La négation du massacre
d’Oradour-sur-Glane
Présentation généralehuit décennies de mise en scène… nazie
Nicolas Bernard
Oradour, 10 juin 1944, un massacre nazi et sa négation
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- Pendant la guerre, un négationnisme terroriste: la propagande du Troisième Reich, matrice des discours négateurs du massacre
Oradour: une pédagogie de la terreur — Des éléments de langage maîtrisés de longue date — Sous le nazisme: un «langage codé» servant à légitimer le crime — La lutte contre «les bandes»: des massacres camouflés en opérations militaires — Oradour, «capitale du maquis» — Dans les jours qui suivent le massacre: propagation de l’écran de fumée — Une propagande peu convaincante — Une «enquête» allemande réduite à sa plus simple expression- Après la guerre, un négationnisme intéressé: une « révision » partielle du massacre par une clique d’anciens officiers de la division « Das Reich », pour les besoins de leur défense et de leur réputation
Après la guerre: l’Allemagne en procès — La dénazification manquée — Les anciens Waffen SS s’efforcent de nier leurs crimes — Les premiers négateurs d’Oradour après la guerre: les anciens cadres de la division «Das Reich» — Des contradictions flagrantes d’un «récit» à l’autre — Le «rapport Stückler» (1949): une négation élargie du massacre — Herbert Taege s’invite dans le négationnisme visant le massacre d’Oradour-sur-Glane — La stratégie des vétérans SS: privilégier une «négation minimale» du massacre — Un négationnisme réfuté par d’autres SS — Une propagande inlassablement répétée… — …et qui va jusqu’à instrumentaliser des Français- D’Herbert Taege à Vincent Reynouard, un négationnisme idéologique: une négation radicale du massacre, servant une apologie du nazisme
Préambule (par PHDN)
La présente page dresse l’histoire des négations du massacre d’Oradour depuis sa commission jusqu’à nos jours, des acteurs mêmes du massacre jusqu’à des militants néo-nazis français, en passant par des nazis allemands, des nostalgiques et des autonomistes alsaciens. Ces discours ont pris des formes très diverses, changeantes, contradictoires et se sont transmis et transformés selon des trajectoires particulières qu’il convient de décrire car elles ont une influence sur le contenu et la nature des discours négationnistes sur Oradour. Connaître ces acteurs et ces trajectoires permet déjà de comprendre pourquoi ce sont des discours mensongers.
Introduction
Le 10 juin 1944, en début d’après-midi, un groupement motorisé comprenant plus d’une centaine de Waffen SS investit un village situé à l’ouest de Limoges, Oradour-sur-Glane. Ces hommes appartiennent à la 3e compagnie du 1er bataillon du régiment «Der Führer» de la 2e SS Panzer-Division «Das Reich», commandée par le général Lammerding. Ils ont tôt fait d’encercler le bourg et, brutalement, de l’isoler du monde extérieur. Quand ils ne sont pas abattus alentours, hommes, femmes et enfants sont réunis sur le champ de foire, à proximité de l’église. Les premiers sont conduits dans des granges et des garages, où ils sont exécutés en masse, à la mitrailleuse, au fusil, au pistolet; les corps sont ensuite livrés aux flammes, et ceux qui ont survécu aux balles périssent brûlés vifs. Femmes et enfants, eux, sont parqués dans l’église: les SS y introduisent une caisse, qui, à la suite d’une détonation, émet une fumée asphyxiante; prise de panique, la foule tente de gagner les sorties de l’édifice religieux, mais les SS abattent tout le monde, par balles et par lancers de grenades, avant de brûler les corps. Ils tentent sans succès de faire exploser le lieu saint, mais parviennent à l’incendier. Le village est livré au pillage, et entièrement incendié. On dénombrera 643 victimes, hommes, femmes, et enfants.
Cette atrocité occupe une place majeure dans la mémoire française et même internationale de la Seconde Guerre mondiale, au point d’avoir été érigée, selon le mot du Général de Gaulle le 4 mars 1945, au rang de «symbole des malheurs de la patrie»1. Une postérité qui procède de plusieurs facteurs:
- la monstruosité absolue de l’événement, où périssent sous les balles et par le feu toute une communauté d’hommes, de femmes et d’enfants;
- son unicité en France, aucun autre lieu n’ayant subi un tel sort, puisque seul s’en rapproche le cas du village de Maillé, en Touraine, où les Allemands, le 25 août 1944, ont détruit presque toutes les maisons et assassiné 124 de ses 500 villageois – mais précisément, ils n’y ont pas exécuté la totalité des habitants;
- enfin, le rôle actif des acteurs locaux (municipalité, association nationale des familles des martyrs d’Oradour-sur-Glane, rescapés) et de l’Etat dans la perpétuation du souvenir, notamment par la préservation des ruines et son inscription dans le verdict rendu en 1946 par le Tribunal militaire international de Nuremberg2.
Pierre Vidal-Naquet disait de la Shoah qu’elle avait attiré, «par sa nature même, les pervers. L’événement a été nié en même temps qu’il se produisait, négation intéressée ou négation idéologique.»3 Il en est de même pour Oradour: contrepartie de sa notoriété, l’extermination a été niée par les nazis dès le jour même de sa réalisation. Un tel habillage n’a rien d’exceptionnel, il est même inhérent aux meurtres de masse: pareille propagande vise à innocenter les criminels, donc à nier le crime et/ou prétendre que les victimes ont mérité leur sort – donc sont elles-mêmes criminelles. De la sorte, les véritables bourreaux espèrent ne pas donner prise à la propagande adverse, voire échapper à des poursuites judiciaires.
Un tel camouflage, en temps de guerre, servait la propagande nazie: il donnait sens au massacre, destiné à terroriser les Français, tout au moins la région du Sud-Ouest, où la Résistance avait multiplié ses coups dans la foulée du débarquement allié du 6 juin 1944. Après la guerre, la négation évolue, non pas tant dans son objet que dans sa finalité: déployée par d’anciens cadres SS de la division «Das Reich», elle vise essentiellement à les protéger des poursuites et à faciliter leur réintégration dans la société civile en Allemagne de l’Ouest. Jusqu’à inspirer, à partir des années 1970, un négationnisme encore plus avoué, radical et idéologique, de la part de militants pro- ou néo-nazis, parfois anciens SS (l’Allemand Herbert Taege, le Belge Pierre Moreau), une frange d’extrémistes de droite alsaciens, jusqu’à un zélateur français d’Adolf Hitler, Vincent Reynouard, par ailleurs délinquant récidiviste; en l’espèce, il ne s’agit plus seulement de réhabiliter des vétérans SS, mais le Troisième Reich dans son ensemble, en s’attaquant à l’un des symboles les plus célèbres des crimes nazis
La négation, qui perdure depuis huit décennies, a ainsi pris des formes variées, qui parfois se confondent: la justification (le massacre correspondrait à des représailles, en «réponse» aux agissements du «maquis»), la négation partielle, dite «minimale» (l’extermination serait l’œuvre d’un officier SS, le SS-Sturmbannführer Adolf Diekmann, qui aurait outrepassé les consignes, et/ou la mort des femmes découlerait d’un accident, soit à cause d’un incendie incontrôlable, soit à cause de munitions prétendument entreposées par le maquis dans l’église), la négation pure et simple, dite «maximale» (il n’y aurait pas eu massacre, mais affrontement entre «le maquis» et les SS, et la mort des femmes et des enfants ne serait qu’un «dommage collatéral», regrettable certes mais assimilable à un banal fait de guerre). Ces variations n’en reposent pas moins sur trois piliers: l’exécution des hommes était justifiée, les SS ne sauraient être responsables du massacre des femmes et des enfants (tout au plus un excès de zèle de Diekmann), et cette «tragédie» serait exclusivement imputable, directement ou indirectement, au «maquis», jamais défini mais assimilé à un vague conglomérat de fanatiques malfrats communistes, français et étrangers.
Pareilles allégations épousent la propagande allemande en temps de guerre. Elles n’ont rien d’une démarche scientifique, rien même, comme il l’est dit parfois, du «point de vue allemand» sur le massacre, mais tout d’une escroquerie intellectuelle, une somme ahurissante de falsifications et de dénaturations, de «recherches» bâclées et d’omissions sélectives, d’«hypothèses» délirantes et d’affirmations contradictoires, au service d’une entreprise nullement dissimulée de réhabilitation du nazisme et/ou des Waffen SS. En 1997, l’un de ces propagandistes, Vincent Reynouard, avait sous-titré son premier opuscule niant le massacre, Un demi-siècle de mise en scène: en vérité, si mise en scène il y a depuis 1944, elle est bel et bien nazie.
I. Pendant la guerre, un négationnisme terroriste: la propagande du Troisième Reich, matrice des discours négateurs du massacre
Le massacre d’Oradour-sur-Glane répond à une finalité terroriste, censée dissuader les Français de rejoindre le maquis. Comme l’écrira l’historien François Delpla, «c’est la tentation du passage à la Résistance qui est ici réprimée, et non ce passage»4. L’occupant nazi s’acharne donc, y compris dans ses rapports à usage interne, à nier sa culpabilité, ce qui suppose de peindre Oradour, village dépourvu de maquis, en forteresse de la Résistance. Négation et justification, sans souci de cohérence, font ici bon ménage.
Oradour: une pédagogie de la terreur
Le massacre d’Oradour-sur-Glane par les nazis vise à terroriser la France, notamment le sud du pays, théâtre d’intense activité maquisarde. Pour le Troisième Reich, en effet, il est vital de rejeter à la mer les Alliés qui viennent de débarquer en Normandie, le 6 juin 1944; dès lors, il importe de ramener, sur ce nouveau front, le maximum d’effectifs, notamment blindés; pas question, à ce titre, de laisser la France s’insurger, ce qui paralyserait l’acheminement des renforts et faciliterait une percée anglo-saxonne.
Il faut donc, pour l’occupant, terroriser, sidérer les Français. Le massacre d’Oradour vise à faire passer ce message: nul n’est à l’abri, chacun peut être exécuté et incinéré, qui plus est avec la totalité de ses proches, la totalité même de sa communauté locale. Bref, selon que vous serez puissant ou misérable, les sanctions du nazisme vous font – tous – disparaître, pour peu que vous songiez à entrer en résistance.
Mais une telle atrocité ne doit pas se retourner contre le Reich, en excitant chez les Français une haine qui les jetterait dans les bras des «terroristes». Dès lors, le massacre n’est que le premier acte d’une «pédagogie de la terreur», destinée à étouffer dans l’œuf toute insurrection. C’est pourquoi les SS et la propagande allemande se livrent à une falsification de la réalité, destinée à justifier le carnage, donc à innocenter l’occupant – ce qui implique d’accabler, à l’inverse, la Résistance. De la sorte, les nazis cherchent aussi à éviter de nourrir la propagande ennemie, et à échapper, en cas de défaite, à des poursuites pour crimes de guerre.
L’Allemagne cherche également à donner corps aux avertissements du régime de Vichy à la population française. «Français, n’aggravez pas vos malheurs par des actes qui risqueraient d’appeler sur vous de tragiques représailles, avait proclamé le Maréchal Pétain le 6 juin 1944. Ce serait d’innocentes populations françaises qui, cherchant à exploiter notre détresse, conduiraient le pays au désastre. La France ne se sauvera qu’en observant la discipline la plus rigoureuse. Obéissez donc aux ordres du gouvernement. Que chacun reste face à son devoir.»5 Une allocution complétée, le même jour, par Pierre Laval: «Nous ne sommes pas dans la guerre, vous ne devez prendre aucune part au combat; si vous n’observiez pas cette règle, si vous faisiez preuve d’indiscipline, vous provoqueriez des représailles dont le gouvernement serait alors impuissant à atténuer les rigueurs, vous souffririez dans vos personnes et dans vos biens et vous ajouteriez aux malheurs de notre pays.»6
Il est essentiel, dans cette logique, de présenter Oradour comme un village exterminé à cause de la Résistance. Les Allemands s’emploient ainsi à diffuser plusieurs «bobards de guerre» souvent contradictoires, mais qui reviennent tous à nier l’innocence des victimes. Le massacre n’est pas assumé comme un crime de guerre, mais est déguisé en fait de guerre, en acte de guerre, justifié par les lois et coutumes de la guerre. Bref, comme dit la chanson, «cet animal est très méchant, quand on l’attaque il se défend.»7 Ou, comme l’indiquera le commissaire du gouvernement dans ses réquisitions au procès de Bordeaux, «une fois de plus, Messieurs, c’est l’agneau qui avait commencé»…8
Insistons sur ce point: il ne s’agit pas seulement, chez l’occupant, de se justifier, de camoufler sa culpabilité, mais d’accréditer sa propagande terroriste. En présentant les victimes comme coupables, on expose au reste de la population ce qui attend si elle fait ne serait-ce que mine de «nous regarder de travers»9. En lui donnant sens, la désinformation est ainsi consubstantielle à la mise à mort. Le négationnisme est bel et bien une continuation du massacre.
Des éléments de langage maîtrisés de longue date
Crayonner un crime de guerre en acte de guerre, cette phraséologie n’est pas neuve, loin s’en faut. Elle est même bien rodée. Et, sur ce point, les nazis n’inventent pas tout.
Pareil maquillage, en effet, se retrouve chez bien des grandes puissances. Il répond à l’émergence du Droit international humanitaire, né de la philosophie des Lumières au XVIIIe siècle, selon laquelle les hommes sont titulaires de droits naturels et inaliénables. C’est ainsi qu’après la naissance, en 1863, du Comité international de secours aux soldats blessés (futur Comité international de la Croix-Rouge), les grandes puissances, dont l’Allemagne, s’engagent à améliorer le sort des militaires et des civils en temps de conflit, en adhérant aux conventions de La Haye du 29 juillet 1899 et du 18 octobre 1907, ultérieurement complétées par la convention de Genève du 27 juillet 1929 sur le traitement des prisonniers de guerre (ratifiée par l’Allemagne nazie en 1934).
Ne surestimons pas ce progrès juridique. Les grandes puissances, en effet, n’hésitent pas à adapter leurs pratiques et leur vocabulaire pour prétendre respecter ces conventions internationales. Notamment lors de la colonisation, les armées se réclament d’une entreprise de «pacification», c’est-à-dire qu’elles guerroient pour des principes humanitaires, une «mission civilisatrice»10: elles ne s’attaqueraient point aux habitants, qu’elles chercheraient à protéger, mais à des insoumis, des rebelles, des fauteurs de troubles, ce qui tient davantage du discours de «relations publiques» que de la réalité, lourde de massacres11.
La naissance des camps de concentration, à la charnière des XIXe et XXe siècles, en procède: que ce soit pendant la répression de l’insurrection cubaine par l’Espagne (1895-1898), la guerre des Etats-Unis contre les Philippines (1899-1902) ou celle menée par les Britanniques contre les Boers d’Afrique du Sud (1899-1902), le regroupement et l’internement des civils sur des sites spécialement dévolus à cette fin obéit à la volonté de couper la guérilla de son soutien populaire – au prétexte de mettre à l’abri ladite population12.
L’Allemagne impériale élabore semblables subterfuges pour justifier ses propres atrocités. Que ce soit lors de la guerre franco-allemande de 1870-187113, lors d’une expédition conduite en Chine pour y écraser la «révolte des Boxeurs» en 190014, ou lorsqu’elle envahit la Belgique et le nord de la France en 191415, au début de la Première Guerre mondiale, l’armée allemande considère, à partir d’incidents isolés, toute la population civile comme un ennemi potentiel et exerce de sanglantes représailles, notamment des exécutions massives d’otages et de villageois, doublés d’incendies d’immeubles, voire de localités (villes et villages) au nom d’un principe de responsabilité ou de complicité collective. De 1904 à 1908, ce sont même de véritables guerres d’extermination qui sont livrées aux insurgés Maji-Maji dans le Sud-Est africain allemand (Tanzanie), et contre les Herero et les Nama dans la colonie allemande du Sud-Ouest africain (Namibie). Les morts s’y comptent par dizaines de milliers: de 75 000 à 300 000 lors de la répression contre les Maji-Maji; 60 000 à 80 000 chez les Herero et les Nama, c’est à dire deux tiers à trois quarts Herero et la moitié des Nama. Des meurtres de masse qui s’étendent aux femmes et aux enfants, et revêtent, contre les Herero et les Nama, une dimension génocidaire16.
Des excuses, qui tiennent à la fois du fantasme et de la propagande, sont vite trouvées, identiques d’un continent à l’autre. La meilleure défense reste encore l’attaque: herero ou belges, les civils, femmes et enfants inclus, auraient fait preuve d’une même fourberie, d’une semblable cruauté, espionnant les Allemands, leur tirant dans le dos, prenant plaisir à mutiler les soldats blessés. Ces prétextes et ces dénégations, malgré quelques prises de parole isolées, perdureront sous la République de Weimar17. L’armée austro-hongroise, d’où seront issus, après l’Anschluss de 1938, plusieurs cadres de la Wehrmacht, n’est pas en reste: lors de l’occupation de la Bosnie-Herzégovine à partir de 1878, notamment, elle réprime dans le sang plusieurs insurrections, ce qui l’amène à expliquer l’incendie de villages par la présence de munitions qui explosaient dans les maisons18…
Sous le nazisme: un «langage codé» servant à légitimer le crime
Les nazis corrompent tout ce qu’ils touchent, y compris le langage, transformé en expression «misérable», «pauvre et monotone», comme l’exposait Victor Klemperer, car le Reich s’efforce «par tous les moyens de faire perdre à l’individu son essence individuelle, d’anesthésier sa personnalité, de le transformer en tête de bétail, sans pensée ni volonté, dans un troupeau mené dans une certaine direction et traqué, de faire de lui un atome dans un bloc de pierre qui roule.»19
Dans cette nouvelle réalité, les mots perdent leur sens, deviennent codés pour aseptiser le meurtre, surtout le meurtre de masse. Dans ce «novlangue», le génocide devient une «solution finale», une «émigration», une «transplantation», et la mort par gazage n’est autre qu’un «traitement spécial»20. Entre autres concepts vidés de sa substance, l’héroïsme, comme le déplore Klemperer:
«Ce que je reproche au concept de héros nazi, c’est justement le fait qu’il soit constamment attaché à l’effet décoratif, c’est son côté fanfaron. Le nazisme n’a officiellement connu aucun héroïsme décent et authentique. […] Non, les années hitlériennes n’ont vraiment pas manqué d’héroïsme, mais dans l’hitlérisme proprement dit, dans la communauté des hitlériens, n’existait qu’un héroïsme corrompu, caricatural et empoisonné; on pense aux coupes ostentatoires, au cliquetis des décorations, on pense à l’emphase des discours encenseurs, on pense aux meurtres impitoyables…»21La vision allemande de la guerre des partisans n’y échappe pas: premièrement, les Résistants sont des terroristes qui se fondent dans la masse, ils ne méritent pas la protection des conventions internationales; en second lieu, la population civile peut être sanctionnée en application d’un principe de responsabilité collective, ce qui la transforme ipso facto en complice de terroriste, donc en ennemi, ce qui légitime l’internement des civils, l’incendie de leurs maisons voire leur mise à mort; l’armée allemande, elle, se dépeint en force qui mène campagne, tue des «ennemis», anéantit des «bandes».
La propagande nazie s’inspire fortement des «éléments de langage» imaginés sous l’Allemagne wilhelmienne pour légitimer l’incendie d’habitations et le meurtre de civils, femmes et enfants inclus. Ainsi, au printemps 1941, lors de la conquête de l’île de Crète, elle défend la destruction de villages crétois par des soldats-parachutistes allemands en inventant de prétendues atrocités (incluant des mutilations) qu’auraient commises les habitants22. De même la Shoah est-elle maquillée en opération de maintien de l’ordre. Le 18 décembre 1941, Hitler lui-même donne le ton à Himmler, lequel consigne ensuite dans son agenda: «Question juive / à exterminer comme partisans»23. Les forces chargées du maintien de l’ordre à l’Est, Wehrmacht ou SS, font également diffuser le mot suivant: «Où est le partisan, se trouve le Juif, et où est le Juif, se trouve le partisan»24.
