «loustic», un «joyeux farceur»6. Tout le monde ne s’est pas extasié. Ainsi, Claude Martin a considéré —; avec une rare lucidité ainsi qu’on le verra plus bas —; que la «thèse» de Faurisson n’était:

«rien d’autre qu’une facile paraphrase, déformante, toute d’a priori, escamotant les vraies difficultés de l’œuvre! Critique… ou prestidigitation!»7

De fait cependant, la «thèse» de Faurisson ne semble pas avoir été sérieusement examinée.

Il était temps qu’elle le fût.

Guy Laflèche est professeur au département des études françaises (Faculté des Arts et des Sciences) de l’Université de Montréal. Titulaire d’un doctorat de lettres modernes de l’Université Paris VIII, il enseigne et publie depuis bientôt 30 ans. Guy Laflèche est un vrai professeur, lui, qui ne se prend pas forcément au sérieux, lui, ce qui ne nuit pas à sa compétence et à la pertinence de son travail.

Or donc, voici que Guy Laflèche a entrepris une étude approfondie et une édition critique des Chants de Maldoror. à cette occasion, il effectue une analyse, pour le coup véritablement démystificatrice, de quelques «Faurissonneries».

Le professeur Laflèche transperce littéralement la baudruche faurissonienne à l’occasion de l’étude des strophes 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14 du chant 1, des strophes 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, du chant 2, des strophes 1, 2, 3, 4, 5 du chant 3, des strophes 1, 2, 3, 4, 6, 7, 8 du chant 4, des strophes 1, 2, 3, 4, 6, 7 du chant 5, et des strophes 1, 2, 3, 4, 6, 7 du chant 6. Nous ne résistons pas au plaisir de citer Guy Laflèche en guise de mise en bouche:

«[La thèse de Faurisson] qui a l’air fort simple est en réalité simpliste et, de là, complètement inexacte. La cause en est qu’elle ne repose sur aucune analyse digne de ce nom. Ne fait pas qui veut la lecture littérale d’un texte poétique.

Premièrement, le commentaire de Robert Faurisson fourmille de contresens et de réductions, comme je l’illustrerai strophe par strophe.

Deuxièmement, le critique confond partout les sens propres et les sens figurés, de sorte qu’il porte à rire en croyant se moquer du texte d’Isidore Ducasse.

Troisièmement, sa lecture porte aussi sur les nerfs parce qu’il s’agit d’une interprétation hors contexte s’appuyant sur ces contresens et lectures au premier degré. Une interprétation qui serait simplement comique si elle n’était désolante, puisqu’on trouve toute la «pensée» de Robert Faurisson, sans plus de profondeur que de hauteur.

Quatrièmement, on aurait pu commencer et finir par là, le critique ne sait pas mieux écrire et rédiger que penser, lorsqu’il «pense», accumulant les redites. Car non seulement il se répète continuellement, chaque phrase reprenant la moitié de la précédente, mais il tente de répéter le texte d’Isidore Ducasse qu’il commente de cette manière répétitive, ce qu’il fait, au mieux, lorsqu’il ne le trahit pas. Mais jamais d’aucune manière il ne l’éclaire ou ne l’analyse.» […]

Cinquièmement, nous ne trouvons, page après page, qu’une critique normative au service d’une thèse insoutenable. Or la thèse construit un «auteur» entièrement réalisée par les idées et opinions issues de cette critique normative. Il suit que la baudruche ne pèse pas lourd: elle est remplie des idées de Robert Faurisson, celles qu’il prête à l’auteur, au narrateur et à son héros, et qu’il projette dans l’œuvre ligne après ligne, mais qui évidemment ne s’y trouvent nulle part, tant elles sont les siennes, des faurissonneries.

Avec ces cinq bonnes raisons, je pense qu’on est tout à fait justifié, comme on le fait en général, de ne jamais tenir le moindrement compte de cet ouvrage de marmiton qui étale à toutes pages (comme à toutes voiles), de manière intempestive, un savoir mal assimilé et une culture on ne peut plus étale. L’esprit ne souffle pas fort ici, de sorte que la thèse ne va pas très loin, comme c’est le cas précisément des «travaux» de nos messieurs Prudhomme, Petit-Jos connaissant mais toujours Gros-Jean comme devant.

