Le Quid sur les négationnistes :
complaisance et camouflages


En 2001 et 2002, le Quid a fait l'objet de poursuites pour avoir mentionné dans un paragraphe consacré à Auschwitz, une évaluation du négationniste Faurisson outrageusement sous-évaluée (près de dix fois inférieure au bilan réel) du nombre de victimes d'Auschwitz. Cette «évaluation» mentionnée depuis l'édition 1996 fait en réalité suite, depuis 1997, à tout un paragraphe entièrement recopié sur un texte de Faurisson de 1995. Ce que personne ne semble avoir jamais remarqué. Nous avons démontré en quoi ce paragraphe constituait une présentation scandaleuse dans une autre page Web. En fait, nous avons clairement démontré que le Quid a été infiltré par un négationniste au moins depuis l'édition 1997 et très certainement depuis l'édition 1994, seul scénario raisonnable permettant d'expliquer que le Quid reproduise, sans le dire, du matériel directement issu d'une production négationniste.

À plusieurs reprises les responsables du Quid ont déclaré que la citation du chiffre de Faurisson n'était pas si grave que cela puisqu'il était précisé que Faurisson était «révisionniste» (les guillemets figurant dans le Quid), et qu'un encart sur les «révisionnistes» était proposé, d'ailleurs non loin du paragraphe sur Auschwitz. Dominique Frémy a même déclaré que le Quid précisait que «Faurisson [...] est négationniste» (Interview de Dominique Frémy par Jean-Paul Taillardas dans Sud Ouest Radio télévision, 20 décembre 2002, p. 22). Or le mot «négationniste» n'est jamais utilisé dans le Quid! C'est bien le mot «révisionniste» qui depuis 1997 sert à désigner Faurisson. Outre que le terme «révisionniste» est tout à fait inaproprié pour désigner les falsificateurs antisémites que sont les négationnistes, l'examen attentif du contenu de l'encart du Quid sur les révisionnistes révèle une complaisance et surtout un silence, ou plutôt un camouflage systématique sur tous les éléments négatifs du «révisionnisme» (notamment ses aspects antisémites et frauduleux) qui confirment le diagnostic de l'infiltration du Quid par un sympathisant négationniste.

Nous examinons dans la présente page en quels termes les négationnistes sont présentés dans le Quid, depuis 1993 et pourquoi cette présentation fut, à partir de 1994, complaisante, voire scandaleuse. Le caractère très grave du constat de l'infiltration du Quid par un sympathisant négationniste et du caractère scandaleux de l'encart sur les négationnistes impose une étude très attentive de cet encart. Ce sont dix éditions du Quid que nous passons au crible et la longueur du présent article s'en ressent. Nous nous en excusons auprès des lecteurs. La démonstration se devait d'être minitieuse.
 

La première évocation des négationnistes se fait au plus tard dans l'édition 1990 du Quid. Dans celle-ci, on trouve une mention de Faurisson à la section «antisémitisme», dans un encart sur la LICRA, pour mentionner qu'il a été condamné pour diffamation pour avoir soutenu que «le mythe des chambres à gaz» était une «escroquerie sioniste». (Quid, 1990, p. 559). La même mention apparaît dans les éditions 1991 et 1992.

L'édition 1993 voit, en plus de la mention de la condamnation de Faurisson, l'apparition d'un encart sur le «Mouvement dit "des révisionnistes"» (Quid, 1993, p. 739). Cet encart fait partie d'une section sur la politique française et non sur la Deuxième Guerre mondiale. Le voici:

«Mouvement dit "des révisionnistes". Nie le génocide des Juifs (Shoa). Se réclame de Paul Rassinier, ancien résistant et déporté, militant de la SFIO et auteur du "Mensonge d'Ulysse" (publié 1950).

1978 Les thèses révisionnistes sont vulgarisées par Robert Faurisson, professeur agrégé de lettres modernes à l'Université de Lyon et publiées avec le concours de Pierre Guillaume (extrême-gauche), dir. des éditions "La Vieille Taupe", et de Jean-Gabriel Cohn-Bendit (Le génocide des Juifs est une escroquerie politico-financière qui sert les intérêts de l'Etat d'Israël, et dont les victimes sont les peuples allemands et palestiniens).

1985 Juin. Présentation à Nantes de la thèse de doctorat de Henry Roques, niant l'existence des chambres à gaz (annulée juin 1986 par le ministre de l'Éducation Nationale). Ces thèses sont relayées par des mouvements d'extrême-droite en France et à l'étranger (R-U, Italie, Allemagne, USA, Australie).» (Quid 1993, p. 739)

Suit un paragraphe sur les skinheads, sans lien réel, mais qui renforce l'impression, d'ailleurs fondée, que les négationnistes sont des marginaux extrémistes. Quelques remarques doivent être faites sur cette présentation finalement assez neutre.

Le plus important est là : l'encart commence par dire ce qui fait l'essence du négationnisme; il «nie le génocide des Juifs».

Mais il est extrêmement dommage que le mot «négationniste» ne soit pas utilisé lors même que depuis plusieurs années, ce mot avait remplacé chez les spécialistes, le vocable erroné et inadéquat de «révisionnistes». La présentation très neutre de Rassinier, qui reprend en fait la vulgate négationniste («socialiste, résistant, déporté») sans la moindre perspective, est également regrettable. On sait que si Rassinier fut bien tout cela, il a menti sur chacun de ces épisodes, qu'il fut un Stalinien pur et dur pendant dix ans et qu'après la guerre, il s'est acoquiné avec les pires antisémites, voire d'anciens nazis, en France, en Europe et dans le Monde. L'utilisation du mot «thèses» pour désigner les falsifications de Faurisson est également malheureuse; ainsi que la longue citation donnée telle quelle sur l'«escroquerie» que constituerait le génocide des Juifs, donnée sans commentaire.

Passons sur les approximations quant aux titres universitaires de Faurisson. Enfin, notons l'évocation non pertinente de Jean-Gabriel Cohn-Bendit, dont le passage dans la secte négationniste, s'il fut fervent, fut néanmoins bref. Nous reviendrons sur Henri Roques plus bas.

Au final, une présentation neutre, voire erronée, reprenant malheureusement les présentations que les négationnistes font d'eux-mêmes, dont les seules qualités sont, c'était le moins, qu'elle dit bien, et à deux reprises, notamment et surtout dès le début de l'encart, que les «révisionnistes» nient le génocide des Juifs et les chambres à gaz, et que l'extrême-droite joue un rôle majeur dans la diffusion de ces «thèses». Sur un tel sujet, on aurait attendu malgré tout un minimum de commentaires critiques, notamment en utilisant le terme adéquat de «négationnisme» et en spécifiant que les négationnistes étaient des falsificateurs et des antisémites. Mais ces défauts ne sont probablement pas imputables à autre chose qu'à un rédacteur mal informé et soumis aux contraintes de laconisme du Quid...
 