La lutte contre «les bandes»: des massacres camouflés en opérations militaires
Par extension, l’extermination de bourgades entières à l’Est, dans les Balkans, puis en Italie, apparaît souvent «justifiée» comme suit: des terroristes auraient tiré sur des soldats allemands, si bien qu’il faut nettoyer leur repaire, lequel est prétendument truffé de munitions qui, en explosant, achèvent de détruire le village. Dès 1941, alors que l’Allemagne envahit l’URSS, elle y applique le concept de Partisanendorf, «village partisan», au sein duquel toute la population est considérée comme résistante, ce qui peut conduire, selon ce que décide le commandant sur le terrain, à son éradication25. Citons, à titre d’exemple, le «journal de guerre» de la 281e division allemande de sécurité, affectée en Russie, en date du 15 janvier 1943:
«Les localités de Tserkovje, Pischuli et Tomssino sont prises et incendiées en qualité de bases de partisans. De nombreuses munitions ont explosé dans les maisons. Pertes ennemies: 26 morts, 1 blessé. Pertes propres: 1 mort, 3 blessés. Butin: 10 fusils, 1 sac de munitions, 4 chevaux.»26Le massacre du village grec de Comméno (317 personnes assassinées, dont 74 enfants de moins de 10 ans), le 16 août 1943, est lui aussi «réécrit»: des «terroristes» grecs auraient tiré sur des soldats allemands, si bien qu’il fallait nettoyer leur repaire; quant aux civils, ils sont assimilés à des à des «ennemis», sachant que la localité aurait été prétendument saturée de munitions adverses27. Mêmes fadaises lorsqu’il est question de légitimer le massacre du village macédonien de Klisoura, le 5 avril 1944 par un détachement de la 4e division SS «Polizei-Panzergrenadier», à la suite d’une embuscade tendue par l’ELAS, la Résistance communiste grecque, et ayant causé la mort de deux ou trois soldats: les «terroristes» les auraient mutilés (une accusation non établie à ce jour), le village aurait été peuplé de maquisards lourdement armés, la population civile leur aurait offert sa complicité, et en toute hypothèse les pires exactions auraient été commises par les miliciens bulgares28… L’anéantissement du village grec de Distomo (218 victimes, dont 53 enfants de moins de 16 ans – la plus jeune avait deux mois), le 10 juin 1944, le même jour qu’Oradour, donne lieu à semblables falsifications: le commandant SS allègue dans son rapport que ses hommes auraient essuyé des tirs «de mortier, de mitrailleuses et de fusils29» en provenance du village, ce que démentira malheureusement un agent de la Geheime Feldpolizei (la «police secrète de campagne»)30…
En Italie, occupée depuis 1943, les Allemands élaborent des «bobards» identiques. Pour justifier l’assassinat de 24 civils italiens à Boves le 19 septembre 1943, la 1re division blindée SS «Leibstandarte Adof Hitler» prétend que, deux de ses membres ayant été capturés par les partisans,
«une compagnie renforcée a pu libérer les hommes après avoir brisé la résistance à Boves (au sud- ouest de Cuneo) et sur la route de Castellar. La population de Boves avait fui vers les montagnes, emportant avec elle des armes légères et des grenades à main. Les bases de ravitaillement des bandits de Boves et de Castellar sont incendiées. Des munitions ont explosé dans presque toutes les maisons en flammes. Certains bandits ont été abattus.»31De même, le massacre de Marzabotto, postérieur à Oradour, se verra réduit par les Waffen SS à une succession de «violents combats», toutes les maisons ayant été transformées en forteresses par les «bandits»: sept soldats allemands et 718 «ennemis» seront tués dans ces «échanges de tirs très durs» avec «une brigade de gangsters communistes fanatiques»32! La presse fasciste italienne, tout en menaçant la population des pires atrocités (incendies de localités qui soutiennent les partisans, destruction des maisons, pendaisons publiques), fustigera les «rumeurs macabres» venant de Marzabotto33. Et lorsque le Préfet local partira aux nouvelles, il sera informé que la localité aurait fait l’objet d’une «rafle ordinaire» et que des partisans auraient été tués, mais qu’une enquête sera ouverte34…
Même désinformation en France. Ainsi, dans la nuit du 1er au 2 avril 1944, la 12e division blindée SS «Hitlerjugend» massacre 86 otages, des hommes âgés de 15 à 74 ans, à Ascq, dans le Nord, à la suite d’un sabotage bénin d’un convoi ferroviaire par la Résistance. Vichy ayant protesté35, SS et Wehrmacht font d’abord croire qu’une bataille a opposé la Résistance aux SS, au cours de laquelle auraient péri des habitants36, puis on imagine que les fusillés, en réalité des otages raflés par les SS, seraient, pour une large part, membres de la Résistance37 si bien que, le 3 mai 1944, près d’un mois après la protestation de Vichy, le Maréchal von Rundstedt, commandant en chef des forces allemandes à l’Ouest, n’a plus qu’à indiquer à l’Etat français que «la population d’Ascq porte la responsabilité des suites de sa conduite traîtresse que je ne puis que fortement condamner»38.
Fait à noter, de tels «bobards» ne sont pas seulement adressés aux services de propagande. Ils figurent également dans des rapports à usage interne. Le camouflage, en l’occurrence, répond à une mesure de prudence élémentaire: il faut éviter que l’ennemi, en prenant connaissance de tels documents, soit en les saisissant, soit grâce aux interceptations radio, les exploite pour les besoins de sa propagande. Ainsi, le 13 septembre 1941, le général SS et chef de la «police d’ordre» Kurt Daluege avait prescrit aux unités chargées d’exterminer les Juifs soviétiques de cesser de communiquer par radio leurs renseignements relatifs aux exécutions39; à la suite de quoi, les services de renseignements britanniques, qui interceptaient les messages desdites unités, avaient noté que
«depuis le 14 [septembre 1941], les rapports de situation comportent désormais cette phrase énigmatique “Action conforme à l’usage de la guerre”, sous la rubrique qui incluait antérieurement les chiffres des exécutions. S’il y avait quelque doute sur le sens de cette phrase, il serait dissipé par un lapsus du chef suprême de la SS et de la police sud qui, dans son rapport de situation du jour précédant l’ordre du général [Daluege], dit: […] Régiment de police sud; action conforme aux usages de la guerre, (3) Succès; le régiment de police sud liquide 1 548 Juifs.»40Oradour, «capitale du maquis»
Civils fourbes, terroristes, membres d’un «village partisan», Allemands tués voire mutilés… Pareils prétextes semblent élaborés au sein de la «Das Reich» en amont de l’extermination d’Oradour, transformé à son tour en Partisanendorf, «village partisan». A ce titre, un épisode antérieur au massacre est monté en épingle. Dans la soirée du 9 juin 1944, en effet, un groupe de Francs-Tireurs-Partisans (FTP) capture un officier supérieur de la division, le SS-Sturmbannführer Helmut Kämpfe, chef du 3e bataillon du régiment «Der Führer», alors qu’il vient de quitter Janaillat après des exécutions de maquisards, et se rend seul en voiture vers le quartier-général de la «Das Reich», à Limoges41. En réaction à ce coup dur, l’état-major de la division va jusqu’à libérer un Résistant, Fernand Laudoueineix, pour qu’il leur serve d’intermédiaire avec «le chef des terroristes»: cinquante Résistants seront relâchés en échange de Kämpfe libéré sain et sauf42.
Des soldats de cette division affirmeront, après la guerre, qu’ils étaient venus à Oradour soit pour retrouver Helmut Kämpfe43, soit pour faire payer sa disparition à la Résistance44. Un «bobard» également proféré à l’attention d’habitants du village. L’une d’entre elles témoignera qu’un Allemand lui aurait indiqué, alors que le village brûlait: «Officier supérieur. Grande Croix de Fer, tué dans région par terroristes.»45 Parfois, les SS lâchent: «On a tué un des nôtres, alors vous comprenez»46. D’après le témoignage d’un collaborateur au service de la police allemande, ce prétexte semble avoir été communiqué à la Sipo-SD le jour-même du massacre, qualifié de représailles47.
D’autres «explications» sont produites par les SS, notamment aux passagers d’un tramway arrivant à Oradour dans la soirée. Une passagère, Marie Gauthier, précisera qu’«un Allemand qui se trouvait à nos côtés nous fit voir Oradour qui brûlait et prononça le simple mot: terroristes.»48 Une autre, Louise Compain, relatera que des Allemands «nous ont répondu qu’il avait été découvert un dépôt de munitions américaines et des terroristes.»49 Une autre encore, Camille Senon, fait état d’un prétexte identique, précisant avoir entendu un Allemand déclarer que des habitants d’Oradour auraient tiré sur les occupants50; un SS lui a même montré une grenade, prétendant que ses camarades en avaient trouvé «dans toutes les maisons»51. L’allégation, proférée à destination de civils alentours52, circule également entre SS53. Lesquels transforment Oradour en «capitale du maquis»54!
Mais il y a plus. Au soir du massacre, relatera l’officier SS Heinz Barth,
«avant qu’on nous donne l’ordre du départ, tous les chefs de sections et de groupes, y compris le chef de compagnie furent instruits du fait qu’il y avait dans le village des maquisards et qu’on en était venu à des combats avec eux. Le village en avait été affecté et des tirs avaient incendié des maisons et tué des habitants. Il fallait transmettre cette version aux hommes si jamais d’autres les questionnaient. Il fallait ainsi maquiller et dissimuler une opération de fouille comme ayant dégénéré en mesure de représailles et de rétorsion. Vu tout au moins d’aujourd’hui et pour un certain temps. Dans quelle mesure les soldats s’y sont tenus, je ne peux pas le dire.»55C’est pourquoi, le lendemain du massacre d’Oradour, le premier rapport d’activité expédié par ses auteurs se limite à indiquer: «Après perquisition de la localité, celle-ci a été incendiée. Presque dans chaque maison étaient entreposées des munitions. […] Bilan: 548 morts ennemis, deux des nôtres blessés.»56 Ou comment réduire une atrocité de masse à une simple bataille, quitte à prétendre frauduleusement que le village était rempli de munitions. Le même jour, l’état-major de liaison no 588, à Clermont-Ferrand, note qu’Oradour a été «réduite en cendres», sans autre précision57.
Ces euphémismes imprègnent d’autres documents allemands contemporains à usage interne, tel qu’un rapport de situation du 19e régiment de police SS pour la période du 16 mai au 14 juin 1944: «Une action passagère de la Panzerdivision Das Reich à Limoges et dans les environs a fait une impression visible sur la population.»58 La version négationniste de l’extermination est née: elle sera reprise, plus tard, par les négateurs Herbert Taege, Pierre Moreau et Vincent Reynouard.
Dans les jours qui suivent le massacre: propagation de l’écran de fumée
Les jours suivants, alors que les détails du drame commencent à être connus de la population, la propagande renchérit: non seulement des munitions se trouvaient dans le village, mais les SS, en entrant à Oradour, y auraient été accueillis «par des coups de feu, tuant un soldat et en blessant un autre», si bien qu’ils n’auraient eu d’autre choix que de fusiller la population masculine en guise d’otages. «Les femmes et les enfants avaient été rassemblées par la troupe dans l’église pour leur sécurité. Sous l’église, les terroristes ont placé un dépôt d’explosifs et de munitions qui a pris feu pendant les combats et a déterminé une explosion qui a détruit l’église.»59
Parfois, l’occupant admet la matérialité du massacre. Mais du bout des lèvres, et pour mieux le justifier. Après s’être rendu sur les lieux du crime le 13 juin 1944, le Préfet régional de Vichy, Marc Freund-Valade, est informé par un représentant de la Sipo-SD que le drame résulterait d’une «expédition punitive» fomentée par un officier allemand capturé et «molesté» à Oradour – et qui, par bonheur, aurait réussi à s’évader60. L’allégation selon laquelle ce massacre découlerait d’une initiative isolée – mais légitime – d’un officier SS est également propagée à l’attention de la presse française par le responsable allemand de la censure militaire le 19 juin 1944:
«J’ai, Messieurs, à vous parler d’une chose qui me tient à cœur. Il s’agit de l’affaire d’Oradour. On en fait déjà beaucoup d’histoires.
Bien entendu, nous n’excusons pas ce qui s’est passé, et le ou les officiers de ce régiment seront punis, s’ils ne l’ont pas déjà été.
La troupe allemande n’est pas allée là-bas au hasard.
C’était un bourg plein de maquis, un asile du maquis. La veille et le matin même on avait tiré sur des voitures d’officiers allemands. Les Allemands étaient donc en état de légitime défense.
En ce qui concerne ce qui s’est passé à l’église, où les femmes et les enfants avaient été envoyés pour y être mis en sécurité, nous ne comprenons pas ce qui est arrivé, nous essayons de le savoir!…
Puis, une pause dans la conversation, et M. Sahm sans un mot de regret pour les suppliciés, ajouta avec cynisme:
Après tout, Messieurs, il y a davantage de femmes et d’enfants victimes des bombes anglaises qu’à Oradour.»61Cette fois, point de munitions dans l’église, nulle explosion non plus, et l’idée d’une «bavure» des Waffen SS est pour la première fois expressément suggérée – mais l’innocence des victimes reste crânement niée. En effet, le propagandiste allemand ajoute que la troupe SS s’est rendue à Oradour pour – tout simplement – effrayer les maquisards, sans faire état d’une quelconque agression de militaires allemands dans le village62.
Pourtant, les nazis se plaisent parfois à prétendre que des soldats allemands auraient été tués ou maltraités à Oradour avant l’arrivée de la division «Das Reich». Un compte-rendu de l’administration militaire allemande à Clermont-Ferrand le 14 juin 1944 explique:
«Six cents personnes auraient été tuées [à Oradour]. Un sous-lieutenant de la 2. SS-Panzer-Division «Das Reich» a été capturé à Nieul (8 kilomètres N.-O. de Limoges) a été capturé et emmené à Oradour. Il a pu s’échapper. Le corps d’un officier-payeur a été retrouvé et montrait des traces de sévices. Toute la population masculine d’Oradour a été fusillée.» Et le rapport d’ajouter: «Les femmes et les enfants avaient fui vers l’église. L’église a pris feu. Des explosifs étaient entreposés dans l’église. Des femmes et des enfants ont également péri.»63Bref, point de bataille, cette fois, mais un incendie accidentel imputable, de nouveau, à d’imaginaires dépôts de munitions. L’allusion à un «sous-lieutenant» de la «Das Reich» évoque un autre épisode survenu le 9 juin 1944, à savoir la capture, par des maquisards – vraisemblablement de l’Armée Secrète – du sous-lieutenant SS, Karl Gerlach, et son chauffeur, près de Nieul; les deux SS avaient été confiés à deux agents des Groupes mobiles de réserve (GMR), des policiers de Vichy ralliés à la Résistance, puis emmenés, de planque en planque, au «Bois du Roi»; alors que ces GMR s’apprêtaient à l’exécuter, Gerlach s’était évadé et avait retrouvé la «Das Reich», mais son chauffeur avait été tué; son parcours ne l’avait certainement pas amené à Oradour, et d’ailleurs aucun SS n’en fait mention aux villageois lors du massacre64…
N’importe, l’occupant s’emploie à répandre, incessamment, ces contre-vérités au cours de l’été. Ce qui, dans un premier temps, se révèle efficace. Le 13 juin, le journaliste français Pierre Limagne, qui, depuis 1940, consigne jour par jour, à Limoges, les informations officielles et non-officielles sur la guerre et l’Occupation, recense les différentes rumeurs sans les départager, la majorité d’entre elles étant d’inspiration nazie: «D’après certaines versions, il s’agissait de venger un officier allemand tué dans la localité; d’après d’autres, on y aurait trouvé des armes; d’après d’autres encore, l’occupant voulait terroriser le pays par la destruction d’un village et l’extermination de ses habitants, et le nom d’Oradour aurait été tiré au sort.»65
«Le 19 juin au matin, relatera l’écrivain collaborationniste Maurice-Yvan Sicard, alias Saint-Paulien, je fus informé qu’un officier allemand avait été tué à Nieul, à 15 kilomètres environ d’Oradour-sur-Glane. Il me fut impossible d’obtenir confirmation de cette nouvelle. Je n’avais plus les moyens d’enquêter.» Le même fait mention d’un rapport communiqué par le MBF fin juin, lequel aurait décrit un attentat, «dans la région, mais non à Oradour-sur-Glane», contre un officier d’intendance et son chauffeur, ce qui évoque la capture et l’évasion du sous- officier Gerlach66.
La rumeur expliquant le massacre par le meurtre d’un officier allemand s’amplifie. Le 22 juin, à Paris, le diariste résistant Jean Guéhenno la relate dans son journal67. Plus tard, un agent de la Sipo-SD indique à une jeune femme originaire d’Oradour-sur-Glane, et résidant à Limoges:
«Les habitants d’Oradour ont tué des jeunes SS lorsqu’ils étaient arrivés avec leur formation dans cette localité. Des femmes d’Oradour ont ensuite dansé sur le cadavre. Cette formation revenait du front de la Russie et lorsque les camarades ont constaté la mort de l’un des leurs, tué à Oradour, ils en sont écœurés et ont mis le feu au bourg.»68De même, des soldats de la «Das Reich» capturés par les Alliés racontent également, lors de leurs interrogatoires, que «le bruit courait que [le] Commandant 3e Bataillon avait disparu du village d’Oradour-sur-Glane pour cause d’activité partisane le 10 juin 44»69. Mais au moins ne nient-ils pas le massacre:
«b) Le 3e peloton de la 3e compagnie a été posté comme peloton de protection dans un cordon autour du village et plus tard, les 1er et 2e pelotons sont entrés dans le village, ont rassemblé tous les hommes dans une grande grange et leur ont tiré dessus avec des MG [mitrailleuses].
«c) Les femmes et les enfants ont été entassés dans l’église et ont fait l’objet de tirs de mitrailleuses et de grenades pour les 1er et 2e pelotons, laissant un tas de corps, certains à moitié vivants, d’autres morts, à l’intérieur de l’église, qui a ensuite été incendiée. Les cris des victimes pouvaient être nettement entendus à l’extérieur de l’église.
«d) Une jeune fille de 12 ans a sauté d’une fenêtre, s’est cassé la cheville et a reçu une balle. Le médecin du village, avec sa femme et ses trois enfants, revint plus tard de LIMOGES et fut immédiatement abattu.
