L'Opération Reinhard
une introduction à l'usage du néophyte
Ce document est une adaptation en français du "HOLOCAUST FAQ: Operation Reinhard: Layman's Guide to Belzec, Sobibor and Treblinka" de Kenneth Mc Vay.
La version originale de ce document doit être citée avec les références suivantes: Kenneth N. McVay, "HOLOCAUST FAQ: Operation Reinhard: Layman's Guide to Belzec, Sobibor and Treblinka" Usenet news.answers, 1998. Disponible en ftp anonyme sur ftp.nizkor.org dans pub/camps/aktion.reinhard/reinhard.faq1 (et ~/reinhard.faq2).
Pour la traduction, on rajoutera la mention du traducteur (Gilles Karmasyn).
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1.0 Introduction & Notes éditoriales 1.1 Copyright 1.2 Géographie et antécédents 1.2.1 Belzec 1.2.2 Sobibor 1.2.3 Treblinka 2.0 Les chambres à gaz 3.0 La crémation 4.0 Bilan des estimations du nombre de personnes exterminées. 4.1 Statistiques de la Déportation 4.1.1 Belzec 4.1.2 Sobibor 4.1.3 Treblinka 5.0 Administration et personnels 5.1 Commandement de l'Opération Reinhard. 5.1.1 Commandement de Belzec 5.1.1.1 Gardes ukrainiens et russes de Belzec 5.1.2 Commandement de Sobibor 5.1.2.1 Gardes russes et ukrainiens à Sobibor 5.1.3 Commandement de Treblinka 5.1.3.1 Gardes russes et ukrainiens à Treblinka 5.2 Les sélections. 5.3 Aspect financiers. 6.0 Sources et références. 6.1 Lectures recommandées. 6.2 Abréviations 6.3 Glossaire 6.4 Travaux cités
1.0 Introduction & Notes éditoriales
Le 30 janvier 1942 Hitler réaffirmait aux allemands sa prophétie de l'avant guerre, comme quoi une guerre mondiale entraînerait la destruction de la Juiverie. Trois jours plus tard, en privé il déclara à Himmler et à d'autres invités : «Aujourd'hui nous devons conduire le même combat que Pasteur et Koch. La cause d'innombrables maladies est un bacille : le Juif. Nous retrouverons une bonne santé si nous éliminons le Juif» (Discours d'Hitler au Sportplast du 30 janvier 1942 -- dans Max Domarus, Hitler, Reden und Proklamationen 1932-1945, Munich, 1965, II, p. 1 828-29; Adolf Hitler, Monologe im Führerhauptquartier 1941-1944: Die Aufzeichnungen, Heinrich Heims. ed. Werner Jochmann, Hamburg, 1980, p. 293, 2 Feb. 1942) . Deux mois plus tard Hitler faisait complètement sien le vaste plan d'Himmler de germanisation de l'Est. D'après l'ancien Obergruppenführer-SS et chef du Bureau central de la SS, Gottlob Berger qui le tenait d'un témoin de la scène, Hitler déclara à un groupe d'officiers qu'il décorait de la croix de fer avec feuille de chêne:
«Je sais exactement jusqu'où je peux aller, mais de telle façon que tout l'Est devienne et demeure allemand -- intrinsèquement allemand [urdeutch]... Nous n'avons pas besoin d'exprimer nos idées sur ce sujet maintenant. C'est cela que j'ai confié à Himmler et qu'il est déjà en train d'accomplir.» (Berger à Himmler, 10 Avril 1942, NA RG 242, T-175/R 127/2649922)
On y voit le politicien calculateur qui s'arrangeait pour confier le sale travail à ses subordonnés (Breitman, The Architect of Genocide: Himmler and the Final Solution, New York: Alfred A. Knopf, 1991, p. 234-35), travail dont la nature ne deviendrait rapidement que trop claire.
Après l'assassinat de Reinhard Heydrich, le «Reich Protektor» de Bohème-Moravie, à la mi-1942, la destruction des juifs du Gouvernement Général (la partie de la Pologne occupée en 1939) fut formellement désignée sous le nom d'«Opération Reinhard» en hommage posthume au nazi assassiné. Ce document présente l'histoire et la réalité des camps de l'Opération Reinhard
Belzec, Sobibor et Treblinka constituent un pan très important de la machine à tuer nazie dans la Pologne occupée -- ces camps furent utilisés dans un but et un but seulement : la destruction totale du peuple juif.
Les responsables nazis ont décidé et exécuté une campagne délibérée et massive de génocide, laquelle est documentée de façon incontestable et reconnue dans le monde entier, excepté seulement par quelques éléments néo-nazis travestissant leur haine ininterrompue du peuple juif dans un non-sens pseudo-historique.
L'existence de Belzec, Sobibor, Treblinka, Auschwitz, Maidanek, Chelmno et des autres camps est incontestable. Le but dans lequel ces camps ont été créés est également incontestable.
Ce document est le résultat de l'effort combiné de nombreuses personnes et présente des données issues d'une multitude de sources. Il nous faut remercier les abonnés de la liste de diffusion Holocaust Research Information. Sans leurs contributions, ce document n'aurait pu être rédigé.
1.1 Copyright
Le document original dans son intégralité est Copyright 1993-1996 par Ken McVay. Sa distribution non commerciale par tout moyen électronique est autorisée dans la mesure où son contenu n'est altéré en aucune manière. L'autorisation de distribution sous forme imprimée doit être obtenue par écrit. Il est interdit de retirer ce paragraphe. Cette traduction-adaptation est, elle, copyright 1999 Ken McVay & Gilles Karmasyn. Les modalités de distribution et de reproduction sont les mêmes que pour l'original.
1.2 Géographie et antécédents
Les préparatifs de l'Opération Reinhard ont commencé avec la rencontre de Globocnik et Höfle, pour la superviser (Voir plus bas, Administration et personnels). Globocnik fut doté de pouvoirs de police quasi-illimités dans la région de Lublin du Gouvernement Général, et Höfle eut la responsabilité de l'organisation et de la main-d'uvre en tant que Chef des Opérations de Globocnik. (http://www.nizkor.org/ftp.cgi/orgs/israeli/yad-vashem/yvs16.01)
Trois camps, Belzec, Sobibor, et Treblinka furent érigés. Ils devaient se trouver à proximité des voies de chemin de fer et situés dans des régions isolées, aussi loin que possible des centres de population. Ainsi, la terrible tâche qui leur avait été assignée pouvait-elle être accomplie sans attirer l'attention. De plus, de façon à donner un minimum de vraisemblance et de crédibilité à la couverture utilisée -- à savoir que les Juifs étaient censés être transférés «plus loin à l'Est», pour travailler, dans les territoires de l'Union Soviétique occupée -- les camps devaient être situés non loin de la frontière orientale du Gouvernement Général.
1.2.1 Belzec
Le premier camp, Belzec, situé sur la ligne de chemin de fer Lublin - Lvov, fut construit entre novembre 1941 et mars 1942. L'assassinat des juifs de Cracovie et de la région de Lvov a commencé le 17 mars 1942. (Note : Breitman écrit que les premiers SS ont été envoyés à Belzec en Octobre 1941, pour commencer le recrutement des ouvriers pour la construction. Voir http://www.nizkor.org/ftp.cgi/orgs/israeli/yad-vashem/yvs16.03 pour les détails de construction)
Richard Breitman écrit:
«Belzec fut le premier camp d'extermination, au sens strict du terme, à commencer à fonctionner dans la région. Il ne s'y trouvait, à un moment donné, que quelques centaines d'ouvriers juifs, pour la plupart utilisés au sein des installations de mise à mort, à la récupération des vêtements et des objets de valeur des victimes. Les premiers SS ont été envoyés à Belzec en octobre 1941 pour recruter des ouvriers du bâtiment afin de construire les installations. Le bureau d'Himmler avait rendu compte des progrès de Globocknik à Oswald Pohl, chef de ce qui devînt bientôt le Bureau principal SS de l'administration et de l'économie (WVHA), préparant ainsi Pohl à coopérer avec Globocknik. Le bureau de Pohl avertit Himmler qu'il ne pouvait plus obtenir suffisamment de vêtements ou de tissu pour les Waffen SS et les camps de concentration. Himmler répondit qu'il pouvait disposer d'une grande quantité de matériau brut pour les vêtements, et il confia à Globocknik la responsabilité de les distribuer.
