«Révisionnisme» et négationnisme au sein de l’extrême droite française
Par Valérie Igounet
Négationnistes: les chiffonniers de l’histoire, éd Syllepse/Golias, 1997
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1. La revanche des vaincus
Depuis cinquante ans, l’extrême droite française joue un rôle fondamental dans la diffusion des thèses «révisionnistes» et négationnistes1. Elaborée par Maurice Bardèche, la révision de l’histoire puise ses bases dans une génération happée par un double ressentiment, historique et idéologique. Le «révisionnisme» naît avec l’extrême droite française; sa récupération politique aussi. Dès 1948, le sens politique des thèses «révisionnistes» s’inscrit dans la renaissance de l’antisémitisme. Quelques années plus tard, elles revêtent une autre signification pour une partie de l’extrême droite française: la destruction de «l’impérialisme sioniste».
La passation idéologique se fait tout naturellement entre l’homme de l’ancienne génération, Maurice Bardèche, et François Duprat, jeune militant des années soixante. Se reconnaissant pleinement dans le discours de son prédécesseur, François Duprat est le propagandiste des thèses du néo-fasciste français. Doté de moyens, cet homme diffuse les classiques révisionnistes dès les années soixante-dix en France et à l’étranger. Surtout, il les introduit au sein du Front national, un parti où il occupe plusieurs fonctions officielles. Quand il décède en 1978, les thèses «révisionnistes» ont trouvé d’autres militants pour s’étendre. Robert Faurisson, Pierre Guillaume ou Henri Roques ont pris sa place. L’extrême droite les encourage. Elle soutient Robert Faurisson porté par une certaine ultra-gauche, incarnée par Pierre Guillaume. Si une partie minoritaire de l’ultra-gauche voit en Robert Faurisson son nouveau messie, l’extrême gauche et l’ultra-gauche françaises, dans leur ensemble, sont violemment hostiles à l’homme et à ses idées. Pendant «l’affaire» Faurisson, quelques groupes politiques minoritaires de l’ultra-gauche s’associent à Robert Faurisson. Au printemps 1980, l’ouvrage de Serge Thion, Vérité historique ou vérité politique ? Le dossier de l’affaire Faurisson. La question des chambres à gaz, sort aux éditions La Vieille Taupe. Ces manifestations revêtent une double particularité. Elles concernent très peu de personnes mais confèrent au négationnisme français sa spécificité. Elles occultent un fait majeur. L’ensemble des chroniqueurs, des éditorialistes de la presse d’extrême droite, soutiennent Robert Faurisson, se réjouissent que la révision de l’histoire soit classée «à gauche de toutes les gauches» et entretiennent cette confusion.
Les groupuscules tels l’oeuvre française de Pierre Sidos, la Fédération d’action nationale européenne de Marc Fredriksen ou d’autres utilisent ouvertement les thèses négationnistes dans leurs discours ou publications. Corollaire de l’antisémitisme, le négationnisme leur offre un atout inestimable: la capacité de maquiller leurs haines ancestrales. Le Front national ne peut se permettre de donner ouvertement son assentiment à la négation de l’histoire. Seule formation pouvant revendiquer le statut de parti politique au sein de l’extrême droite française, elle doit s’adapter et adopter une certaine rhétorique. A la base très élargie, le Front national doit faire coexister aussi bien d’anciens SS que des repentis du RPR. Même si les diverses sensibilités du Front national réagissent différemment, en fonction de leur culture, sur la question du négationnisme, le parti de Jean-Marie Le Pen paraît adopter une attitude conciliante envers le discours négationniste. Dès les années soixante-dix, le parti frontiste n’éprouve aucune hostilité envers les thèses de Maurice Bardèche. Elles s’intègrent parfaitement dans l’optique d’une frange minoritaire du parti. Pendant les années quatre-vingt, il ne désapprouve pas le discours négationniste; la perspective négationniste s’imbrique dans les visées politiques et stratégiques du Front national. Dix ans plus tard, le négationnisme devient un élément à part entière de l’idéologie frontiste. Ceux qui condamnent le discours négationniste ont quitté le parti.
Le premier âge du «révisionnisme» comprend des hommes ayant vécu directement la Seconde Guerre mondiale. Issus de la même génération, ils appartiennent au camp des vaincus. D’idéologie fasciste ou nazie pendant les années de guerre, ces hommes sont animés d’un ressentiment commun: la haine des vainqueurs. A cet égard, Paul Rassinier doit être considéré comme une exception. Homme de gauche estimé par ses pairs, ancien déporté à Buchenwald et à Dora, Paul Rassinier n’entreprend pas la révision de l’histoire sur de telles bases. Quand il livre son premier ouvrage, l’ancien déporté se veut avant tout un témoin. Son doute sur les chambres à gaz — doute devenant rapidement remise en cause —, il le formule plus tard. Le paradoxe de sa personnalité, de son itinéraire (un ancien déporté qui nie les chambres à gaz), est saisissant. C’est là qu’intervient la récupération politique de l’homme, de ses idées et de son parcours politique. Présenté comme le premier «révisionniste» français, Paul Rassinier est loin d’avoir posé les bases de la relecture de l’histoire. C’est Maurice Bardèche, connu pour ses opinions d’extrême droite, qui s’attelle à cette tâche. D’autres, tel Henry Coston, le suivent dans cette double démarche: réviser l’histoire et récupérer la personnalité de Paul Rassinier, aubaine pour l’extrême droite française.