«e) Le village tout entier a ensuite été entièrement incendié. La population totale, soit environ 900 habitants, a été complètement anéantie.»70
Une propagande peu convaincante
En toute hypothèse, les contrevérités nazies ne convainquent ni Vichy, ni la Résistance. Le Préfet régional de Limoges, Marc Freund-Valade, qui s’est rendu sur les lieux du crime, tient les allégations allemandes pour billevesées, d’autant qu’à les supposer même établies, ce qui n’est pas le cas, elles «ne pourraient en aucune façon justifier un aussi abominable carnage»71. Quant aux collaborationnistes, ils ne semblent pas y croire davantage, si l’on se fie à l’un d’eux, Maurice-Yvan Sicard:
«Il n’est pas vrai que des armes ou des explosifs aient été découverts dans l’église, rapporte le journaliste Jean-André Faucher. Rien ne peut expliquer un tel massacre d’innocents. Nos camarades sont indignés. Lorsque le préfet délégué Chérif Mécheri – auquel il faut rendre hommage – a demandé des explications au général commandant d’armes de Limoges, ce dernier s’est contenté de pleurer.»72Cependant, la propagande de Vichy n’évoque le massacre d’Oradour que pour s’en prendre à la Résistance. C’est ainsi que, le 27 juillet 1944, Xavier Vallat, ex-Commissaire général aux Questions juives devenu porte-parole officiel du gouvernement pétainiste, affirme à Radio- Paris que si, à Oradour, «d’autres Français, désobéissant eux aussi aux conseils et aux ordres du Maréchal, n’avaient pas causé, au nom d’un faux patriotisme, des troubles graves, des soldats allemands n’auraient pas été amenés à faire supporter à une population innocente la cruelle conséquence des méfaits de quelques bandits.»73
De son côté, la Résistance reproduit plusieurs témoignages dans sa presse clandestine, avant d’éditer, à compter du mois d’août, de véritables brochures74. Et à bâtir rumeurs sur mensonges, les nazis perdent prise avec la réalité, comme le constate Pierre Limagne le 14 juin: «Certains [Allemands] disent: On avait mis les enfants dans l’église pour qu’ils aient la vie sauve; puis les femmes ont voulu les y rejoindre, et voyant là des grandes personnes, les exécutants utilisèrent leurs armes également à l’intérieur du sanctuaire. Mais le crime serait horrible même si l’on avait épargné les enfants, même s’il y avait eu prétexte à représailles.»75
En vérité, comme le constate Pierre Limagne, «nombre d’Allemands sont tout à fait honteux de l’affaire d’Oradour-sur-Glane. Les autorités d’occupation se renvoient la responsabilité les unes aux autres.»76 Certes, un rapport d’un détachement de police SS indique, le 17 juin 1944, que «le commencement des mesures de représailles a provoqué un soulagement sensible et influencé le moral de la troupe favorablement.»77 Mais plusieurs généraux de la Wehrmacht déplorent le crime: le 17 juin, Johannes Blaskowitz, commandant en chef du groupe d’armées G, chargé de repousser un débarquement dans le sud de la France, interdit les représailles aveugles, demande d’épargner les femmes et les enfants ainsi que les hommes qui n’ont «rien à voir avec les terroristes» et prohibe l’incendie systématique des maisons78; par ordre du 30 juin 1944, le général Lucht, chef du 66e corps de réserve, énonce des directives similaires, au motif que «des comportements aussi honteux salissent la bonne réputation dont jouit de longue date l’honorable soldat allemand, qui combat proprement»79; le 16 juillet, le 58e corps lui- même indique que «se venger contre des femmes et des enfants est dégradant»80.
L’attitude du général Walter Gleiniger, commandant l’Etat-major principal de liaison no 586, à Limoges, est sur ce point remarquable:
- D’un côté, il laisse la propagande diffuser ses fausses nouvelles: «Dans la ville de Limoges et à la campagne, l’agitation qui s’est emparée de la population était devenue si forte qu’il nous est apparu sage d’y faire face en faisant répandre oralement par le bureau de la censure militaire relayé par 500 hommes de confiance la version selon laquelle les femmes et les enfants auraient été conduits dans l’église pour leur protection. Le feu aurait pris pour une raison indéterminée provoquant l’explosion d’un stock d’explosifs et de munitions que les terroristes avaient entreposé.»81
- Mais, de l’autre, il condamne expressément le crime devant le Préfet de Vichy, Marc Freund-Valade, le 15 juin 1944. Les larmes aux yeux et «en proie à l’émotion la plus violente que puisse manifester l’être humain», il admet qu’un tel massacre déshonore l’armée allemande: «Oui, je ressens ce déshonneur car le forfait est un crime contre le peuple allemand et je n’aurais point de cesse que je n’aie réussi à lui faire appliquer selon la loi des hommes, le châtiment le plus sévère.»82 «En résumé, affirme-t-il à sa hiérarchie le 20 juin 1944, il faut dire que les événements d’Oradour ont porté tort à la cause allemande de manière incommensurable.»83
Au fond, les Allemands savent bien ce qu’il en est. Enregistré à son insu alors qu’il était en captivité chez les Alliés, un officier allemand fera état de déclarations du major Rudolf Beck, 1er officier d’état-major du 58e corps blindé, dont relevait la division «Das Reich» lors du massacre:
«Le major sait, grâce à son activité en France, comment se comportaient les SS là-bas. Il connaît quelques affaires sur lesquels, bien entendu, il n’a rien dit. On m’a raconté que les SS avaient enfermé des Français, des femmes et des enfants dans une église qu’ils avaient ensuite incendiée. Je pensais que c’était un bobard de propagande, mais le major Beck m’a dit: “Non, c’est vrai, je sais qu’ils l’ont fait.”»84Une «enquête» allemande réduite à sa plus simple expression
Le Maréchal Pétain paraît tout aussi scandalisé par le massacre. Une note de protestation est remise, à la fin du mois, au conseiller d’ambassade allemand Struve85. Le 10 juillet 1944, Vichy transmet aux autorités d’occupation une note plus détaillée, accompagnée d’une lettre rédigée par Pétain lui-même86. Le haut-commandement allemand en est réduit à ouvrir un dossier, au sujet duquel les différentes autorités sollicitées se renvoient la balle87.
Tulle, Oradour conduisent ainsi les bureaucrates nazis à noircir davantage de papier, au point que, le 4 janvier 1945, le «juge-juriste» de la division «Das Reich», Detlef Okrent, finit par adresser à sa hiérarchie une brève attestation rédigée «de mémoire», qui synthétise les «éléments de langage» élaborés en juin 1944:
«Dans ce cas une enquête judiciaire a été ordonnée. Les pièces de l’enquête ont pendant le mouvement de retraite en Normandie été perdues par action de l’ennemi. De mémoire, je peux indiquer ce qui suit: A Oradour, un SS-Untersturmführer de la Division et son chauffeur avaient été fait prisonniers par les terroristes et amenés enchaînés au village ou avec la participation de la population spécialement aussi de femmes, ils ont été maltraités aussi de façon bestiale. Tandis que le SS- Untersturmführer put se libérer par une ruse, le chauffeur, d’après les constations faites ultérieurement, a été de façon inhumaine torturé à mort. D’après un rapport du SD peu de temps auparavant, une colonne sanitaire de la Wehrmacht de la force de 10 hommes environ a été attaquée par les terroristes dans ce village et assassinée. En mesure de représailles, le Commandant du Ier SS-Panzer Grenadier Regiment «Der Führer», le SS-Sturmbannführer DICKMANN [sic], a mis ce bataillon en action (la troisième compagnie) contre ce village. Le SS-Sturmbannführer DICKMANN a lui-même dirigé l’entreprise. Déjà, à l’approche la compagnie fut reçue par un feu de fusils et de mitrailleuses. Quand la résistance fut brisée, dans les perquisitions des maisons qui s’ensuivirent un nombre d’important d’armes a été confisqué. A la suite de cela, le village fut incendié. Pendant l’incendie, des détonations se produisirent dans presque toutes les maisons provenant de munitions cachées; ces détonations étaient si fortes que le Commandant dut retirer ses hommes pour leur propre sécurité. Suivant ces faits, les représailles semblent pour des raisons militaires absolument justifiées. Le Commandant responsable le S.S-Sturmnannführer DICKMANN est d’ailleurs tombé dans les combats de Normandie.»88L’attestation de Detlef Okrent, de surcroît rédigée, avoue-t-il, de mémoire, n’a rien d’un rapport d’enquête. Okrent prétend qu’une investigation judiciaire aurait été ouverte, mais aucun document ne l’atteste, comme il l’admet lui-même en précisant, on n’est jamais trop prudent, que les pièces du dossier auraient disparu pendant la bataille de Normandie… Okrent reprend également à son compte les éléments de langage faisant d’Oradour un «village partisan» (meurtre de soldats allemands, tirs de maquisards sur la colonne de Diekmann, munitions qui explosent dans les maisons incendiées).
Mais, fait hautement révélateur, Okrent admet que ce sont bien les nazis qui ont mis le feu au village, et que des «représailles» ont été exercées, si bien que les victimes ne sauraient être imputables, dans la structure de son récit, à un imaginaire affrontement qui aurait prétendument opposé les SS à la Résistance à l’approche de la localité. Okrent, sur ce point, fait preuve d’une pudeur tout aussi révélatrice, ne disant mot des exécutions massives des hommes, ni de l’assassinat des femmes et des enfants dans l’église: tout en prétendant que lesdites «représailles» seraient justifiées, il juge préférable de les occulter – un silence qui vaut tous les aveux.
«L’enquête» allemande n’ira pas plus loin. Certes, le 5 mars 1945, le Maréchal Keitel, chef de l’OKW, l’état-major suprême de la Wehrmacht, en est encore à réclamer de «continuer l’étude de l’affaire [d’Oradour] avec toute l’énergie nécessaire»89! Mais l’Allemagne nazie s’effondre et capitule deux mois plus tard. Ce qui ne mettra pas fin à la négation du massacre, bien au contraire. Les «bobards de guerre» des SS et de la propagande nazie vont même inspirer les futurs discours négationnistes.
II. Après la guerre, un négationnisme intéressé: une négation partielle du massacre par une clique d’anciens officiers de la division «Das Reich», pour les besoins de leur défense et de leur réputation
Après la Seconde Guerre mondiale, le négationnisme d’Oradour-sur-Glane change de nature. Jadis œuvre de la propagande allemande destinée à terroriser la France, il s’inscrit, désormais, dans une stratégie de défense élaborée par d’anciens cadres de la division «Das Reich», soucieux d’échapper aux poursuites, de restaurer leur «honneur», et de reprendre une vie normale. Non sans se contredire, ils véhiculent surtout une négation dite «minimale» de leur crime: sans véritablement nier ce meurtre de masse, ils préfèrent l’attribuer à une initiative isolée du SS-Sturmbannführer Adolf Diekmann, tout en s’inspirant des «bobards de guerre» de la propagande nazie dépeignant Oradour comme une prétendue base du maquis.
Après la guerre: l’Allemagne en procès
1945. L’Allemagne, vaincue, ruinée, est découpée en quatre zones d’occupation, attribuées à l’URSS, aux Etats-Unis, à la Grande-Bretagne et à la France. Comme le constate le philosophe Karl Jaspers en introduction de ses conférences à l’Université de Heidelberg en 1945, «le monde entier accuse l’Allemagne et les Allemands. Notre culpabilité est affirmée avec indignation, avec horreur, avec mépris.»90 Vaincus, les responsables allemands se retrouvent dans le box des accusés, notamment poursuivis pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Notamment, les SS sont déclarés «organisation criminelle» par le Tribunal militaire international de Nuremberg en 1946, ce qui les expose à être traduits en justice, à être exclus de plusieurs professions (comme la Fonction publique) et à être privés de pensions au titre de leurs blessures de guerre.
Plusieurs Allemands sont également jugés dans les anciens pays occupés, à l’instar de Rudolf Höss, le commandant d’Auschwitz, qui doit répondre de ses actes devant un tribunal polonais; ou l’officier allemand Fritz Fullriede, incendiaire de la localité de Putten, qui comparait devant une cour néerlandaise; où le dignitaire nazi Karl-Hermann Frank, impliqué dans le massacre de Lidice, jugé par une juridiction tchèque; ou Walter Reder, l’organisateur du massacre de Marzabotto, confié aux bons soins d’un tribunal militaire italien. De leur côté, les Soviétiques traduisent en justice près de 220 accusés allemands et autrichiens, dans dix-sept procès pour crimes de guerre de 1943 à 194791. Et en France, dans les dix ans qui suivent la Libération, les tribunaux militaires français rendent 2 345 verdicts, davantage que dans les autres pays de l’Ouest, mais il est vrai que plus de la moitié de ces décisions judiciaires sont prononcées par contumace, c’est-à-dire en l’absence des accusés92…
La dénazification manquée
Mais la «dénazification» s’embourbe vite. D’abord parce que les anciens alliés, Soviétiques d’un côté, Occidentaux de l’autre, se déchirent: la guerre froide coupe le monde en deux, l’Allemagne est scindée entre deux républiques, fédérale et capitaliste à l’Ouest, «démocratique» et «socialiste» à l’Est, en zone russe. Ensuite parce que, dans ce contexte, les occupants cherchent à amadouer les Allemands.
Or, ces derniers refusent de regarder leur passé nazi en face, et s’irritent de tous ces procès qui visent leurs compatriotes, y compris à l’étranger. Outre-Rhin, des mouvements de soutien aux accusés émergent, soutenus par les Eglises93, en compagnie d’autres mouvements de soutien. En 1949, les deux tiers des Allemands de l’Ouest désapprouvent les verdicts de Nuremberg, qu’ils jugent trop sévères94.
La nouvelle République fédérale, qui siège à Bonn, protège les criminels de guerre. Un organisme rattaché au Ministère fédéral de la Justice, le Bureau central de protection juridique (Zentrale Rechtsschutzstelle, ou ZRS), est même créé en 1950 pour porter assistance aux Allemands internés à l’étranger. En pratique, toutefois, ce service, dirigé par Hans Gawlik, un ancien procureur nazi, reconverti avocat de plusieurs accusés allemands lors des procès de Nuremberg, cherche à faire libérer et rapatrier les criminels de guerre emprisonnés hors d’Allemagne. Les anciens cadres et soldats allemands de la «Das Reich» jugés en France dans les années 1950 bénéficient de l’assistance d’avocats supervisés et rétribués par le ZRS, y compris lors du procès de Bordeaux95.
Les anciens Waffen SS s’efforcent de nier leurs crimes
Malgré la mansuétude des Alliés, malgré le soutien que leur apporte le gouvernement de Bonn, les anciens cadres du régime nazi ont fort à faire. D’abord parce qu’ils sont divisés: les anciens de la Wehrmacht, soucieux de se présenter comme une armée aux mains propres, préfèrent se tenir à distance des ex-SS, à qui ils prêtent toutes les atrocités du régime96; ces derniers eux-mêmes oublient leurs idéaux de camaraderie, car les anciens Waffen SS tentent de se démarquer des autres SS (personnel concentrationnaire et policier, membres des Einsatzgruppen) en se prétendant «soldats comme les autres», ce qui leur ouvrirait les mêmes droits qu’aux vétérans de l’armée allemande. En 1951, ils se regroupent dans «l’association d’entraide mutuelle des anciens membres des Waffen-SS» (HIAG), tolérée voire courtisée par les institutions fédérales tant qu’elle ne remet pas frontalement en cause la nouvelle démocratie d’outre-Rhin97.
Pour réintégrer la société allemande, restaurer leur honneur, conserver leurs pensions, les anciens Waffen SS s’emploient à nier leurs atrocités. Ils concentrent leurs tirs sur deux massacres, qui ont fondé leur condamnation à la fois judiciaire et morale, notamment lors du procès de Nuremberg en 1945-1946: celui d’Oradour98, précisément, ainsi que celui de Baugnez-Malmédy, perpétré contre des prisonniers de guerre américains le 17 décembre 1944 par un détachement de la 1re division blindée SS «Leibstandarte Adolf Hitler», en pleine bataille des Ardennes.
Les anciens Waffen SS remportent un premier succès dans le cas de Malmédy. Certes, en 1946, un tribunal militaire américain siégeant à Dachau condamne soixante-treize accusés SS, dont les deux tiers à la peine de mort, pour ce crime de guerre. Mais les SS, aidés de leur avocat, le colonel Willis M. Everett (un sudiste américain, ségrégationniste et antisémite), se mettent bientôt à prétendre, avec une unanimité suspecte, qu’ils auraient été torturés, que leurs aveux auraient été extorqués… En Allemagne occidentale comme aux Etats-Unis, les esprits s’échauffent, sur fond de Guerre Froide: des comités de soutien se créent, un certain sénateur américain du nom de Joseph McCarthy, le futur promoteur de la «chasse aux sorcières» anticommuniste, prend opportunément fait et cause pour ces nazis, si bien que, de lobbying en procédures, ils finissent par imposer leurs fariboles, et être, l’un après l’autre, remis en liberté99.
Et pourtant! Leurs allégations étaient mensongères, comme l’établiront une enquête contemporaine du Congrès américain, puis des travaux d’historiens. Mais, propagées par d’anciens nazis dont un vétéran de la «Das Reich», Erich Kern100, par le ZRS de Hans Gawlik ainsi que par l’avocat de criminels nazis Rudolf Aschenauer101, elles contamineront l’historiographie dite sérieuse102. Leur succès fait sensation dans l’extrême droite européenne en quête de réhabilitation, au point que l’écrivain fasciste Maurice Bardèche, que l’on peut considérer comme le premier négationniste français, y consacre plusieurs pages dans l’un de ses pamphlets publiés en 1950103.
Le massacre d’Oradour fait l’objet d’une désinformation identique dès cette époque.
Les premiers négateurs d’Oradour après la guerre: les anciens cadres de la division «Das Reich»
Après la guerre, les survivants de la «Das Reich» s’attachent à diffuser le même écran de fumée que la propagande nazie de 1944-1945, laquelle se retournait contre la Résistance. On y retrouve, en fait, le cercle dirigeant de la division: son ancien 1er officier d’état-major, Albert Stückler; l’ex-commandant du régiment «Der Führer», Sylvester Stadler, ainsi que son successeur Otto Weidinger (nommé sur ce poste le 14 juin 1944); l’ex-sous-lieutenant Karl Gerlach; l’ex-juge divisionnaire Detlef Okrent; l’ex-adjudant Heinz Werner; en attendant l’ex-commandant en chef de la «Das Reich», l’ex-général Heinrich Lammerding104.
Leur campagne de désinformation vise à rapatrier les Allemands de la «Das Reich» emprisonnés en France, tels que Weidinger et Werner, et à leur éviter toute poursuite dans la nouvelle Allemagne de l’Ouest qui se relève des ruines. Ils élaborent leurs récits en commun, et les modifient d’une période à l’autre, d’un affabulateur à l’autre, d’un interlocuteur à l’autre, selon les besoins du moment, comme l’ont établi les travaux de l’historienne Andrea Erkenbrecher. Une constante, néanmoins: tous attribuent le massacre à une initiative du seul Diekmann, car ce dernier, tombé en Normandie le 28 juin 1944105, ne peut plus les démentir. En 1969, ces officiers décriront ainsi Diekmann à deux auteurs français, allant jusqu’à lui dénier sa nationalité allemande, comme si la barbarie ne pouvait qu’être étrangère:
«Dickmann [sic], d’origine yougoslave, était entré dans les SS, au dire de ceux qui le connurent, pour y bénéficier d’un avancement plus rapide. C’était, inutile de l’ajouter, un homme que les scrupules n’embarrassaient pas et qui, la plupart du temps, était en état d’ébriété. Interprétant les instructions reçues, il était aussi zélé dans le service que dans les représailles, allant toujours au-delà pour servir ses intérêts professionnels.»106A la fin des années quarante se cristallise ainsi, non sans ellipses ni apories, la version suivante, racontée en premier lieu par Heinz Werner en 1947 puis Otto Weidinger en 1949, tous deux devant la Justice française: Oradour est décrit comme un maquis, d’où se serait échappé, le 9 juin 1944, un sous-officier SS capturé par la Résistance, Karl Gerlach (nommé dans la déposition de Werner, mais pas celle de Weidinger); en outre, avec l’accord de sa hiérarchie, Diekmann se serait rendu à Oradour pour y délivrer le SS-Sturmbannführer Helmut Kämpfe, également capturé la veille par la Résistance, du moins y faire des prisonniers destinés à être échangés contre Kämpfe; après le massacre, Diekmann aurait rapporté avoir essuyé des coups de feu à l’approche d’Oradour, puis qu’il aurait fait incendier le village et procédé à des exécutions massives; sur quoi Stadler, chef du régiment «Der Führer», l’aurait sermonné pour avoir outrepassé les ordres, au point que le général Lammerding aurait décidé d’ouvrir une enquête contre lui dès que possible107.
Des contradictions flagrantes d’un «récit» à l’autre
Les «récits» de Werner et Weidinger divergent cependant sur bien des points, loin d’être tous anodins:
- Divergences, d’abord, sur les causes de «l’intervention» allemande dans le village radounaud: chez Weidinger, Diekmann aurait rapporté, le matin du 10 juin 1944, que des indicateurs français l’auraient informé qu’un officier allemand, sans doute Kämpfe, allait être exécuté et brûlé à Oradour, «où se trouvait un état-major du maquis», tandis que Werner, lui, indique seulement que Diekmann aurait rapporté qu’un «PC du maquis se trouvait à Oradour» et qu’il supposait que Kämpfe devait s’y trouver, sans aucune allusion à une exécution imminente de cet officier.