[Sur Belzec, voir Adalbert Rückerl, ed., NS Vernichtungslager im Spiegel deutscher Strafprozesse, Munich, 1978, p. 132-45; Raul Hilberg, La destruction des Juifs d'Europe, Fayard, 1988, p. 758-762, 774-779. Annotations dans l'agenda de Brandt, appels téléphoniques, 15 oct., à Pohl, rapport sur Globocnik; 17 oct., à Pohl, rapport sur Globocnik; 20 oct., à Pohl, travail avec Globocnik, tous les NA RG 242, T-581/R 39A. Sur la nature de cette coopération et sur les textiles, interrogatoire de Georg Loener, 20 sept. 1947, NA RG 238, M-1019/R 42/946. Loener data ces événements d' "approximativement 1941." Les notes dans l'agenda de Brandt (voir plus haut) le situent en octobre 1941. Arad, Belzec, Sobibor, Treblinka, p. 24-25]
«Leurs propriétaires ne seraient pas en état de protester. Les gazages commencèrent à Belzec en mars 1942 sous la direction du son premier commandant, Christian Wirth. Quatre-vingt-onze autres membres de la chancellerie du Führer qui avaient travaillé avec lui sur l'euthanasie par gazage rejoinrent Belzec, Sobibor ou Treblinka -- tous ces camps étaient destinés au gazage des Juifs sous la supervision de Globocnik. Les experts en gazage vivaient séparément des autres SS et de la police, et ils n'étaient pas inscrits sur la liste des troupes régulières de Globocnik [Arad, Belzec, Sobibor, Treblinka, the Operation Reinhard Death Camps, Indiana University Press, 1987, p. 24-25, p. 17. Interrogatoire de Johann Sporrenberg, 2 sept. 1945, Globocnik file, U.S. Army Intelligence and Security Command, obtenu grâce au Freedom of Information Act.]
«Avant que les chambres à gaz ne soient construites, Globocnik pouvait accomplir beaucoup en utilisant des méthodes d'assassinat plus traditionnelles. En octobre 1941 le Capitaine Kleinschmidt, chef de compagnie de l'unité de transport, se rendit dans les baraquements de Lublin et ordonna à 15 hommes de venir avec lui. Ces 15 hommes furent chacun dotés d'un camion qu'ils devaient conduire dans le camp de concentration tout proche. Là il chargèrent environ 30 personnes dans chaque camion -- environ 450 juifs au total -- et les amenèrent à un aéroport abandonné situé approximativement à quarante kilomètres de Lublin. Les prisonniers devaient creuser une fosse de six mètres cube. Après avoir fini ces fosses, 10 des victimes retirèrent leurs vêtements; on leur donna des chemises en carton qui leur arrivaient à mi-cuisse. Le fond des fossés était recouvert de paille. Les victimes eurent l'ordre, de s'allonger tête-bêche, dix à la fois, dans les fosses. Puis les hommes de Globocnik lançèrent des grenades dans les fosses, et bientôt, têtes, bras et jambes furent projetés hors des fosses. Les troupes tiraient sur tous ceux qui bougeaient encore après l'explosion. Puis ils étendaient de la chaux vive sur les restes, et une nouvelle couche de paille était étendu sur la chaux. Trois ou quatre couches de corps, dix dans chaque couche, ont été empilées dans de tels tombeaux. Durant les exécutions les autres victimes devaient regarder et attendre leur tour. Les femmes recevaient des coups de pied dans l'estomac et dans la poitrine, les enfants étaient fracassés contre les rochers. Selon un témoin oculaire de cet épisode particulier, les hommes de Globocnik ont tué environ 75 000 juifs de cette manière [ Commanding General, Eighth Service Command, ASF Dallas, to Provost Marshal, 21 May 1945, récit de Willi Kempf, POW, NA RG 153, entry 143, box 571, folder 19-99 ]. Mis à part les meurtres sadiques à la main, on en pouvait aller plus loin en matière de rationalisation du processus d'assassinat de masse sans recourir à une technologie plus avancée.»
(Breitman, Himmler, p. 198-201)
1.2.2 Sobibor
Le deuxième camp, Sobibor, a été établi en mars 1942, près du village et de la gare de Sobibor , non loin de la ligne de chemin de fer Chelm-Wlodawa, au sein d'une forêt isolée dans une région marécageuse.
Le SS-Obersturmführer Richard Thomalla, un membre du Bureau de Construction SS de Lublin, avait en charge la construction, mais fut remplacé un mois plus tard par le premier commandant du camp, le SS-Obersturmführer Stangl qui fut responsable de l'achèvement des travaux. (Voir http://www.nizkor.org/ftp.cgi/orgs/israeli/yad-vashem/yvs16.04 pour des précisions sur la construction)
Sobibor avait été conçu et construit comme un rectangle de 400 mètres sur 600 mètres. Il était entouré de fils barbelés de 3 mètres de haut, entremêlés de branchages afin de dissimuler le camp. Il était divisé en trois zones distinctes, chacune étant elle-même entourée de barbelés. Ces zones étaient:
1. La partie administrative; elle était constituée du Vorlager (le "camp avancé", le plus proche de la gare), et du Camp I, et incluait le quai de la gare le long duquel pouvaient prendre place 20 wagons de marchandise, ainsi que les quartiers des personnels allemands et ukrainiens. Le Camp I, qui était séparé des autres parties par une clôture, comprenait les baraquements pour les prisonniers juifs et les ateliers où certains d'entre-eux travaillaient.
2. La zone de réception ou Camp II. C'était l'endroit où l'on amenait les juifs qui arrivaient de l'extérieur. Là, ils étaient soumis à diverses procédures avant d'être assassinés: déshabillage, rasage des cheveux des femmes et confiscation des valeurs.
3. La zone d'extermination, le Camp III. Il était situé dans la partie nord ouest du camp, la plus isolée. Elle comprenait les chambres à gaz, les tranchées où étaient ensevelies les victimes, et les abris des prisonniers employés là. Un passage de 3 à 4 mètres de large et long de 150 mètres menait du Camp II à la zone d'extermination. Il était entouré par des barbelés de chaque côté et camouflé par des branchages entremêlés afin de le soustraire aux regards. Ce passage, appelé «le tube», était utilisé pour mener les victimes nues et terrifiées vers les chambres à gaz, après qu'elles fussent passées par les procédures d'arrivée. Il y avait également une voie ferrée plus étroite qui allait directement des voies de garage aux tranchées; elle était utilisée pour transporter [dans des wagonnets] ceux qui arrivaient trop malades ou trop faibles pour tenir debout, ainsi que ceux qui étaient morts durant le transport.
Les chambres à gaz étaient situées à l'intérieur d 'un bâtiment en briques. Initialement il y en avait trois, chacune de 16 mètres carré et chacune pouvant contenir 160 à 180 personnes. On y pénétrait par des portes qui donnaient sur une plate-forme en béton. Après la fin des gazages, les corps étaient retirés via une seconde porte. Le gaz , du monoxyde de carbone, était produit par un moteur de 200 chevaux dans un hangar à attenant.
Les fosses communes étaient proches; chacune faisait 50 à 60 m de long, 10 à 15 m de large, 5 à 7 m de profondeur. Le premier essai du système de mise à mort eut lieu à mi-avril, quand 250 juifs, essentiellement des femmes venant du camp de travail de Krychow furent tués devant le contingent SS au complet.
Trois chambres à gaz supplémentaires furent ajoutées durant une brève interruption des opérations du camp en août-septembre 1942 . Durant cette période Stangl fut envoyé à Treblinka et remplacé par le SS-Obersturmführer Franz Reichsleitner qui devint le commandant du camp.
À la fin de l'été de 1942, les tranchées furent réouvertes et les corps brûlés en tas énormes. Par la suite, les victimes furent incinérées immédiatement après leur mort, au lieu d'être ensevelies comme cela était le cas auparavant.
Le 5 juillet 1943 Himmler donna l'ordre de fermer le centre d'extermination et de le transformer en camp de concentration. Le camp IV fut construit pour stocker les munitions russes capturées.
Après l'insurrection de Sobibor, Himmler abandonna l'idée d'un camp de concentration et donna l'ordre de détruire le camp. Les bâtiments furent détruits, la terre labourée et des arbres furent plantés; (Israel Gutman et alii, Encyclopedia of the Holocaust, New York: Macmillan Publishing Co., 1990, IV, 1373-1378)
1.2.3 Treblinka
Treblinka, le troisième camp de l'opération Reinhard était situé à environ soixante-quinze kilomètres au nord-est de Varsovie. Il fut construit en juin-juillet 1942. Les meurtres ont débuté le 23 juillet avec les Juifs de Varsovie et de la région de Radom pour victimes. La conception en était similaire à celle décrite ci-dessus pour Sobibor. (Voir http://www.nizkor.org/ftp.cgi/orgs/israeli/yad-vashem/yvs16.05 pour des précisions sur la construction)
Il y avait initialement trois chambres à gaz, chacune de 4 mètres sur 3. Dix chambres à gaz supplémentaires furent construites entre la fin du mois d'août 1942 et le début du mois d'octobre de la même année. Après qu'elles furent achevées, un train entier de 20 wagons, pouvait être gazé en même temps -- environ 2400 victimes par jour. Un prisonnier décrit le commencement de sa journée au camp.
« Le premier transport de "déportés" partit de Malkinia le 23 juillet à l'aube... Il était chargé de Juifs venant du ghetto de Varsovie.
« [...] Le train était composé de soixante wagons fermés, chargés à plein d'hommes, de femmes, d'enfants et de nourrissons. Les portes des wagons étaient fermées de l'extérieur, les trous d'aération obstrués avec des barbelés. Sur les marchepieds des deux côtés et sur le toit des wagons se tenaient des SS, fusil-mitrailleur en batterie. Il faisait chaud et la plupart des gens dans les wagons de marchandises étaient mortellement épuisés.»