La rencontre que fait Maurice Bardèche, en 1926, avec Robert Brasillach est déterminante pour ses engagements futurs. Robert Brasillach prend en charge l’éducation politique de son camarade et lui inculque ses idées. Les deux hommes deviennent inséparables. En 1945, le choc est double pour Maurice Bardèche: l’épuration et la mort de Robert Brasillach le poussent à l’action politique. Dès 1947, Maurice Bardèche retranscrit ses ressentiments. Dans Lettre à François Mauriac il dénonce l’épuration et s’attaque au «mythe de la résistance». Un an plus tard, il s’en prend à l’histoire de la Seconde Guerre mondiale.
En 1948, Maurice Bardèche «inaugure» le «révisionnisme» historique avec Nuremberg ou la Terre promise. Selon les propres termes de Maurice Bardèche, nous sommes victimes d’une immense manipulation depuis 1945. Les camps de la mort sont une invention des alliés qui dédouanent ainsi leurs propres crimes. Responsables de la Seconde Guerre mondiale, les Juifs falsifient l’histoire et espèrent ainsi prouver la barbarie de l’Allemagne:
«Je ne prends pas la défense de l’Allemagne. Je prends la défense de la vérité. Je ne sais si la vérité existe […]. Mais je sais que le mensonge existe, je sais que la déformation systématique des faits existe. Nous vivons depuis trois ans sur une falsification de l’histoire. Cette falsification est adroite: elle entraîne les imaginations, puis elle s’appuie sur la conspiration des imaginations. On a commencé par dire: voilà tout ce que vous avez souffert, puis on dit: souvenez-vous de ce que vous avez souffert. On a même inventé une philosophie de cette falsification. […] On eut la bonne fortune de découvrir en 1945 ces camps de concentration dont personne n’avait entendu parler jusqu’alors, et qui devinrent la preuve dont on avait précisément besoin, le flagrant délit à l’état pur, le crime contre l’humanité qui justifiait tout. On les photographia, on les filma, on les publia, on les fit connaître par une publicité gigantesque, comme une marque de stylo. La guerre morale était gagnée. La monstruosité allemande était prouvée par ces précieux documents. Le peuple qui avait inventé cela n’avait le droit de se plaindre de rien. Et le silence fut tel, le rideau fut si habilement, si brusquement dévoilé, que pas une voix n’osa dire que tout cela était trop beau pour être parfaitement vrai.»2
Avec Maurice Bardèche, l’existence des camps de la mort est mise, pour la première fois, en doute. Les Allemands, principaux accusés, deviennent les premières victimes. Les Juifs prennent le rôle des coupables, des menteurs et des manipulateurs. L’histoire est inversée. Ce retournement, Maurice Bardèche le poursuit par une critique vigoureuse des jugements du Tribunal de Nuremberg. En accablant les Alliés de lourdes charges et en dédouanant les Allemands de leurs responsabilités, l’auteur de Nuremberg ou la Terre promise veut parvenir à une nouvelle formulation des conclusions du tribunal de Nuremberg:
«Le vrai fondement du procès de Nuremberg, celui qu’on n’a jamais osé désigner, je crains bien que ce ne soit la peur: c’est le spectacle des ruines, c’est la panique des vainqueurs. Il faut que les autres aient tort. […] C est l’horreur, c est le désespoir des vainqueurs qui est le vrai motif du procès. Ils se sont voilé le visage devant ce qu’ils étaient forcés de faire et pour se donner du courage, ils ont transformé leur massacre en croisade. […] Etant tueurs, ils se sont promus gendarmes. […] Pour excuser les crimes commis dans la conduite de la guerre, il était absolument nécessaire d’en découvrir de plus graves encore de l’autre côté. […] Il y a donc un intérêt évident de la propagande britannique et américaine et, à un moindre degré, de la propagande soviétique, à soutenir les thèses des crimes allemands.»3
Après s’être portée sur les Alliés, l’accusation de Maurice Bardèche s’applique aux résistants, à leurs témoignages. Son argumentation est simple: les résistants extrapolent afin d’acquérir une certaine considération de la société française; «Ils ont intérêt […] à étaler leurs souffrances» qui «se transforment facilement en places»4. La mise en doute des témoignages des résistants s’étend tout naturellement à ceux des témoins «directs» de l’Holocauste appelés à comparaître à Nuremberg.
Afin de disculper l’Allemagne, Maurice Bardèche annihile la spécificité du crime hitlérien. En faisant un parallèle avec les camps de concentration soviétiques, l’écrivain entend prouver la «politique d’extermination de la délégation soviétique»5. L’Union soviétique est intervenue au procès de Nuremberg pour accabler l’Allemagne et se décharger de ses crimes:
«Et si la délégation russe s’était servie du procès de Nuremberg pour un énorme montage de propagande, comme la délégation française ? […] Mais qui peut contrôler ce que dit la délégation soviétique ? […] Nous sommes très indignés des camps de concentration hitlériens, mais à la même époque, nous feignons d’ignorer les camps de concentration soviétiques, que nous découvrons, du reste, avec horreur dès que notre propagande y trouve un intérêt.»6
Avec cette double remise en cause, Maurice Bardèche lance les bases de l’«argumentation révisionniste». Tous les «révisionnistes» s’interpellent sur les témoignages. Tous remettent en cause les conclusions du Tribunal de Nuremberg. Tous entendent prouver la bestialité du communisme.
