Le SS Hans Stark témoigne
Auschwitz
Le SS Hans Stark fut responsables des admissions à Auschwitz. Il a assisté et participé aux assassinats de masse. Il témoigne :
« La P.A. du K.Z. Auschwitz était autonome dans ses compétences et ne dépendait pas du commandant du camp. Hormis Grabner et Wosnitza, le commandant du camp était pourtant responsable des hommes de la P.A.* d'un point de vue disciplinaire. La P.A. recevait ses instructions et ses ordres soit de la centrale GeStaPo de Kattowitz, soit directement du R.S.H.A.**. La P.A. envoyait directement ses rapports et ses informations au R.S.H.A. Ma tâche aux services d'admission était d'enregistrer les détenus qui arrivaient et de leur attribuer un numéro. De plus, je notais leur identité. Les services d'admission informaient les autres services sur les détenus qu'on leur fournissait.
Les services d'admission avaient à voir avec les exécutions, dans la mesure où ils n'avaient pas à enregistrer les personnes qui, dans les convois, étaient destinées à être fusillées; toutefois, ils devaient les mener devant le peloton. J'avais l'habitude d'accomplir ce travail. Donc, à l'arrivée des nouveaux admis, j'attendais un ordre que me communiquait Grabner par téléphone, puis je devais les conduire au crématoire qui se trouvait à proximité; le Rapportführer Palitsch les fusillait dans une salle spéciale.
Ils étaient abattus avec un fusil de petit calibre qui restait en permanence dans le baraquement du Blockführer, là où nous aussi nous étions hébergés. Si nous devions fusiller plusieurs nouveaux arrivants, je les conduisais ensemble au petit crématoire. En chemin, je leur disais qu'ils prendraient d'abord un bain. Je leur demandais de se déshabiller dans un vestibule, juste avant la salle d'exécution et entrais avec le premier dans la salle, où Palitsch et son fusil se trouvaient en permanence. D'autres Blockführer ou même le chef du camp de détention préventive étaient souvent présents. Palitsch cachait son fusil derrière son dos de manière à ce que les détenus ne le voient pas. Puis quelqu'un, moi ou Palitsch, disait: « Regardez par là-bas » et chaque fois, Palitsch prenait son fusil et tirait un coup dans la nuque du détenu. Il maintenait son fusil à quelques centimètres de sa tête. C'est de cette manière qu'on tuait ceux qui étaient destinés à être exécutés. C'était toujours les détenus d'à côté, ceux du crématoire, qui transportaient les cadavres hors de la pièce. A mon avis, les autres, ceux qui attendaient dans le couloir, ne pouvaient pas entendre les coups de feu, car l'entrée de la salle d'exécution était munie d'une porte à double paroi. Une fois que ces nouveaux détenus ou même des groupes avaient été exécutés, ils étaient brûlés dans le petit crématoire, éventuellement sous la surveillance du Unterscharführer Quakernack (...).
Après chaque exécution, les rapports étaient directement communiqués au R.S.H.A. sous une formulation codée indiquant qu'« un nombre x de personnes ont été logées à part ». Toute cette opération était surtout dirigée contre des personnes de la race juive, c'était ce que nous appelions la Sonderbehandlung (traitement spécial). Dès le début de la campagne de Russie, le R.S.H.A. avait donné des ordres, qui nous avaient été transmis oralement, à nous les hommes de la P.A.
C'est moi qui recevais l'ordre de conduire les détenus venant d'arriver à la salle d'exécution; comme je l'ai dit, cela se passait sur un coup de téléphone de Grabner. Mais il arrivait aussi qu'il me donne directement l'ordre. Jamais je ne me suis révolté contre ces ordres; comme j'appartenais depuis longtemps aux SS et avais suivi la formation idéologique de ce corps, cela ne me venait pas à l'esprit. Mais j'ai bien senti que ces dispositions étaient injustes, et j'ai tenté à plusieurs reprises de me porter volontaire pour le front. Je n'ai quitté Auschwitz qu'au moment où l'on m'a enfin donné l'autorisation de poursuivre mes études.