(Zabecki cité par Arad, Belzec, p. 81 et Kogon et alii, Les chambres à gaz secret d'état, Seuil, Points Histoire, 1987, p. 162-163)
La tuerie était sur le point de commencer...
Durant la période précédant la mi-août, 5 000 à 7 000 juifs arrivaient à Treblinka chaque jour. Puis la situation changea. La fréquence des transports augmenta. Il y avait des jours où arrivaient 10 000 à 12 000 déportés. Parmi eux des milliers étaient morts en route et les autres étaient dans un état d'épuisement total. Cet état de fait troublait l'«arrivée tranquille» organisée pour abuser les déporter, destinée à leur faire croire qu'ils étaient parvenus à une gare de transit, qu'avant de continuer leur voyage vers un camp de travail, ils devaient être désinfectés. Coups et coups de feu étaient nécessaires pour obliger ceux qui étaient encore en vie à descendre des wagons de marchandise à se diriger vers la place de rassemblement et les baraques de déshabillage. Abraham Goldfarb, arrivé au camp le 25 août raconte :
«Lorsque nous arrivâmes à Treblinka et que les nazis ouvrirent les portes des wagons, la scène fut affreuse. Les wagons étaient remplis de cadavres. Les corps étaient déjà partiellement décomposés par le chlore. La puanteur émanant des wagons étouffait ceux qui étaient encore en vie. Les nazis ordonnèrent à tout le monde de descendre des wagons. Ceux qui en furent capables étaient à moitié mort. Les SS et les ukrainiens qui attendaient à proximité nous battirent et nous tirèrent dessus.»
(Témoignage d'Abraham Goldfarb, Archives Yad Vashem 0-3/1846, 12-13, cité par Arad, Belzec, p. 84. Voir aussi Kogon, Les chambres à gaz secret d'état, p. 164)
Oskar Berger qui était arrivé à Treblinka le 22 août décrivit la scène :
«En descendant du train, nous fûmes témoins d'un horrible spectacle: des centaines de corps gisaient tout autour. Des piles de baluchons, de vêtements, de valises, jetés n'importe comment; des SS, des Allemands et des Ukrainiens se tenaient sur les toits des baraquements et tiraient au hasard dans la foule. Des hommes, des femmes, des enfants tombaient par terre, ensanglantés. Ceux qui n'avaient pas été blessés furent poussés à travers un portail ouvert vers une place entourée de barbelés et durent pour cela marcher sur les morts et les blessés. (Kogon, Les chambres à gaz secret d'état, p. 164)
2.0 Les chambres à gaz
Les trois camps de l'Opération Reinhard utilisaient, pour tuer, du monoxyde de carbone envoyés dans les pièces hermétiquement closes.
Le monoxyde de carbone agissait plus lentement que le Zyklon B , mais il marchait assez bien pour qu'Himmler continue de l'utiliser. A l'issue d'une visite des camps de l'Opération Reinhard, en juillet 1942, Himmler envoya de Lublin un ordre écrit à Krüger, chef suprême de la Police et des SS du Gouvernement général:
«J'ordonne que la réinstallation de toute la population juive du Gouvernement général soit mise en uvre et achevée au 31 décembre 1942. A compter du 31 décembre 1942, il ne doit rester aucune personne d'ascendance juive dans le Gouvernement général, exception faite de celles qui se trouvent actuellement dans les camps de Varsovie, Cracovie, Czestochowa, Radom ou Lublin. Tous les autres projets qui emploient de la main-d'uvre juive doivent être achevés à cette date ou, si c'est impossible, avoir été transférés dans un de ces camps.» (Himmler à Krüger, 19 juillet 1942, NO-5574, cité par Raul Hilberg, La destruction des Juifs d'Europe, Fayard, 1988, p. 451)
Himmler poursuivait:
«Ces mesures sont nécessaires en vue de la division ethnique des races et de l'instauration d'un Nouvel Ordre en Europe, ainsi que dans l'intérêt de la sécurité et de la propreté du Reich allemand et de ses sphères d'intérêts. Tout non respect de ces règles met en danger le calme et la sécurité de la sphère d'intérêts allemande tout entière, en laissant exister un noyau de mouvement de résistance et une source de pestilence morale et physique.»
(Cité par Arad, Belzec, p. 47)
[Pour Himmler, les Juifs, femmes et enfants compris, représentaient donc une «pestilence morale et physique» qu'il fallait «réinstaller», c'est à dire assassiner.]
Ceux qui nient la Shoah prétendent que les gaz provenant d'un moteur diesel ne sont pas assez toxiques pour tuer des êtres humains (cette remarque a notamment été faite concernant le camp d'extermination de Treblinka. Voir la section 4.1.3 du jugement du procès allemand de Treblinka). Dans les autres camps des moteurs à essence ont été utilisé. La méthode pour tuer était simple, les gens étaient entassés dans les chambres à gaz, puis les gaz d'échappement de moteurs surpuissants y étaient introduits.
[(PHDN 2012): Les historiens ont longtemps hésité sur la nature des moteurs utilisés à Treblinka, Sobibor, Belzec et Chelmno, diesel ou essence. La méthode pour tuer est connue : les gens étaient entassés dans les chambres à gaz, et les gaz d'échappement de moteurs puissants y étaient dirigés. Pendant quelques années, l'historiographie a semblé privilégier l'hypothèse de moteurs diesel. Les négationnistes ont produit une masse de textes tentant de démontrer que cela était impossible, en raison notamment d'un dégagement en monoxye de carbone inférieur aux moteurs à essence. Le présent paragraphe démontre que même avec des moteurs diesel, l'assassinat est possible. Cependant, on a récemment établi que l'hypothèse des moteurs diesel était erronée pour les camps de l'opération Reinhard et que des moteurs à essence y avaient été utilisés. En conséquence de quoi, l'argumentaire négationniste tombe de lui-même, puisqu'avec les échappements des moteurs à essence il est très aisé d'assassiner des êtres humains. Nous laissons néanmoins le présent paragraphe en place puisqu'il fait partie du document original et que l'argumentaire négationniste déployé est particulièrement grostesque]
Dans une pièce fermée, il n'y a pas le moindre doute que les fumées d'échappement d'un moteur diesel peuvent tuer. En fait, il existe une étude sur ce sujet dans le British Journal of Industrial Medicine (Prattle et alii. «The Toxicity of Fumes from a diesel Engine Under Four Different Running Conditions», British Journal of Industrial Medicine, 1957, p. 47-55). Des chercheurs ont effectué un certain nombre d'expériences sur différents animaux qu'ils ont exposés aux gaz d'échappement d'un moteur diesel. Ils ont ensuite étudié les résultats de ces expériences. (Pour des informations complémentaires concernant les gaz d'échappement des moteurs diesel, voir: http://www.nizkor.org/features/techniques-of-denial/diesel-01.html)
Lors de ces expériences, le tuyau d'échappement d'un petit moteur diesel d'une puissance de 568 CC (6 BHP) était connecté à une enceinte de 10 mètres cube dans laquelle on avait placé des animaux. Dans tous les cas les animaux sont morts. La mort était d'autant plus rapide que l'arrivée d'air du moteur était diminuée. La diminution de l'arrivée d'air du moteur provoque une augmentation importante de la quantité de monoxyde de carbone (CO) émis par le moteur. Voir, par exemple, Lilly, Diesel Engine Reference Book, 1985, p. 18/8, où l'on peut lire que pour un ratio air/fuel élevé, la concentration de CO n'est que de quelques ppm -- parties par million, ou milligrammes par mètre cube -- mais que pour des ratios plus faibles (de l'ordre de 25 pour 1), la concentration de CO peut s'élever jusqu'à 3 000 ppm. Il est extrêmement facile de réduire l'arrivée d'air (les chercheurs britanniques n'ont eu qu'à la couvrir partiellement avec une pièce ce métal).
Même dans les cas où l'émission de CO était peu élevée, les animaux sont morts à cause d'autres composants toxiques, principalement des irritants et du dioxyde d'azote.
À Treblinka, les moteurs diesel utilisés étaient beaucoup plus gros; ils provenaient de chars T34 soviétiques capturés. Ces tanks pesaient, selon le modèle, de 26 à 31 tonnes et avaient un moteur d'une puissance de 500 BHP (80 fois les 6 BHP de l'expérience britannique). Le volume des chambres à gaz de Treblinka rentre évidemment en ligne de compte. Il était d'environ de 60 mètres cube, 6 fois celui de l'enceinte utilisée dans les expériences britanniques. Mais, dans la mesure où la puissance du moteur utilisé est bien plus importante, le ratio puissance/volume des chambres à gaz de Treblinka est 14 fois plus élevé que celui des expériences britanniques durant lesquelles tous les animaux sont morts.
Il faut garder à l'esprit que l'empoisonnement au CO dépend avant tout du ratio CO/oxygène et non de la seule concentration de CO. Dans une petite pièce étanche au gaz, pleine à craquer d'êtres humains, le niveau d'oxygène descend rapidement ce qui rend la mort par empoisonnement au CO encore plus rapide. Il est à noter que d'autres composants toxiques dans les gaz d'échappement accéléraient la mort.