L'édition 1994 allait basculer d'une neutralité mal-venue à une complaisance scandaleuse. La présentation du mouvement «révisionniste» a été largement étoffée et remaniée. L'excuse du laconisme ne pourra pas être invoqué. La voici :

«Mouvement dit "des révisionnistes". Affirme que "les chambres à gaz homicides n'ont pas existé dans les camps de concentration de l'époque hitlérienne", juge "extravagant le nombre de 6 millions de victimes juives et réclame la possibilité de poursuivre ses recherches dans les centres d'archives qui lui sont actuellement interdits". Se réclame de Paul Rassinier (1906-89), membre du PC 1922 (exclu 1932), de la SFIO 1934, munichois 1938, opposé à la guerre 1939, résistant et déporté 1943 à Buchenwald et Dora, député SFIO de Belfort 1946, auteur de plusieurs ouvrages dont le Mensonge d'Ulysse (1950). 1978 les thèses révisionnistes sont vulgarisées par Robert Faurisson (21-1-1929), professeur agrégé de lettres classiques à l'université de Lyon-II, et publiées avec le concours de Pierre Guillaume (ultra-gauche), dir. des éditions "La Vieille Taupe", Jean-Gabriel Cohn-Bendit (n. 14-4-1936, frère de Daniel) et Serge Thion, sociologue au CNRS (R. Faurisson parle des "prétendues chambres à gaz hitlériennes et du prétendu génocide des Juifs" qui "forment un seul et même mensonge historique" et constituent "une gigantesque escroquerie politico-financière". 1985 15-6 présentation à Nantes de la thèse de doctorat de Henri Roques (n. 10-11-1920), qui a pour objectif de démontrer qu'un témoignage jugé capital (le rapport de l'officier SS Gerstein) n'a aucune valeur scientifique, thèse acceptée avec mention très bien ; soutenance annulée 3-7-1986 sous pression du min. de la Recherche et de l'Ens. sup. (A. Devaquet) pour irrégularités administratives, annulation confirmée par le trib. administratif (janv. 1988) et le Conseil d'État (fév. 1992) ajoutant l'annulation de la thèse à celle de la soutenance, alléguant des irrégularités administratives imputables à l'Univ. de Nantes. Ces thèses sont relayées par des mouvements d'extrême-droite en France et à l'étranger : révisionnistes étrangers : Allemagne : Wilhelm Stäglich ; Espagne : Enrique Aynat ; France : Michel de Bouard (membre du PCF de 1942 à 60) ; G.-B. : David Irving ; Italie : Carlo Wattogno, USA : Arthur Butz, Mark Weber. 1990 13-7 loi Fabius-Gayssot empêche de propager la contestation des crimes contre l'humanité.» (Quid 1994, p. 730)

Suit un paragraphe sur les «divergences» que relèveraient les négationnistes dans les chiffres. Ce paragraphe, que nous étudions dans une autre page, était en fait recopié directement d'un tract négationniste de 1990 et contenait, outre une erreur, une falsification négationniste présentée par le Quid sans le moindre commentaire...

Notons que le paragraphe sur les skinheads est encore fourni dans le même encart.

La taille de l'encart sur les «révisionnistes» a triplé. Mais la quantité n'est pas le seul changement. Il nous faut examiner de près le nouveau contenu.
 

On lit:

«Affirme que "les chambres à gaz homicides n'ont pas existé dans les camps de concentration de l'époque hitlérienne", juge "extravagant le nombre de 6 millions de victimes juives"»

Dans la version précédente, cela se résumait à «Nie le génocide des Juifs (Shoa)», ce qui était absolument pertinent.

Le verbe «nier» disparaît définitivement de la présentation, ainsi que le mot «Shoa». Outre qu'on constate toujours l'absence du mot «négationnisme», le caractère mensonger et falsificateur, négateur de réalité du discours négationniste est passé sous silence, alors que l'utilisation de «nier» dans la version 1993 le suggérait. Maintenant les «révisionnistes» «affirment» et «jugent». Avec une telle formulation le lecteur non averti ne peut éviter d'avoir l'impression que les «révisionnistes» feraient preuve de raison et d'esprit critique. Un comble.

En 1990, le négationniste Jean Plantin soutenait à Lyon III un mémoire de maîtrise consacré à Rassinier. Dans son introduction, Jean Plantin présentait les «révisionnistes» en ces termes : «Les révisionnistes [...] affirment qu'il n'a jamais existé de chambres à gaz homicides dans les camps de concentration de l'Allemagne national-socialiste». On voit que la présentation du Quid 1994 n'aurait pas été rejetée par les négationnistes eux-mêmes.

Le Quid aurait-il présenté les pédophiles comme «affirmant qu'il est licite et agréable d'avoir des relations sexuelles avec des enfants»? On en doute.
 

On lit:

«réclame la possibilité de poursuivre ses recherches dans les centres d'archives qui lui sont actuellement interdits"»

Ici, on a l'impression que la parole est complètement laissée aux négationnistes, car cette revendication est pour le moins surprenante pour plusieurs raisons. Un seul négationniste a jamais fait l'objet d'une interdiction et ce dans un seul centre de recherche, une institution privée, à savoir Faurisson au CDJC (Centre de Documentation Juive Contemporaine). Vu le caractère frauduleux, diffamatoire, antisémite et mensonger des textes faurissoniens, il n'est absolument pas surprenant, ni scandaleux, que Faurisson ait été bani du CDJC, ce qui ne s'est produit qu'après des années de fréquentation par Faurisson. Ce qui est surprenant, en fait, c'est que Faurisson n'ait pas été exclu des autres centres documentaires et archives. Car Faurisson se garde bien de dire qu'il continue à fréquenter sans difficulté archives et bibliothèques... La «réclamation» sur les archives, constitue tout simplement un faux de la part du rédacteur du Quid. Il s'agit évidemment de présenter les négationnistes comme des «victimes», et comme d'authentiques «chercheurs», ce qui est évidemment grotesque.
 

