QER 43

Une réponse à la "Q&A" 43 par Nizkor


43. 

Pourquoi les camps de concentration utilisaient-ils des fours crématoires ?

[Cette page réfute le mensonge éculé prétendant expliquer les monstrueuses capacités d’incinération d’Auschwitz-Birkenau par la survenue d’épidémies de typhus parmi les concentrationnaires]

Les négationnistes de l'IHR répondent

« Afin de se débarrasser efficacement et de façon saine des cadavres dûs aux épidémies de typhus. »

Nizkor répond :

... et aux opérations de gazage de masse. Voir la réponse à la question 45.

[N.d.T.: La cible des négationnistes est évidemment Auschwitz-Birkenau, avec ses quatre crématoires géants commandés en juillet 1942 et entrés en fonction en 1943. Les négationnistes voudraient faire croire que c’est l’épidémie de typhus de l’été 1942 qui imposa la construction des nouveaux crématoires. Outre de révéler un hommage aussi discret que déplacé à la politique «sanitaire» nazie, et de négliger le sort inhumain des déportés astreints au travail forcé et soumis aux violences les plus radicales, l’affirmation relève, comme toute allégation négationniste, du mensonge le plus flagrant.

En effet, le nombre de morts par typhus à Auschwitz, parmi les déportés enregistrés, ne justifiait absolument pas la construction des nouveaux crématoires, énormes, de Birkenau dont la capacité excédait largement les besoins attachés à la prévention des épidémies ou à la crémation des victimes du typhus: 46 fours capables d’incinérer plusieurs milliers de corps par jour portant la capacité totale de Auschwitz Birkenau à 52 fours et 4 756 corps par jour, comme cela est parfaitement documenté. C’est plus de 140 000 par mois! D’ailleurs un document de septembre 1942 bien connu mentionne que pour l’administration d’Auschwitz, une capacité de 80 000 par mois était jugée insuffisante!

Une partie des registres comptabilisant les décès des prisonniers enregistrés d’Auschwitz ont été retrouvés. Il faut souligner que les Juifs sélectionnés dès leur arrivée à Auschwitz pour être assassinés dans les chambres à gaz n’étaient pas enregistrés et que par conséquent, leur mort n’apparait pas dans les registres sus-mentionnés. Les registres courent de mi 1941 à 1943. Il manque l’année 1944 ainsi que certains carnets pour la période couverte. Sur les 68 864 certificats de décès retrouvés seuls 2 060 mentionnent le typhus comme cause du décès (John C. Zimmerman, Holocaust denial, University Press of America, 2000, p. 63). Même si la majorité de ces cas s’étaient produits à l’été 1942, seule période pendant laquelle le typhus sévit de façon grave à Auschwitz, il n’était absolument pas nécessaire de recourir à une capacité de crémation de plusieurs milliers par jour, afin de résorber ces morts, 2 060. Toutefois, les service SS d’Auschwitz sont connus pour avoir falsifié les motifs portés sur les certificats de décès des esclaves concentrationnaires. On peut émettre l’hypothèse que seule la minorité de déportés qu’on a laissé mourir du typhus ont vu ce motif porté sur leurs certificats de décès. Il est beaucoup plus probable que, selon l’usage habituel à Auschwitz, les malades du typhus devenus «inaptes au travail» étaient assassinés par un moyen quelconque, dont évidemment l’assassinat par gazage. On sait que dans de tels cas, le motif porté sur les certificats de décès était falsifié et on peut faire l’hypothèse raisonnable que, le plus souvent le typhus n’était pas mentionné (au profit des autres causes préférées dans le cas de telles falsifications, affections cardiaques, pulmonaire et/ou digestives diverses, notamment). On peut donc s’intéresser au nombre total de décès au plus fort de l’épidémie de typhus en juillet et août 1942 toutes «causes» confondues. On connaît ces nombres: 4 124 pour juillet et 4 113 pour les trois premières semaines d’août 1942 (Franciszek Piper & Teresa Swiebocka, Auschwitz camp de concentration et d’extermination, Oswiecim, Musée d’état d’Auschwitz-Birkenau, 1998, p. 156). Le maximum pour août peut donc être évalué par une règle de trois à environ 5 500 morts au total pour un mois. C’est le maximum jamais atteint (pour les esclaves concentrationnaires). Prétendre qu’une capacité de crémation de 80 000 corps par mois, 15 fois ce maximum, était jugée insuffisante en septembre 1942 par les nazis pour absorber ces morts est tout simplement inepte. C’est encore plus inepte quand on songe à la capacité finalement visée, plus de 140 000 par mois, 4 756 par jour, plus de 25 fois le nombre de morts concentrationnaires jamais atteint à Auschwitz.

Les négationnistes qui continuent de prétendre que les quatre crématoires de Birkenau étaient justifiés par le typhus, ignorent de façon aussi pitoyable que malhonnête la réalité historique. Ces crématoires furent installés à seules fins d’éliminer les traces d’un meurtre de masse de dimension gigantesque.