Les SS étaient conscients qu'il fallait entasser avec le plus de gens possible les chambres à gaz afin de ne laisser aucun espace libre, pour hâter la mort. Cela apparaît clairement, par exemple, dans une lettre envoyée au SS-Obersturmbannführer Walter Rauff le 5 juin 1942 concernant l'utilisation des camions à gaz (utilisés notamment au camp d'extermination de Chelmno). Rauff était le chef du service des Questions Techniques de l'Office central de Sécurité du Reich, le Reichssicherheitshauptamt ou RSHA. Il était responsable du développement des camions à gaz utilisés par Einsatzgruppen. La lettre est assez longue, mais voici un extrait significatif:
«La capacité normale des voitures est de neuf à dix au mètre carré. Mais les grands camions spéciaux Saurer ne peuvent être utilisés à une telle capacité. Ce n'est pas une question de surcharge, mais leur mobilité tous terrains est alors très diminuée. Il apparaît donc nécessaire de réduire la surface de chargement. On peut y parvenir en raccourcissant d'un mètre la superstructure. On ne saurait en effet remédier à la difficulté signalée par une simple diminution du nombre des unités (Stückzahl), comme on le faisait jusqu'ici, car, dans ce cas, le fonctionnement exige plus de temps, puisqu'il faut bien que les espaces dégagés soient, eux aussi, remplis de CO. Au contraire, pour une surface de charge plus petite, mais complètement occupée, l'opération dure sensiblement moins longtemps, puisqu'il n'y a pas d'espace libre.»
(Voir: /hisgen/camionsagaz/rauff420605.html)
Deux jours après le départ de Himmler de Lublin, le 22 Juillet 1942 (voir plus haut), les déportations à partir du Ghetto de Varsovie, vers Treblinka, commençaient. Le même jour, Globocnik écrivait à Karl Wolff:
«Le Reichführer SS [Himmler] [...] nous a donné tellement de nouvelles tâches qu'avec elles nos espoirs les plus secrets se trouvent sur le point d'être réalisés. Je lui en suis tellement reconnaissant. Il peut être sûr d'une chose, c'est que toutes ces choses qu'il souhaite seront réalisées dans les délais les plus brefs.»
(Globocnik à Wolff, 22 juillet 1942, cité dans Breitman, Himmler, p. 238. Sur le début des déportations vers Treblinka, voir Arad, Belzec, p. 60-61, 392)
Le site de Treblinka est aujourd'hui un monument national Polonais.
3.0 La crémation
A la différence d'Auschwitz, les camps de l'Opération Reinhard n'étaient pas équipés pour l'incinération des corps. Jusqu'à la fin de 1942 les corps étaient enterrés ou brûlés à ciel ouvert dans de gigantesques fosses. Début 1943, les SS ont commencé à utiliser des bûchers au-dessus du sol, pour essayer d'accélérer l'élimination des cadavres, et afin de supprimer les traces de l'extermination.
4.0 Bilan des estimations du nombre de personnes exterminées
Laissons la parole à Yitzhak Arad:
«Le nombre exact des Juifs déportés vers les camps de l'Opération Reinhard est difficile à déterminer à cause des conditions qui régnaient à l'époque et de la méthode employée par la machine d'extermination nazie pour envoyer les victimes à Belzec, Sobibor et Treblinka. Le nombre de Juifs qui vivaient dans les villes et villages de Pologne avant la guerre est connu grâce au recensement effectué en Pologne en 1931. Des évolutions démographiques eurent lieu entre 1931 et 1939, mais ceux-ci ne modifièrent pas fondamentalement le nombre de Juifs qui résidaient dans la région à l'aube de l'occupation allemande.
«Des changements significatifs eurent lieu pendant la guerre, durant les années 1939-1945 jusqu'aux déportations vers les camps de la mort. Au cours de cette période, des dizaines de milliers de Juifs fuirent d'un endroit à un autre dans l'espoir d'y trouver refuge. Des dizaines de milliers de Juifs furent expulsés et réinstallés, envoyés vers des camps de travail ou concentrés dans des ghettos plus grands. Des milliers de Juifs furent assassinés dans des opérations mobiles de tuerie non loin de leur maison, avant, pendant et après les déportations vers les camps d'extermination. Ainsi, au moment où les expulsions allaient commencer, il y avait des petites localités dans lesquelles plus aucun Juif ne vivait, et d'autres agglomérations dans lesquelles le nombre de Juifs était beaucoup plus élevé qu'avant la guerre.
«La méthode de déportation telle que pratiquée par les autorités allemandes consistait à déporter en masse [en français dans le texte], sans établir de listes nominales ni déterminer le nombre exact de déportés. En général, les ghettos étaient totalement liquidés, et seule les capacités de mise à mort des camps et celles des trains dictaient le nombre de personnes à déporter. Dans certains endroits où des Juifs demeuraient momentanément, les Allemands comptaient combien il en restait, lors même que tous les autres étaient poussés dans les trains.
«Des documents émanant des administrations ferroviaires allemandes, qui furent retrouvés après la guerre, fournissent des données sur le nombre de trains et de wagons utilisés. Si nous prenons en compte que chaque wagon était plein à craquer et transportait de 100 à 150 personnes, il est possible d'arriver à une approximation du nombre de Juifs dans chaque transport.
«Une autre source d'informations se trouve dans les recensements parfois effectués dans les ghettos par les Judenrats. Un recensement de ce type était généralement effectué sur ordre des Allemands en prévision des demandes de travailleurs forcés et en préparation des déportations. Parfois un Judenrat procédait à un recensement à des fins qui lui étaient propres, par exemple le rationnement alimentaire ou les problèmes de logement. Des documents contenant ces informations et parfois même le nombre de Juifs déportés, relevé par le Judenrat, furent retrouvés après la guerre. Il arrive aussi que les chiffres aient été cités écrits par des habitants des ghettos dans des journaux qu'ils laissèrent derrière eux.
«De nombreux souvenirs rédigés par les survivants, ainsi que les " livres du souvenir " (les Yizkor Buche, dont deux exemples sont disponibles en ligne; voir http://www.nizkor.org/ftp.cgi/places/poland/wlodawa et http://www.nizkor.org/hweb/places/poland/ostrow/) contiennent des données importantes sur les déportations, notamment les dates et le nombre des déportés. Les témoignages des survivants, les déclarations des habitants qui furent témoins des déportations, ainsi que les preuves apportées par les membres de l'administration allemande lors de procès des criminels de guerre servent d'importantes sources d'information.
«Ensemble, tous ces documents et toutes ces sources nous permettent de parvenir à une estimation qui s'approche de très près des chiffres réels et de déterminer les dates des déportations vers les camps de la mort de l'Opération Reinhard.»
(Arad, Belzec, p. 381-382)
4.1 Statistiques de la Déportation
L'ouvrage d'Ytzhak Arad, Belzec, Sobibor, Treblinka, fournit un vaste ensemble de listes de déportation, dont la plupart sont disponibles sur le site de web Nizkor. Ses remarques concernant l'origine de ses statistiques se trouvent au paragraphe précédent, §4.0. D'autre part, d'autres documents furent présentés lors des procès d'après-guerre, et l'on dispose des articles des Yad Vashem Studies XVI sur l'Opération Reinhard sur le site web de Nizkor. Ces articles fournissent un matériel extrêmement précieux pour les chercheurs.
Il est important de souligner ici que les chiffres fournis ci-dessous, extraits de l'ouvrage d'Ytzhak Arad, n'incluent que les Juifs qui originaires du Gouvernement général, c'est-à-dire qu'ils ne prennent pas en compte ceux qui viennent d'Allemagne, d'Autriche, de Tchécoslovaquie, etc.
4.1.1 Belzec
Arad dresse la liste de 246 922 déportés originaires de la seule zone du Gouvernement général, pour un total de 600 000 personnes assassinées, principalement des Juifs, mais aussi quelques centaines ou quelques milliers de Tziganes. Il précise:
«Ces chiffres qui ont été confirmés par la Glowna Komisja Badania Zbrodni Hitlerowskich w Polsce (Commission principale d'enquête sur les crimes nazis en Pologne) et furent acceptés par les autorités judiciaires de la République fédérale d'Allemagne.» (Encyclopedia, Vol. I, p. 178).
Les déportations vers Belzec s'achevèrent en décembre 1942, et les transports cessèrent. La plupart des Juifs du Gouvernement général étaient déjà morts, et Sobibor et Treblinka suffiraient pour ceux qui ne l'étaient pas encore.
Les informations sur Belzec sont rares dans la mesure où très peu parvinrent à échapper à la mort qui y était le lot de tous. Rudolf Reder, qui y parvint, s'échappa en novembre 1942 après quatre mois passés dans le camp, et rédigea son témoignage à Cracovie, en 1946. (Reder R., Belzec, Krakow, 1946; voir aussi M. Tregenza, "Belzec Deathcamp", Wiener Library Bulletin 30, 1979, 8-25)
4.1.2 Sobibor
Yitzhak Arad fournit les informations suivantes sur Sobibor:
«[...] près de 100 000 Juifs du district de Lublin furent déportés à Sobibor. En se basant sur le nombre de Juifs qui vivaient dans les petites villes et dans les villages de la région avant la guerre, et compte tenu des milliers de Juifs qui furent expulsés ou qui fuirent des territoires occidentaux de la Pologne, annexés à l'Allemagne, et qui trouvèrent refuge dans la région de Lublin, le nombre réel de ceux qui furent déportés à Sobibor est considérablement plus élevé. Nous pouvons considérer que le nombre total de Juifs du district de Lublin qui furent exterminés à Sobibor est d'environ 130 000 à 140 000.