Le pedigree de Rassinier est largement étoffé. On lit:

«Se réclame de Paul Rassinier (1906-89), membre du PC 1922 (exclu 1932), de la SFIO 1934, munichois 1938, opposé à la guerre 1939, résistant et déporté 1943 à Buchenwald et Dora, député SFIO de Belfort 1946, auteur de plusieurs ouvrages dont le Mensonge d'Ulysse (1950)»

Remarquons l'erreur dans la date de décès de Rassinier (mort en 1967 et non 1989). Le portrait de «Rassinier, «socialiste, pacifiste, résistant, déporté» que la vulgate négationniste ne cesse de marteler depuis 30 ans est repris sans aucun commentaire ni complément. La mention de Rassinier député en 1946 est typique. Il ne fut député que quelques semaines et uniquement parce qu'il était suppléant de celui qui avait été élu! Encore une fois les liens de Rassinier avec tout ce que l'Europe comptait de fascistes, d'antisémites et de nazis sont passés sous silence. Il faut renvoyer aux biographies de Rassinier par Nadine Fresco et Florent Brayard pour mesurer toute la distance qu'il y a entre cette présentation et la réalité. Nous n'avons pas la place de développer ici, aussi renvoyons nous le lecteur à notre page sur Rassinier:
http://phdn.org/negation/rassinier/

Remarquons encore que si le rédacteur du Quid avait souhaité faire oeuvre honnête, il aurait mentionné le véritable inventeur du négationnisme en France, étrangement absent de toute la présentation: le fasciste revendiqué Maurice Bardèche. C'est une stratégie négationniste classique que d'«oublier» Bardèche, vrai fondateur du négationnisme et de le remplacer par Rassinier, au pedigree beaucoup plus présentable, à première vue. Pourquoi le rédacteur de l'article en question oublie-t-il cette origine là ? On se reportera aux ouvrages de Nadine Fresco et Valérie Igounet à fins de vérifications. Voir aussi Ghislaine Desbuissons, «Maurice Bardèche écrivain et théoricien fasciste ?», Revue d'Histoire Moderne et Comptemporaine, janvier-mars 1990. Ghislaine Desbuissons, «Maurice Bardèche, un précurseur du "révisionnisme"», Relations internationales, no 65, printemps 1991, p. 23-37. Valérie Igounet, Histoire du négationnisme en France, Seuil, 2000, p. 37-60.
 

On lit:

«1978 les thèses révisionnistes sont vulgarisées par Robert Faurisson (21-1-1929), professeur agrégé de lettres classiques à l'université de Lyon-II, et publiées avec le concours de Pierre Guillaume (ultra-gauche), dir. des éditions "La Vieille Taupe", Jean-Gabriel Cohn-Bendit (n. 14-4-1936, frère de Daniel) et Serge Thion, sociologue au CNRS (R. Faurisson parle des "prétendues chambres à gaz hitlériennes et du prétendu génocide des Juifs" qui "forment un seul et même mensonge historique" et constituent "une gigantesque escroquerie politico-financière".»

Une erreur sur les titres de Faurisson a été corrigée, mais la date de naissance est erronée (Faurisson est né le 25 janvier 1929) et Faurisson n'est pas agrégé. Encore une fois, le texte parle de «thèses», et le mot «négationniste» est soigneusement évité. Alors que Faurisson a d'abord publié à l'extrême-droite dans une revue du fasciste Maurice Bardèche, la présentation insiste sur le «coté gauche» de la secte négationniste, et passe son ancrage à l'extrême droite sous silence. Le fait que Pierre Guillaume est depuis de nombreuses années proche de l'extrême-droite n'est évidemment pas mentionné. Par ailleur, la parole est donnée, via plusieurs citations, à Faurisson sans que cette parole soit identifiée pour ce qu'elle est : une parole mensongère et antisémite.
 

On lit:

«1985 15-6 présentation à Nantes de la thèse de doctorat de Henri Roques (n. 10-11-1920), qui a pour objectif de démontrer qu'un témoignage jugé capital (le rapport de l'officier SS Gerstein) n'a aucune valeur scientifique, thèse acceptée avec mention très bien ; soutenance annulée 3-7-1986 sous pression du min. de la Recherche et de l'Ens. sup. (A. Devaquet) pour irrégularités administratives, annulation confirmée par le trib. administratif (janv. 1988) et le Conseil d'État (fév. 1992) ajoutant l'annulation de la thèse à celle de la soutenance, alléguant des irrégularités administratives imputables à l'Univ. de Nantes.»

Ce long passage remplace une phrase de l'édition précédente : «Présentation à Nantes de la thèse de doctorat de Henry Roques, niant l'existence des chambres à gaz (annulée juin 1986 par le ministre de l'Éducation Nationale)».

Le caractère négationniste de la production de Roques est désormais passé sous silence (le segment de phrase «niant les chambres à gaz» ayant été supprimé). La présentation de sa «thèse» est d'ailleurs conforme au canon négationniste. En effet, si le témoignage de Kurt Gerstein est un témoignage majeur, il n'est «jugé capital» que par les négationnistes. Leur rhétorique consiste en effet à prétendre que la réalité du génocide peut être contestée dès qu'un témoignage (qu'ils feignent de considérer comme le seul élément de preuve disponible, ce qui est grotesque au regard de l'immensité de la documentation disponible) est critiqué. Ici le présentation est frauduleuse par omission.

Il convient encore de préciser que Roques a présenté une «thèse de doctorat d'université de lettres modernes». Une thèse d'université n'a rien à voir avec une thèse d'état. La seconde étant beaucoup plus sérieuse, longue et cotée que la première. D'ailleurs, les irrégularités majeures qui ont entachées la soutenance en question sont dues au fait qu'une réforme de la thèse d'Université était sur le point d'être adoptée, qui mettait fin à un laxisme certain et aurait empêché Roques de soutenir sa «thèse»... L'évocation incomplète par le Quid d'une «thèse de doctorat» laisse évidemment planer l'ambiguité, ce qui est en ligne directe de la stratégie des négationnistes sur l'affaire Roques. Mais cela n'est pas le plus important dans la présentation par le Quid de celle-ci.

Il y a une absence totale de critique du «travail » de Roques. On aurait pu au moins rappeler que les historiens l'ont étrillé. Au contraire, la présentation qui en est faite suggère non seulement la qualité («thèse acceptée avec mention très bien»), mais aussi que la thèse de Roques (le témoignage de Gerstein serait «sans aucune valeur scientifique») serait fondée. Une ignominie et un mensonge. On oublie de rappeler qu'il s'agit d'une rhétorique participant de la négation du génocide et que le jury était un jury de complaisance fortement marqué à l'extrême droite. On oublie en outre de mentionner qu'il s'agissait d'une thèse de lettres et non d'histoire!