Troisième et ultime étape de «l’argumentation révisionniste» de Maurice Bardèche: la mise en accusation des Juifs. Manipulateurs, comploteurs, dominateurs, les Juifs revêtent les plus terribles habits. Trois ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, Maurice Bardèche accuse les Juifs d’avoir mis en oeuvre une immense tromperie, une des plus grandes du XXe siècle. Affublés du terme de «techniciens», les Juifs deviennent des êtres méticuleux, professionnels. Le raisonnement de Maurice Bardèche est limpide. En inventant de toutes pièces l’Holocauste, les Juifs entendent dominer le monde. L’imagerie antisémite d’une époque, qui semblait révolue, ressuscite. Les Juifs déploient leurs tentacules afin d’intégrer toutes les sphères de la société:
«Il n’est pas inutile, peut-être, de faire appel de cet admirable montage technique. Après avoir présenté nos plus sincères compliments aux techniciens, juifs pour la plupart, qui ont orchestré ce programme, nous avons l’ambition de voir clair et de nous y reconnaître […]. C’est donc à cette tâche que nous allons nous attacher. Et, bien sûr, ce petit livre ne peut être qu’une première pierre. Il contient plus d’interrogations que d’affirmations, plus d’analyses que de documents. Mais n’est-ce pas déjà quelque chose que de mettre un peu d’ordre dans une matière qu’on a présentée volontairement avec confusion? […] Le premier objet de ces réflexions sera donc une sorte de restauration de l`évidence. […] C’est dans cet avenir aussi que nous voulons voir clair. […] Car déjà nous entrevoyons que cette éthique nouvelle se réfère à un univers étrange, un univers pareil à un univers de malade […] mais un univers qui est celui des autres, précisément celui que Bernanos pressentait lorsqu’il redoutait le jour où se réaliseraient les rêves enfermés dans la cervelle sournoise d’un petit cireur de bottes négroide du ghetto de New York. Nous y sommes. Les consciences sont droguées. On nous a fait le coup de Circé. Nous sommes tous devenus juifs.»7
Le «révisionnisme» de Maurice Bardèche est avant tout un «révisionnisme» de disculpation. En blanchissant le régime national-socialiste, l’auteur de Nuremberg ou la Terre promise innocente l’Allemagne de ses crimes. Le IIIe Reich n’a jamais eu de volonté d’extermination à l’égard des Juifs. Les Juifs posent «problème» dans le sens où ils demeurent inassimilables. La solution s’inscrit dans un regroupement. A l’extermination des Juifs se substitue un déplacement vers l’Est du peuple juif. Maurice Bardèche qualifie de «modérées» et «raisonnables» les méthodes employées par les dirigeants du national-socialisme. Et si l’on a exterminé quelque chose, ce ne sont que des poux:
«Si la délégation française trouve des factures de gaz nocifs, elle se trompe dans la traduction et elle cite une phrase où l’on peut lire que ce gaz était destiné à «l’extermination», alors que le texte allemand dit en réalité qu’il était destiné à «l’assainissement», c’est-à-dire à la destruction des poux dont tous les internés se plaignaient en effet […]. Il résulte clairement des pièces du procès que la solution du problème juif, qui avait eu l’approbation des dirigeants nationaux-socialistes, consistait uniquement en un rassemblement de Juifs dans une zone territoriale qu’on appelait la réserve juive: c’était une sorte de ghetto européen, une patrie juive reconstituée à l’Est, c’était cela que prévoyaient les instructions connues des ministres et des hauts fonctionnaires, et c’était cela seulement. […] Et nous n’avons pas le droit d’en conclure davantage que le national-socialisme aboutissait nécessairement à l’extermination des Juifs: il proposait seulement de ne plus les laisser se mêler à la vie politique et économique du pays, et ce résultat pouvait être obtenu par des méthodes raisonnables et modérées. […] ne sommes-nous pas victimes d’une propagande dont les effets peuvent être un jour terriblement préjudiciables au peuple français ?»8
L’année de la création d’Israël, Maurice Bardèche lance donc les bases du «révisionnisme». La première étape d’une négation de l’histoire prend forme en s’appuyant sur plusieurs points:
1 — Les Juifs sont responsables de la Seconde Guerre mondiale.
2 — Les alliés, et surtout les Juifs, ont inventé les camps de la mort. La raison est simple: les alliés veulent se dispenser de leurs propres crimes. Quant aux principaux responsables, les Juifs, ils veulent avant tout imposer leur domination. Manipulateurs avant tout, ils sont parvenus à monter de toutes pièces cette supercherie.
3 — Les témoignages ne sont pas fiables. Emanant essentiellement de la bouche des communistes, ils ne peuvent l’être.