«[...] De 15 000 à 25 000 Juifs furent déportés de Lvov et des autres ghettos du district de Galicie vers Sobibor entre décembre 1942 et juin 1943, soit après la fermeture de Belzec.»
(Arad, Belzec, p. 391)
4.1.3 Treblinka
Les chiffres les plus précis concernant le nombre de tués au camp de Treblinka se trouvent dans les attendus des jugements (Urteilsbegrundung) des premiers et seconds procès de Treblinka, qui se tinrent à Düsseldorf en 1965 et 1970:
Ces jugements furent rendus le 3 septembre 1965 à l'issue du procès de Kurt Franz et de 9 autres bourreaux de Treblinka cour d'assises de Düsseldorf (premier procès de Treblinka, AZ-LG Düsseldorf: II 931638, p. 49 ff.), et le 22 décembre 1970 à l'issue du procès de Franz Stangl à la cour d'assises de Düsseldorf (second procès de Treblinka, pp. 111 ff.,AZ-LG Düsseldorf, XI-148/69 S.)
Nombre de personnes tuées au camp d'extermination de Treblinka :
Au moins 700 000 personnes, principalement des Juifs, mais également un nombre important de Tziganes, ont été assassinés au camp d'extermination de Treblinka.
Ces résultats sont basés sur une expertise soumise à la Cour d'Assises par le Dr. Helmut Krausnick, directeur de l'Institut d'Histoire Contemporaine (Institute für Zeitgeschichte) de Munich. Afin d'en arriver à cette conclusion, le Dr. Krausnick a consulté toutes les archives historiques allemandes et étrangères qui lui étaient accessibles. Parmi les documents examinés figuraient:
(1) Le rapport dit «Rapport Stroop», rédigé par le SS Brigadeführer Jurgen Stroop et concernant la destruction du ghetto de Varsovie. Ce rapport comprend trois parties, une introduction, une compilation des rapports quotidiens et une collection de photographies.
(2) Les minutes du procès des principaux criminels de guerre devant le Tribunal International de Nuremberg.
(3) Les documents officiels des transports (horaires des trains, télégrammes, inventaires ferroviaires) relatifs aux convois vers Treblinka.
Ces derniers documents, dont seule une partie put être récupérée après la guerre, furent au coeur du procès et furent mis à la disposition du Dr. Krausnick par la Cour d'Assises.
Le rapport du Dr. Krausnick contient les informations suivantes :
Selon le rapport Stroop, un total d'environ 310 000 Juifs furent transportés dans des wagons de marchandises du ghetto de Varsovie vers Treblinka durant la période du 22 juillet 1942 au 3 octobre 1942. Approximativement 19 000 autres Juifs firent le même voyage durant la période de janvier 1943 à mi-mai 1943. Durant la période du 21 août 1942 au 23 août 1943 d'autres transports de Juifs arrivèrent au camp d'extermination de Treblinka, vraisemblablement également en wagons de marchandises, en provenance d'autres villes polonaises, dont Kielce, Miedzyrec, Lukow, Wloszczowa, Sedzizzow, Czestochowa, Szydlowiec, Lochow, Kozienice, Bialystok, Tomaszow, Grodno et Radom. D'autres Juifs qui vivaient dans les environs de Treblinka y furent amenés dans des chariots et des wagons tirés par des chevaux, de même que des Tziganes venant parfois d'autres pays que la Pologne. D'autre part, des Juifs d'Allemagne et d'autres pays européens dont l'Autriche, la Tchécoslovaquie, la Bulgarie, la Yougoslavie et la Grèce furent transportés à Treblinka, principalement dans des trains de passagers.
Il n'a pas été possible, bien sûr, d'établir le nombre exact de personnes transportées à Treblinka de cette façon dans la mesure où seule une partie des documents des transports, spécialement les documents concernant les transports ferroviaires, est disponible. Cependant, en considérant que chaque convoi était en moyenne constitué de 60 wagons, que chaque wagon de marchandise transportait une moyenne de 100 personnes et chaque wagon de passagers 50 personnes -- ce qui signifie que chaque convoi de wagons de marchandises transportait environ 6000 personnes et chaque convoi de passager environ 3000 personnes -- on peut estimer le nombre total de personnes transportées à Treblinka à environ 271 000. Ce total n'inclut pas les 329 000 personnes du ghetto de Varsovie. En fait les chiffres réels sont, dans la plupart des cas, plus élevés que ceux cités plus haut. D'autre part, plusieurs milliers de Juifs supplémentaires -- ainsi que des Tziganes -- arrivèrent à Treblinka dans des wagons tirés par des chevaux et dans des camions. En conséquence de quoi, on doit considérer que le nombre total des Juifs de Varsovie, d'autres parties de la Pologne, d'Allemagne et d'autres pays européens, qui furent amenés à Treblinka, plus un total d'au moins 1000 Tziganes qui partagèrent leur sort, que ce total s'élève à plus de 700 000, même si on considère que plusieurs milliers de personnes furent plus tard emmenées de Treblinka vers d'autres camps et que plusieurs centaines de prisonniers réussirent à s'échapper, principalement lors du soulèvement du 2 août 1943. A la lumière de ce qui vient d'être exposé il est scientifiquement possible d'estimer le nombre total de personnes tuées à Treblinka à un minimum de 700 000.
La Cour d'Assises ne voit aucune raison de mettre en doute les conclusions de cet expert, connu dans le monde universitaire pour ses études historiques sur les persécutions nazie contre les Juifs. Les conclusions de cet expert, exposées longuement et en détail, sont par conséquent convaincantes.
A l'automne 1969, un autre expert, le Dr. Scheffler, soumis, lors du second procès de Treblinka, des conclusions basées sur des recherches plus récentes, estimant le nombre total de victimes à environ 900 000.
5.0 Administration et personnels
Tout le personnel attaché à l'Opération Reinhard était tenu de jurer qu'il comprenait qu'il lui était interdit de communiquer quelque information que ce soit sous quelque forme que ce soit, verbalement ou par écrit, sur la nature du travail effectué. Le formulaire imprimé de ce serment, datant du 18 juillet 1942, que les hommes étaient supposés signer, a été retrouvé et réimprimé (Yitzak Arad, Yisrael Gutman, Abraham Margaliot, Documents on the Holocaust: Selected Sources on the Desctruction of the Jews of Germany, Austria, Poland and the Soviet Union, Jérusalem, 1981, p. 274-275, cité par Breitman, Himmler, p. 237).
«Les chefs de l'Opération Reinhard, Globocnik, Wirth, et les officiers SS qui leur étaient subordonnés, parvinrent à créer un système efficace et pourtant simple d'extermination de masse en utilisant des ressources relativement peu abondantes. Dans chacun des camps d'extermination -- à Belzec, à Sobibor et à Treblinka -- un nombre limité de 25 à 35 Allemands était affecté à la supervision et au commandement, et environ 90 à 130 Ukrainiens étaient responsables des tâches de garde. Toutes les tâches physiques et relevant du processus d'extermination étaient imposées à 700 à 1000 prisonniers juifs qui étaient gardés dans chaque camp.» (Arad, Belzec, p. 377)
Pour une étude complète du personnel de l'Opération Reinhard, voir http://www.nizkor.org/ftp.cgi/orgs/israeli/yad-vashem/yvs16.02 .
5.1 Commandement de l'Opération Reinhard
Globocnik, Odilo - Nommé SS- und Polizei-führer du district de Lublin du Gouvernement Général par Himmler à la fin (octobre-novembre) 1941. Commandant de l'Opération Reinhard.
Höfle, Hans - (Hauptsturmführer), nommé par Himmler Chef des Opérations au cotés de Globocnik, chargé de l'organisation et des hommes.
Himmler a assigné les tâches suivantes au commandant de l'Opération Reinhard:
1. Planning général des déportations 2. Construction et conduite des camps de la mort 3. Coordination des déportations en provenance de chacun des cinq districts du Gouvernement Général (Varsovie, Lublin, Radom, Cracovie, Lvov) Globocnik disposait d'une équipe de 450 Allemands - dont le coeur était constitué d'un groupe de 92 hommes, dirigés par Christian Wirth, détachés du programme d'Euthanasie auprès de Globocnik.