- Divergences, ensuite, sur l’attitude de Diekmann: Weidinger le décrit comme «surexcité», soucieux de délivrer son «ami» Kämpfe, et suggère qu’il aurait agi de manière impulsive, tandis que Werner ne va pas jusqu’à de telles considérations psychologiques.
- Divergences, de même, sur le caractère maquisard d’Oradour: Werner prétend que, le 9 juin 1944, le SD et la Milice aurait situé un «PC du maquis» dans ce village, d’où auraient été tirés des coups de feu sur un motocycliste allemand, alors que Weidinger n’indique rien de tel. Divergences, enfin, sur la réaction de la hiérarchie: fin, Weidinger prétend que Stadler aurait menacé Diekmann d’ouvrir une enquête judiciaire, alors que, dans le compte-rendu de Werner, ce même Stadler, non sans lui passer un savon, se serait limité à signaler «cet incident» à la hiérarchie108.
Ces incohérences, toutefois, ne sont rien au regard de ce qui va suivre.
Le «rapport Stückler» (1949): une négation élargie du massacre
En 1949, la même année où Weidinger livre son témoignage, l’ancien 1er officier d’état- major de la «Das Reich», Albert Stückler, croit nécessaire d’en rajouter, en reconstituant, avec un de ses anciens subordonnés, Walter Wache, le «journal de guerre» de la division, non point à partir d’archives, mais, admettra-t-il au négationniste Herbert Taege le 15 juin 1981, «sur base des informations que nous avions reçues durant et après la captivité.»109 A l’en croire, non seulement y aurait-il eu bataille entre SS et maquisards à Oradour, mais encore des cadavres de soldats allemands auraient été retrouvés dans le bourg, ce que ni Werner ni Weidinger ne mentionnaient; Diekmann aurait fait enfermer les femmes et les enfants dans l’église, aurait fait exécuter les hommes du village, puis l’aurait incendié; le feu aurait déclenché des explosions, se serait étendu à l’église, conduisant à la mort accidentelle des êtres qui y avaient été rassemblés; ce qui aurait valu à Diekmann d’être menacé de cour martiale, si bien que, contrairement à ce qu’indiquaient Weidinger et Werner, une enquête aurait été effectivement menée110.
Ce discours, que l’on appellera le «rapport Stûckler», révèle une inflation des contre-vérités négationnistes ciblant le massacre d’Oradour-sur-Glane. Il se veut plus précis que jamais, et dans sa pseudo-reconstitution du massacre, et dans sa «dénonciation» de la Résistance. Fait à noter, ces allégations constitueront la trame des futures «constructions» négationnistes des plumitifs pro-nazis Herbert Taege, Pierre Moreau et Vincent Reynouard. Et pour cause, car Stückler, pour exonérer totalement les cadres de la «Das Reich» encore en vie, déploie une argumentation «à double-détente»: conformément à la rhétorique nazie, il impute la responsabilité du drame à la Résistance à titre principal, mais prend soin, à titre subsidiaire, d’imputer le drame à une initiative de Diekmann, en des termes qui à la fois la condamnent et l’excusent.
Cette besogne achevée, Stückler ne la garde pas pour lui. Il l’adresse à divers journaux, ainsi qu’au ZRS et au Ministère fédéral de la Justice. Les avocats français des accusés SS en France y ont également eu accès111. Las! La manœuvre se retourne finalement contre lui. Car lorsque des gazettes ouest-allemandes reproduisent ses billevesées112, la France s’indigne, et l’ANFMOG obtient même la suspension d’un de ces imprimés, le Talpost, publié en zone d’occupation française113.
Le scandale semble infléchir les ex-officiers de la «Das Reich», à commencer par Stückler lui-même. Leur objectif consiste alors à faire libérer leurs camarades incarcérés en France, avec l’aide du ZRS: pousser trop loin la négation du massacre risquerait de braquer le gouvernement français sur cette question, alors autant «modérer» le ton, et accabler Diekmann – si bien qu’ils se replient, et pour longtemps, sur cette première version, qui correspond peu ou prou aux premières allégations d’Heinz Werner et Otto Weidinger114.
Ce revirement n’est pas sans douleur. Stückler doit ainsi recadrer un de ses jeunes collaborateurs des plus fanatiques, du nom d’Herbert Taege.
Herbert Taege s’invite dans le négationnisme visant le massacre d’Oradour-sur-Glane
Herbert Taege revendique de solides convictions pro-nazies, quelque peu embarrassantes même pour les autres vétérans de la Waffen SS, en cette époque où ces derniers revendiquent plutôt un droit à l’oubli. Né en 1921, membre des Jeunesses Hitlériennes en mars 1933 (six semaines après l’accession de Hitler au pouvoir), Taege y monte en grade jusqu’à adhérer au Parti national-socialiste et s’engager dans les Waffen SS en 1939; blessé au combat en 1940, il est affecté sur un poste de gardien de camp à Dachau, avant de se retrouver de nouveau dans les Waffen SS (lors de l’insurrection du ghetto de Varsovie, en 1943, il est affecté dans une division blindée SS qui stationne dans la capitale polonaise); ses évaluations par ses supérieurs nazis révèlent, en 1943, une connaissance de l’idéologie nazie «bien au-dessus de la moyenne» et, l’année suivante, «une orientation idéologique particulièrement bonne»115.
Après le second conflit mondial, Taege s’emploie à défendre les anciens SS accusés ou condamnés pour crimes de guerre. Il prend part aux campagnes de réhabilitation des bourreaux de Malmédy, avant de proposer ses services aux anciens de la «Das Reich»116. En 1951, il propose à Stückler un manuscrit particulièrement apologétique: peignant le sort des Waffen SS emprisonnés en France sous les couleurs les plus sombres, il les présente comme des hommes d’honneur, victimes d’une vengeance des Français; il dessine également Oradour comme un «village partisan», reprenant à son compte les allégations de Heinz Werner (capture de Gerlach, coups de feu sur un motocycliste allemand, etc.) et va jusqu’à prétendre que Kämpfe aurait été enlevé au bourg lui-même; quant au massacre, il résulterait, là encore, d’une décision de Diekmann117.
De manière remarquable, cette version, à mi-chemin entre les allégations négationnistes initiales de Werner et Weidinger et la négation maximale procédant du «rapport Stückler», est désapprouvée par Stückler lui-même, qui s’oppose à sa publication au motif qu’elle serait susceptible d’entraver la remise en liberté des accusés SS118! Par courrier du 31 mars 1951, Stückler remet ainsi Taege à sa place:
«Vous devez savoir qu’à Oradour, le commandant du bataillon impliqué, le Sturmbannführer Dieckmann [sic], a outrepassé son autorité et a même agi contre un ordre sans ambiguïté de son commandant de régiment. D[iekmann] aurait dû être traduit en cour martiale pour O[radour] en vertu du Code pénal militaire allemand, et il aurait certainement été condamné. En fait, immédiatement après que l’incident eut été connu, le commandant de la division ouvrit une enquête contre D[iekmann], qui ne s’est achevée prématurément que par la mort de Dieckmann [sic]. Ces circonstances peuvent encore être prouvées dans leur contexte aujourd’hui et sont connues en détail de la justice française.»119Stückler s’en tient au discours faisant de Diekmann le seul responsable du massacre, lequel est explicitement qualifié de crime, même au regard de la législation militaire allemande. Dans cette même correspondance, il ajoute que la défense des accusés SS doit «s’en tenir aux faits en toutes circonstances» et éviter de «se ridiculiser en collaborant à des contre-vérités»120. Il est pour le moins savoureux qu’un ex-officier SS de la «Das Reich», compromis dans le massacre et sa négation, aille qualifier de «contre-vérités» des allégations qui seront pourtant reprises et intensifiées, quelques décennies plus tard, par ce même Herbert Taege et son épigone français, Vincent Reynouard.
La stratégie des vétérans SS: privilégier une «négation minimale» du massacre
De fait, Stückler prépare activement la défense des SS dont le procès débutera à Bordeaux en 1953. Dans cette logique, la «version minimale» du massacre, qui consiste à tout reporter sur Diekmann (et la Résistance) est à l’ordre du jour. Elle se doit d’être crédible, ce qui conduit à écarter les propositions trop extrêmes de Taege, mais aussi, semble-t-il, à faire le tri dans les déclarations d’anciens SS. Quand, en 1951 le sous-officier SS Karl Gerlach prétend avoir été capturé et emmené à Oradour, qu’il décrit comme peuplé de féroces maquisards121, le procès-verbal de son interrogatoire n’est finalement pas délivré à la Justice française, ce qui suggère que la défense le jugeait peu plausible ou insusceptible de résister à un supplément d’enquête122.
A l’inverse, l’année suivante, l’ex-général Lammerding, qui a repris une activité d’entrepreneur à Düsseldorf, propage la «version minimale» en publiant une lettre (authentifiée devant notaire le 29 octobre 1952), précisant qu’il aurait tenté de faire traduire Diekmann en cour martiale123, tandis que l’ex-magistrat divisionnaire SS Detlef Okrent prétend avoir mené une enquête au sein de la division «Das Reich» en 1944, ce qui l’aurait amené à interroger le chef de la 3e compagnie SS, le Hauptsturmführer Otto Kahn, qui lui aurait déclaré:
«Dieckmann [sic] lui avait expliqué qu’un Obersturmführer Gerlach et son chauffeur avaient été emmenés à Oradour-sur-Glane après avoir été capturés par des résistants. Alors que Gerlach a réussi à s’échapper, le conducteur a été publiquement maltraité à mort à Oradour. En outre, à peu près au même moment, une ambulance de l’armée transportant des hommes blessés a été attaquée à Oradour-sur-Glane, et tout le détachement a été abattu. C’est bien la preuve qu’Oradour-sur[-]Glane est un centre de résistants. En entrant dans le village, la 3e compagnie se heurta à de la résistance. Des armes et des munitions ont été trouvées lors de la perquisition des maisons. Dieckmann [sic] avait ordonné que la population masculine soit fusillée et que les maisons soient incendiées. Tous les ordres étaient donnés par Dieckmann lui-même et il veillait à leur exécution.»124Notons qu’Okrent, ici, ne s’éloigne guère de son attestation du 4 janvier 1945. Or, de telles déclarations apparaissent contradictoires avec les allégations précitées de Werner, Weidinger et de Stückler: il n’évoque ni la capture de Kämpfe ni la découverte de cadavres de soldats allemands, mais affirme avoir effectivement conduit une enquête, et ne remet pas en cause le déroulement même du massacre, qu’il prête entièrement à Diekmann.
Un négationnisme réfuté par d’autres SS
Fait à souligner, les SS professent une version similaire des événéments pour prétendre «expliquer» les pendaisons de Tulle, le 9 juin 1944: quoique le crime ait été ordonné par le général Lammerding, présent dans la ville lors de leur commission, ce dernier et ses ex-adjoints l’attribuent à une initiative d’officiers nazis tués pendant la guerre (donc insusceptibles de les contredire), à savoir un cadre de la «Das Reich» nommé Aurel Kowatsch, et un membre de la Sipo-SD du nom de Walter Schmald125; du reste, les civils pendus auraient été des maquisards, et non des otages, ce qui est également mensonger; outre que ces pendaisons seraient intervenues en conséquence de la découverte par les SS de soldats allemands prétendument mutilés par la Résistance, un autre mensonge126, déjà proféré pour justifier des atrocités.
Malheureusement pour ces anciens SS, l’issue du procès de Bordeaux, qui s’ouvre le 12 janvier 1953, est défavorable aux accusés: tous les Allemands jugés par contumace sont condamnés à mort et, chez les présents, un seul écope de la même peine; cinq autres Allemands font l’objet de peines de dix à douze ans de travaux forcés ou d’emprisonnement, un seul est acquitté; sur quatorze Alsaciens jugés, un seul est condamné à mort, les autres, tous incorporés de force, écopent de peines de cinq à huit années de travaux forcés ou d’emprisonnement. La «version minimale» n’a pas été exploitée par la défense des accusés; notamment, les avocats des Alsaciens «malgré nous» ont axé leur stratégie sur la victimisation de leurs clients, enrôlés de force par l’Allemagne nazie, et n’ont nullement remis en cause l’histoire du massacre127.
Le discours négationniste «minimal» se trouve même réfuté par d’autres militaires de la «Das Reich» qui n’ont pas participé à son élaboration, à commencer par un soldat du nom d’Adolf Heinrich, qui avoue spontanément sa participation au massacre dans les années cinquante, et n’évoque aucun combat ayant prétendument opposé les SS à la Résistance128. Pis, l’un des organisateurs de l’extermination, Otto Kahn lui-même, retrouvé par le parquet de Dortmund en 1962, remet en cause les allégations d’Okrent sur l’existence d’une enquête interne à la division, et, non sans minimiser son rôle, admet avoir entendu de Diekmann, le 10 juin 1944, «qu’il avait reçu l’ordre d’incendier et d’exterminer le village d’Oradour» (ce qui incrimine sa hiérarchie), outre de décrire Oradour comme une «localité paisible», sans que les SS n’aient croisé de maquisard, ni n’aient découvert de cadavres allemands129.
Une propagande inlassablement répétée…
Lammerding, Stückler, Stadler et Weidinger ne ménagent certes pas leurs efforts. Weidinger, surtout, est au cœur de l’entreprise de négation, multiplie ses relais, s’attelle à la rédaction d’une histoire de la division «Das Reich» en cinq volumes, de 1967 à 1982130. Grâce à la HIAG, cette clique jouit d’importants canaux de diffusion, notamment les revues Wiking-Ruf («L’appel du Viking») et Der Freiwillige («Le Volontaire»). De sorte que la Justice ouest-allemande, sans adhérer totalement à leur «reconstruction» des faits, y accorde suffisamment de crédit pour abandonner les poursuites, au début des années soixante131. Ce même appareil judiciaire se refuse également à poursuivre des Waffen SS déjà condamnés par contumace par la Justice française, conformément à une interprétation partiale du traité «de transition» conclu en 1954 entre Bonn, Washington, Londres et Paris132. Il est vrai que le ZRS s’acharne à couvrir les bourreaux133.
Mais les négateurs n’ont guère droit au repos. L’association nationale des familles des martyrs d’Oradour-sur-Glane exige, plus que jamais, que les anciens bourreaux soient traduits en justice. De surcroît, en 1965, un hebdomadaire ouest-allemand, Die Tat, rappelle que le général Lammerding a été condamné en France – par contumace – pour crimes de guerre, comme tel est le cas s’agissant des pendaisons de masse perpétrées à Tulle par la «Das Reich» le 9 juin 1944; l’intéressé croit bon de porter plainte (au motif, précise-t-il, que les pendus de Tulle étaient des partisans, et non des otages), mais est débouté par un tribunal de Düsseldorf, qui écarte totalement sa qualification des faits:
«Même si le texte du jugement rendu en 1951 par un Tribunal militaire français n’a pu être communiqué au Tribunal pour étayer sa décision, il n’existe aucun doute motivé sur le fait que le demandeur, en tant que commandant de la division dont les membres se sont rendus coupables des agissements décrits plus haut, a été condamné en raison de ces agissements. Sa déclaration initiale selon laquelle il se serait agi de partisans et non de 99 otages est fausse, du reste il ne l’a pas maintenue…»134Il est vrai qu’à la même époque, la Justice ouest-allemande, non sans querelles ni pesanteurs internes, s’attaque enfin au passé nazi du pays. Elle organise même plusieurs procès d’anciens bourreaux du Troisième Reich, tels que les personnels des Einsatzgruppen et des camps d’extermination135. Et aux fins de poursuivre des criminels de guerre condamnés par contumace en France, il lui faut obtenir la révision de l’accord de transition de 1954.
Tout aussi préoccupant pour nos anciens SS, le commissaire Jacques Delarue publie chez Fayard, en 1968, Trafics et crimes sous l’Occupation, qui enquête sur les crimes de la «Das Reich». L’ouvrage, très renseigné, accable les officiers de la division, à commencer par Lammerding136, ce qui pousse le gouvernement français à se rapprocher de Bonn pour modifier l’état du droit existant137. Pour les anciens cadres de la «Das Reich», c’est un coup de semonce. Weidinger, notamment, fulmine, le 2 avril 1968:
«[Le livre de Jacques Delarue] éternise la légende de la Résistance et sème une hostilité nouvelle. Delarue laisse libre cours à ses sentiments de haine. On n’y découvre pas la moindre trace d’objectivité ni même d’une compréhension minimale pour la position de l’adversaire. […] Delarue a de nouveau donné un coup de pied au peuple allemand et n’a pas rendu service au peuple français.»138Que faire? L’affaire du Tat a prouvé que saisir les tribunaux était imprudent:
«D’après mon expérience, écrit Lammerding à Weidinger le 28 avril 1968, je considère une plainte contre Delarue comme nuisible puisqu’elle ne contribuerait qu’à faire des vagues inutiles autour de l’événement. La seule chose vraiment utile à mon avis, c’est une présentation des événements objective, consolidée par des témoignages.»139Otto Weidinger l’approuve. Aussitôt, une contre-attaque est lancée, quitte à enrégimenter des Français.
…et qui va jusqu’à instrumentaliser des Français
C’est ainsi qu’en plein «mai 68», Weidinger rencontre à Paris un ancien responsable de la Résistance de Corrèze, René Jugie (membre de «l’Armée Secrète»), pour discuter des atrocités de la «Das Reich»140. Weidinger en réalise un compte-rendu partial et tendancieux, tant en privé à Lammerding qu’en public dans Der Freiwillige, faisant croire qu’il a engagé un débat avec un prétendu représentant de la Résistance française, qui lui aurait tout aussi prétendument confirmé qu’Oradour était un site maquisard141.
Mieux encore: Weidinger, Lammerding et les autres ex-officiers SS exploitent deux autres auteurs français, Georges Beau et Léopold Gaubusseau, qu’ils vont jusqu’à rencontrer dans un hôtel en Allemagne pour plaider, devant eux, leur «innocence». L’ouvrage qui en résulte, R5. Les SS en Limousin, Périgord et Quercy, paru en 1969 aux Presses de la Cité, ne se rallie certes pas pleinement aux allégations SS, mais les reproduit sans grand esprit critique, comme pour «faire un scoop»142. Un coup monté d’autant plus remarquable que le livre est préfacé par une prestigieuse Résistante, Marie-Madeleine Fourcade143.
Sans être totalement digérées par l’historiographie, les affabulations des officiers SS vont, ça et là, contaminer de nombreux ouvrages. En France, pour ne citer que lui, Raymond Cartier reprend à son compte, dans son histoire du second conflit mondial, l’affirmation selon laquelle Diekmann se serait rendu à Oradour en croyant y délivrer Kämpfe, puis qu’il aurait massacré le bourg en étant «saisi d’une frénésie meurtrière», ce qui lui aurait valu de faire l’objet d’une «procédure judiciaire» par la division SS144. En Allemagne, plusieurs guides touristiques et même des ouvrages scientifiques épouseront eux aussi, partiellement ou totalement, cette version145.
III. D’Herbert Taege à Vincent Reynouard, un négationnisme idéologique: une négation radicale du massacre, servant une apologie du nazisme
En 1970, peu avant de mourir, l’ex-général Lammerding confie, dans son testament, que le massacre d’Oradour est bel et bien un crime, du moins en partie: l’exécution des hommes était justifiée, mais point le fait de brûler – ou de laisser brûler – les femmes et les enfants dans l’église, ce qui révèle une faute de Diekmann146. Pourtant, cette «version minimale» bat de l’aile, ce qui va conduire à l’émergence d’un discours négationniste bien plus avoué, visant à réhabiliter le Troisième Reich, et qui perdure de nos jours.
A partir des années 1970, un contexte défavorable aux anciens SS
Les temps changent. Dans les années 1970, les crimes nazis reviennent sur le devant de la scène. Le film Le Vieux Fusil (Robert Enrico, 1975), notamment, remporte un immense succès au box-office français, qui contribue à ancrer durablement le massacre d’Oradour-sur-Glane dans la mémoire nationale. La même année est ratifié un nouvel accord signé en 1971 entre Bonn et Paris, et qui autorise les juridictions ouest-allemandes à poursuivre des Allemands condamnés par contumace en France – et les amène à s’intéresser, de nouveau, à Oradour147.