Henri Roques, ingénieur agronome retraité, est un vieux fasciste pur et dur. Un pilier de l'extrême droite française. On doit souligner que les professions des autres négationnistes sont énoncées, chaque fois que ceux-ci appartiennent ou on appartenu à l'Université. Le métier et le pedigree de Roques sont évidemment passés sous silence. Roques adhéra durant la Seconde Guerre au Rassemblement national populaire de Marcel Déat et milita, à partir de 1952 et sous le pseudonyme d'Henri Jalin, au sein de la Phalange française, organisation dirigée par Charles Luca, dont le programme était clairement raciste et même nazi, qui sera dissoute par le gouvernement en 1958 puis resurgira sous de nouvelles appellations, comme le Mouvement populaire français (MPF) (Thierry Maricourt, Les nouvelles passerelles de l'extrême droite, Édition Syllepse, 1997, p. 109 et Jean-Yves Camus et René Monzat, Les droites nationales et radicales en France, Presses universitaires de Lyon, 1992, p. 96-97). Pourquoi tout cela est-il passé sous silence? De même que sont passées sous silence les irrégularités majeures dont est entachée la soutenance dont il est question. Jury de complaisance, constitué d'extrémistes notoires, falsification de la signature d'un juré absent, changement in extremis du lieu de soutenance, etc. Sa «thèse» n'aurait pu être soutenue sans de nombreuses manipulations administratives frauduleuses. Par ailleurs, après sa pseudo-thèse, Roques a édité une revue négationniste. Cela est aussi est passé sous silence.

La présentation des motifs de l'annulation de la thèse est tendancieuse: «sous pression du min. de la Recherche et de l'Enseignement», «alléguant des irrégularités administratives imputables à l'Univ. de Nantes». Il ne s'agit pas d'allégations! Il a été prouvé que la thèse avait été soutenue dans des conditions frauduleuses. De plus, on voit que le souci du rédacteur est de prétendre que les irrégularités ne furent pas le fait de Henri Roques, mais de l'administration, qu'il n'en aurait pas été le responsable ou l'instigateur. Là encore, il s'agit de prétendre que Roques ne «méritait» pas l'annulation de sa «thèse». Tout va dans le sens de la dignité et de la validité de la production de Roques.

La présentation par le Quid de l'affaire Roques est absolument scandaleuse.

Sur Roques et sa «thèse», voir Pierre Bridonneau, Oui il faut parler du négationnisme, Cerf, 1997. Pour connaître les tenants et les aboutissants administratifs et médiatiques, on peut également se référer à l'article de Michèle Cointet et Rainer Riemenschneider, «Histoire, déontologie, médias: à propos de l'affaire Roques», Revue d'histoire moderne et contemporaine, janvier-mars 1987 (en ligne). Sur le web, voir:
http://www.angelfire.com/biz2/rlf69/CR/roques.html et
http://www.msg-lyon.com/rapport_clrd_sur_negationnisme_et_le_racisme_a_lyon_3.pdf
 

On lit:

«Ces thèses sont relayées par des mouvements d'extrême-droite en France et à l'étranger : révisionnistes étrangers : Allemagne : Wilhelm Stäglich ; Espagne : Enrique Aynat ; France : Michel de Bouard (membre du PCF de 1942 à 60) ; G.-B. : David Irving ; Italie : Carlo Wattogno, USA : Arthur Butz, Mark Weber.»

Notons que la mention des relais d'extrême-droite est encore présente. Quelques remarques : Michel de Boüard n'a rien à faire dans ce catalogue, même si cet ancien déporté a littéralement «pété les plombs» en 1986 (voir plus bas). Il n'a jamais été un négationniste militant et n'a certainement joué aucun rôle dans le négationnisme. Notons enfin l'erreur sur le nom de Carlo Mattogno.

A propos des négationnistes cités, aucun commentaire n'accompagne leurs mention. Or Wilhelm Stäglich, Enrique Aynat, Mark Weber, David Irving, sont des activistes d'extrême droite et racistes. Les liens de Mark Weber avec l'officine raciste négationniste l'IHR sont passés sous silence, alors qu'il s'agit de la principale organisation américaine négationniste. Carlo Mattogno est un fasciste notoire. Cela aussi est passé sous silence.
 

On lit:

«1990 13-7 loi Fabius-Gayssot empêche de propager la contestation des crimes contre l'humanité.»

Il faut remarquer que seuls les négationnistes persistent à désigner la «loi Gayssot» sous le nom de «loi Fabius-Gayssot». Il s'agit évidemment d'insister sur la judéïté de Laurent Fabius. On voit quelle rhétorique nauséabonde sous-tend cette insistance. La loi Gayssot ne sanctionne l'expression publique du négationnisme parce que le négationnisme est un discours d'incitation à la haine. Rien pour rappeler ce fait fondamental.

Au final, une présentation largement complaisante, mentant par omission, reprenant les tics langagiers négationnistes, leur donnant explicitement la parole, mutlipliant les présentations tendancieuses, voire frauduleuses, cherchant coûte que coûte à les légitimer. Une présentation qui contient également quelques erreurs. Il convient d'examiner comment elle évolue dans les éditions suivantes du Quid.
 

Dans l'édition 1994, l'encart sur les «révisionnistes» appartenait à une section sur la politique française, et non sur l'histoire de France. Dans l'édition 1996, cet encart est ramené dans la section de l'histoire de France consacrée aux camps nazis. Dans les éditions antérieures en effet, le lecteur qui se renseignait sur les camps ne tombait pas nécessairement sur l'encart sur les négationnistes, puisque celui-ci faisait partie d'une autre section. Le négationniste introduit dans les équipes du Quid a-t-il jugé trop inefficace un tel éloignement ? À partir de l'édition 1996, ce problème est résolu : désormais, toute personne qui s'informe des camps, ne peut manquer d'être informée de l'existence des «révisionnistes», de leurs «thèses» et des «divergences» qu'ils «ont relevé dans les chiffres» puisque l'encart n'est séparé du paragraphe sur Auschwitz que d'une colonne de texte...
 