C'est ce groupe dont furent détachés les principaux personnels pour l'Opération Reinhard, notamment les commandants des camps. Chaque camp se vit alloué une équipe de 20 à 30 Allemands. [NdA. Arad, qui rédigea l'article sur l'Opération Reinhard dans l'Encyclopédie dont sont extraites ces informations, a changé son «20 à 30» en «25 à 35» dans l'épilogue de son ouvrage, Belzec, Sobibor, Treblinka, cité plus haut]
Une unité auxiliaire spéciale fut également recrutée. Elle consistait en volontaires ukrainiens, la plupart des prisonniers de guerre soviétiques. Ils furent cantonnés dans un camp d'entraînement SS (Trawniki) où ils furent dotés d'armeset d'uniformes noirs. Ils étaient organisés en sections et compagnies et reçurent un bref entraînement. Les commandant de ces unités étaient des Allemands. Chaque camp se voyait alloué de 90 à 120 de ces «Trawnikis», qui furent également utilisés dans les escortes des convois de déportation. (Encyclopedia, I, 14-15)
5.1.1 Commandement de Belzec
Oberhauser, Josef
Schluch, SS-Unterscharführer
Wirth, Christian, SS-Hauptsturmführer (Commandant de Camp )
5.1.1.1 Gardes ukrainiens et russes de Belzec
Pavli, Nikolai.
Voir http://www.nizkor.org/ftp.cgi/people/p/pavli.nikolai.antonevitch afin d'accéder au compte-rendu des interrogatoires de Nikolai Pavli.Werdenik, Ivan.
Voir http://www.nizkor.org/ftp.cgi/people/p/pavli.nikolai.antonevitch .
5.1.2 Commandement de Sobibor
Bauer, Erich
Bolander, Karl (ou Kurt Bolender) -
Voir http://www.nizkor.org/ftp.cgi/places/poland/wlodawa/wlodawa.015. Il y a une incertitude concernant Bolander -- ou Balender -- dans la mesure où les deux noms sont cités. Soit ils se rapportent à la même personne, soit ils désignent deux personnes différents aux noms ressemblants, ce qui reste à déterminer.Bredov, Paul, SS Sgt.
Frenzel, Karl, SS Sgt. - Lorsque les Allemands apprirent un projet de soulèvement, ils choisirent 72 hommes et les envoyèrent au crématoire -- Frenzel supervisait cette action, et «De retour de la scène des meurtres, il ordonna l'érection temporaire d'une estrade faite de quelques planches, convoqua l'orchestre, rassembla hommes et femmes et leur ordonna de chanter et de danser.» (Témoignage extrait du procès Sobibor, tel que repris dans le fichier http://www.nizkor.org/ftp.cgi/places/poland/wlodawa/wlodawa.016). Lors des procès, Frenzel fut également accusé d'avoir abattu sur un jeune garçon parce qu'il avait mangé des sardines...
Gomerski, Hubert, SS Sgt.
Groth, Paul (Sgt.)
Hering, Gotlieb, SS-Hauptsturmführer -A remplacé Wirth comme commandant du camp de Sobibor après que Wirth a été nommé Inspecteur des camps de la mort de l'Opération Reinhard en août 1942.
Lampert, Erwin
Michel, Hermann, SS Sgt. («Le Prédicateur»)
Neimann, Obertlnt. Nommé commandant-adjoint par Razgonayev.
Voir http://www.nizkor.org/ftp.cgi/people/r/razgonayev.mikhail.a/razgonayev.001 pour l'interrogatoire soviétique de Razgonayev.Poul, ?, SS Obersturmführer
L'ouvrage de Rashke (Escape from Sobibor) fournit un aperçu de l'état d'esprit du personnel allemand envers leurs victimes. Il note que lors de l'hiver 1942 les convois arrivaient dans le camp au compte-goutte, principalement parce que la majorité des Juifs polonais étaient déjà morts, et parce que les trains avaient été réquisitionnés pour assister un Front de l'Est en déconfiture. A cause de cela, remarque Rashke, ainsi que du caractère isolé du camp pratiquement bloqué par la neige, ils s'abîmaient dans l'ennui et étaient nerveux.
«Ils calmèrent leurs nerfs sur les Juifs. Le sergent Paul Groth inventa des petits jeux. Il ordonnait à quatre Juifs de le porter tout autour de la cour pendant qu'il laissait tomber des morceaux de papier enflammés sur leur tête. Ou alors il faisait sauter des prisonniers des toits avec un parapluie, ou leur faisait escalader des poteaux jusqu'à ce qu'ils tombent sur le sol. Ceux qui se tordaient la cheville ou se cassaient une jambe étaient abattus dans le Camp III. Ou alors il organisait des séances de flagellation, obligeant les Juifs à passer entre des Ukrainiens munis de fouets. Ou alors il obligeait un prisonnier maigre à avaler de la vodka et à manger un kilo de saucisse le plus rapidement possible. Puis il forçait le Juif à ouvrir la bouche et urinait dedans, hurlant de rire alors que le prisonnier vomissait dans la neige.
«Groth s'adoucit brièvement. Trois belles filles étaient arrivées par un transport en provenance de Vienne. Groth pris Ruth pour servante et maîtresse. Pour, un ivrogne, s'attribua les deux autres. Groth tomba amoureux de la jeune fille aux yeux sombres et, presque pour lui faire plaisir, du moins à ce qu'il semblait, cessa de battre les autres Juifs. Mais la trêve fut de courte durée. Les règlements SS interdisaient de coucher avec des Juives -- une insulte à la race. Himmler était particulièrement inflexible sur ce point. Aussi, à l'occasion d'une permission de Groth et Poul, le Kommandant Reichleitner les transféra tous les deux. Groth atterrit à Belzec.
«Les Juifs de Sobibor étaient ravis de voir ces deux nazis partir, mais Groth et Poul furent facilement remplacés, et la vie reprit son cour normal [sic]. L'ennui des jours d'hiver affecta également Kurt Bolander et Erich Bauer. Comme il y avait peu à faire dans le Camp III, faute de Juifs à gazer, Bauer se tourna vers la vodka. Il possédait un bar privé dans sa chambre [...] et il y faisait venir des Juifs pour lui préparer des cocktails et des boissons chaudes. Ce petit nazi -- il faisait moins de un mètre soixante-dix -- s'asseyait dans son fauteuil, en face d'une photo de sa femme et de ses enfants ainsi que d'un portrait du Führer, et se noyait dans l'alcool. Qu'un prisonnier renversât un peu ou cassât une bouteille et l'ancien conducteur de taxi le faisait nettoyer le sol avec la langue.
«Bolander passait sa frustration sur les 10 Juifs qui transportaient les baquets de lessive du Camp I au Camp III. Bolander leur ordonnait de courir, et si, comme cela arrivait parfois, les Juifs du Camp III ouvraient les portes avant que les Juifs du Camp I ne l'aient quitté, Bolander tirait sur les porteurs des baquets. Les nazis s'étaient faussement persuadés que les Juifs du Camp I ignoraient ce qui se passait dans le Camp III. Et ils désirait que cela reste ainsi.» (Rashke, 101-102)
Rechsleitner Franz, SS Obersturmführer. Remplaça Stangl comme commandant de Sobibor à la fin août 1942. Stangl fut transféré à Treblinka.
Stangl, Franz, Obertleutnant (Commandant du Camp) - Franz Stangl, commandant successivement de Sobibor et de Treblinka, fut envoyé à partir de l'automne 1943 en Italie du nord, dans la région de Fiume et Udine, où il fut impliqué dans la lutte contre les partisans et dans la chasse aux Juifs. Après la guerre, il s'enfuit au Brésil; où il fut découvert en 1967, arrêté et extradé vers la République fédérale d'Allemagne. Il fut jugé à Düsseldorf en 1970 et condamné à la prison à vie. Il mourut en prison quelques mois après la fin du procès. (Arad, Belzec, p. 399). Stangl fut nommé à la tête de Sobibor alors que la construction prenait du retard au printemps 1942. Son officier supérieur, Globocnik, l'envoya se présenter à Wirth à Belzec. Voici comment il décrit cette visite:
«Je suis arrivé en voiture. En arrivant, on trouvait d'abord la gare de Belsec, sur le côté gauche de la route. [...] L'odeur... Oh! Dieu, l'odeur, dit-il. Elle était partout. Wirth n'était pas dans son bureau. Je me souviens qu'on m'a conduit auprès de lui.... il était debout sur une colline, près des fosses... les fosses, pleines, elles étaient pleines. Je ne peux pas vous dire; pas des centaines, mais des milliers, des milliers de cadavres. Oh! Dieu... C'est là que Wirth m'a dit -- il m'a dit que Sobibor c'était pour ça, et qu'il m'en chargeait officiellement.» (Gita Sereni, Au fond des ténèbres, Denoël, 1975, p. 118)
«Wirth me dit que je devais devenir commandant de Sobibor. Je répondis que je n'étais pas qualifié pour cela... Je reçus de Globocnik la tâche d'ériger le camp. Que ce ne fut pas un camp de fabrication de munitions mais un camp pour tuer les Juifs, cela je l'appris finalement de Wirth... Wirth me dit pendant notre discussion que je n'aurais pas à le faire moi-même, que quelqu'un d'autre viendrait. Qu'il me mettrait alors de nouveau à disposition du Brigadeführer [Globocnik]. En fait, je ne fus pas relevé [de mon poste]. Je restai à Sobibor. Les transports arrivaient et étaient liquidés.» (Arad, Belzec, p. 31)
Lorsqu'on l'interrogea durant son procès sur le nombre de personnes qu'on pouvait assassiner en une journée, Stangl répondit:
«En ce qui concerne le nombre maximal de personnes gazées par jour, ce que je peux dire, c'est que, selon mes estimations, un transport de trente wagons de marchandises avec 3000 personnes était liquidé en trois heures. Lorsque la tâche durait autour de quatorze heures, de 12 000 à 15 000 personnes étaient anéanties. Il arrivait souvent que le travail commencé tôt le matin se poursuive jusqu'au soir.»