De façon plus générale, les négationnistes cherchent à attribuer au typhus la mort de ces Juifs dont ils ne parviennent, malgré tout, pas à nier qu’ils fussent morts. Le thème du typhus apparaît de manière récurente, sinon incantatoire, dès qu’un aveu du type « des Juifs sont morts » est concédé par des négationnistes. On vient de voir que, même dans des conditions sanitaires d’un milieu concentrationnaire (encore une fois, seuls les prisonniers concentrationnaires étaient suceptibles de mourir du typhus, quand près de 90% des Juifs était assassinés dès leur arrivée: à ceux-là étaient immédiatement otée jusqu’à la possibilité de contracter le typhus), le typhus ne représente qu’un motif marginal de décès (à coté de l’épuisement, de la faim, des mauvais traitements ou des exécutions sommaires). Ce point se trouve confirmé de manière remarquable lorsque l’on examine un cas de circonstances sanitaires encore pire que le système concentrationnaire: celui des prisonniers de guerre soviétiques durant l’hiver 1941-1942. 3,3 millions de prisonniers de guerre soviétiques, au total, meurent aux mains des Allemands (voir Christian Streit, Keine Kameraden: die Wehrmacht und die sowjetsichen Kriegsgefangenen 1941-1945, Verlag J.H.W. Dietz Nachf, 1997 (1ère ed. 1978). Christian Gerlach, Krieg, Ernährung, Völkermord. Deutsche Vernichtungspolitik im Zweiten Weltkrieg, Pendo Verlag, 2001 (1re éd., Hambourg, 1998). Dominique Vidal, Les historiens allemands relisent la Shoah, Editions Complexe, 2002, p. 115-121). Pour l’écrasante majorité d’entre eux, il s’agit d’un assassinat délibéré qui a lieu durant l’automne et l’hiver 1941-1942, par la faim et des conditions de détention barbares. Dans ce cauchemar sanitaire, les causes de décès sont connues:

« De quoi meurent les prisonniers ? La plupart succombent à leur extrême faiblesse et donc à la faim — au point que l’on signale des cas de cannibalisme. Les épidémies, et notamment le typhus, occasionnent beaucoup moins de victimes. Dans le Stalag 352 de Minsk, sur 9 425 détenus, 6 829 sont morts de faim, 772 d’inflammation du gros intestin, 665 du typhus, soit [...] 80% de décès directement liés à la sous-alimentation. Au cours de l’hiver 1941-1942, sur les arrières du Front centre, on dénombre chaque mois de 3 700 à 4 900 nouveaux cas de typhus, soit 2 à 5% des prisonniers, et moins de 10% des morts. »

(Dominique Vidal, op. cit., p. 115. C’est moi qui souligne.)

On ajoutera que le typhus est loin d’être systématiquement mortel et que, s’il l’est d’autant plus que les conditions sanitaires dans lesquelles les Allemands maintenaient leurs prisonniers étaient catastrophiques, on dispose de nombreux témoignages de concentrationnaires ayant survécu au typhus, ou ayant vu des prisonniers y survivre. Lucie Adelsberger était une célèbre médecin allemande, avant la guerre. Déportée à Auschwitz parce que juive le 17 mai 1943, elle est témoin à Birkenau, où ses compétences médicales sont utilisées, des maladies qui affectent les prisonniers concentrationnaires. Ayant survécu aux marches de la mort, elle publie début 1946, dans The Lancet, prestigieuse revue médicale britannique, un article sur ses observations médicales à Auschwitz. Le taux de mortalité des malades du typhus, écrit-elle, se situe entre 15% et 20% (Lucie Adelsberger, «Medical Observations in Auschwitz Concentration Camps», The Lancet, vol. 247, no. 6392, 2 mars 1946, p. 317).

Le typhus est un problème pour les Allemands, non du fait de la mortalité induite chez les déportés, mais uniquement dans la mesure où ils veulent se préserver de la contagion, car si elle n’est pas que rarement mortelle, la maladie est très incapacitante. Des taux de contamination de quelques pourcents sont inacceptables, pour eux. à tel point qu’à Auschwitz, la découverte de poux chez un déporté pouvait mener à son assassinat « préventif » par les SS. Mais en tant que cause directe de décès chez les prisonniers de guerre ou les déportés concentrationnaires, cela n’a jamais présenté un poids quantitatif, dans la mesure où les épidémies (c’est à dire l’infection de quelques pourcents des prisonniers) furent toujours contenues (dans le but principal, évidemment, d’épargner les geoliers allemands).

L’obsession des négationnistes à justifier et expliquer certains aspects du génocide des Juifs par le «problème» du typhus ne fait que continuer un discours et une obsession proprement nazis comme de nombreux ouvrages ont pu le démontrer. On lira avec profit l’article de Johann Chapoutot, «Éradiquer le typhus: imaginaire médical et discours sanitaire nazi dans le gouvernement général de Pologne (1939-1944)», Revue historique, no 669, 2014/1.

In fine, les trépignements négationnistes à propos du typhus, dont il n’est jamais mentionné que c’était bien les conditions créées par les persécutions nazies qui le rendaient possible, ne tiennent aucun compte de la réalité historique. Cela ne surprendra personne.]


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20/07/1997 -- dernière mise à jour le 18/09/2023