Par ailleurs, le contenu de l'encart évolue dans l'édition 1996. Le voici:

«Mouvement dit "des révisionnistes". Origine : Se réclame de Paul Rassinier (1906-67), membre du PC 1922 (exclu 1932), de la SFIO 1934, munichois 1938, opposé à la guerre 1939, résistant et déporté 1943 à Buchenwald et Dora, député SFIO de Belfort 1946, auteur de plusieurs ouvrages dont le Mensonge d'Ulysse (1950). 1978 les thèses révisionnistes sont reprises par Robert Faurisson (25-1-1929), professeur agrégé de lettres classiques à l'université de Lyon-II, et publiées avec le concours de Pierre Guillaume (ultra-gauche), dir. des éditions La Vieille Taupe, Jean-Gabriel Cohn-Bendit (n. 14-4-1936, frère de Daniel) et Serge Thion, sociologue au CNRS (Faurisson parle des "prétendues chambres à gaz hitlériennes et du prétendu génocide des Juifs" qui "forment un seul et même mensonge historique" et ont permis "une gigantesque escroquerie politico-financière". 1985- 15-6 présentation à Nantes de la thèse de doctorat de Henri Roques (10-11-1920), qui a pour objectif de démontrer qu'un témoignage jugé capital (le rapport de l'officier SS Gerstein) n'a aucune valeur scientifique, thèse acceptée avec mention très bien ; soutenance annulée 3-7-1986 sous pression du min. de la Recherche et de l'Enseignement supérieur (Alain Devaquet) pour irrégularités administratives, annulation confirmée par le tribunal administratif (janv. 1988) et le Conseil d'État (févr. 1992) ajoutant l'annulation de la thèse à celle de la soutenance, alléguant des irrégularités administratives imputables à l'Univiversité de Nantes [Michel de Boüard (1909-89, membre du PCF de 1942 à 60, membre de l'Institut et ancien doyen de la faculté des lettres de Caen) avait défendu la thèse de Roques]. Ces thèses sont relayées par des mouvements d'extrême-droite en Fr. et à l'étranger : Allemagne : Wilhelm Stäglich ; Espagne : Enrique Aynat ; G.-B. : David Irving ; Italie : Carlo Mattogno ; USA : Arthur Butz, Mark Weber. 1990- 13-7 la loi Fabius-Gayssot empêche de propager la contestation des crimes contre l'humanité.» (Quid 1996, p. 794)

Suit encore une fois un paragraphe sur les «divergences» relevées par les négationnistes dans les chiffres, où le rédacteur du Quid recopie les négationnistes et donne pour la première fois une «évaluation» de Faurisson. Nous avons traité de ce sujet ailleurs.

Par contre, le paragraphe sur les skinheads ne figure plus dans l'encart. Cette proximité était, il est vrai, assez «gênante».

L'introduction de l'encart de l'édition 1994 («Affirme que "les chambres à gaz homicides n'ont pas existé dans les camps de concentration de l'époque hitlérienne", juge "extravagant le nombre de 6 millions de victimes juives; réclame la possibilité de poursuivre ses recherches dans les centres d'archives qui lui sont actuellement interdits») a disparu. S'agit-il d'un simple problème de place? Le négationniste introduit dans les équipes du Quid a-t-il jugé trop «violente» ou trop «visible» cette entrée en matière? Ou quelqu'un d'autre? Il nous est évidemment impossible de répondre. Cependant cette suppression rejette quasiment au tiers de l'encart la présentation effective des «thèses révisionnistes» qui sont introduites en laissant tout simplement la parole à Faurisson. Aucun commentaire, aucun rappel du caractère crapuleux, mensonger et antisémite du discours faurissonien.

Par ailleurs, les erreurs de l'édition 1994 ont été corrigées. L'année de décès de Rassinier et la date de naissance de Faurisson sont rectifiées. Le nom de Carlo Mattogno est écrit correctement. Faurisson ne «vulgarise» (édition 1994) plus les «thèses révisionnistes», il les «reprend» (édition 1996). Les chambrent à gaz ne «constituent» (édition 1994) plus une gigantesque escroquerie, elles l'«ont permis[e]» (éditions 1996). De toute évidence, l'édition 1994 avait été soigneusement relue par quelqu'un d'attentif et informé...

Enfin, dans l'édition 1996, la mention de Michel de Boüard s'est déplacée. Juste après la mention de la «thèse» d'Henri Roques, présentée dans les mêmes termes que dans l'édition 1994. On peut lire:

«Michel de Boüard (1909-89, membre du PCF de 1942 à 60, membre de l'Institut et ancien doyen de la faculté des lettres de Caen) avait défendu la thèse de Roques.» (Quid 1996, p. 794)

Cette précision est «étonnante» à plus d'un titre. Outre que l'affaire Roques fait ainsi l'objet de près de la moitié du paragraphe consacré au «révisionnisme», les propos de Michel de Boüard, s'ils sont malheureux, sont absolument anecdotiques dans l'histoire du négationnisme. Pourtant il leur est ici accordé une place signicative. Pourquoi, sinon pour asseoir la «crédibilité» des mensonges négationnistes et suggérer que les négationnistes jamais désignés par ce vocable, auquel continue d'être préféré «révisionniste», ont raison? De fait, c'est seulement aux yeux des négationnistes que Michel de Boüard revêt une telle importance. Et s'il revêt une telle importance c'est qu'il est aussi un ancien déporté, ce qui n'est pas mentionné dans cette édition 1996 (cette omission étrange sera corrigée dans les éditions ultérieures...)

Quant au «soutien» de Michel de Bouärd à Henri Roques, la présentation en est ici largement incomplète, bien sûr. Nous devons développer un peu ce malheureux épisode qui, s'il voit un ancien déporté se faire intoxiquer par les négationnistes, ne tient aucune place dans l'histoire du négationnisme. Prétendre qu'il a «défendu» la thèse de Roques est par exemple largement exagéré, même s'il a soutenu, en privé, Henri Roques. Il faut malheureusement prendre acte que cet ancien, et très très vieux déporté, a, à l'époque, littéralement «pêté un plomb» à propos de Mauthausen, camp munis d'une chambre à gaz dont Michel de Bouärd s'est mis à «douter» alors même qu'il en avait témoigné plus de trente ans auparavant.

Le dérapage de Bouärd a été complètement étudié par Georges Wellers dans «Quelques réflexions personnelles à propos d'une interview de M. de Bouärd», Le Monde juif, no. 123 juillet-septembre 1986. Et de façon indirecte, mais radicale par Pierre-Serge Choumoff dans le même numéro et le suivant.

Wellers montre que Bouärd a manifestement oublié ce qu'il avait écrit dans sa monographie sur Mauthausen en 1954, qui justement confirmait l'existence de la chambre à gaz de Mauthausen. Ayant oublié ce qu'il avait écrit en 1954, il semblerait qu'il ait encore plus oublié ce qu'il a vu en 1944! Là où cela devient intéressant et pathétique, c'est lorsqu'on lit dans l'article de Wellers que Bouärd, dans son interview, a repris la lecture falsifiée par les négationnistes d'une lettre de l'historien Broszat (voir à ce propos: http://phdn.org/negation/broszat.html).