(Arad, Belzec, p. 120-121)
Thomalla, Richard, SS-Oberturmführer - Au bureau SS de construction, à Lublin.
Wagner, Gustav, Sergent-Contremaître - L'homme qui supervisait le quotidien de Sobibor. Moshe Bahir le décrit ainsi:
«C'était un bel homme, grand et blond - un put aryen. Il était dans la vie civile, à n'en pas douter, un homme de bonnes manières; à Sobibor c'était une bête sauvage. Sa soif de tuer n'avait pas de limites. J'ai assisté à des scènes si terribles que j'en ai des cauchemars jusqu'à aujourd'hui. Il arrachait les bébés des bras de leur mère et les écartelait de ses mains nues. Je l'ai vu battre deux hommes à mort avec son fusil parce qu'ils n'avaient pas exécuté ses ordre convenablement, car en fait ils ne comprenaient pas l'Allemand.
«Je me souviens qu'une nuit, un groupe d'adolescents de quinze à seize ans est arrivé au camp. Le chef de ce groupe était un certain Abraham. Après une journée de travail harassant, le jeune homme s'effondra sur sa paillasse et s'endormit. Soudain, Wagner surgit dans la baraque et Abraham ne l'entendit pas crier un garde-à-vous immédiat. Furieux il tira Abraham de son lit, nu, et commença à le rouer de coups. Quand Wagner en eut assez de frapper, il prit son revolver et le tua sur place. Ce atroce spectacle avait eu lieu devant nous tous, y compris le jeune frère d'Abraham.» (Arad, Belzec, p. 191)
Dans l'ouvrage d'Arad, on lit encore:
«Le comportement sauvage de Wagner envers les Juifs est mentionné dans d'autres témoignages de survivants de Sobibor. Ada Lichtman écrit que le jour de Yom Kippour [jour de jeûne pour les Juifs] Wagner apparut lors de l'appel, choisit quelques prisonniers, leur donna du pain et leur ordonna de manger. Et comme les prisonniers mangeaient le pain, il riait fort, content de son tour car il savait que les Juifs qu'il avait forcés à manger étaient pieux.
«Gustav Wagner s'enfuit au Brésil après la guerre, où vécu sans se cacher. La Cour Suprême du Brésil refusa de l'extrader. En octobre 1980, son avocat annonça que Wagner s'était suicidé.» (Arad, Belzec, p. 192)
5.1.2.1 Gardes russes et ukrainiens à Sobibor
Danil'chenko, Ignat Terent'yevich -
Voir http://www.nizkor.org/ftp.cgi/people/d/danilchenko.ignat.t/Dem'yanyuk, Ivan (Demjanjuk) -nommé à Sobibor par Danil'chenko et d'autres. Voir ci-dessus.
Ivchenko, Ivan - nommé cuisinier par Danil'chenko
Pankov, Vassily Nikolaievitch -
Voir http://www.nizkor.org/ftp.cgi/people/p/pankov.vassily.n/pankov.001Razgonayev, Mikahil Affanaseiwitch -
Voir http://www.nizkor.org/ftp.cgi/people/r/razgonayev.mikhail.aWerdenik, Ivan -
Voir http://www.nizkor.org/ftp.cgi/people/p/pavli.nikolai.antonevitch/
5.1.3 Commandement de Treblinka
Eberl, Imfried, SS-Obersturmführer - Commandant de Treblinka jusqu'à son remplacement par Stangl.
Franz, Kurt - Occupa le poste de commandant en second à partir de septembre 1942.
Küttner, Kurt - SS-Sergent - Abattu par des prisonniers lors de la tentative d'évasion à laquelle 750 prisonniers participèrent et dont seuls 70 survécurent.
Lampert, Erwin
Stangl - Voir le personnel de Sobibor.
5.1.3.1 Gardes russes et ukrainiens à Treblinka
Broft (ou Brovt) - Voir Malagon (ci-dessous)
Dem'yanyuk, Ivan (Demjanjuk) -nommé à Treblinka par Malagon (voir ci-dessous).
Voir http://www.nizkor.org/hweb/people/d/demjanjuk-john pour un ensembles d'articles relatifs à l'extradition de Demjanjuk des États-Unis vers Israël et sur ses procès.
Voir notamment: http://www.nizkor.org/ftp.cgi/people/d/demjanjuk.john/circuit-court/appeal-order.06Fedorenko -
Voir http://www.nizkor.org/ftp.cgi/people/k/korotkikh.yevstigneyev/korotkikh.001 pour le témoignage de Fedorenko sur Treblinka. Il a reçu un entraînement au camp SS de Trawniki. Malagon n'est pas sûr que Fedorenko fut affecté à Treblinka ou y fut seulement présent après avoir escorté un train.
Voir http://www.nizkor.org/ftp.cgi/people/m/malagon.nikolai.petrovich pour l'interrogatoire de Malagon, ainsi que http://www.nizkor.org/ftp.cgi/people/s/shevchenko.ivan.semenovich/shevchenko.001Goncharov, Pyotr Nazarovich -Situe Marchenko à Treblinka durant ses interrogatoires.
Voir http://www.nizkor.org/hweb/people/m/malagon-nikolai/Malagon, Nikolai Petrovich - Entraîné à Trawniki.
Voir http://www.nizkor.org/hweb/people/m/malagon-nikolai/ pour les interrogatoires de Malagon.Marchenko, Nikolai - Nommé au poste «près des diesels» à Treblinka, Marchenko était de ceux qui faisait fonctionner les moteurs diesels qui produisaient le monoxyde de carbone destiné à gazer les Juifs dans les chambres à gaz. Voir les interrogatoires de Malagon et les fichiers relatifs à Demjanuk cités plus haut dont http://www.nizkor.org/ftp.cgi/people/d/demjanjuk.john/circuit-court/appeal-order.06
Rebeka - Voir les interrogatoires de Malagon.
Shalayev, Nikolai - Identifié par de nombreux témoignages (y compris le sien propre en 1950) comme l'une des deux personnes, avec Marchenko, faisant fonctionner les moteurs qui fournissaient le gaz mortel aux chambres à gaz.
Voir http://www.nizkor.org/ftp.cgi/people/d/demjanjuk.john/circuit-court/appeal-order.06Sevchenko, Ivan Semenovich -
Voir http://www.nizkor.org/ftp.cgi/people/s/shevchenko.ivan.semenovich/shevchenko.001Yeger, Aleksandr Ivanovich - Commandant de section.
Voir http://www.nizkor.org/ftp.cgi/people/y/yeger.aleksandr.ivanovich
5.2 Les sélections
Le processus d'extermination était similaire dans les trois camps et traduit la réalité de fait comme quoi ces camps n'existaient que dans le seul et unique but de l'extermination des Juifs du Gouvernement Général
Les transports arrivaient, ceux qui avaient survécu au voyage étaient rassemblés dans une «zone de réception», où ils devaient retirer leurs vêtements étaient dépouillés de tous leurs biens. Un petit nombre, très petit nombre, étaient extraits lorsqu'ils avaient une expérience qui pouvait servir au fonctionnement du camp, et quelques autres survivaient une courte période comme esclaves dans la partie du camp dédiée à l'extermination.
Après que les cheveux des femmes avaient été coupés (ceux-ci étaient utilisés dans la fabrication de bottes fourrées pour la Wehrmacht), on disait aux prisonniers qu'ils seraient nourris et affectés à des camps de travail, mais qu'ils devaient d'abord passer à la douche. Ils étaient amenés directement vers les chambres à gaz, le plus souvent sans ménagement, "encouragés" à coups de fouets et de gourdins, via un «boyau», sorte de passage étroit et clos, entouré de barbelés et de hautes planches cachant le passage aux regards extérieurs. Dans les chambres à gaz, ils étaient assassinés.
Ceux qui étaient trop faibles pour marcher depuis le quai de la gare jusqu'à la zone de réception étaient amenés sur des wagonnets directement à la zone d'extermination du camp où ils étaient abattus. La procédure pouvait connaître des variations selon le camp, mais le résultat était toujours le même: la mort.
(Pour une liste très complète de documents et sources sur les procédures d'assassinat dans l'Opération Reinhard,
voir http://www.nizkor.org/ftp.cgi/camps/aktion.reinhard et http://www.nizkor.org/hweb/orgs/israeli/yad-vashem/ . On y trouve un des descriptions détaillées de l'Opération Reinhard et des révoltes des prisonniers, basées sur de nombreux témoignages et très documentées.)