Un cas s'est présenté où j'ai, moi aussi, participé directement à l'exécution; c'était en automne 1941, dans la cour du Block 11. A l'époque, les services de la GeStaPo de Kattovitz venaient de nous livrer entre 20 et 30 commissaires politiques russes. Si je me souviens bien, dès leur arrivée, Grabner, Palitsch, un Blockführer du Block 11 et moi, nous les avons conduits dans la cour d'exécution. Les deux fusils spéciaux se trouvaient déjà au Block 11. Les commissaires russes portaient des uniformes de l'armée russe et n'avaient pas de signes distinctifs. Je ne sais pas qui avait pu établir leur qualité de commissaires, je suppose que celle-ci avait été constatée par la GeStaPo de Kattovitz, qui avait envoyé plusieurs de ses agents pour assister à l'exécution. Je ne sais pas si ces commissaires russes avaient été condamnés à mort dans les règles. Je ne le crois pas car, à mon avis, les commissaires russes étaient tous passés par les armes presque sans exception. Les Russes ont été fusillés deux par deux dans la cour du Block 11 pendant que les autres attendaient dans le couloir. Grabner, Palitsch, ce fameux Blockführer et moi, nous nous sommes relayés pour abattre ces 20 ou 30 commissaires. Si je me souviens bien, des détenus du Bunker ont ensuite entassé les corps dans un coin de la cour, puis ils les ont mis deux par deux dans des caisses. Des détenus ont tiré ces caisses sur des carrioles et les ont conduites au petit crématoire. Je ne sais plus exactement combien de personnes j'ai moi-même fusillées (...). Dès l'automne de l'année 1941, on a commencé à procéder aux gazages dans une salle du petit crématoire qui avait été aménagée à ces fins. La salle pouvait contenir entre 200 et 250 personnes, elle était plus haute qu'une pièce normale, n'avait pas de fenêtres, mais une porte que l'on avait rendue étanche et qui comportait un système de verrouillage comme dans les abris antiaériens. Il n'y avait pas de tuyaux ou autres qui auraient pu permettre aux détenus d'en conclure qu'il s'agissait peut-être d'une salle de douches. Au plafond, il y avait deux orifices d'un diamètre d'environ 35 cm assez écartés l'un de l'autre. Cette salle avait un toit plat si bien que la lumière du jour pénétrait par ces ouvertures. Nous versions des granulés de cyclon B par ces ouvertures (...).
Comme je viens de le dire, nous avons procédé au premier gazage au petit crématoire à l'automne 1941. Comme lors des exécutions, c'était Grabner qui me donnait l'ordre de venir au crématoire et de vérifier le nombre. La première fois, je ne savais pas qu'un gazage allait s'y dérouler. Quelque 200 à 250 Juifs, hommes, femmes et enfants de toutes les tranches d'âge, attendaient près du crématoire; il y avait peut- être aussi des nourrissons parmi eux. Sans pouvoir citer aucun nom, je peux dire qu'un bon nombre de SS étaient présents, le commandant du camp, le responsable de la détention préventive, plusieurs Blockführer, Grabner et d'autres membres des services politiques. Personne n'a rien dit aux Juifs, ils ont uniquement été invités à entrer dans la salle de gazage dont les portes étaient ouvertes. Pendant que les Juifs entraient, des infirmiers préparaient l'opération. Il y avait un monticule de terre le long d'un mur extérieur jusqu'à la hauteur du plafond, ce qui permettait de monter sur le toit. Quand les Juifs étaient dans la salle, on la verrouillait et les infirmiers versaient le cyclon B dans l'orifice (...).
Plus tard, lors d'un autre gazage, également à l'automne 1941, Grabner m'a donné l'ordre de verser du cyclon B dans l'ouverture parce qu'un seul infirmier était venu et que pour chaque opération il fallait verser le produit simultanément dans les deux ouvertures de la chambre à gaz. Il s'agissait encore une fois d'un convoi de 200 à 250 Juifs et, comme d'habitude, des hommes, des femmes et des enfants. Le cyclon B. comme je viens de le dire, est sous forme de granulés; lorsqu'on le versait, il ruisselait sur les gens. Ils commençaient à pousser des cris épouvantables, car maintenant ils savaient ce qui leur arrivait. Je n'ai pas regardé dans l'ouverture car l'orifice devait être immédiatement refermé dès que nous avions versé les granulés. Au bout de quelques minutes, c'était le silence. Nous attendions un certain temps, peut-être 10 à 15 minutes, puis nous ouvrions la chambre à gaz. Les morts gisaient dans tous les sens, c'était un spectacle horrible. »
* N.d.T.: Politische Abteilung (services politiques).
** N.d.T.: R.S.H.A.: Reichssicherbeitshauptamt (Services centraux de la sécurité du Reich à Berlin).
Ernst Klee, Willy Dressen, Volker Riess, Pour eux «C'était le bon temps», La vie ordinaire des bourreaux nazis, Plon 1990, p. 223-227. Le texte en allemand et les sources se trouvent dans la version originale de l'ouvrage: Ernst Klee, Willy Dressen, Volker Riess,«Schöne Zeiten». Judenmord aus der Sicht der Täter und Gaffer, S. Fischer Verlag GmbH, Frankfurt am Main, 1988
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Gilles Karmasyn 2000
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15/03/2001