D'autre part, Wellers relève plusieurs autres occasions où Michel de Bouärd reprend «l'argumentaire» négationniste. Il semble bien que Michel de Bouärd ait été «intoxiqué» par des négationnistes. Wellers est en définitive indulgent, appelant à reconnaître à de Bouärd le droit de se tromper. Si l'on en croit les passages publiés par Henri Roques, qui entretînt une correspondance avec de Boüard, ce dernier s'est laissé littéralement leurrer par les falsifications négationnistes, s'entretenant avec Roques, voire avec Faurisson. L'auteur des présentes lignes penche pour un naufrage de la vieillesse dont profitèrent des négationnistes, mésaventure dont d'autres avant et après lui furent victimes.

La partie consacrée à de Boüard est la seule véritable innovation de l'édition 1996 sur les «révisionnistes», mais son importance est disproportionnée et la présentation extrêmement tendancieuse.

On note enfin qu'il est encore fait mention dans cette édition du fait que les «thèses révisionnistes» sont relayées par l'extrême-droite.
 

L'édition 1997 reprend pratiquement à l'identique le texte de l'édition 1996. Quelques modifications non anodines doivent être notées.

Faurisson, de «professeur agrégé de lettres classiques» devient «professeur de lettres et de sciences humaines» (Quid 1997, p. 799). On se demande bien de quelles «sciences humaines» il s'agit dans la mesure où Faurisson n'a jamais été autre chose que professeur de lettres. Sans doute le rédacteur du Quid voulait-il susciter chez le lecteur le sentiment d'une expertise supplémentaire de Faurisson. Cela était déjà le cas avec cette agrégation dont Faurisson ne fut jamais titulaire.

Le passage mentionnant Michel de Boüard est complété; l'oubli de 1996 est réparé : il est rajouté que Michel de Boüard a été «déporté à Mauthausen» (Quid 1997, p. 799). La «force» du «soutien» de Michel de Boüard à Roques est évidemment renforcée par ce détail oublié dans l'édition précédente. Heureusement qu'un lecteur attentif veillait...

Sont ajoutés des «révisionnistes» suisses : «Jurgen Graf et Mariette Paschoudi» (Quid 1997, p. 799). Une erreur est commise en fait sur le nom de «Mariette Paschoud».
 

La principale modification de l'édition 1997 par rapport à l'édition 1996 est particulièrement significative : la phrase «Ces thèses sont relayées par des mouvements d'extrême-droite en Fr. et à l'étranger» de l'édition 1996 est remplacée par : «Ces thèses sont relayées par divers mouvements en Fr. et à l'étranger» (Quid 1997, p. 799). Plus de «skinheads», plus d'«extrême-droite» (transformée comme par magie en «divers»), absence totale de mention des liens consubstantiels des négationnistes avec l'antisémitisme et l'extrême droite; le «nettoyage» est achevé!
 

L'encart sur les négationnistes (mot qui continue à ne jamais être employé) ne bouge pas dans les éditions 1998 et 1999. En 2000, la dernière partie de l'encart est constituée en un paragraphe séparé, et évolue ainsi:

«Ces thèses sont relayées par divers mouvements en France et à l'étranger : Allemagne : Wilhelm Stäglich (plusieurs condamnations) ; Canada : Ernst Zündel, condamné 1985 et 1988, jugements cassés par la Cour suprême ; Espagne : Enrique Aynat ; G.-B. : David Irving ; Italie : Carlo Mattogno ; Suisse : Jurgen Graf, Mariette Paschoud ; USA : Arthur Butz, Fred Leuchter (rapport en 1988), Mark Weber. 1990-13-7 la loi Fabius-Gayssot empêche de propager la contestation des crimes contre l'humanité. 1998-février Roger Garaudy (soutenu par pays musulmans) condamné à 120 000 F d'amende).»

Les mouvements qui relaient les «thèses négationnistes» sont définitivement «divers».

On insiste, comme on le voit sur les condamnations des «révisionnistes». La «martyrologie» fait depuis longtemps partie de la rhétorique négationniste.

L'erreur sur le nom de «Mariette Paschoud» présent dans les éditions précédentes est corrigée.

De nouveaux noms font leur apparition, comme Zündel et Leuchter. Que Zündel fût un nazi auto-proclamé n'est pas mentionné. Le fait que les décisions cassant les condamnations de Zündel aient porté uniquement sur la forme et non sur le fond n'est pas mentionné non plus. Le caractère frauduleux du «rapport» de Fred Leuchter, vieux bobard négationniste depuis longtemps réfuté, n'est pas évoqué. Que Fred Leuchter fût un escroc avéré est également «oublié».

Garaudy fait son apparition. Aucun renseignement sur cet ancien stalinien, qui niait déjà le Goulag en 1949, converti au catholicisme puis à l'Islam et fréquentant les colloques de la Nouvelle Droite, et qui publia en 1996 un pamphlet négationniste (d'alibi «antisioniste») largement plagié des productions faurissoniennes (tous éléments tus par le rédacteur du Quid -- notons cependant la mention du soutien des pays musulmans). Il suffira ici de renvoyer à l'article de Pierre Vidal-Naquet «Analyse des relais dont disposent les négationnistes», Le Monde, 4 mai 1996 : http://www.anti-rev.org/textes/VidalNaquet96a/
 

L'attention du collaborateur du Quid sur les "révisionnistes" continue d'être vive, puisque dans l'édition 2001, l'encart se voit remanié significativement : il est encore complété et ses formulations se font plus directes, plus "efficaces", collant de près à l'actualité "révisionniste".

«Mouvement dit "des révisionnistes". 1948 Maurice bardèche (1909-98, beau-frère de Brasillach) publie Nuremberg ou la terre promise. 1950 Paul Rassinier (1906-67), membre du PC 1922 (exclu 1932), de la SFIO 1934, munichois 1938, opposé à la guerre 1939, résistant et déporté 1943 à Buchenwald et Dora, député SFIO de Belfort 1946] publie le Mensonge d'Ulysse (1950). 1978 Robert Faurisson (25-1-1929, professeur de lettres et sciences humaines à l'université Lyon-II) reprend et publie avec le concours de Pierre Guillaume (ultra-gauche), dir. des éditions La Vieille Taupe, Jean-Gabriel Cohn-Bendit (n. 14-4-1936, frère de Daniel) et Serge Thion (né 1942, sociologue au CNRS) les thèses révisionnistes parlant des "prétendues chambres à gaz hitlériennes et du prétendu génocide des Juifs" qui "forment un seul et même mensonge historique" et ont permis "une gigantesque escroquerie politico-financière". 1985-15-6 Nantes, thèse de doctorat d'Henri Roques (né 10-11-1920): un témoignage jugé capital (le rapport de l'officier SS Gerstein) n'a aucune valeur scientifique (mention très bien) ; soutenance annulée 3-7-1986 sous pression du min. de la Recherche et de l'Enseignement supérieur (Alain Devaquet) pour irrégularités administratives, annulation confirmée par le tribunal administratif (janv. 1988) et le Conseil d'État (févr. 1992) ajoutant l'annulation de la thèse à celle de la soutenance, alléguant des irrégularités administratives imputables à l'univiversité de Nantes [Michel de Boüard (1909-89, membre du PCF de 1942 à 60, déporté à Mauthausen, membre de l'Institut et ancien doyen de la faculté des lettres de Caen) avait défendu la thèse de Roques]. 1990-13-7 la loi Fabius-Gayssot empêche de propager la contestation des crimes contre l'humanité. 1997-99 plusieurs enseignants révoqués. 1998-février Roger Garaudy (né 1913, communiste de 1933 à 1970, soutenu par pays musulmans) condamné à 120 000 F d'amende).