Du côté des SS, leurs réunions de vétérans se raréfient, attirent davantage d’opposants et de manifestants148. En 1981, le SPD, parti socialiste d’Allemagne de l’Ouest, finit même par interdire ses rangs aux anciens SS149. En Allemagne de l’Est, trois anciens de la «Das Reich» impliqués dans le massacre sont retrouvés par la Stasi, et l’un d’eux, l’ex-officier SS Heinz Barth, est même jugé à Berlin-Est en 1983.
Certes, ces réveils sont bien tardifs. Lammerding meurt d’un cancer en 1971, Kahn le suit dans la tombe en 1977. Les procédures judiciaires ouest-allemandes n’aboutiront pas, pour cause de prescription et de difficultés à établir la culpabilité individuelle des autres SS. Mais la menace, pour ces «anciens combattants», bel et bien réelle. Aussi, dans le cas d’Oradour, aggravent-ils leurs discours.
Herbert Taege, le retour: vers une négation «radicale» du massacre
Désormais, plus question de charger Diekmann: chez nos anciens SS, seule la Résistance est responsable d’Oradour, et Diekmann, s’il a abusé de son autorité, n’en a pas moins agi conformément au règlement. Weidinger défend cette version dans sa chronique de la «Das Reich» en 1982, en attendant la publication de son opuscule Tülle und Oradour. Eine deutsch-französische Tragödie, en 1984. De l’autre, Herbert Taege, devenu entre-temps éditeur d’extrême-droite, revient sur Oradour pour publier deux ouvrages à prétention documentaire sur les massacres de Tulle et d’Oradour, Wo ist Kain? («Où est Caïn?»), en 1981, suivi de Wo ist Abel? («Où est Abel?»), en 1985, en réaction au procès de Heinz Barth150.
Par leur objet comme par leur apparence, les deux ouvrages de Taege s’inscrivent dans une mutation du discours négationniste pro-nazi qui cible la Shoah. Jusqu’aux années 1970, la contestation des crimes nazis prenait surtout la forme de pamphlets dont le caractère idéologique était revendiqué par leurs auteurs. Mais, comme l’écrivent Stéphanie Courouble- Share et Gilles Karmasyn, la fin de la décennie «accueille de nouveaux adeptes, lesquels apportent la structure argumentative qui manquait au négationnisme et la développent.»151 Dorénavant, sous la plume de l’Américain Arthur Butz152, du Britannique David Irving153, du Français Robert Faurisson154, le négationnisme se définit comme une «thèse» scientifique, bardée de notes de bas de page destinées à crédibiliser cette escroquerie intellectuelle.
Taege a de qui tenir. Il est en contact avec Faurisson depuis, vraisemblablement, le milieu des années soixante-dix. Contact certes inégal: si Taege le décrit comme un de ces «hommes courageux» qui «veulent restaurer l’honneur de leur pays», Faurisson, lui, le prend quelque peu de haut155. Toujours est-il que Taege reproduit ses «méthodes», donnant une allure respectable à ses propres falsifications: ton apparemment mesuré («Je suis un ami de la France, un ami de son peuple et de son pays»156), empathie revendiquée («le sort de centaines de femmes et d’enfants dans l’église d’Oradour émeut et horrifie même l’historien qui veut rester sobre»157), abondance de notes de référence, dans le corps du texte comme en fin d’ouvrage… Le tout au service d’un «recopillage» des allégations propagandistes nazies émises dans les jours ayant suivi le massacre – et peu importe si elles se contredisaient.
A la différence de la «version minimale», qui concédait que l’extermination du village était un crime imputable au seul Diekmann, Taege entreprend, lui, de réhabiliter ce même Diekmann, et par extension toute la division «Das Reich». En découle un récit qui amplifie considérablement le «rapport Stückler» imaginé en 1949, et se révèle ouvertement négationniste et complotiste, sur le modèle faurissonien.
Une rhétorique négatrice et complotiste
Qu’on en juge: Diekmann serait intervenu à Oradour sur ordre de la division pour délivrer Helmut Kämpfe, sinon ramasser des otages; or, Oradour, village maquisard, l’aurait accueilli en lui tirant dessus; après conquête dudit village, Diekmann aurait exigé des otages, et fait installer les femmes et les enfants dans l’église, et les hommes dans les granges et les garages; la fouille du bourg aurait conduit à la découverte de munitions et, plus terrible encore, de cadavres de soldats allemands.
Alors se noue le drame: une détonation en provenance de l’église aurait conduit les hommes parqués dans les garages et les granges à tenter de s’enfuir, ce qui leur aurait valu d’être exécutés en masse; laquelle détonation pourrait bien correspondre (on ne sait jamais!) à une explosion déclenchée dans le lieu saint par des maquisards qui s’y seraient dissimulés, explosion qui aurait fauché bien des femmes et des enfants (mais, rassurons-nous, pas tant qu’on l’a cru); ces mêmes maquisards (miraculeusement épargnés par l’explosion, eux) auraient, à leur tour, cherché à s’échapper, échangeant des tirs avec les SS, se servant des femmes et des enfants comme boucliers humains…
Que sont devenus ces maquisards? Mystère. Mais, dans la nuit, puis les jours suivants, au nez et à la barbe des SS, les Résistants seraient revenus sur les lieux pour les maquiller (avec quel équipement?) aux fins d’effacer toute trace de la bataille, et accabler ces Allemands aussi naïfs que respectueux des «lois de la guerre». Point de départ d’une vaste conspiration regroupant l’ensemble de la Résistance (communistes inclus) l’Eglise catholique, les pouvoirs publics français (dont son appareil judiciaire), les Radounauds eux-mêmes, puis la RFA et la RDA, ce conglomérat ayant dissimulé les preuves de l’innocence des SS158.
Un impact limité
Quel est l’impact de ces falsifications? Les négationnistes, en règle générale, exagèrent volontiers la pseudo-influence de leurs «thèses» sur l’historiographie. Dans le cas d’Oradour, ils ne font pas exception à la règle. Ainsi, le négationniste néo-nazi Vincent Reynouard prétendra que, «d’après Le Figaro, cet écrit [Wo ist Kain?] aurait “semé le doute, jusque dans les rangs des historiens”»159. Mais il a soigneusement extrait de son contexte cette phrase de l’article du Figaro, rédigé par le journaliste français Jean-Paul Picaper – qui publiera, en 2014, un ouvrage consacré au massacre d’Oradour et à sa négation160.
Jean-Paul Picaper, en effet, rappelait dans cet article que Taege était «un ancien officier des Waffen SS» (ce que se garde bien de préciser Reynouard), et surtout que son ouvrage Wo ist Kain? était extrêmement critiqué par E. Georg Schwarz, rédacteur en chef de la revue illustrée Weltbild:
«Le livre de Taege a semé le doute jusque dans les rangs des historiens. M. Schwarz ne doute pas: les dépositions de l’ancien chef de compagnie Kahn à Dortmund en 1962, et du chef de section Heinz Barth à Berlin-Est en 1983, permettent d’établir sans le moindre doute que les SS ne redoutaient pas la présence de maquisards à Oradour et que l’ordre de brûler le village et d’exterminer sa population avait été donné d’avance par le lieutenant-colonel SS Diekmann.»161On le voit, Reynouard a sciemment dissimulé le fait que, selon Le Figaro, les écrits de Taege avaient été réfutés par un journaliste ouest-allemand, qui en avait démontré le caractère mensonger162. Il a également, et tout aussi sciemment, passé sous silence des faits qui ôtaient toute crédibilité aux prétentions de Taege (et les siennes propres), à savoir les déclarations de deux officiers de la «Das Reich», Otto Kahn et Heinz Barth, qui avaient admis que le massacre, non seulement avait eu lieu, mais avait été prémédité. Preuve que même lorsqu’ils parlent d’eux-mêmes, les négationnistes ne peuvent s’empêcher de mentir.
En vérité, les allégations de Taege ne semblent pas avoir porté leurs fruits, du moins pas autant que la «version minimale». Certes, Weidinger les recycle lui-même en 1984163, et Heinz Barth s’appropriera les allégations négationnistes en purgeant sa peine, pour se faire mousser auprès de néo-nazis internés en RDA164, de même, bien plus tard, que l’ancien SS alsacien Georges-René Boos, l’un des fusilleurs d’Oradour165. Mais lorsqu’ils sont interrogés à diverses reprises par la Justice ouest-allemande, Weidinger lui-même, ainsi que Sylvester Stadler, préfèrent s’en tenir à la «version minimale»166!
De même, Taege échoue totalement à renverser le cours du procès de Heinz Barth, condamné à la réclusion à perpétuité à Berlin-Est en 1983: ayant adressé un exemplaire de Wo is Kain? à l’épouse de ce dernier, il attire l’attention de la Stasi, de sorte que les Allemands de l’Est révèlent publiquement son passé de gardien de camp à Dachau et le dénoncent pour ce qu’il est, un «faussaire de l’Histoire»167. Et en 1985, une rescapée du massacre, Camille Senon, vitupère les écrits de Taege lors de manifestations en Allemagne de l’Ouest contre une réunion d’anciens Waffen SS168.
C’est en France, toutefois, que les divagations de Taege vont connaître une nouvelle jeunesse.
En France: un négationnisme longtemps rudimentaire
En France, depuis la fin de la guerre, l’extrême droite tente de minimiser Oradour autant que possible. Si les thuriféraires de Pétain ne s’attaquent pas au massacre et préfèrent souligner les protestations émises par le Maréchal à l’attention des autorités allemandes, les autres courants prennent moins, de gants. Dès 1948, l’écrivain fasciste et négationniste Mauriche Bardèche réduit le massacre à un coup de folie de SS exaspérés par la Résistance:
«Ce n’est pas seulement une bande de brutes ayant perdu tout contrôle d’eux-mêmes qui a mis le feu à l’église d’Oradour, c’est l’homme qui parlait à la radio de Londres et qui parle aujourd’hui sur les tombes.»169Par la suite, cette négation refait ça et là surface: vingt ans après les faits, l’hebdomadaire antisémite, négationniste et raciste Rivarol reproduit un courrier de lectrice anonyme, qui prétend qu’un officier allemand, prisonnier du maquis, aurait été torturé à Oradour, et qu’à l’arrivée des SS «les maquisards s’échappèrent… comme une volée de moineaux mais principalement dans l’église, où étaient entassées leurs armes. Bien des personnes se réfugièrent avec eux et c’est pourquoi il y eut cet horrible massacre.»170 Une «lettre» qu’Herbert Taege reprendra à son compte pour affirmer que des maquisards, se trouvant dans l’église, l’aurait fait exploser171.
En 1968, c’est au tour de l’extrémiste de droite François Duprat, idéologue négationniste et futur cadre du Front national, de prétendre que les SS, à Oradour, auraient cherché à «venger leur chef» ou «y démasquer par les registres municipaux les étrangers au village (donc les partisans). La panique déclenchée par leur arrivée entraîna le massacre: pour effacer le massacre, les SS mirent le feu au village.» Et d’ajouter, à l’instar des ex-officiers SS après la guerre, que la division «Das Reich» aurait décidé de faire passer Diekmann en cour martiale172.
Noyées dans la masse et peu cohérentes, ces assertions ne vont guère loin. Les choses, si l’on ose dire, deviennent plus sérieuses à partir des années 1970, au moment où le négationnisme international s’épanouit de nouveau. Dans l’Est de la France, un groupement autonomiste, le «mouvement régionaliste d’Alsace et de Lorraine», créé en 1970, connaît une dérive néo-nazie sous l’impulsion de son président, Marcel Iffrig. Le MRAL s’attaque à la démocratie, aux Juifs, aux homosexuels, ainsi qu’à l’Histoire elle-même; en 1974, sa revue, Elsa, prétend innocenter les SS du massacre d’Oradour-sur-Glane, avant de nier l’existence des chambres à gaz l’année suivante173.
C’est précisément la frange extrémiste de l’autonomisme alsacien qui va diffuser, en France, les allégations négationnistes d’Herbert Taege.
Années 1980: importation, en France, du négationnisme de Taege par des autonomistes alsaciens
De 1983 à 1984, une autre revue autonomiste, La Nouvelle Voix d’Alsace-Lorraine, publie dans ses colonnes de larges extraits traduits en français de Wo ist Kain?174, sous la plume de Pierre Zind, séparatiste et négationniste alsacien175. En 1985, dans cette même revue, Pierre Moreau, extrémiste de droite belge qui, pendant la guerre, s’était engagé dans les Waffen SS, s’inspire fortement de l’argumentaire d’Herbert Taege pour tenter de remettre en cause l’extermination des femmes et des enfants par les SS dans l’église d’Oradour176. Faurisson lui-même fait mine de s’interroger sur le sujet en 1991, à partir, là encore, des balivernes de ce même Taege – mais, contrairement à Zind et Moreau, sans le citer:
«Pour l’historien, le massacre d’Oradour garde bien des mystères. Pourquoi, au juste, les Allemands ont-ils fusillé la population mâle? Ont-ils mis le feu à l’église (où ils avaient enfermé femmes et enfants) ou le feu s’est-il communiqué à l’église? Ont-ils tiré sur les femmes et les enfants? Les maquisards de la région avaient-ils choisi ce paisible village pour y entreposer, dans les maisons et jusque dans le clocher de l’église, des armes, des munitions et des explosifs de toutes provenances? La chaleur dégagée dans le clocher a été si forte que la cloche a fondu (!) tandis que le confessionnal de bois a été retrouvé indemne. Pourquoi n’a-t-on pas demandé une expertise à des spécialistes de balistique, du feu et des explosifs? Les procès de Nuremberg, de Bordeaux et de Berlin n’ont pas apporté de réponse claire. Les Français gardent secret le rapport d’enquête du juge d’instruction militaire allemand Detlef Okrent et les archives ne seront pas ouvertes avant 2044: pourquoi? Certaines «fictions» d’Oradour sont entretenues pour des motifs intéressés: «la Commission nationale [des déportés et internés politiques] a admis la fiction [sic] de l’encerclement de la localité par les troupes SS»; ainsi «le titre d’Interné Politique à titre posthume» a-t-il pu être «reconnu à tous les massacrés d’Oradour-sur-Glane» (Secrétariat d’État aux anciens combattants, note pour M. Bergeras, conseiller technique, en date du 12 juillet 1971, avec PV joint d’une réunion de la Commission les 4 et 5 février 1963). Le bombardement de Dresde par les Alliés a moins de mystères.»177Vincent Reynouard, un négationniste néo-nazi
Ce n’est pas Faurisson mais un de ses disciples, Vincent Reynouard, né en 1969, qui va s’atteler à la tâche de nier l’extermination d’Oradour par les SS. Militant raciste, néo-nazi déclaré, hitlérolâtre compulsif, longtemps catholique ultra-intégriste et négationniste obsessionnel, Reynouard, révoqué de ses fonctions de professeur de mathématiques-physique en 1997, pénalement condamné à plusieurs reprises pour contestation de crimes contre l’humanité, s’acharne de longue date, par l’écrit et la vidéo, à réhabiliter le Troisième Reich178.
En 1997, Reynouard publie chez une officine néo-nazie et négationniste belge son Massacre d’Oradour. Un demi-siècle de mise en scène179. Si mise en scène il y a, elle émane de Reynouard, dont le «travail» n’est que la résultante d’un demi-siècle de propagande nazie et apologétique: à l’instar des autres négationnistes, l’auteur se pose en chercheur indépendant, ayant découvert la vérité après avoir longtemps cru au grand mensonge (de la Shoah, ou de tout autre crime nazi)180; en fait, dans le cas d’Oradour, il reprend à son compte les «arguments» négationnistes et complotistes d’Herbert Taege – mais sans trop faire état de cette «paternité».
Reynouard semble avoir débuté son opération négatrice au plus tard en 1990181. Il reçoit le soutien de Faurisson182, lequel le décrit comme «un jeune homme de qualité», mais, toujours aussi condescendant, avec «les défauts de la jeunesse. Il écrit quelquefois trop vite, cela peut lui arriver. Mais, moi, je lui tire mon chapeau. J’ai beaucoup d’estime pour lui. Cela dit, il a, dans d’autres domaines, des idées plus ou moins religieuses sur lesquelles je ne le suis plus du tout. Mais il est libre.»183 Reynouard, lui, ne tarira pas d’éloges sur ce falsificateur, jusqu’à lui rendre hommage en vidéo, le 22 octobre 2018, au lendemain de sa mort: «Votre œuvre vous survivra. Ensemble, nous la pérenniserons. […] Un jour, la vérité triomphera.»184
Dans l’intervalle, Un demi-siècle de mise en scène est interdit de diffusion par arrêté du ministre de l’intérieur en date du 2 septembre 1997185, mais se retrouve sur Internet. Reynouard, bien hypocritement, se dépeint comme un chantre de la liberté d’expression, en croisade contre une «vérité officielle»: il n’est qu’un délinquant multirécidiviste, qui prendra la fuite en Grande-Bretagne au milieu des années 2010 pour éviter la prison. Arrêté par la police écossaise en 2022 après avoir adopté une fausse identité, il a été extradé en France en 2024, et aussitôt mis en examen.
La brutalité des négationnistes, et notamment de Reynouard, n’est pas confinée à leurs écrits. On se souvient que Faurisson avait physiquement agressé l’historienne Nadine Fresco en 2001. Cette violence se retrouve à Oradour: en 2001, trente habitants du village se retrouvent destinataires d’une cassette vidéo de Reynouard niant le massacre (il niera ultérieurement en être responsable); dans la nuit du 9 au 10 juin 2002, des tracts injurieux sont apposés sur les panneaux d’accès au Centre de la mémoire186; le 21 août 2020, nouvelle dégradation, au même endroit, cette fois par des «tags» négationnistes. Sans parler des victimes, de leurs familles, blessées par ces agressions, écrites, verbales, matérielles.
Un discours porté par l’extrême droite française
A défaut de convaincre le grand public, la propagande négationniste a infusé à l’extrême- droite. Il est vrai que le Front National (devenu depuis «Rassemblement National») a, depuis belle lurette, intégré le négationnisme de la Shoah dans son discours187. En 2005, son ancien chef, Jean-Marie Le Pen, a rendu un hommage appuyé aux négateurs du massacre d’Oradour, affirmant que «l’occupation allemande» n’aurait pas été «particulièrement inhumaine» et qu’«il y aurait beaucoup à dire» sur la tragédie du 10 juin 1944188. En 2011, un autre leader «frontiste», Bruno Gollnisch, a soutenu la remise en liberté de Reynouard, alors incarcéré, au prétexte de liberté d’expression189.
Toutefois, dans le souci de donner «dédiaboliser» l’image de ce parti, Marine Le Pen, qui a succédé à son père à la tête de ce mouvement, a condamné les tags négationnistes en 2020190, puis salué la mémoire de Robert Hébras sur les réseaux sociaux, le 11 février 2023191. On est en droit de supposer que ces concessions relèvent d’une tactique électoraliste: malgré les distances prises avec les discours du père, Marine Le Pen «n’a jamais renié l’histoire antisémite de son parti»192. Après avoir nié le massacre, l’extrême droite ne va-t-elle pas finir par le «digérer», pour mieux l’instrumentaliser à son tour?
Elle n’en prend pas ce chemin. L’hebdomadaire Rivarol a ouvert ses colonnes à Reynouard, lui permettant de propager ses falsifications193, d’autant que l’intéressé a été convié à d’autres émissions de sites conspirationnistes tels que «Géopolitique profonde»194 en mars 2024. Le négationnisme est bel et bien un discours pro-nazi, antisémite, complotiste et apologétique.
Notes.
1. Cité dans «Le général de Gaulle à Limoges et à Oradour», La Gazette provençale, 5 mars 1945; «Le général de Gaulle à Oradour», L’Aube, 6 mars 1945.