Toutefois, puisque le présent travail porte sur l’établissement du texte et son analyse littérale, j’ai pensé qu’il était de l’ordre de l’éducation civique, pour tout le monde des lettres, de discréditer une fois pour toutes ce torchon.»

Ouïlle!

Cela se trouve là: https://web.archive.org/web/20131025042411/http://singulier.info/ma/st101.html#ptf

Nous ne pouvons qu’encourager le lecteur à lire l’œuvre de Lautréamont, puis les analyses de Guy Laflèche. On savait déjà que Faurisson faisait dans la bouffonnerie historique. On saura désormais que cela faisait longtemps qu’il faisait dans la bouffonnerie littéraire.

Le point d’entrée de l’étude des Chants de Maldoror par le professeur Guy Laflèche se trouve là: http://singulier.info/ma/

Ceux qui s’intéressent aux autres travaux de Guy Laflèche iront voir là: http://singulier.info/

Il faut relever que Guy Laflèche ne livre sa charge contre la «thèse» de Robert Faurisson que pour ses très graves défauts, tant sur le fond que sur la méthode, en matière de critique littéraire et n’est nullement motivé par une quelconque hostilité au négationnisme de Faurisson. Non seulement Guy Laflèche n’accorde aucune importance au négationnisme de Faurisson, qu’il considère comme absolument véniel et sans la moindre capacité de nuisance, mais, dans un texte écrit à l’occasion du décès de Robert Faurisson, il réserve ses attaques, pour le coup, à notre propre projet de lutte contre le négationnisme (qu’il ne cite pas, mais qu’il est facile d’identifier), au point qu’il a choisi de modifier le paragraphe que nous citons, dans lequel il qualifiait de «torchon» la production de Faurisson sur Lautréamont. Guy Laflèche ne peut, toutefois, s’empêcher de conclure ce texte en réaffirmant que «la valeur [de A-t-on lu Lautréamont? est] nulle!»… Il y a à la fois une étrange cécité — qui semble cependant découler d’une ignorance absolue du sujet (par exemple: contrairement à ce qu’affirme Guy Laflèche, jamais Faurisson n’a nié l’existence des camps de concentration) — chez Guy Laflèche à considérer le négationnisme de Faurisson comme bénin, à ne pas vouloir voir le lien irréfutable entre sa méthode littéraire et son négationnisme et à affirmer qu’il aurait pu faire changer Faurisson d’avis sur Lautréamont: cette dernière utopie exprimée par Guy Laflèche montre que, s’il a parfaitement compris la nullité de Faurisson, il n’a rien compris à Faurisson. Cela rend sa critique d’autant plus intéressante.

       

Notes.

1. Le texte déclencheur de Faurisson, «A-t-on lu Rimbaud?» paraît dans le numéro d’automne 1961 de la revue Bizarre. Voir Florent Brayard, Comment l’idée vint à M. Rassinier. Naissance du révisionnisme, Fayard, 1996, p. 422-428. Voir également Nadine Fresco, «Les redresseurs de morts», Les Temps Modernes n° 407, juin 1980 (sur le web: http://www.anti-rev.org/textes/Fresco80a/). Faurisson ramène toute l’œuvre de Rimbaud à une érotomanie prosaïque, imprégnée de scatologie (Florent Brayard, op. cit., p. 427). Même si Rimbaud a joué parfois, de connotations érotiques (il suffit de penser à Un cœur sous une soutane), on a presque envie de demander: «Qui est obsédé?».

2. Pierre Citron, directeur de l’UER de lettres de la Sorbonne, où il avait Faurisson dans son équipe à la fin des années 60, cité par Valérie Igounet, Histoire du négationnisme en France, Seuil, 2000, p. 200.

3. La soutenance a lieu le 17 juin 1972 devant un jury dont le président est Jacques Robichez, futur président du conseil scientifique du Front National et «Ami de Rivarol» (Valérie Igounet, op. cit., p. 201).

4. Robert Faurisson, A-t-on lu Lautréamont?, Gallimard, 1972.

5. voir note 1.

6. Florent Brayard, op. cit., p. 431-432.

7. Claude Martin, «La vérité sur l’affaire Faurisson», Le Nouvel Observateur, 26 mars-1er avril 1979, p. 111, cité par Valérie Igounet, op. cit., p. 202.
 

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