1. La lutte contre le négationnisme. Bilan et perspectives de la loi du 13 juillet 1990 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe. Actes du colloque du 5 juillet 2002 à la cour d’appel de Paris, La documentation française, 2003. Actes en ligne (également ici). 2. Robert Faurisson, «Quatre nouvelles et un bilan», 6 juillet 2002. 3. Valérie Igounet, Robert Faurisson, portrait d’un négationniste, Denoël, 2012. Compte rendu en ligne… 4. Nadine Fresco fait un récit, authentique celui-là, de cette scène dans son ouvrage, La mort des Juifs, Editions du seuil, 2008, p. 247-249.

Les mensonges de Faurisson

Faurisson falsifie la réalité contemporaine

et comment j’en fus le témoin direct

par Gilles Karmasyn


En juillet 2002, j’assistais à un colloque sur les aspects légaux de la lutte contre le négationnisme1. J’eu la mauvaise surprise d’y voir Robert Faurisson, présent dans l’assistance, y prendre la parole. Robert Faurisson a fait de cet épisode un récit qui m’a laissé pantois, tant il tordait le cou à la réalité des événements auxquels j’avais assisté.

Voici les extraits significatifs de la version de Faurisson:

«Le 5 juillet, s’est tenu, à la première chambre de la cour d’appel de Paris, sous la présidence, en particulier, de Pierre Truche, un colloque sur “La lutte contre le négationnisme”. Devant un auditoire de quatre-vingts personnes, les orateurs se sont félicités, à tour de rôle, de l’existence, depuis le 13 juillet 1990, d’une loi spécifiquement antirévisionniste. […]. L’accès au colloque m’a d’abord été refusé ainsi qu’à Me Delcroix, puis, devant nos protestations respectives, il nous a été permis. […] Pour ma part […] j’ai pu esquisser, sous la forme d’un rappel historique, mes habituels arguments de fond touchant l’impossibilité d’existence des chambres à gaz nazies; je l’ai fait parfois dans le hourvari général. La partie adverse a marqué son désarroi devant une intervention venue rompre le flot soporifique de «communications» toutes plus vides et plus désordonnées les unes que les autres. Me Henri Leclerc s’est livré à un acte de repentance. Il a confessé qu’il avait été d’abord hostile à la “loi Gayssot” (en fait, la “loi Fabius-Gayssot”) mais, nécessité faisant loi, il ne fallait plus, dit-il, hésiter à faire usage, et même vigoureusement, de cette innovation car les “négationnistes” n’étaient que des menteurs; le mot de “menteurs” était alors martelé avec une insistance mécanique. Malgré toute interdiction de reprendre la parole, j’élevais une véhémente protestation et mettais mon accusateur au défi de produire un seul exemple de mes prétendus mensonges. L’expulsion par la garde menaçait.»2

Le récit présenté par Faurisson de son intervention est intéressant et éclaire d’une lumière crue sa pratique habituelle de falsifications.

Avant de nous attacher au fond, relevons que la forme n’innove pas, la rhétorique faurissonienne demeurant inchangée depuis 40 ans. Il adopte une posture à la fois héroïque et victimaire. C’est tout à fait déplacé: il était présent et malgré son intervention n’a jamais été menacé de quelque manière que ce soit. La menace de «l’expulsion» (manu militari qui plus est — la «force des baïonnettes» n'est pas loin!) est une pure invention. Faurisson est coutumier de ce genre de mises en scène parfaitement fictives (voir sa biographie par Valérie Igounet3). Par ailleurs il dénigre systématiquement la portée des discours qui lui déplaisent. Or il se trouve que, dans les limites du sujet du colloque, les interventions étaient excellentes. Le public était également de qualité. S’y trouvait notamment une Sévane Garibian qui posa des questions très pertinentes. Elle est aujourd’hui l’une des meilleures spécialistes en droit international des problématiques de la criminalité d’Etat.