2. Sur la mémoire du massacre, voir Sarah Farmer, Oradour 10 juin 1944, Paris, Perrin, 2004 et 2007, coll. «Tempus», ainsi que Jean-Jacques Fouché, Oradour, Paris, Liana Levi, 2001.
3. Pierre Vidal-Naquet, «Sur une interprétation du grand massacre: Arno Mayer et la «Solution finale»», in Pierre Vidal-Naquet, Les Juifs, la mémoire et le présent, Paris, Les Belles Lettres, 2023, p. 508.
4. François Delpla, Hitler et Pétain, Paris, Nouveau Monde, 2019, p. 464 (ebook).
5. Philippe Pétain, Discours aux Français. 17 juin 1940-20 août 1944, éd. par Jean Claude Barbas, Paris, Albin Michel, 1989, message du 6 juin 1944, p. 336. Le 14 juin, Pétain ajoutera: «Nous ne sommes pas dans la guerre, votre devoir est de garder une stricte neutralité. Je ne veux pas de guerre fratricide. Les Français ne doivent pas se dresser les uns contre les autres. Leur sang est trop précieux pour l’avenir de la France et la haine ne peut que compromettre l’unité de notre pays, qui est le gage de sa résurrection.» (ibid., message du 14 juin 1944, p. 338).
6. Discours de Pierre Laval, L’Informateur de Seine et Marne, 9 juin 1944.
7. Cité dans Edouard Fournier, L’Esprit des autres, Paris, Dentu, 1886, p. 232.
8. «Réquisitoire allemand» du 4 février 1953, Sténographie du procès de Bordeaux, audience du 4 février 1953, p. 8 (fonds ADEIF).
9. Propos de Hitler du 16 juillet 1941, TMI, vol. XXXVIII, Doc. L.221, p. 88.
10. Julie d’Andurain, «Résolution des conflits au début du XXe siècle: «pacification» ou émergence d’une pensée tactique ethno-centrée», Revue Défense nationale, 2016/7, no 792, p. 53-58.
11. Dans le cas français, voir Douglas Porch, «Bugeaud, Galliéni, Lyautey: The Development of French Colonial Warfare», in Peter Paret (dir.), Makers of Modern Strategy from Machiavelli to the Nuclear Age, Princeton, Princeton University Press, 1986, p. 376-407.
12. Voir Annette Becker, «La genèse des camps de concentration: Cuba, la guerre des Boers, la grande guerre de 1896 aux années vingt», Revue d’Histoire de la Shoah, 2008/2, no 189, p. 101 à 129. Sur les camps de concentration américains aux Philippines, voir Christina Twomey, «Reconcentration and the Camp System. The Legacy of the Philippine-American War», in Robert Cribb, Christina Twomey, et Sandra Wilson (dir.), Detention Camps in Asia. The Conditions of Confinement in Modern Asian History, Boston, Brill, 2022, p. 25-42.
13. Armel Dirou, «Les francs-tireurs pendant la guerre de 1870-1871», Stratégique, 2009/1, no 93-94-95-96, p. 279-317; Walter Laqueur, Guerrilla. A Historical and Critical Study, Boston, Little, Brown & Company, 1976 et New York, Routledge, 2017, p. 83-88; Mark R. Stoneman, «The Bavarian Army and French Civilians in the War of 1870–1871. A Cultural Interpretation», War in History, 2001, vol. 8, no 3, p. 271– 293.
14. Voir Sabine Dabringhaus, «An Army on Vacation? The German War in China, 1900-1901», in Manfred F. Boemeke, Roger Chickering et Stig Förster (dir.), Anticipating Total War. The German and American Experiences 1871–1914, Cambridge, Cambridge University Press, 1999, p. 459-476.
15. En 1914, l’armée allemande massacre plus de six mille civils belges et français. Des localités sont mises à sac et brûlées (Louvain est presque entièrement rasée), on fusille ou mitraille les hommes par groupes entiers, notamment à Tamines (383 morts, 243 immeubles détruits) et à Dinant (674 civils assassinés), cette dernière localité étant détruite aux deux-tiers. Voir Jochen Böhler, «L’adversaire imaginaire: «guerre des francs-tireurs» de l’armée allemande en Belgique en 1914 et de la Wehrmacht en Pologne en 1939. Considérations comparatives», in Gaël Eismann & Stefan Martens (dir.), Occupation et répression militaire allemandes 1939-1945. La politique de «maintien de l’ordre» en Europe occupée, Paris, Autrement, 2007, p. 17-40; John Horne et Alan Kramer, German Atrocities, 1914. A history of denial, New Haven/Londres, Yale University Press, 2001; Jeff Lipkes, Rehearsals. The German Army in Belgium, August 1914, Leuven, Leuven University Press, 2007.
16. Dominik J. Schaller, «“Ich glaube, dass die nation als solche vernichtet werden muss”: Kolonialkrieg und Völkermord in “Deutsch‐Südwestafrika” 1904–1907», Journal of Genocide Research, vol. 6, no 3, 2004, p. 395-430; Joël Kotek, «Le génocide des Herero, symptôme d’un Sonderweg allemand?», in Revue d’Histoire de la Shoah, no 189, juillet-décembre 2008, p. 177-197; Hull, Absolute Destruction, op. cit., p. 5-90; Kirsten Zirkel, «Military power in German colonial policy. The Schutztruppen and their leaders in East and South-West Africa, 1888–1918», in David Killingray et David Omissi (éd.), Guardians of empire. The armed forces of the colonial powers c. 1700–1964, Manchester, Manchester University Press, 1999, p. 91-113, ici p. 101-103); Klaus Bachmann et Gerhard Kemp, «Was Quashing the Maji-Maji Uprising Genocide? An Evaluation of Germany’s Conduct through the Lens of International Criminal Law», Holocaust and Genocide Studies, vol. 35, no 2, 2021, p. 235-249.
17. Contre les Herero, la troupe se convainc que, selon le mot d’un de ses lieutenants, ces «canailles tourmentaient leurs victimes avec une cruauté et une brutalité exquises, souvent aussi des femmes et des enfants» – et même pire: que les femmes «indigènes» mutilent les soldats (Schaller, «Kolonialkrieg und Völkermord in «Deutsch‐ Südwestafrika»», op. cit., p. 419-420). Pendant la Première Guerre mondiale, mise en difficulté par la propagande adverse qui stigmatise ses propres tueries de civils en Belgique et dans le Nord, le Reich se défend sans souci de cohérence: instrumentalisés par leur gouvernement, les civils belges (enfants inclus) auraient sournoisement poignardé l’armée allemande dans le dos, soit en l’espionnant, soit en tirant sur les conquérants; imitant les Herero, ils auraient même pris plaisir à mutiler des soldats blessés, leur coupant les mains et les parties génitales; d’ailleurs, l’armée russe aurait elle aussi massacré les femmes et les enfants allemands, en envahissant la Prusse orientale en 1914… Voir Lipkes, Rehearsals, op. cit., p. 575-601; Horne et Kramer, German Atrocities, op. cit., p. 109-111, 237-247, 360-364, 375-382, 391-398. L’invasion russe de la Prusse orientale de l’été 1914, qui allait se terminer par la déroute de Tannenberg, s’est effectivement accompagnée de l’assassinat de 1 500 civils allemands. Quoique les circonstances ne soient pas totalement comparables avec les méthodes répressives allemanes à l’époque (l’armée du Kaiser procède à davantage d’exécutions collectives que l’armée du Tsar, qui commet plutôt des meurtres individuels), ces exactions russes révèlent également une certaine inquiétude de l’envahisseur devant la population occupée. Voir Alexander Watson, «“Unheard-of Brutality”: Russian Atrocities against Civilians in East Prussia, 1914–1915», The Journal of Modern History, vol. 86, no 4, décembre 2014, p. 780-825.
18. A titre d’exemple, Karl Kandelsdorfer, Episoden aus den Kämpfen der k. k. Truppen im Jahre 1882, Vienne, auto-édtion, 1884, p. 100.
19. Victor Klemperer, LTI. La langue du IIIe Reich, Paris, Albin-Michel, 1996 et Presses-Pocket, p. 45 et 49.
20. Eugen Kogon, Hermann Langbein & Adalbert Rückerl, Les chambres à gaz, secret d’Etat, Paris, Seuil, 1987, p. 13-23. https://phdn.org/histgen/leschambresagaz/part-2.html. Voir également sur PHDN, exemples de documents nazis où figurent, par négligence, à la fois les occurrences du langage codé et leur signification explicite: https://phdn.org/histgen/documents/nazisdoc.html?motcle=langage
21. Klemperer, LTI, op. cit., p. 31.
22. Jacques Schuhmacher, The War Criminals Investigate. Nazi Justifications for War, University of Oxford, 2017, p. 120-129. https://ora.ox.ac.uk/objects/uuid:0573af80-6407-4bf4-9ba4-6529cc9ae584/files/mf26a183bf70e73242ddd8373634a2987
23. Peter Witte, Michael Wildt, Martina Voigt, Dieter Pohl, Peter Klein, Christian Gerlach, Christoph Dieckmann et Andrej Angrick (éd.), Der Dienstkalender Heinrich Himmlers 1941-1942, Hambourg, Christians Verlag, 1999, entrée du 18 décembre 1941, p. 293-294.
24. Cité dans Helmut Krausnick, Hitlers Einsatzgruppen. Die Truppen des Weltanschauungskrieges 1938- 1942, Francfort sur le Main, Fischer, 1989, p. 218.
25. Dieter Pohl, Die Herrschaft der Wehrmacht. Deutsche Militärbesatzung und einheimische Bevölkerung in der Sowjetunion 1941–1944, Munich, Oldenburg, 2008, p. 167 et 285 et Christian Gerlach, Kalkulierte Morde. Die deutsche Wirtschafts- und Vernichtungspolitik in Weißrußland 1941 bis 1944, Hambourg, Hamburger Edition, 1999 et 2000, p. 993 (ebook). La notion de «village partisan» se répand dans toutes les catégories de rapports allemands relatifs à la lutte anti-partisans, aussi bien SS que militaires. Ainsi, un rapport de Einsatzgruppen annexé à une correspondance de Heydrich du 23 avril 1942 utilise cette expression, avant de préciser que le village «a été incendié et toute la population a été fusillée, car elle avait pleinement participé au soutien des partisans»: Tätigkeits- und Lagebericht Nr. 11 der Einsatzgruppen der Sicherheitspolizei und des SD in der UdSSR (Berichtszeit vom 1.3.-31.3.1942), p. 3, in TMI, vol. XXXIII, doc. PS-1376, p. 294 et Taube Archive of the International Military Tribunal (IMT) at Nuremberg, doc. USA Exhibit 808, f. 58 – voir aussi Hans-Heinrich Wilhelm, Die Einsatzgruppe A der Sicherheitspolizei und des SD 1941/42, Francfort, Peter Lang, 1996, p. 280.
26. Bericht zum Kriegstagebuch, 15.1.1943, NARA, T-315, roll. 1875, img. 0807. Idem le 20 janvier (ibid., 0800) et le 29 janvier 1943: «Le groupe Gallas a nettoyé divers villages au nord du lac Jasno, au cours desquels des bandits ont tué 22 personnes. Butin: 6 fusils, grenades à main, munitions, explosifs, 2 traîneaux. De grandes quantités de munitions ont explosé dans des maisons. Pertes propres: 2 blessés.» (ibid., img. 0785) Autres mentions de munitions qui explosent dans les maisons, manifestement pour «expliquer» la destruction d’un village: Bericht zum Kriegstagebuch, 21.2.1943 (ibid., img. 761), 15. 09. 1943 (NARA, T-315, roll 1874, img. 0305), 21.10.1943 (ibid., img. 0254).
27. Le rapport transmis au commandement militaire à Athènes par la 1re division allemande de montagne, chargée du massacre du village Comméno le 16 août 1943, mentionnait: «150 ennemis tués, quelques têtes de bétail, armes à main de fabrication italienne. Explosion de grandes quantités de munitions pendant l’incendie du village.» Un précédent rapport, interne à la division, était plus franc, parlant de «150 civils tués». BArch, RH 28- 1/102, f. 66 et 68, ainsi que BArch, RH 28-1/188; egalement NARA, T-315, roll 66, img. 426 et 429. Voir la reproduction en fac-similé des rapports allemands dans Hamburger Institut für Sozialforschung (éd.), Dimensionen des Vernichtungskrieges 1941 bis 1944, Hambourg, Hamburger Edition, 2021, p. 567. Trad. française dans Mark Mazower, Dans la Grèce d’Hitler 1941-1944, Les Belles Lettres, 2002, p. 212 (trad. de l’anglais).
28. NARA, M893, Box 18: NOKW-469.
29. BArch, RH 19-XI/37a, fol. 27: Abschrift, 2./SS-Pz.Gren. Rgt. 7, Gefechtsbericht über den Einsatz der 2./SS- Pz.Gren. Rgt. 7 am 10.6.44, 11.6.1944.
30. BArch, RH 19-XI/37a, fol. 21-32, 79-81, 129-132, 176. Voir Tákis Láppa, I sphayí tou Distómou. Khronikó, Athènes, éditions privées, 1945 (récit contemporain encore marqué par la germanophobie de l’époque); Mazower, Dans la Grèce d’Hitler, op. cit., p. 228-231 (trad. de l’anglais); Antonio J. Muñoz, The German Secret Field Police in Greece, 1941-1944, Jefferson, MacFarland, 2018, p. 81; Patric Seibel, Ich bleibe immer der vierjährige Junge von damals. Das SS-Massaker von Distomo und der Kampf eines Überlebenden um Gerechtigkeit, Francfort-sur-le-Main, Westend, 2016; témoignage de Ioannis Louca Zizis produit devant le Tribunal militaire international de Nuremberg, audience du 22 août 1947, Official Transcript of the American Military Tribunal in the matter of the United States of America against Wilhelm List, et al, defendants, sitting at Nurnberg, Germany, on 19 February 1948 (ci-après Transcript for NMT 7. Hostage Case), p. 2539-2542.
31. BArch RS 2-2/21, Liasse 2/2, f. 99, (voir aussi f. 98): Generalkommando II. SS-Panzerkorps, Ic, Tgb. Nr. 1093/43, Betrifft: Ic-Morgenmeldung, 21.9.1943.
32. Cité dans Gentile, I crimini di guerra tedeschi in Italia, op. cit., p. 173 et Schreiber, Deutsche Kriegsverbrechen in Italien, op. cit., p. 194.
33. Patricelli, Il nemico in casa, op. cit., p. 145 et Nazario Sauro Onofri, Marzabotto non dimentica Walter Reder, Bologne, Grafica Lavino, 1985 p. 25-26.
34. Onofri, Marzabotto non dimentica Walter Reder, op. cit., p. 22-25.
35. Barch, RH 19 IV/133, fol. 159-162.
36. Avis du général Bertram du 2 avril 1944, publié dans Grand Echo du Nord de la France, 3 avril 1944.
37. Barch, RH 19 IV/133, fol. 166.
38. Note du commandant en chef Ouest du 3 mai, Taube Archive of the International Military Tribunal at Nuremberg, 1945 46, H-5051, French Document Book: Extermination of Innocent Populations, fol. 154
39. Richard Breitman, Secrets officiels. Ce que les nazis planifiaient, ce que les Britanniques et les Américains savaient, Paris, Calmann-Lévy, 2005, p. 81-82 (trad. de l’anglais).
40. Ibid., p. 114.
41. Sur ce point, voir l’enquête minutieuse de Michel Baury, Oradour-sur-Glane. La falsification allemande, Waterloo, Jourdan, 2020, p. 69-127. Egalement, du même auteur, Résistance. Les derniers témoignages, Waterloo, Jourdan, 2019, p. 63-164.
42. Voir le témoignage de Fernand Laudoueineix dans Baury, Oradour-sur-Glane. La falsification allemande, op. cit., p. 222-223.
43. PV d’audition de Louis H., 14 décembre 1944, 1207/85, AD Haute-Vienne, 1517 W 484, img. 0641 et AJM, «Dossier Oradour», liasse V, 04-00765. PV d’audition de Jean-Pierre E., 24 septembre 1945, no 2384, AD Haute- Vienne, 1517 W 484, img. 0659-0660.
44. Déposition de Louis Hamm, 15 décembre 1944, 1207/89, AD Haute-Vienne, 1517 W 524, 00555 et AJM, «Dossier Oradour», liasse V, 04-00777-778. Déposition d’Alfred S. du 14 décembre 1944, no 1207/86, AJM, «Dossier Oradour», Liasse V, 04-00770. PV d’audition de Fritz Pfeuffer, 13 juin 1947, AJM, «Dossier Oradour», Liasse VII, 03-00743. Ce prétexte continuera de circuler dans les derniers mois de la guerre au sein de la division «Das Reich» (PV d’audition de Heinz Simstedt, 3 août 1945, AD Haute-Vienne, 1517 W 424, 0909). Henri W. indique avoir été informé qu’on aurait fait payer à Oradour les tortures infligées à un général allemand (Dépositions d’Henri W. des 1er et 8 septembre 1946, AJM, «Dossier Oradour», Liasse VII, 03-0046 et 00856).
45. Déclaration de Léon Sage, rapport du commissaire Massiéra du 4 juillet 1944, p. 11 (AD Haute-Vienne, 1517 W 424). Confirmé par témoignage de Jean Pallier, Les Lettres françaises, numéro spécial, 1er août 1944, «Sur les ruines de la morale: Oradour-sur-Glane».
46. Déposition Anna Hyvernaud, Sténographie du procès de Bordeaux, audience du 29 janvier 1953, p. 4. PV d’audition d’Yvonne Gaudy, 25 mai 1948, AJM, «Dossier Oradour», Liasse XIII, 07-00329. Rapport du commissaire Hugonneau, 26 mai 1948, AJM, «Dossier Oradour», Liasse XIII, 07-00321.
47. Déposition de René Ohl, 10 juillet 1946, AJM, «Dossier Oradour», liasse VI, 04-00162.
48. Déclaration de Marie Gauthier, rapport du commissaire Massiéra du 4 juillet 1944, p. 10 (AD Haute-Vienne, 1517 W 424). Confirmé par la déposition de Camille Senon, Sténographie du procès de Bordeaux, audience du 27 janvier 1953, p. 19-20.
49. PV d’audition de Louise Compain, 3 novembre 1944, AD Haute-Vienne, 1517 W 424, img. 0037 et AJM, «Dossier Oradour», Liasse V, 04-00573. Voir également Sténographie du procès de Bordeaux, audience du 27 janvier 1953, p. 14.
50. PV d’audition de Camille Senon, 6 décembre 1944, AD Haute-Vienne, 1517 W 424, img. 290.
51. Déposition de Camille Senon, Sténographie du procès de Bordeaux, audience du 27 janvier 1953, p. 20. Voir également PV d’audition de Camille Senon, 6 décembre 1944, AD Haute-Vienne, 1517 W 424, img. 0290.
52. Déposition d’Emile Demery, Sténographie du procès de Bordeaux, audience du 27 janvier 1953, p. 28. Déposition de Jean Courivaud, Sténographie du procès de Bordeaux, audience du 27 janvier 1953, p. 9-10.
53. Déposition d’Alfred S. du 14 décembre 1944, no 1207/86, AJM, «Dossier Oradour», Liasse V, 04-00770.
54. Franck Delage, Oradour. Ville martyre, Paris, Mellottée, 1945, p. 51.
55. Jean-Paul Picaper, Les ombres d’Oradour. 10 juin 1944, Paris, L’Archipel, 2014, p. 155. Voir également l’audition de Heinz Barth lors de son procès à Berlin-Est en 1983 (Le Populaire du Centre, 31 mai 1983; Peter Przybylski et Horst Busse, Mörder von Oradour, Berlin, Militärverlag der Deutschen Demokratischen Republik, 1984, p. 95-96).