5.3 Aspect financiers
L'article d'Arad sur l'Opération Reinhard dans The Encyclopaedia of the Holocaust se termine par des informations hallucinantes sur les fonds et les biens volées aux victimes de l'Opération Reinhard:
«Le 15 décembre 1943, le quartier général de l'Opération Reinhard soumit une évaluation des sommes d'argent, de l'or, et des biens pris aux Juifs des camps d'exterminations dont il était responsable. Les chiffres sont cités en marks allemands (à l'époque un dollar valait 2,5 marks). Le rapport contient le détail de différentes catégories: monnaies américaines, environ $1000 000 en liquide et $250 000 en pièces d'or; autres monnaies étrangères, de plus de quarante-huit pays; d'autres pièces d'or, de trente-quatre pays; 2910 kilos de lingots d'or; 18 734 kilos de lingots d'argent; des diamants pour un total de 16 000 carats. Le rapport se termine sur le total des biens juifs récupérés.
Liquide, zlotys polonais et marks allemands RM 73 852 080,74 Métaux précieux 8 273 651,60 Liquidités étrangères 4 521 224,13 Pièces d'or étrangères 1 736 554,12 Pierres précieuses et autres biens précieux 43 662 450,00 Textiles 46 000 000 00 Total RM 178 645 960,59
6.0 Sources et références
Vera Laska fournit une liste étendue de sources pour ceux intéressés par la recherche dans le domaine de la Shoah. On se reportera au FAQ sur Auschwitz. Nous le recommandons comme excellent point de départ pour quiconque désirerait faire de la recherche sérieuse sur les camps de l'Opération Reinhard.
Nous recommandons également les Yad Vashem Studies, dont la liste des travaux est disponible en ligne (http://www.nizkor.org/ftp.cgi/bibliographies/biblio.05). Cette liste n'est pas à jour, mais elle est néanmoins précieuse. (Nous n'avons aucun intéressement dans la vente et la distribution de ces matériels; nous les recommandons simplement comme une des meilleures sources d'informations exactes.)
Voir http://www.nizkor.org/ftp.cgi/miscellany/curriculum/research-centers pour une liste des principaux centres de recherches sur la Shoah dans le monde.
6.1 Lectures recommandées
On trouvera en français trois ouvrages indispensables contenant des informations détaillées sur l'Opération Reinhard:
Kogon et alii, Les chambres à gaz secret d'état, Seuil, Points Histoire, 1987.
Raul Hilberg, La destruction des Juifs d'Europe, Fayard, 1988.
Gita Sereni, Au fond des ténèbres, Denoël, 1975.
Nous [Nizkor] avons traduit (en anglais) des livres du souvenir afin de les inclure dans nos archives [celle de Nizkor] et nous attirons votre attention sur ceux de Wlodowa, la première à être disponible sur Nizkor: http://www.nizkor.org/ftp.cgi/places/poland/wlodawa/
A. Donat, éditeur, The Death Camp Treblinka, New York, 1979
Y.A. Wiernik, A Year in Treblinka, New York, 1945
Yad Vashem Studies IV, Proceedings of the Fourth Yad Vashem International Historical Conference, Jerusalem, janvier 1980. Voir, notamment, «Jewish Prisoner Uprisings in the Treblinka and Sobibor Extermination Camps». Les Yad Vashem Studies XVI comprennent d'autres travaux concernant l'Opération Reinhard.
Voir: http://www.nizkor.org/hweb/orgs/israeli/yad-vashem/Des articles des Yad Vashem Studies se trouvent sur le site Web de Yad-Vashem: http://www.yadvashem.org.il/
6.2 Abréviations
Les abréviations suivantes sont utilisées dans les citations:
IFZ Institut für Zeitgeschichte, Munich IRR Investigative Repository Records NA United States National Archives RG 59 NA Diplomatic Records RG 84 Washington National Records Center, Diplomatic Post Records RG 153 Washington National Records Center, Records of the Office of the (Army) Judge Advocate RG 165 Records of the War Department General and Special Staffs, Washington National Records Center RG 208 Office of War Information Records, Washington National Records Center RG 226 Office of Strategic Services Records RG 238 War Crimes EC Series (Documents produits à Nuremberg) NG Microfilm T-1139 (Documents gouvernementaux produits à Nuremberg) NI Microfilm T-301 (Documents de l'industrie produits à Nuremberg) NO Series Documents du parti nazi et de la SS produits à Nuremberg NOKW Series Document relatifs aux forces armées produits à Nuremberg PS Series Documents produits à Nuremberg, fournis par la France RG 242 NA Record Group 242 - Captured German Records RG 319 Records of the Army Staff T NA Microfilm Series
6.3 Glossaire
Einsatzgruppen : Bataillons mobiles armés, principalement constitués d'unités de la Police de Sécurité, qui furent utilisés afin d'éliminer tous les éléments considérés comme ennemis dans les territoires conquis.
Einsatzkommando : Unité de la taille d'une compagnie composant un des Einsatzgruppen.
Gauleiter : Gouverneur suprême ou ensemble des autorités régionales (le mot est à la fois singulier et pluriel). Le parti nazi avait divisé l'Allemagne et certains territoires annexé en unités géographiques dénommées Gaue, et dirigé par un Gauleiter.
Gouvernement Général : L'état constitué par les parties centrales et occidentales de la Pologne, dirigé par les Nazis. A sa tête se trouvait le Gouverneur Hans Frank.
Solution Finale : euphémisme servant à désigner l'extermination des Juifs d'Europe.
Judenrat : Instance constituée de notables juifs, placée par les Nazis à la tête d'une communauté particulière, ghetto ou village, afin de l'administrer et de répercuter les décisions des Nazis.
Trawniki : Camp de travail établi à l'automne 1941, Trawniki se situait au sud-est de Lublin, en Pologne. Trawniki faisait partie d'un réseau de camps de travail et de camps d'extermination contrôlés par Globocnik. Il fut détruit lorsque Himmler ordonna la fermeture des camps d'extermination, son sol retourné et transformé en ferme. (Encyclopedia, Vol. IV, p 1480-1481)
SD (Sicherheitsdienst) : Service de sécurité de la SS.
Sonderkommando : Division d'un Einsatzgruppen, généralement plus petite qu'un Einstazkommando, mais également terme générique désignant une unité assignée à une tâche particulière (par exemple les esclaves juifs chargés de vider les chambres à gaz et de brûler les corps, dans les camps d'extermination).
La plupart des définitions ci-dessus sont extraites de Breitman, Himmler, p. 311. On dispose, en français, d'un remarquable glossaire auquel on pourra également se référer: Thierry Feral, Le national-socialisme, vocabulaire et chronologie, L'Harmattan, 1998.
Equivalence des grades :
Reichsführer SS Maréchal SS Oberstgruppenführer Général d'armée SS Obergruppenführer Général de corps d'armée SS Gruppenführer Général de division SS Brigadeführer Général de brigade SS Oberführer Pas de grade équivalent SS Standartenführer Colonel SS Obersturmbannführer Lieutenant-colonel SS Sturmbannführer Commandant SS Hauptsturmführer Capitaine SS Obersturmführer Lieutenant SS Untersturmführer Sous-lieutenant SS Sturmscharführer Adjudant-chef SS Hauptscharführer Adjudant SS Oberscharführer Sergent-major SS Scharführer Sergent-chef SS Unterscharführer Sergent SS Rottenführer Caporal-chef SS Sturmann Caporal SS-Mann Simple soldat
6.4 Travaux cités
Yitzhak Arad, Belzec, Sobibor, Treblinka - the Operation Reinhard Death Camps, Indiana University Press, 1987. Cité comme «Arad, Belzec»
Yitzhak Arad, Yisrael Gutman, et Abraham Margaliot, éditeurs, Documents on the Holocaust: Selected Sources on the Destruction of the Jews of Germany, Austria, Poland, and the Soviet Union, Jerusalem, 1981
Richard Breitman, The Architect of Genocide: Himmler and the Final Solution, New York: Alfred A. Knopf, 1991. Cité comme «Breitman, Himmler»
Encyclopedia - Voir Israel Gutman
Israel Gutman et alii, Encyclopedia of the Holocaust, New York: Macmillan Publishing Co., 1990. Cité dans ce document comme «Encyclopedia»
Willy Just, «Lettre au SS-Obersturmbannführer Walter Rauff, 5 juin 1942.» dans: Nazism: A History in Documents and Eye Witness Accounts, 191-1945, vol. 2, document 913
Eugen Kogon, L'état SS, Seuil, Col. Points Histoire, 1993 (1ère édition 1947).
Ada Lichtman,. Yad Vashem Archives, L-11/5, témoignage d'Ada Lichtman, cité par Arad, Belzec
Lochner, Louis P, The Goebbels Diaries, New York, 1948
Museum. Publication of the Museum of the Combatants and Partisans, Tel Aviv, avril 1973, cité par Arad, Belzec
Prattle et alii. «The Toxicity of Fumes from a diesel Engine Under Four Different Running Conditions», British Journal of Industrial Medicine, 1957, Vol. 14
Richard Rashke, Escape From Sobibor, Houghton Mifflin Company, Boston, 1982
Franziszek Zabecki, Wspomnienia dawne i nowe, Warszawa, 1977, cité par Arad, Belzec
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04/09/99