Faurisson oublie de mentionner qu'il avait commencé par se présenter en héros et martyr de la vérité (ce qu'il continue de faire d'ailleurs dans son récit). Surtout, ce que Faurisson désigne par «habituels arguments de fonds» était constitué de vieux poncifs négationnistes appartenant au registre «technique»: principalement le caractère prétendument «explosif» du cyanure d’hydrogène (acide cyanhydrique) émis par le Zyklon B, utilisé pour assassiner les Juifs dans les chambres à gaz d’Auschwitz. Robert Faurisson enjolive là aussi sa prestation en parlant de «hourvari», car c’est surtout la gêne et le dégoût (perceptibles mais non tumultueux) qui l’ont accueilli.

Faurisson ne mentionne comme contradicteur que Me Henri Leclerc et prétend l’avoir mis au défi, en vain suggère-t-il, «de produire un seul exemple de […] prétendus mensonges». Or deux autres personnes sont intervenues. Le silence de Faurisson sur ces deux autres interventions a de quoi étonner le témoin que je suis. Faurisson prétendra-t-il que ces deux personnes n’ont pas existé?

La première fut Nadine Fresco, spécialiste de l’histoire du négationnisme, présente au colloque où elle avait fait un exposé introductif. Immédiatement après l’intervention de Faurisson, elle a rappelé, via une anecdote concrète et saisissante, quelles étaient les accointances idéologiques de Faurisson, à savoir une proximité (entre autres…) avec les néo-nazis américains, alors que Faurisson se présente comme «apolitique». Elle a également rappelé (et démonté une fois de plus) l’un des premiers mensonges de Faurisson4. Rien de tout cela n’apparaît dans le récit de Faurisson. Celui-ci falsifie la réalité du déroulement des événement en taisant la présence et les propos de Nadine Fresco, ainsi que sa propre réaction.

D’autre part, un second auditeur du colloque a repris l’un des «arguments» techniques de Faurisson, et a démontré très efficacement en quoi Faurisson était un menteur et un falsificateur: Faurisson avait une nième fois invoqué le caractère prétendument explosif de l’acide cyanhydrique dégagé par le Zyklon B utilisé à Auschwitz, pour jeter le doute sur la réalité des gazages et la fiabilité des témoignages. Or comme le rappela l’auditeur en question, la concentration d’HCN (l'acide cyanhydrique) utilisée pour assassiner les Juifs est très largement inférieure à son seuil d’explosibilité, ce que Faurisson ne pouvait ignorer. Faurisson répétait donc un «argument» qu’il savait parfaitement infondé, destiné à un auditoire probablement peu féru de chimie et de physique, qu’il pensait pouvoir tromper. Cette fois là, l’auditoire comprenait une personne suffisamment formée pour démonter (facilement) la tromperie faurissonienne. Je suis formel quant à la nature et à la réalité de l’intervention de ce deuxième auditeur: c’était moi.

Apparemment, pour Faurisson, je n’existe pas.

Nos deux interventions, celle de Nadine Fresco et la mienne, ont permis de remettre publiquement Faurisson à sa place, celle d’un fanatique politique toujours proche des pires propagandistes de haine, prêt à recourir aux falsifications les plus éculées afin de promouvoir sa négation de la réalité du génocide des Juifs.

Contrairement à ce qu’il rapporte, Faurisson n’a été ni menacé, ni triomphant, mais au contraire exposé pour ce qu’il était déjà: un vieillard haineux pitoyable, malhonnête et radotant.

On voit comment Faurisson traite un événement auquel il a directement participé: il en falsifie radicalement la réalité. Le camouflage des interventions de Nadine Fresco et moi-même, relève d’un toupet hallucinant, voir halluciné: il ment malgré le fait qu’il sait qu’il y avait plusieurs dizaines de témoins. Pas étonnant qu’il mente tout aussi radicalement à propos d’événements historiques avérés.


Notes.

1. La lutte contre le négationnisme. Bilan et perspectives de la loi du 13 juillet 1990 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe. Actes du colloque du 5 juillet 2002 à la cour d’appel de Paris, La documentation française, 2003. Actes en ligne (également ici).

2. Robert Faurisson, «Quatre nouvelles et un bilan», 6 juillet 2002.

3. Valérie Igounet, Robert Faurisson, portrait d’un négationniste, Denoël, 2012. Compte rendu en ligne…

4. Nadine Fresco fait un récit, authentique celui-là, de cette scène dans son ouvrage, La mort des Juifs, Editions du seuil, 2008, p. 247-249.
 

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28/09/2012 — mis à jour le 30/05/20 13