Quelques révisionnistes : Allemagne : Wilhelm Stäglich, Günther Deckert (condamné 1945), German Rudolf (exilé en G.-B) ; Australie : Frédéric Toben ; Canada : Ernst Zündel, condamné 1985 et 1988, jugements cassés par la Cour suprême ; Espagne : Enrique Aynat ; G.-B. : David Irving ; Italie : Carlo Mattogno ; Suisse : Jurgen Graf, Mariette Paschoud ; USA : Arthur Butz, Fred Leuchter (rapport en 1988), Mark Weber.» (Quid 2001, p. 689)

Nous avons la surprise de voir enfin mentionné Maurice Bardèche. Est-ce parce qu'il est mort en 1998? Son militantisme fasciste n'est cependant pas mentionné, ni le fait qu'il fut condamné pour apologie de crimes de guerre pour l'ouvrage mentionné par le Quid...
 

Surtout, le style de l'encart passe au mode direct et gagne en «efficacité». Faurisson «reprend et publie [...] les thèses révisionnistes». Le contenu desdites «thèses» continue d'être rejeté au tiers de l'encart et de n'apparaître que via les formulations de Faurisson. D'ailleurs, ces formules qui lui étaient explicitement attribuées dans les versions précédentes du Quid deviennent génériques et servent à décrire les «thèses révisionnistes» sans que l'origine des phrases citées soit identifiée. La présentation de la «thèse de Roques» est aussi nettoyée. Au lieu de lire:

«[...] la thèse de doctorat de Henri Roques [...] a pour objectif de démontrer qu'un témoignage jugé capital [...] n'a aucune valeur scientifique, thèse acceptée avec mention très bien »

On lit:

«thèse de doctorat d'Henri Roques (né 10-11-1920): un témoignage jugé capital (le rapport de l'officier SS Gerstein) n'a aucune valeur scientifique (mention très bien)»

Qui parle? Le Quid ou Roques? Alors que la présentation était déjà particulièrement laconique et complaisante, dans les versions précédente, le contenu de la thèse de Roques est présenté, dans la version 2001, de telle façon que le lecteur ne peut échapper à l'impression qu'effectivement, le témoignage dont il est question n'a aucune valeur scientifique. Roques n'a plus «pour objectif de démontrer que..» (formule qui disparaît!), il a démontré que...!
 

Les différents éléments de l'encart sont réagencés. Le rédacteur responsable de l'encart le complète. Le communisme de Garaudy est évoqué, mais pas ses conversions successives, ni sa fréquentation de la Nouvelle Droite. Il s'agit toujours de faire croire que le «révisionnisme» vient de la gauche. Le soutien des pays musulmans est encore mentionné. Günther Deckert est cité pour la première fois. Mais n'est pas rappelé qu'il a été le président du NPD, un parti allemand d'extrême droite. Une erreur se glisse, puisque Deckert n'a pas été condamné en 1945, mais en 1995.
 

Le rédacteur du Quid suit par ailleurs l'actualité du négationnisme de très près, puisqu'il évoque notamment des noms connus des seuls négationnistes ou de ceux qui luttent contre le négationnisme. Parfois en commettant des erreurs, comme pour «German Rudolf», en fait «Germar Rudolf», un négationniste allemand, également membre du NPD pendant un temps, ayant fui la justice de son pays qui l'avait condamné. Germar Rudolf s'est effectivement réfugié en Grande-Bretagne, fait connu seulement du petit monde des négationnistes, ou, à la rigueur, par ceux qui suivent d'extrêmement près leur «actualité». Décidément, on ne pourra se plaindre de la qualité de l'information du rédacteur du Quid chargé de ce sujet...
 

Dans l'édition 2002, ce rédacteur continue d'ailleurs de modifier et compléter l'encart et de coller à l'actualité.

Les soutiens musulmans à Garaudy «disparaissent» (un effet du 11 septembre?). Est mentionné Vincent Reynouard, néo-nazi (ce détail est oublié) qui nie que la Division Das Reich soit responsable du massacre d'Oradour-Sur-Glane, et Serge Thion, révoqué de son poste du CNRS en 2000 (Quid, 2002, p. 695). La relecture de l'encart est toujours aussi attentive: l'erreur sur la date de condamnation de Günther Deckert est remplacée par la mention correcte de celle de son emprisonnement («nov. 1995-nov. 2000»). L'erreur sur le nom de Germar Rudolf de l'édition précédente est corrigée. Le lieu de son exil est toutefois omis. De fait, Germar Rudolf est passé en Espagne, ce à quoi, ni lui ni les négationnistes ne souhaitent faire de publicité... Enfin, l'«exil» de Jurgen Graf, lui aussi condamné et fuyant la justice, est également mentionné, sans qu'il soit précisé que c'est en Iran qu'il avait trouvé refuge...
 

L'édition 2003 est strictement identique à l'édition 2002. La voici dans son intégralité:

«Mouvement dit "des révisionnistes". 1948 Maurice bardèche (1909-98, beau-frère de Brasillach) publie Nuremberg ou la terre promise. 1950 Paul Rassinier (1906-67), membre du PC 1922 (exclu 1932), de la SFIO 1934, munichois 1938, opposé à la guerre 1939, résistant et déporté 1943 à Buchenwald et Dora, député SFIO de Belfort 1946] publie le Mensonge d'Ulysse (1950). 1978 Robert Faurisson (25-1-1929, professeur de lettres et sciences humaines à l'université Lyon-II) reprend et publie avec le concours de Pierre Guillaume (ultra-gauche), dir. des éditions La Vieille Taupe, Jean-Gabriel Cohn-Bendit (n. 14-4-1936, frère de Daniel) et Serge Thion (né 1942, sociologue au CNRS) les thèses révisionnistes parlant des "prétendues chambres à gaz hitlériennes et du prétendu génocide des Juifs" qui "forment un seul et même mensonge historique" et ont permis "une gigantesque escroquerie politico-financière". 1985-15-6 Nantes, thèse de doctorat d'Henri Roques (né 10-11-1920): un témoignage jugé capital (le rapport de l'officier SS Gerstein) n'a aucune valeur scientifique (mention très bien) ; soutenance annulée 3-7-1986 sous pression du min. de la Recherche et de l'Enseignement supérieur (Alain Devaquet) pour irrégularités administratives, annulation confirmée par le tribunal administratif (janv. 1988) et le Conseil d'État (févr. 1992) ajoutant l'annulation de la thèse à celle de la soutenance, alléguant des irrégularités administratives imputables à l'univiversité de Nantes [Michel de Boüard (1909-89, membre du PCF de 1942 à 60, déporté à Mauthausen, membre de l'Institut et ancien doyen de la faculté des lettres de Caen) avait défendu la thèse de Roques]. 1990-13-7 la loi Fabius-Gayssot empêche de propager la contestation des crimes contre l'humanité. 1996 Roger Garaudy (né 1913, communiste 1933-1970, poursuivi pour les Mythes fondateurs de la politique israélienne, condamné en févr. 1998 à 120 000 F d'amende. 1997 Plusieurs enseignants révoqués dont Vincent Reynouard (Le Massacre d'Oradour : un demi-siècle de mise en scène) et en 2000 Serge Thion.

Quelques révisionnistes : Allemagne : Wilhelm Stäglich, Günther Deckert (condamné et empris no. 1995-nov. 2000), Germar Rudolf (exilé) ; Australie : Frédéric Toben ; Canada : Ernst Zündel, condamné 1985 et 1988, jugements cassés par la Cour suprême ; Espagne : Enrique Aynat ; G.-B. : David Irving ; Italie : Carlo Mattogno ; Suisse : Jurgen Graf (exilé), Mariette Paschoud ; USA : Arthur Butz, Fred Leuchter (rapport en 1988), Mark Weber.» (Quid 2003, p. 704)

 
Récapitulons.

Après une première présentation déficiente, mais de bonne foi, en 1993, sur les «révisionnistes», un premier remaniement majeur, en 1994, rédigé très probablement par un sympathisant négationniste imprime une direction jamais démentie par la suite à la présentation des négationnistes dans le Quid: camouflage progressif de tout ce qui pourrait rappeler que les négationnistes sont des antisémites et des falsificateurs liés avant tout l'extrême-droite la plus radicale. Formulations soigneusement choisies pour être légitimatrices. Complaisance scandaleuse, laissant la parole aux négationnistes pour se présenter eux-mêmes, dans un style de plus en plus direct, reprenant les tics langagiers (le mot «négationnisme» n'est jamais utilisé) et les «mythologies» négationnistes.

L'encart ne commence pas par expliquer que les négationnistes nient la réalité du génocide des Juifs. Non, il commence par décliner les pedigrees arrangés des négationnistes, Rasssinier "résistant et déporté", mais dont les contacts avec nazis et fascistes sont tus, Faurisson universitaire (longtemps doté d'une agrégation qu'il n'eût jamais, et dont on finit par enrichir la compétence de mystérieuses "sciences humaines") et divers "hommes de gauche", dont on oublie de dire qu'ils cotoient aujourd'hui l'extrême-droite ou les islamistes radicaux. Il faut attendre le tiers de l'encart, une fois la «respectabilité» des négationnistes (universitaires, résistants et hommes de gauche!) établie pour que ce soit à Faurisson que revienne le soin d'exposer les «thèses» négationnistes. Sans le moindre commentaire de la part du Quid. La place disproportionnée accordée à l'affaire Roques et la complaisance totale de la présentation qui en est faite, sont une insulte à la vérité.

La comparaison entre les versions 1993 et 1994 suffirait à démontrer qu'un rédacteur sympathisant des négationnistes est à l'oeuvre. Un sympathisant qui va continuer à oeuvrer au sein des équipes du Quid au moins jusqu'à l'édition 2002. Sans doute le même qui a, en 1997, incorporé de la prose faurissonienne à un paragraphe sur Auschwitz, comme nous l'avons démontré dans un autre article.

Le passage de l'encart, en 1996, d'une section sur la politique française à la section sur les camps nazis, rendant quasi-inévitable la rencontre du lecteur qui s'informe sur les camps avec cette présentation scandaleuse des «thèses révisionnistes», n'est pas un faux pas. Un encart sur les négationnistes devrait être situé dans la section sur l'antisémitisme, pas dans la section sur les camps!

La disparition en 1997 de la mention des relais par des «mouvements d'extrême droite» qui deviennent «divers mouvement», est caractéristique de la volonté de camouflage qui marque la stratégie du sympathisant négationniste infiltré au Quid.

Le suivi attentif de l'évolution de l'encart au cours des années montre combien celui-ci est chaque fois relu avec attention, à tel point que les erreurs ne perdurent qu'exceptionnellement d'une année sur l'autre. Le rédacteur suivait par ailleurs d'extrêmement près l'actualité des négationnistes. Affaires et déboires judiciaires sont égrenés avec précision.

Comment justifier que le caractère antisémite du négationnisme n'ait jamais été évoqué une seule fois en neuf éditions? Neuf éditions où les mots de «négation» ou «falsifications» sont absents, alors que la fraude et la négation sont au centre de tout ce qui fait le négationnisme. Neuf éditions où le mot «négationnisme» n'a jamais figuré dans l'index... Neuf éditions de présentations de plus en plus complaisantes, donnant de plus en plus une parole exclusive aux négationnistes. Neuf éditions où tous les liens des négationnistes avec nazis et fascistes sont tus, comme est tu le fait qu'ils sont dans leur majorité des thuriféraires du nazisme et de l'antisémitisme. Ce n'est pas tant d'ailleurs que le rédacteur du Quid dédaigne de mentionner l'ancrage politique, au contraire : dès qu'un lien à gauche peut-être mentionné, il l'est systématiquement; jamais à l'extrême-droite qui représente pourtant le principal vivier de tous les noms cités! Le mensonge par omission est évident. La complaisance est totale.

Ces présentations scandaleuses des négationnistes ont été vendues à des centaines de milliers d'exemplaires, sinon plusieurs millions. Le travail du négationniste infiltré dans les équipes du Quid fut patient, progressif, sournois et, hélas, efficace.

Une première question s'impose : qui a rédigé l'encart sur les «révisionnistes» depuis 1994 ?

La deuxième question est évidente: combien de temps les responsables du Quid attendront-ils avant de remplacer la scandaleuse présentation actuelle par une présentation plus conforme à la réalité, à la rigueur revendiquée par le Quid et à la dignité ?

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22/01/2003