4 — Les atrocités réclles du régime communiste ne doivent pas être oubliées. Les communistes extrapolent ce qu’ils ont vu afin de relativiser leurs crimes.
5 — Les prétendues atrocités allemandes soi-disant découvertes par les alliés ne sont qu’une supercherie de leur part, qu’une invention pour trouver un coupable et pour justifier leur crime. Par la suite, la construction de fictives chambres à gaz9 conforte la cruauté allemande.
6 — Les atrocités commises dans les camps sont le fait des déportés.
7 — A partir des premières défaites allemandes, les conditions de vie deviennent beaucoup plus difficiles dans les camps; ce qui crée une certaine désorganisation. La mortalité élevée dans les camps est essentiellement due à l’«affaiblissement» des détenus et aux épidémies, surtout le typhus.
8 — A aucun moment, le régime national-socialiste n’a voulu exterminer les Juifs. Son projet s’inscrit dans un rassemblement des Juifs vers l’Est, dans la constitution d’une «réserve juive». Les crimes des dirigeants nazis et de leurs acolytes français sont des crimes ordinaires, inhérents à toute guerre.
9 — Si l’on a gazé quelque chose à Auschwitz, ce ne sont que des poux. Sur la question des chambres à gaz, Maurice Bardèche ne se prononce pas franchement. Il laisse à Paul Rassinier le soin de le faire.
Publié en octobre 1948 et tiré à 25 000 exemplaires, Nuremberg ou la Terre promise est considéré comme une apologie du meurtre. Après maintes tergiversations de la justice française, Maurice Bardèche se voit condamner, au printemps 1952, à un an de prison ferme et à 50 000 francs d’amende. Son livre est saisi et interdit à la vente. Cette interdiction devient la première d’une longue série. Elle n’empêche pas la diffusion de Nuremberg ou la Terre promise. Les bulletins, les revues extrémistes lui donnent un large écho. Le livre de Maurice Bardèche se vend sous le manteau. Bénéficiant de l’amnistie du président Coty, Maurice Bardèche ne fait que quelques jours de prison, à Fresnes, en juillet 1954.
Une des conséquences de la sortie de Nuremberg ou la Terre promise est la création de la propre maison d’édition de Maurice Bardèche. Il fonde les Sept Couleurs, titre d’un roman de Robert Brasillach. Cette maison d’édition permet surtout de faire paraître les écrits de Robert Brasillach. Deux livres de Paul Rassinier seront édités aux Sept Couleurs. Surtout, avec son livre, Maurice Bardèche acquiert un nouveau statut au sein de l’extrême droite française, voire internationale. Auréolé de sa condamnation et de la saisie de son livre, il voit sa renommée s’étendre. Comme le souligne François Duprat, ce livre «montre que l’extrême droite “fasciste” a trouvé son leader intellectuel»10. Devenu incontournable, Maurice Bardèche entre par la grande porte chez les fascistes:
«C’est que Maurice Bardèche, meilleur spécialiste français de Balzac et de Stendhal, jouit d’un incontestable prestige universitaire, renforcé encore par le fait d’être l’héritier spirituel du "poète assassiné" Robert Brasillach. Sa maison d’édition, les Sept Couleurs […] devient un pôle d’attraction pour un vaste public. L’influence de Bardèche va être encore accrue par la répression gouvernementale […]. Bardèche devient ainsi l’écrivain fasciste, il le proclamera plus tard.»11
Malgré les ennuis juridiques consécutifs à la sortie de son premier livre, Maurice Bardèche ne désarme pas. Deux ans plus tard, il réitère ses propos dans un autre ouvrage, édité aux Sept Couleurs. Nuremberg II ou les Faux-Monnayeurs conforte le «révisionnisme» de l’écrivain fasciste et parvient à des conclusions identiques, malgré un style différent. Des années plus tard, Maurice Bardèche écrit Qu’est-ce que le fascisme ?, ouvrage dans lequel il isole l’idéologie fasciste de toutes ses manifestations historiques afin d’atteindre un fascisme pur, idéal. Mais c’est surtout par sa revue, Défense de l’Occident, lancée en 1952, que l’écrivain fasciste se consacre à la question du «révisionnisme». Les noms de Paul Rassinier, Robert Faurisson, Thies Christophersen et d’autres figurent dans les sommaires du mensuel. Pendant trente ans, Défense de l’Occident s’attache à faire connaître les thèses «révisionnistes»12.
La guerre des Six Jours représente une première étape dans l’évolution de l’instrumentalisation de l’histoire. Diffusées et exploitées par l’extrême droite française dans les années soixante, les thèses «révisionnistes» répondent à un antisémitisme et à un anticommunisme soutenus. L’antisionisme divise l’extrême droite des années soixante.