56. Fac-similé reproduit dans L’Humanité, 5 février 1953. Voir également Karl Stitzer, Mordprozess Oradour, Berlin, Dietz Verlag, 1954, p. 52; Ahlrich Meyer, L’occupation allemande en France 1940- 1944, Toulouse, Privat, 2002, p. 195 (trad. de l’allemand); Reimund Schnabel, Le Dossier des SS, Paris, Perrin, 1967, p. 238-239 (trad. de l’allemand); C. F. Rüter (éd.), DDR-Justiz und NS-Verbrechen, vol. I: Verfahren Nr.1001 - 1030 (1975 – 1989), Lfd.Nr.1009a, Stadtgericht Berlin, 07.06.1983, p. 286 (Amsterdam, 2002).
57. TMI, vol. XXXVII, doc. F-257, p. 15: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9760029n/f31.
58. Cité dans Jacques Delarue, Trafics et crimes sous l’Occupation, Paris, Fayard, 1968 et 1993 (éd. rev. et aug.), p. 445.
59. Extrait cité par Jean-Paul Pierrot, «L’invention du mensonge», L’Humanité, 8 juillet 1994. Document reproduit partiellement en fac-similé dans L’Humanité, 4 février 1953.
60. Rapport du Préfet Régional de Limoges, 15 juin 1944 – AD Haute-Vienne, 986 W 481, img. 0024 et AJM, «Dossier Oradour», liasse VI, 04-00203-206.
61. Cité dans Pierre Poitevin, Dans l’enfer d’Oradour. Le plus monstrueux crime de guerre, Limoges, Publications du Centre, 1944, p. 118-119.
62. Déclaration de Pierre Poitevin, 10 juillet 1945, AJM, «Dossier Oradour», Liasse VI, 00186. Egalement, Déposition de Pierre Poitevin, Sténographie du procès de Bordeaux, audience du 23 janvier 1953, p. 31.
63. TMI, vol. XXXVII, doc. F-257, p. 18 https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9760029n/f34.
64. Sur cet épisode, voir l’étude, à jour, de Baury, Résistance. Les derniers témoignages, op. cit., p. 43-62, ainsi que Roger Chastaing, J’étais FTPF en Hate-Vienne, Paris, Editions de l’Amicale de la Veytizou, 1990, p. 121-148.
65. Limagne, Ephémérides de quatre années tragiques, III, p. 2058.
66. Saint-Paulien, Histoire de la Collaboration, Paris, L’Esprit nouveau, 1964, p. 448.
67. Jean Guéhenno, Journal des années noires, Paris, Gallimard, 1947, et Livre de Poche 1968, entrée du 22 juin 1944, p. 482.
68. PV d’audition de Jeanne Duqueroix, 7 novembre 1944, AD Haute-Vienne, 1517 W 424, img. 0053.
69. Report No. PWIS(H)/KP/113 - SS-Panzer Grenadier Regiment 4 «Der Führer» - Kempton Park Camp 7 July 1944. Public Record Office (Kew). En ligne: https://www.oradour.info/appendix/pow-report01.htm.
70. Ibid.
71. Rapport du Préfet de la Région de Limoges, 15 juin 1944, p. 4, AD Haute-Vienne, 986 W 481, img. 0024 et AJM, «Dossier Oradour», liasse VI, 04-00203-209.
72. Saint-Paulien, Histoire de la Collaboration, op. cit., p. 450.
73. Cité dans Henri Noguères, Histoire de la Résistance en France, tome IX: D’Overlord à la fin du Vercors, Genève, Famot, 1982, p. 138 (éd. originale: vol. V, Paris, Robert Laffont, 1981, p. 133).
74. Centre de la Mémoire d’Oradour, La mémoire d’Oradour. Récits publiés et photographies. Catalogue de l’exposition d 28 juin au 8 septembre 1996, p. 57-58 et 75-96.
75. Pierre Limagne, Ephémérides de quatre années tragiques 1940-1944, vol. III: Les assauts contre la Forteresse Europe, Paris, Candide, 1987, p. 2061.
76. Ibid.
77. Cité dans Delarue, Trafics et crimes sous l’Occupation, op. cit., p. 445.
78. Hans Umbreit, «German Rule in the occupied territories» 1942-1945», in Bernhard Kroener, Rolf-Dieter Müller et Hans Umbreit (dir.), Germany and the Second World War, vol. V/2, Oxford, Clarendon, 2003, p. 196 (trad de l’allemand). Blaskowitz n’en a pas moins exploité le massacre auprès de l’administration de Vichy, pour l’amener à mieux contrôler la population, seule manière selon lui d’éviter de verser le sang: Der Oberbefehlshaber der Armeegruppe G, Abt. Ia, Nr. 393/44 g, 17.6.44 – BArch, 35/551, f. 52, img. 0105-0106.
79. Gruppe Ottenbacher, Br. B. Nr.134/44, Abrt. Ia., Betr. Verhalten der Truppe im Bandenkampf und Suehnemassnahmen, 30.6.1944 – BArch, RW 35/551, f. 50, img. 0101; Peter Lieb, Konventioneller Krieg oder NS-Weltanschauungskrieg? Kriegführung und Partisanenbekämpfung in Frankreich 1943/44, Munich, Oldenburg, 2006, p. 371.
80. Gen. Kdo. LVIII. Pz-Korps, Abt. Ia Nr. 957/44, Bandenbekämpfung durch Jagdkommandos, 16.7.1944, p. 3 – NARA, T-314, Roll 1496, img. 650.
81. Extrait cité par Jean-Paul Pierrot, «L’invention du mensonge», L’Humanité, 8 juillet 1994. Fac-similé reproduit en fac-similé dans L’Humanité, 5 février 1953. Egalement CMO, 1 ETUD 2-4.
82. Rapport du Préfet de la Région de Limoges, 16 juin 1944, AD Haute-Vienne, 986 W 481, img. 0014.
83. Penaud, La «Das Reich», op. cit., p. 351-352
84. Cité dans Sönke Neitzel & Harald Welzer, Soldaten. Protokolle vom Kämpfen, Töten und Sterben, Francfort, Fischer, 2012, chapitre «Waffen SS», section «Verbrechen» (ebook).
85. La protestation du Maréchal Pétain est évoquée par son directeur du Cabinet, Jean Tracou, dans un courrier adressé le 29 juin 1944 au Préfet régional Courrier du Directeur de cabinet du Maréchal Pétain au Préfet régional, 29 juin 1944, AD Haute-Vienne, 986 W 0258, 0007.
86. TMI, vol. XXXVII, doc. F-673, p. 338-341, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9760029n/f354. Voir également BArch, N 54-16, f. 33-36, 40-42, 47 ainsi que Taube Archive of the International Military Tribunal (IMT) at Nuremberg, RF Exhibit 392, H-4569: en ligne… La note de Pétain figure dans la cote A.N., 72 AJ 3215.
87. Oberkommando der Wehrmacht, WFSt/Qu.2 (I), Nr. 01487/45 g, Angebliche Tötung franz. Staatsangehöriger ohne Urteil, 5.3.1945 (Keitel), in TMI, vol. XXXVII, doc. F-673, p. 362-363. Version française in Taube Archive of the International Military Tribunal (IMT) at Nuremberg, French Document Book: Extermination of Innocent Populations, H-5051, img. 184: en ligne… Dejà, en juillet 1944, le Haut-Commandement à l’Ouest s’était saisi du dossier, qui «pourrait jouer un rôle politique majeur», mais souhaitait que le général SS Hausser, devenu chef de la 7e armée et nouvelle autorité nominale de la «Das Reich», prenne position: Oberbefehlshaber West, Anlageband V, KTB ab 1.7.44 bis 31.12.44, Tägl. Fernsprechnotizen, Abt. Ic, 7.7.44, p. 3, 17:50 – BArch, RH 19-IV/142, f. 28, img. 0061.
88. SS Ausbildungsgruppe Süd Gericht, Tgb Nr. 4/45, «Tötung franz. Staatsangehöriger ohne Urteil», 4.1.1945, Taube Archive of the International Military Tribunal (IMT) at Nuremberg, RF Exhibit 392, H-4569, p. 7-8: en ligne… Traduction française in Taube Archive of the International Military Tribunal (IMT) at Nuremberg, French Document Book: Extermination of Innocent Populations, H-5051, p. 182-183: en ligne… L’attestation d’Okrent a été reproduite dans Przybylski et Busse, Mörder von Oradour, op. cit., p. 99-100 ainsi que par Jean-Jacques Fouché, Oradour. La politique et la justice, Saint-Paul, Lucien Souny, 2004, p. 50-51.
89. TMI, vol. VI, p. 428-429, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9758485v/f435. Oberkommando der Wehrmacht, WFSt/Qu.2 (I), Nr. 01487/45 g, Angebliche Tötung franz. Staatsangehöriger ohne Urteil, 5.3.1945 (Keitel), in TMI, vol. XXXVII, doc. F-673, p. 362-363. Version française in Taube Archive of the International Military Tribunal (IMT) at Nuremberg, French Document Book: Extermination of Innocent Populations, H-5051, img. 184: en ligne…
90. Karl Jaspers, La culpabilité allemande, Paris, Editions de Minuit, 1948 et 1990, p. 43 (trad. de l’allemand).
91. Procès spectacles, la valeur historique des procédures soviétiques reste controversée dans la mesure où les aveux auraient été obtenus dans des conditions douteuses (un sous-officier condamné en 1946 a ainsi fait l’objet d’une réhabilitation cinquante ans plus tard). Voir Manfred Zeidler, «Der Minsker Kriegsverbrecherprozeß vom Januar 1946. Kritische Anmerkungen zu einem sowjetischen Schauprozeß gegen deutsche Kriegsgefangene», Vierteljahrshefte für Zeitgeschichte, Jahrgang 52 (2004), Heft 2, p. 211-244.
92. Claudia Moisel, «Les procès pour crimes de guerre allemands en France après la Seconde Guerre mondiale», Bulletin de l’Institut d’Histoire du Temps Présent, no 80, second semestre 2002, p. 90-101, ici p. 100 https://www.persee.fr/doc/ihtp_0247-0101_2002_num_80_1_1788 et Frankreich und die deutschen Kriegsverbrecher. Politik und Praxis der Strafverfolgung nach dem Zweiten Weltkrieg, Göttingen, Wallstein Verlag, 2004, p. 8. Voir également Adalbert Rückerl, Die Strafverfolgung von NS-Verbrechen 1945-1978. Eine Dokumentation, Heidelberg/Karlsruhe, C.F. Müller, 1979, p. 28-32.
93. Voir Michael Phayer, L’Eglise et les nazis, Paris, Liana Levi, 2001, p. 199-214 (trad. de l’anglais).
94. Alfred Wahl, La seconde histoire du nazisme dans l’Allemagne fédérale depuis 1945, Paris, Armand Colin, 2006, p. 24-25.
95. Andrea Erkenbrecher, Oradour und die Deutschen. Geschichtsrevisionismus, strafrechtliche Verfolgung,Entschädigungszahlungen und Versöhnungsgesten ab 1949, Oldenbourg, De Gruyter, 2023, p. 97-98, 187, 206-208, 225-233; Bernhard Brunner, Der Frankreich-Komplex. Die nationalsozialistischen Verbrechen in Frankreich und die Justiz in der Bundesrepublik Deutschland, Göttingen, Wallstein, p. 115-123; Bruno Kartheuser, Walter, agent du SD à Tulle, vol. IV: Crime sans châtiment, Neundorf, Krautgarten, 2008, p. 306-308 et 332.
96. Kerstin von Lingen, «Hitler’s Military Elite in Italy and the Question of “Decent War”», in Messenger et Paehler, A Nazi Past, op. cit., p. 169 (sachant que le cas du théâtre de guerre italien, comme elle le souligne, fait exception à la règle, les SS ayant été impliqués dans les négociations secrètes ayant conduit à la reddition des troupes allemandes aux armées alliées).
97. Voir Andreas Eichmüller, Die SS in der Bundesrepublik. Debatten und Diskurse über ehemalige SS- Angehörige 1949–1985, Oldenburg, De Gruyter, 2018, notamment p. 19-38.
98. TMI, vol. XXII, p. 548.
99. Sur le massacre et procès de Malmédy, ainsi que les légendes propagées par les SS, voir Richard Gallagher, Malmedy Massacre, New York, Paperback Library, 1964; James J. Weingartner, Crossroads of Death. The story of the Malmédy Massacre and Trial, Berkeley, University of California, 1979; Steven P. Remy, The Malmédy Massacre. The War Crimes Trial controversy, Cambridge/Londres, Harvard University Press, 2017. Sur le rôle d’Everett, voir James J. Weingartner, A peculiar Crusade. Willis M. Everett and the Malmedy Massacre, New York, New York University Press, 2000. L’intervention de McCarthy est décrite par Thomas C. Reeves, The life and times of Joe McCarthy, Madison Books, 1997, p. 161-185.
100. Erich Kernmayer, plus connu sous le nom d’Erich Kern, était un ancien SS autrichien, qui se reconvertira comme propagandiste néo-nazi après la guerre. Négationniste, il chantera les louanges de Robert Faurisson en 1979 – voir Gilles Karmasyn, «Theodore Kaufman, ou comment la propagande nazie se retrouve sur les forums de discussion francophones», https://phdn.org/antisem/kaufman.html (1999, dernière mise à jour: 2001).
101. Remy, The Malmedy Massacre, op. cit., p. 191-193, 210-212, 242-243, 259-261 ; Weingartner, Crossroads of Death, op. cit., p. 232-233; Erkenbrecher, Oradour und die Deutschen, op. cit., p. 108-109.
102. Ainsi Philippe Aziz, «Le procès de Malmédy», in Michel Hérubel, La bataille des Ardennes, Presses-Pocket, 1981, p. 239-244 ou encore Gerd J Gust Cuppens, Massacre à Malmédy? Ardennes: 17 décembre 1944. Le Kampfgruppe Peiper dans les Ardennes, Heimdal, 1994 et Jacques de Launay, Crimes nazis en Ardennes, Bruxelles, Collet, 1990.
103. Maurice Bardèche, Nuremberg II ou les faux monnayeurs, Paris, Les Sept Couleurs, 1950 (rééd. par la maison d’extrême droite Kontre Kulture sous le titre Nuremberg, 2014, p. 297-305). Sur Bardèche, voir Valérie Igounet, Histoire du négationnisme en France, Paris, Seuil, 2000, p. 37-60 ainsi que Gilles Karmasyn, «Les amis de Rassinier: Maurice Bardèche», https://phdn.org/negation/rassinier/bardeche.html (1999, dernière mise à jour: 2023).
104. Erkenbrecher, Oradour und die Deutschen, op. cit., p. 65-167.
105. Déposition de Robert Koenig, 15 décembre 1944, AJM, «Dossier Oradour», Liasse V, 04-00783-784.
106. Georges Beau et Léopold Gaubusseau, R5. Les SS en Limousin, Périgord, Quercy, Paris, Presses de la Cité, 1969 et 1984, p. 262.
107. PV d’audition de Heinz Werner, 20 novembre 1947, AJM, «Dossier Oradour», liasse VI, 04-00021-00024; PV d’audition d’Otto Weidinger, 4 mai 1949, AD Haute-Vienne, 1517 W 484, img. 1048-1050. Weidinger reprend les termes d’un «rapport» qu’il avait rédigé en février 1949 (voir Erkenbrecher, Oradour und die Deutschen, op. cit., p. 69-74).
108. Ibid.
109. Lettre d’Albert Stückler à Herbert Taege, 15 juin 1981, citée in Kartheuser, Crime sans châtiment, op. cit., p. 378.
110. «Rapport» d’Albert Stückler, février 1949, «Die 2. SS-Panzer-Division «Das Reich» in Frankreich vom Februar – Juli 1944», Teil II, Anlage 7. «Vorgänge in Limoges und Oradour sur Glane (8.-10 Mai 1944)», fonds ADEIF Erkenbrecher, Oradour und die Deutschen, op. cit., p. 100-105.
111. Erkenbrecher, Oradour und die Deutschen, op. cit., p. 105.
112. Christ und Welt, 20 octobre 1949 (mentionné dans Le Monde, 26 avril 1950) et Talpost, 22 mars 1950 (AD Haute-Vienne, 986 W 481, img. 0373-0379).
113. Le Monde, 28 avril 1950. Sur l’intervention de l’ANFMOG, voir également la note d’information des Renseignements généraux de la Haute-Vienne (no illisible), 24 avril 1950, AD Haute-Vienne, 986 W 481, img. 0360-0361.
114. Erkenbrecher, Oradour und die Deutschen, op. cit., p. 108-115.
115. Michael Kater, Hitler Youth, Cambridge/Londres, Harvard University Press, 2004, p. 167-168 et Picaper, Les ombres d’Oradour, op. cit., p. 231-237. Egalement Erkenbrecher, Oradour und die Deutschen, op. cit., p. 143-144.
116. Erkenbrecher, Oradour und die Deutschen, op. cit., p. 108-109.
117. Ibid., p. 111-112.
118. Ibid., p. 112-113.
119. Cité dans ibid., p. 112.
120. Cité dans ibid., p. 113.
121. Déclaration de Karl Gerlach du 20 septembre 1951 enregistrée par le Tribunal de 1re instance de Hambourg (Georges Beau et Léopold Gaubusseau, R5. Les SS en Limousin, Périgord, Quercy, Paris, Presses de la Cité, 1969, p. 223-226).
122. Erkenbrecher, Oradour und die Deutschen, op. cit., p. 115.
123. Déclaration sous la foi du serment, 29 octobre 1952, A.N., 363 AP 25, img. 0020-0021.
124. Cité dans Erkenbrecher, Oradour und die Deutschen, op. cit., p. 114-115. Voir également le témoignage d’Okrent: https://www.oradour.info/appendix/dortmund/okrent02.htm
125. Sur ces allégations, voir Kartheuser, Crime sans châtiment, op. cit.
126. Bruno Kartheuser, Walter, agent du SD à Tulle, vol. III: Les pendaisons de Tulle. Le 9 juin 1944, Neundorf, Krautgarten, 2004, p. 357-364 et 464-466; Jean-Jacques Fouché et Gilbert Beaubatie, Tulle. Nouveaux regards sur les pendaisons et les événements de juin 1944, Saint-Paul, Lucien Souny, 2008, p. 143-148.
127. Les plaidoiries des avocats des «malgré nous» figurent dans le fonds de l’ADEIF.
128. Erkenbrecher, Oradour und die Deutschen, op. cit. p. 231-232 et 238-243; Picaper, Les ombres d’Oradour, op. cit., p. 180-183.
129. Tout au plus Kahn mentionne-t-il que le convoi des Waffen SS aurait croisé un camion renversé dans un fossé, avec autour des cadavres français, «peut-être des membres de la Milice», ce qu’aucun autre témoignage ne confirme. Voir la déposition d’Otto Kahn du 13 décembre 1962 devant le procureur de Dortmund, reproduite dans Picaper, Les ombres d’Oradour, op. cit., p. 371-384. Également en ligne (en anglais): https://www.oradour.info/appendix/kahnsta1.htm.
130. Otto Weidinger, Division Das Reich, Osnabrück, Munin Verlag, 5 vol., 1967-1982. Munin n’est autre qu’une maison d’édition de la HIAG, et a publié de nombreux écrits d’extrême droite.