En 1967, l’extrême droite antisioniste n’est pas majoritaire. Ce sont essentiellement trois organes de presse d’extrême droite qui manifestent leur antisionisme: Défense de l’Occident, Lectures françaises d’Henry Coston et Le Soleil de Pierre Sidos. Les thèses «révisionnistes» sous-tendent leur démarche: le sionisme devient mystificateur (les Juifs ont menti pour créer leur Etat), colonialiste et raciste (les Juifs ont expulsé les Palestiniens pour cultiver leur propre terre) et conspirationniste (l’Etat d’Israël devient l’image du centre d’une conspiration juive). En juin 1967, «Le mystère des chambres à gaz»13 — article de François Duprat — paraît dans Défense de l’Occident. A la veille de la guerre des Six Jours les thèses «révisionnistes» sont de plus en plus accolées aux textes dénonçant la puissance des Juifs et l’Etat d’Israël. C’est véritablement dans les années soixante que l’antisionisme d’extrême droite révèle son véritable dessein: la lutte contre l’Etat d’Israël. L’antisémitisme sous-tend ce discours.
Le soixante-quatrième numéro de la nouvelle série de Défense de l’Occident paraît en juillet 1967. Réalisé par François Duprat, ce numéro spécial sur «L’agression israélienne» est exemplaire pour illustrer la triple utilisation discursive, antisionisme, «révisionnisme» et antisémitisme. François Duprat signe la majorité des articles. Paul Rassinier y écrit son dernier papier14. La guerre des Six Jours, outre les données inhérentes au conflit, amène ce changement fondamental dans la rhétorique révisionniste: la cause palestinienne devient la nouvelle cause à défendre. L’Etat d’Israël revêt l’image d’un Etat raciste. Le thème des Allemands, nouvelles victimes, n’est pas abandonné mais est exploité différemment. Dans les années quatre-vingt, Robert Faurisson parachève cette double défense Palestiniens et Allemands15.
Le thème des Palestiniens apparaît véritablement avec François Duprat. Les Juifs se voient doublement incriminés. Ils sont accusés d’avoir menti et d’avoir expulsé les Palestiniens de leur territoire. Le discours devient offensif, haineux. L’arrivée de François Duprat au sein de l’équipe de Défense de l’Occident doit être considérée comme un véritable tournant. Violemment antisioniste et antisémite, cet homme issu d’une autre génération apporte une nouvelle jeunesse à l’équipe de Maurice Bardèche. François Duprat épouse immédiatement les thèses «révisionnistes». Il ne s’en cache pas. Utilisées pour déstabiliser Israël, elles deviennent consubstantielles à ses propos. Antisionisme, antisémitisme et «révisionnisme», triptyque du discours d’extrême droite? La guerre des Six Jours permet à ce triptyque de s’installer durablement dans le discours extrémiste. François Duprat en est l’initiateur:
«Les Israéliens sont-ils débarrassés des tares physiques de leur race ? […] Israël un pays débarrassé de la lèpre de l’internationalisme, de cet internationalisme juif, plaie de tous les peuples du monde? […] Ils savent compter sur la juiverie internationale, toujours prête à entrer en action lorsque les intérêts de la «Race Elue» sont menacés n’importe où dans le monde .[…] L’exploitation des pseudo «Six millions de morts» du national-socialisme a arraché à l’Allemagne Fédérale un milliard de dollars depuis 1952. […] Le frénétique impérialisme sioniste se donne libre cours […]. Le but de la diplomatie juive est donc clair: il faut, pour Tel-Aviv, réaliser le plus vite possible le plus grand Israël, et asservir totalement les peuples arabes.»16.
Pro-arabe, François Duprat l’est davantage par obligation idéologique que par conviction. Le combat qu’il mène en faveur des Arabes se concrétise par la création, de son propre chef, du Rassemblement pour la libération de la Palestine. Ce pro-arabisme d’extrême droite constitue un antisémitisme déguisé. Son sentiment pro-palestinien devient la quatrième composante de son discours. Les termes de «solution finale» apparaissent. Les Juifs sont accusés de la pratiquer à l’égard des Arabes. Mais François Duprat le précise. Là, il s’agit véritablement d’un génocide. Les termes propres à la politique d’extermination nazie subissent un renversement imparable:
«Mais une telle politique d’expansionnisme belliqueux, est inséparable de la nature même de l’Etat juif, et, cela, depuis sa création. Bâti sur une injustice et sur un véritable génocide (car l’expulsion de tout un peuple de sa patrie est un génocide, au même titre que son extermination), Israël poursuit, grâce au soutien inconditionnel de la juiverie internationale, sa «Solution Finale» du problème arabe. Et, à la différence de la solution finale des SS du IIIe Reich, il est bien question là d’une liquidation globale du fait arabe au sein de l’Etat juif. En droit comme en fait, Israël, oiseau de proie au Moyen-Orient, est une construction artificielle, vaine et mensongère, qui disparaîtra tôt ou tard.»17
Trois organes importants de presse de l’extrême droite française, Rivarol, Ecrits de Paris et Minute, doivent être mis à part pour leur attitude pro-israélienne. Fondé en 1962, l’hebdomadaire Minute occupe une position paradoxale dans la presse d’extrême droite. Anti-arabe, anti-gaulliste et anticommuniste, Minute reprend les thèmes chers à une certaine extrême droite française. Comme le souligne François Duprat l’attitude du journal «encore plus pro-israélienne que celle de Rivarol n’est pas forcément appréciée par tous les mouvements nationaux»18. Le mensuel Ecrits de Paris, dirigé par René Malliavin depuis sa création, développe les thèses et les thèmes communs de Rivarol depuis de longues années. Dès 1956, Michel Dacier (pseudonyme de René Malliavin) exprime son soutien inconditionnel à Israël et résume à merveille la position de cette extrême droite. Deux raisons fondamentales l’expliquent. La première s’inscrit dans la haine des Arabes. L’anticommunisme génère la seconde. Israël est avant tout perçue comme un rempart occidental contre le communisme. A ces deux raisons s’ajoute une troisième, beaucoup plus ambiguë. Bien qu’elle soit source d’inquiétude, la terre d’Israël fascine. Quant à Rivarol, connu dans les années soixante pour sa position pro-israélienne, François Duprat la considère en réalité comme «anti-soviétique»19. Pourtant, l’organe de presse de René Malliavin accueille dans ses tribunes des collaborateurs antisionistes tels Maurice Bardèche et François Duprat. Sa collaboration avec Paul Rassinier, dès 1962, classe Rivarol parmi les journaux ne désapprouvant pas les thèses «révisionnistes». Ces gestes conciliant de Rivarol marquent le début d’une évolution. Dès les années soixante, le discours «révisionniste» est utilisé timidement par les journalistes de cet hebdomadaire. Lorsque un journaliste aborde la «question israélienne», le problème du nombre de victimes juives, «ces six millions de morts remis sur le tapis»20, se pose rapidement. Surtout, les Juifs parviennent à dominer les Palestiniens, les Arabes. Le traumatisme de la perte de l’Algérie française est encore très présent. La haine des Arabes y est inhérente. Quand Henri Lebre prétend que les statistiques montrent, «et c’est encore plus grave, que les Arabes, en Israël et dans les pays arabes, ont un excédent de naissances nettement supérieur à celui des Juifs citoyens d’Israël»21, le journaliste lance un des arguments qui conduit Rivarol à épouser cette position vis-à-vis d’Israël. Pour l’extrême droite, la haine de l’Arabe est consubstantielle à celle du communisme22.
La thèse générale de Rivarol — Israël, bastion contre le communisme — est décriée par une catégorie de lecteurs qui perçoivent Israël comme symbole de la puissance juive. Racistes et antisémites, ils parviennent à conjuguer leur double haine parfaitement explicable selon eux. En premier lieu, ils rejettent la faute initiale sur les Anglo-Américains qui ont «installé», en 1948, les Juifs sur une terre déjà occupée par les Palestiniens. Bien qu’anti-palestiniens, ils ne peuvent accepter la mainmise juive et les exactions qui ont suivi. L’antisémitisme sous-tend l’argumentation. La preuve de la puissance juive se démontre sur un double niveau: en Israël, les Juifs sont parvenus à spolier des terres. En Occident, ils se sont infiltrés partout. La position d’Israël revêt donc un côté positif au moins pour un fait: plus les Juifs sont éloignés de l’Occident, et plus particulièrement de la France, moins ils viendront envahir nos pays:
«J’ai été ultra pro-Algérie française, la racaille arabe qui s’entasse en France me dégoûte […]. Pourquoi insiste-t-on si peu sur la faute initiale, sur la grossière erreur politique commise par les Anglo-Américains qui ont installé un foyer juif aux frontières des pays arabes? Si tous les peuples qui ont possédé certains pays, […] et les ont perdus ou en ont été chassés, venaient s’y réinstaller de force, en chassant les habitants actuels, en y commettant les pires atrocités comme ont fait les Israéliens, la guerre serait partout […]. Pourquoi Israël a-t-il particulièrement le droit d’exister, alors que ce droit est refusé à tant d’autres plus intéressants que les Juifs? […] Vous me répondrez, sans doute, que les Israéliens défendaient la civilisation occidentale contre l’infiltration communiste dans le Proche et Moyen-Orient. Allons donc! Les Israéliens sont, avant tout, des Juifs, et ne travaillent jamais que pour la juiverie internationale. La seule et unique consolation qu’on puisse tirer de leur victoire — momentanée, je l’espère — c’est que les Israéliens ne viendront pas envahir encore un peu plus l’Europe et principalement la France. Cette terre de France où ils ont à peu près tout accaparé, où ils dirigent tout, directement ou indirectement, et tout particulièrement la presse.»23
L’été 1967 marque la coupure du premier âge du «révisionnisme». La guerre des Six Jours, en juin, et la mort de Paul Rassinier, un mois plus tard, représentent un véritable point de rupture chronologique.
Déclenchée le 5 juin 1967, la guerre des Six Jours est déterminante sur plusieurs points. Inauguré par la crise de Suez, le nouveau visage des Israéliens prend ses formes définitives pour une grande partie de l’opinion.
«Pour la première fois depuis sa création, le jeune Etat d’Israël se trouvait soudain en position de supériorité militaire. Pour la première fois depuis deux mille ans, les Juifs apparaissent comme des vainqueurs.»24
Surtout, la guerre des Six Jours augure «[…] l’ère des métamorphoses du discours antijuif. Les reformulations du complot juif mondial («complot sioniste») y côtoient la démonologie «antisioniste» et l’entreprise «révisionniste» aux multiples figures»25. Pendant les années soixante-dix, la mutation du discours «révisionniste» s’opère dans l’antisionisme, substitut d’un antisémitisme politique déguisé.