131. Le Parquet de Dortmund interroge alors plusieurs anciens de la «Das Reich», dont Lammerding (https://www.oradour.info/appendix/lammsta1.htm), (https://www.oradour.info/appendix/weidgr12.htm), (https://www.oradour.info/appendix/dortmund/okrent01.htm) (https://www.oradour.info/appendix/dortmund/stadler01.htm), (https://www.oradour.info/appendix/werner01.htm) et Kahn (https://www.oradour.info/appendix/kahnsta1.htm), qui, on l’a vu, va les contredire…
132. Entré en vigueur en 1955, cet accord redonnait aux juridictions ouest-allemandes une compétence élargie pour juger les criminels de guerre, sauf dans les cas où une enquête avait été «définitivement close» par le Ministère public américain, britannique ou français, ce qui était censé empêcher un tribunal allemand de réviser les précédents verdicts rendus par les tribunaux militaires alliés, à commencer par ceux de Nuremberg. Mais, constatera le gouvernement français (qui ne s’est guère mobilisé pour rechercher les criminels nazis), «ce texte se retourne maintenant contre nous» (Réponse du Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères Jean de Lipkowski, J.O.A.N., séance du 11 octobre 1968, p. 3284, in La Contemporaine, Fonds Delarue, F Delta 835/9): en retour, cette même Justice d’Allemagne de l’Ouest interprète ladite prohibition de manière extensive, s’interdisant de poursuivre les anciens membres de la «Das Reich» résidant en Allemagne quand ils ont été condamnés pour crimes de guerre en France par contumace, comme tel est le cas pour les atrocités de Tulle et d’Oradour. Ce qui ne manque pas d’être critiquable, en fait comme en droit: d’abord, parce que tous les SS de la «Das Reich» n’ont pas été jugés par contumace pour le massacre d’Oradour (à commencer par l’ex-général Lammerding, ignoré par l’acte d’accusation du procès de Bordeaux); ensuite, parce qu’en droit français un verdict rendu par contumace n’était nullement définitif, et impliquait de rejuger l’accusé s’il était appréhendé, de sorte que l’enquête ne pouvait être qualifiée de «définitivement close».
133. Kartheuser, Crime sans châtiment, op. cit., p. 337-341.
134. Extraits du jugement reproduits dans Le Figaro, 21 janvier 1966. Sur cette affaire, voir la documentation réunie par Jacques Delarue, La Contemporaine, Fonds Delarue, F Delta 835/20 et 835/25.
135. Wahl, La seconde histoire du nazisme, op. cit., p. 97-106.
136. Notamment, Delarue établit de manière irréfutable que Lammerding n’a pu manquer d’assister aux pendaisons de Tulle (Delarue, Trafics et crimes sous l’Occupation, op. cit., p. 361-366).
137. Brunner, Das Frankreich-Komplex, op. cit., p. 262-279 ainsi qu’Erkenbrecher, Oradour und die Deutschen, op. cit., p. 219-221.
138. Lettre de Weidinger à Marcel Dufresne, 2 avril 1968, citée dans Bruno Kartheuser, Walter, agent du SD à Tulle, vol. IV: Crime sans châtiment, Neundorf, Krautgarten, 2008, p. 348-349.
139. Lettre de Lammerding à Weidinger, 28 avril 1968, citée in ibid., p. 346-347.
140. Lettre de René Jugie à Gaston Hyllaire, 25 septembre 1971, p. 5, La Contemporaine, Fonds Delarue, F Delta 835/7.
141. Weidinger fera notamment dire à Jugie que des maquisards et des munitions se seraient trouvés à Oradour-sur-Glane – extraits traduits en français de Der Freiwillige, La Contemporaine, Fonds Delarue, F Delta 835/7. Jugie, critiqué par d’anciens Résistants pour cette rencontre, indiquera, de son côté, qu’elle lui aurait permis d’en déduire que Lammerding était bel et bien présent à Tulle pendant les pendaisons du 9 juin 1944, ce qui confirmerait sa culpabilité (lettre à Gaston Hyllaire, 25 septembre 1971, op. cit., p. 5-6). Sur l’instrumentalisation de Jugie dans la campagne négationniste des anciens cadres de la «Das Reich», voir Kartheuser, Crime sans châtiment, op. cit., p. 350-351.
142. Beau et Gaubusseau, R5, op. cit., p. 179-263. Sur le rôle des officiers SS, principalement Otto Weidinger, voir Kartheuser, Crime sans châtiment, op. cit., p. 343-358 et Erkenbrecher, Oradour und die Deutschen, op. cit., p. 132-134.
143. Voir les mémoires de Marie-Madeleine Fourcade publiés sous le titre L’Arche de Noé, Paris, Fayard, 1968 et Michèle Cointet, Marie-Madeleine Fourcade, un chef de la Résistance, Paris, Perrin, 2006.
144. Raymond Cartier, La Seconde Guerre mondiale, vol. II: 1942-1945, Paris, Presses de la Cité, 1965, p. 362.
145. Erkenbrecher, Oradour und die Deutschen, op. cit., p. 166-167. Curieusement, l’historien Peter Lieb attribue, certes au conditionnel, mais en s’appuyant expressément sur les écrits apologétiques d’Otto Weidinger, la responsabilité du massacre au seul Diekmann, lequel aurait cru que son «camarade et ami de longue date» Kämpfe était détenu à Oradour (Lieb, Konventioneller Krieg oder NS-Weltanschauungskrieg?, op. cit., p. 369).
146. Testament de Lammerding recueilli en 1970 par Otto Weidinger, reproduit dans Michel Peyramaure, La division maudite. Roman-document, Paris, Robert Laffont, 1987, p. 426-429.
147. Les négociations se sont heurtées à «une résistance forte et tenace», note l’historien Bernhard Brunner, à savoir celle des anciens nazis en poste dans les administrations ouest-allemandes, qui bloqueront ensuite la ratification de l’accord. C’est sans compter, toutefois, sur les actions spectaculaire d’un couple de militants, Serge et Beate Klarsfeld, qui dévoilent publiquement le passé nazi de certains politiciens ouest-allemands et y sensibilisent l’opinion publique en Allemagne fédérale, ce qui rendra possible la ratification. Voir Brunner, Das Frankreich-Komplex, op. cit., p. 280-320 et Beate et Serge Klarsfeld, Mémoires, Paris, Flammarion/Fayard, 2015, p. 251-390.
148. Andreas Eichmüller, Die SS in der Bundesrepublik. Debatten und Diskurse über ehemalige SS-Angehörige 1949–1985, Oldenburg, De Gruyter, 2018, notamment p. 168-191.
149. Eichmüller, Die SS in der Bundesrepublik, op. cit., p. 281.
150. Herbert Taege, Wo ist Kain. Enthüllungen und Dokumente zum Komplex Tulle + Oradour, Lindhorst, Askania, 1981 et Wo ist Abel. Weitere Enthüllungen und Dokumente zum Komplex Tulle + Oradour, Lindhorst, Askania, 1985.
151. Stéphanie Courouble-Share, avec la participation de Gilles Karmasyn, Le négationnisme. Histoire, concepts et enjeux internationaux, Paris, Eyrolles, 2023, p. 21.
152. Auteur, en 1976, de The Hoax of the Twientieth Century («Le canular du XXe siècle»). Sur Butz, voir Deborah Lipstadt, Denying the Holocaust. The growing assault on truth and memory, New York, Plume, 1993 et 1994, p. 123-136.
153. Sur Irving, voir Gilles Karmasyn, «David Irving. Négationnisme pour l’amour d’Hitler», https://phdn.org/negation/irving/ (2001 – dernière mise à jour: 26 janvier 2022).
154. Sur Faurisson, voir Valérie Igounet, Robert Faurisson. Portrait d’un négationniste, Paris, Denoël, 2012 ainsi qu’Histoire du négationnisme en France, op. cit., notamment p. 143 et s. Voir également Gilles Karmasyn, «Faurisson, un falsificateur», https://phdn.org/negation/faurisson/index.html (2000 - dernière mise à jour: 19 avril 2021).
155. Notes manuscrites de Robert Faurisson sur une lettre de l’éditeur et politicien d’extrême droite Gerhard Frey du 28 décembre 1976 communiquée à Herbert Taege, intervenant en réponse à une lettre de Taege du 17 novembre 1980, Institut für Zeitgeschichte, cote ZS 3123, https://www.ifz-muenchen.de/archiv/zs/zs-3123.pdf. Voir également Erkenbrecher, Oradour und die Deutschen, op. cit., p. 147. p. 147.
156. Taege, Wo ist Kain?, op. cit., p. 6.
157. Taege, Wo ist Kain?, op. cit., p. 266.
158. Taege, Wo ist Kain?, op. cit., p. 247 et s. Voir également l’analyse de Jean-Paul Picaper, Les ombres d’Oradour, op. cit., p. 239-242.
159. Reynouard, Un demi-siècle de mise en scène, op. cit., p. 27.
160. Picaper, Les ombres d’Oradour, op. cit.
161. Jean-Paul Picaper, «RFA. Le drame d’Oradour refait surface», Le Figaro, 5-6 janvier 1985.
162. Toutefois, Jean-Paul Picaper, reproduisant probablement les déclarations et/ou écrits de Schwarz, semblait alors contaminé par la «version minimale» déjà croisée, indiquant: «Ce dernier [Diekmann], qui fut tué au combat peu de temps après, avait inventé lui-même sa raison d’intervenir en prétendant avoir lu des rapports d’indicateurs sur la présence, à Oradour, de soldats et d’officiers allemands enlevés par le maquis. Dans son rapport après le massacre, il écrivit pour se justifier avoir agi en légitime défense et avoir trouvé dans le village des corps d’Allemands exécutés. Pourquoi Oradour? Un lieutenant SS Gerlach avait échappé au maquis et prétendait avoir été conduit dans ce village par ses ravisseurs.» Mais le rapport de Diekmann qu’évoque Jean-Paul Picaper n’a jamais existé ailleurs que dans les allégations d’après-guerre d’Albert Stückler et Otto Weidinger. De même, il eût été utile de rappeler que les allégations de Gerlach s’inscrivaient dans une stratégie de défense élaborée notamment par Stückler, au début des années 1950.
163. Otto Weidinger, Tulle und Oradour. Eine deutsch - französische Tragödie, auto-édition, 1984.
164. Erkenbrecher, Oradour und die Deutschen, op. cit., p. 359.
165. Déclaration de Georges-René Boos enregistrée en 2015 et publiée le 10 juin 2019: «Y avait-il des explosifs à l’intérieur de l’église, ou ont-ils été apportés après? Je ne sais pas. J’ai conduit Gnug à l’hôpital dans l’après- midi, à Limoges, ce qui fait que je n’ai pas pu participer à toute l’histoire. Gnug avait une grave blessure à la tête, il était incapable de parler. Il était artificier et ça m’étonnerait qu’un expert comme lui soit assez idiot pour poser des explosifs sans se protéger. C’est ça qui prouve que c’était bien le bon endroit… Oradour était bien une histoire de représailles. Les Français de l’autre côté ont misé là-dessus, pilotés par Londres: provoquer des représailles d’ampleur. Les Français jouaient les partisans, vous savez combien ils ont tué de gens, et les communistes et l’épuration… Alors c’est très simple, nous avons dit: “Nous allons frapper un bon coup et on aura la paix.” Toute cette saloperie, je ne l’ai jamais digérée. On a utilisé des soldats du front pour commettre un crime, et, ensuite, on a voulu les éliminer en Normandie pour qu’il n’y ait plus de témoins.» Cité dans Le Sommier et Trierweiler, «Notre enquête sur l’exécuteur d’Oradour», op. cit. (Paris-Match, 10 juin 2019).
166. Erkenbrecher, Oradour und die Deutschen, op. cit., p. 151-152.
167. Przybylski et Busse, Mörder von Oradour, op. cit., p. 164-166. Erkenbrecher, Oradour und die Deutschen, op. cit., p. 152-154.
168. Guy Perlier, Camille Senon. Survivante du tramway d’Oradour-sur-Glane, Limoges, Les Monédières, 2013, p. 182-184 et Erkenbrecher, Oradour und die Deutschen, op. cit., p. 159-163.
169. Maurice Bardèche, Nuremberg ou la Terre promise, Paris, Les Sept Couleurs, 1948 (éd. 2014, op. cit., p. 103). Ce livre vaudra à Bardèche d’être condamné par la Cour d’appel de Paris le 19 mars 1952, pour apologie de meurtre, à un an d’emprisonnement et cinquante mille Francs d’amende (il bénéficiera d’une mesure de grâce accordée par le Président de la République en 1954). Il sera révélé, en première instance devant le Tribunal corretionnel de Paris, que l’édition allemande de ce pamphlet avait modifié le passage sur Oradour comme suit: «Une unité de la division Das Reich avait l’ordre d’empêcher l’exécution du commandant Kaempfe (du 4e Panzer Grenadier Regiment), tombé aux mains de la Résistance. En exécution de cette opération l’unité pénétra sur le territoire de la commune d’Oradour près de Limoges. Au cours du combat qui s’engagea six cent quarante-deux habitants furent tués et la commune incendiée.» Bardèche prétendra que cette modification serait intervenue à son insu (Le Monde, 24 janvier 1951.
170. Rivarol, no 707, 30 juillet 1964, p. 15.
171. Taege, Wo ist Kain?, op. cit., p. 250 et 252.
172. François Duprat, Histoire des SS, Paris, Les Sept Couleurs, 1968, p. 330. Sur cet auteur, voir Nicolas Lebourg et Joseph Beauregard, François Duprat. L’homme qui inventa le Front national, Paris, Denoël, 2012.
173. Bernard Fischbach et Roland Oberlé, Les loups noirs. Autonomisme et terrorisme en Alsace, Colmar, Alsatia-Union, 1990, p. 196-200.
174. Nouvelle Voix d’Alsace-Lorraine, no 63/1983, no 64/1983, no 65/1983, no 66/1983, no 67/1983, no 69/1984, no 71/1984, no 73/1984.
175. Pierre Zind fera notamment partie du jury de «thèse» du négationniste à Henri Roques, à l’Université de Nantes, en 1985. Plus précisément, Henri Roques, ingénieur agronome à la retraite et militant d’extrême droite, soutiendra une «thèse» de doctorat consacrée à l’étude de des dépositions de feu l’officier SS Kurt Gerstein, qui avait assisté à des gazages en 1942 dans le cadre de l’extermination des Juifs de Pologne. Marchant sur les traces du négationniste Paul Rassinier, qui avait tenté d’éliminer ce témoignage, Roques parviendra à réunir un jury marqué à l’extrême droite, ce qui ne pouvait que faciliter la réalisation de ce coup de force. Pour ce faire, seront rameutés à l’Université de Nantes plusieurs professeurs extérieurs à cet établissement, incluant Pierre Zind, en violation des textes règlementaires applicables. Ce mépris du Droit s’accompagnera d’une falsification de l’Histoire, ladite «thèse» étant infectée de méthodologie négationniste: voir Georges Wellers, «A propos d’une thèse de doctorat explosive», Le Monde juif, mars 1986, p. 1-18, et Pierre Bridonneau, Oui, il faut parler des négationnistes, Paris, Editions du Cerf, 1997. Cette «thèse» sera annulée pour vice de forme par décision de l’administrateur provisoire de l’Université de Nantes le 3 juillet 1986. Le jugement du Tribunal administratif de Nantes en date du 18 janvier 1988 confirmera la légalité de cette décision (voir T.A. Nantes, 18 janvier 1988, AJDA, 1988, p. 287-290, note Joël-Yves Plouvin, et Revue juridique de l’Ouest, 1988, no 1, p. 7-32, note Didier Truchet), et le Conseil d’Etat, par décision du 10 février 1992, rejettera le pourvoi d’Henri Roques (CE, 10 février 1992, Roques, no 96124, Rec. Leb.).
176. Nouvelle Voix d’Alsace-Lorraine, no 78/1985, no 79/1985, no 82/1985, no 83/1986, no 84/1986. Les écrits de Moreau seront réunis en un seul volume, sous le titre En écoutant crier les pierres. Il n’est pas le seul négationniste belge à s’être attaqué à Oradour: un certain Cédric D’Arc en fera de même peu après (Oradour-sur-Glane ou l’autre Histoire, Braine l’Alleud, Altair, 1987).
177. Robert Faurisson, «Un monument de propagande (Le Mémorial de la Résistance charentaise)», Revue d’Histoire révisionniste, no 5, novembre 1991.
178. Sur Reynouard, voir la notice de l’Observatoire du Conspirationnisme: https://www.conspiracywatch.info/notice/vincent-reynouard ainsi que https://phdn.org/negation/bacasable/index.html. Egalement, Igounet, Histoire du négationnisme en France, op. cit., p. 561-569, et Le Monde, 25 avril 1997.
179. Vincent Reynouard, Le massacre d’Oradour. Un demi-siècle de mise en scène, Anvers, VHO/ANEC, 1997. Il y ajoutera, un quart de siècle plus tard, une version prétendument mise à jour, Oradour. Le cri des victimes, Londres, Sans Concession, 2022.
180. Ce procédé, qui évoque le parcours héroïque cher à Joseph Campbell (Le héros aux mille et un visages, Paris, Robert Laffont, 1977 et J’ai lu, 2013), a été notamment mis en lumière par Nadine Fresco: «Nombre d’auteurs révisionnistes inaugurent leurs écrits par une remarque autobiographique, d’ailleurs étrangement semblable d’un ouvrage à l’autre. Une certitude: on ne naît pas révisionniste. On le devient. […] Rapporté à la question des chambres à gaz, l’itinéraire est remarquablement identique qui dessine l’émouvante ascension d’un esprit humain à la révélation de la vérité par une totale reddition devant l’évidence.» Nadine Fresco, «Les redresseurs de morts. Chambres à gaz: la bonne nouvelle. Comment on révise l’histoire», Les Temps Modernes, no 407, juin 1980, reproduit dans Nadine Fresco (éd.), La mort des Juifs, Paris, Seuil, 2008, p. 207. Egalement en ligne: http://www.anti-rev.org/textes/Fresco80a/.
181. Dans Un demi-siècle de mise en scène, op. cit., il indique avoir interrogé des rescapés du massacre en 1990.
182. Faurisson fournit notamment de la documentation à Reynouard, notamment une copie de l’attestation de l’officier SS Detlef Okrent du 4 janvier 1945 et de la déclaration sous serment de ce même Okrent du 27 novembre 1952 (Un demi-siècle de mise en scène, op. cit., hors texte, section «présentation du dossier Okrent», doc. 7.1.1 et 7.3.1). Il est possible, voire probable, que l’une et/ou l’autre de ces pièces aient été communiquées à Faurisson par Herbert Taege.
183. Cité dans Igounet, Histoire du négationnisme, op. cit., p. 567-568.
184. https://www.conspiracywatch.info/deces-de-faurisson-la-complosphere-antisemite-en-deuil.html.
185. Arrêté du 2 septembre 1997 portant interdiction de circulation de distribution et de mise en vente d’une publication, JORF no 208 du 7 septembre 1997.
186. Le Monde, 30 juillet 2002.
187. Igounet, Histoire du négationnisme en France, op. cit., p. 489-546.
188. Rivarol, 7 janvier 2005. Dans un entretien accordé à Jean-Michel Aphatie pour RTL, le 13 janvier 2005, Jean-Marie Le Pen a refusé d’en révéler davantage, «parce que je ne peux pas dire», «parce qu’on n’a pas la liberté de penser en France!», ce qui révèle, de nouveau, son adhésion au négationnisme – et son regret que pareille rhétorique soit pénalisée en France. Voir https://www.vie-publique.fr/discours/145448-interview-de-m-jean-marie-le-pen-president-du-front-national-rtl.
189. Le Point, 7 février 2011.
190. «Les profanations indignes de lieux de mémoire, de sépultures se multiplient. Il serait temps de mettre un bon coup de vis pour stopper cette recrudescence d’actes qui heurtent profondément. MLP #OradourSurGlane» Twitter, 22 août 2020, 11 h 50. https://twitter.com/mlp_officiel/status/1297108775200006144.
191. «Robert Hébras, dernier témoin et survivant du massacre d’Oradour-sur-Glane, nous a quittés aujourd’hui. Passeur de mémoire, il s’est battu toute sa vie pour que l’on n’oublie pas l’horreur et la barbarie nazie. Toutes mes pensées vont à sa famille et à ses proches.»» Twitter, 11 février 2023, 18 h 02.
https://twitter.com/MLP_officiel/status/1624453770221436928.192. Mediapart, 11 octobre 2023: https://www.mediapart.fr/journal/politique/111023/israel-hamas-le-rn-tente-de-faire-oublier-son-passe-antisemite.
193. Voir notamment Rivarol, 15 février 2023, 1er mars 2023, 15 mars 2023, 27 septembre 2023, 8 novembre 2023…
194. Sur «Géopolitique profonde»:
https://www.conspiracywatch.info/notice/geopolitique-profonde.[ Oradour et sa négation | Négationnisme et réfutations | Toutes les rubriques ]