Pleine de ressentiments, l’extrême droite révise l’histoire pour asseoir son idéologie. La réécriture de l’histoire présente de véritables enjeux. Le fait qu’elle débute en 1948, année de la création d’Israël, n’est pas une coincidence. L’antisionisme stimule les premières révisions extrémistes. Plus précisément, l’antisionisme permet de réintroduire l’antisémitisme dans un contexte d’après-guerre hanté par le souvenir du génocide, fermé à toute résurgence de haine à l’égard des Juifs. En une vingtaine d’années, le discours «révisionniste» se structure. Pour les ultras, le contexte de la guerre froide permet peu à peu la mise en exergue des méthodes communistes et, par conséquent, la relativisation des méthodes nazies
Marginal à ses débuts, le «révisionnisme» trouve dans l’extrême droite française son auditoire idéal, dans les Juifs ses victimes parfaites et dans des hommes tels Maurice Bardèche ou Paul Rassinier des représentants inespérés. Théoriciens du discours «révisionniste», ces hommes marquent différemment le premier âge du «révisionnisme». Maurice Bardèche ne peut endosser l’image du premier «révisionniste» français que son parcours, ses fréquentations, ses sensibilités politiques auraient compromis à jamais. Il encourage Paul Rassinier à persévérer dans sa dénonciation, publie deux ouvrages de l’ancien déporté dans sa maison d’édition et intègre la défense des thèses «révisionnistes» et leur diffusion dans Défense de l’Occident.
Le «révisionnisme» ultra est avant tout l’expression d’un antijudaisme radical. Le couplage rhétorique dénonciation/accusation est inhérent à la relecture de l’histoire. Si les ultras instrumentalisent de la sorte l’histoire de l’après-guerre c’est qu’ils ne peuvent accepter le partage, établi par les vainqueurs, qui se dessine sous leurs yeux. Le «révisionnisme» de l’extrême droite française réhabilite et légitime un régime et une idéologie bannis. Corrélativement, il désire mettre à bas la nouvelle idéologie née à l’issue de la Seconde Guerre mondiale: l’antifascisme.
Peu à peu, une double inversion prend forme: l’inversion des responsabilités dans le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale et l’inversion victimaire Ce sont les Juifs qui sont à l’origine du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. En inventant de toutes pièces le génocide, ils ont créé des conditions favorables à la création de leur Etat. Le complot juif mondial transparaît. La substitution du sionisme au nazisme prend alors toute sa signification. La phraséologie «révisionniste» amalgame les méthodes des Juifs à celles des nazis. Loin d’être les principales victimes, les Juifs deviennent les nouveaux bourreaux du XXe siècle. A travers ce type de discours transparaît un fait fondamental: l’Allemagne sort totalement dédouanée de l’histoire «révisionniste». La volonté d’extermination hitlérienne n’existe pas. Surtout, les Allemands sont désignés, dans la première phase du discours «révisionniste», comme les principales victimes du génocide pour l’argent qu’ils versent à Israël en vue de réparations. Cette double dénonciation-accusation arrive à complète maturité des années plus tard. C’est Robert Faurisson qui la formule d’un trait lorsqu’il affirme que «les prétendues “chambres à gaz” hitlériennes et le prétendu génocide forment un seul et même mensonge historique qui a permis une gigantesque escroquerie financière dont les principaux bénéficiaires sont l’Etat d’Israël et le sionisme international et les principales victimes, le peuple allemand — mais non ses dirigeants — et le peuple palestinien tout entier».
Initiatrice des thèses «révisionnistes», l’extrême droite française se charge aussi de les diffuser et de les instrumentaliser. Nombreux sont les groupuscules qui intègrent très tôt les thèses «révisionnistes» dans leurs discours26. Pour eux, le génocide juif représente une barrière idéologique à briser. Pendant les années soixante-dix, des groupuscules d’extrême droite comme l’Oeuvre française de Pierre Sidos ou la Fédération d’action nationale européenne de Marc Fredriksen développent un antisionisme outrancier, paravent de l’antisémitisme. Quelques années plus tard, le «révisionnisme» fait partie intégrante de leurs thèses. Considéré comme l’héritier idéologique de Maurice Bardèche, François Duprat assume entièrement, tout comme son prédécesseur, son idéologie. Cette future tête pensante du Front national diffuse les thèses «révisionnistes» au sein de l’extrême droite française et internationale.
Né en 1941 à Ajaccio, François Duprat commence très tôt sa carrière de militant. Trotskiste à l’âge de seize ans, puis repenti, il reste peu de temps à l’Union de la gauche socialiste. Quelque temps après, il se prononce en faveur de l’Algérie française et milite au mouvement Jeune Nation, dès 1958 En 1960, il est cofondateur de la Fédération des étudiants nationalistes, la FEN. Deux ans plus tard, François Duprat signe un article sous le pseudonyme de François Solchaga ou plus précisément «un compte rendu des activités négationnistes de Harry Elmer Barnes et A.-J.-P. Taylor27» dans Paris-DroitUniversité, journal lié à la FEN. Parallèlement, il collabore à Rivarol28. Après s’être battu pour l’OAS et avoir été emprisonné, François Duprat passe une licence d’histoire. En 196429, il entre au bureau politique d’Occident en tant que responsable de la propagande. Il en est exclu trois ans plus tard. Ses premières armes littéraires, il les forge à Défense de l’Occident 30. En 1969, François Duprat encourage la fondation d’Ordre nouveau et devient un de ses dirigeants. En 1972, il crée les Groupes nationalistes-révolutionnaires, GNR, en marge du Front national, qui, «de tendance et de formation néo-fasciste, tout en gardant une existence et une activité distincte du Front national, étaient de fait intégrés dans le mouvement de Le Pen; ils lui rendaient des services en France et servaient de liaison avec les groupes néo-fascistes de différents pays en Europe, liaison que le Front national maintient jusqu’à nos jours31». Selon lui, l’extrême droite française ne peut gagner du terrain que si elle s’unifie. C’est pourquoi il s’implique, aux côtés d’hommes comme François Brigneau, dans la création d’un parti unificateur: le Front national.
En 1974, un an après la dissolution d’Ordre nouveau François Duprat entre au Front national. De l’automne 1974 au printemps 1978, il sera président de la Commission électorale du Front, membre du comité de rédaction du National, inspecteur régional pour la Normandie et membre du Bureau politique. Le président du Front national est au courant des diverses tâches attribuées à François Duprat. Surtout, il n’ignore pas la présence de la tendance néo-fasciste, animée et introduite par François Duprat au sein du Front national, les Groupes nationalistes-révolutionnaires. Bien que marginaux au sein du Front national, les GNR y occupent une place théorique relativement importante. En juin 1974, Jean-Marie Le Pen déclare aux lecteurs des Cahiers européens que «la place des nationalistes-révolutionnaires est au sein du FN, qui autorise la double appartenance et respecte les choix idéologiques de ses adhérents «32, En ces années, le Front national se doit de récupérer un maximum de militants. En élargissant considérablement la base idéologique de son parti, Jean-Marie Le Pen accepte inévitablement des tendances idéologiques ultras marginales. François Duprat pense que les nationalistes-révolutionnaires doivent s’intégrer dans la mouvance large de l’Opposition nationale. «Le Front national, dont les structures fédératives souples sont les plus susceptibles de permettre une collaboration organique»33 offre cette opportunité. Les GNR sont très proches de l’équipe de Militant, alliée au Front national dès ses origines. Militant, qui paraît depuis 1967 tous les mois, représente la tendance «nationale-européenne» du Front national. Directeur politique de la revue, Pierre Bousquet, ancien SS, était un des sept membres du bureau politique du Front national en 1972 et sera candidat aux élections, sous l’étiquette FN, plusieurs fois. Il est assisté de Pierre Pauty, rédacteur en chef.
A ce moment, François Duprat est à la tête de plusieurs publications: la Revue d’histoire du fascisme, dont il est le directeur et Les Cahiers européens qu’il dirige avec Alain Renault. En octobre 1974, la revue de François Duprat se fond dans celle de la Fédération d’action nationale et européenne, la FANE, de Mark Fredriksen. Les Cahiers européens hebdo deviennent Les Cahiers européens-Notre Europe. Marc Fredriksen est codirecteur de la publication. Ses deux rédacteurs en chef, Alain Renault et François Duprat, aspirent à la création d’un grand parti nationaliste-révolutionnaire. Ils proposent, par le biais de ce périodique, un «service librairie» évocateur. Parmi les livres présentés figurent Mein Kampf, d’Adolf Hitler, Nous autres racistes de G.-A. Amaudruz ou Qu’est-ce que le fascisme ? de Maurice Bardèche. En février 1976, le «service librairie» des Cahiers européens-Notre Europe s’enrichit de deux nouvelles brochures, désormais célèbres dans la littérature négationniste. La première s’intitule Le Mensonge d’Auschwitz. Elle émane d’un ancien SS d’Auschwitz, Thies Christophersen. Six millions de morts le sont-ils réellement ?, la seconde brochure, a pour auteur Richard Harwood, alias Richard Verral du National Front britannique. Si François Duprat introduit cette brochure en France, et s’il la diffuse, c’est qu’elle «constitue une réfutation irréfutable d’un mythe, avec une efficacité surpassant l’impact des travaux de Rassinier34». En 1976 — année de la fusion entre la FANE et les GNR —, la tendance nationaliste-révolutionnaire entend avant tout «rompre le mur du mensonge»35. La librairie des Cahiers européens-Notre Europe, son outil de diffusion théorique, vient combler une place vacante dans la diffusion des idées «révisionnistes»:
«Pendant des années, à part les oeuvres de Maurice Bardèche et de Rassinier, ou les efforts de Défense de l’Occident, il n’existait pratiquement rien dans notre langue pour lutter contre les flots de mensonge déversés par la propagande sioniste alliée au bolchevisme sur la Deuxième Guerre mondiale. Aujourd’hui les choses sont en train de changer et la Librairie des Cahiers européens, seule en France à mener une action d’envergure de diffusion d’ouvrages de haut niveau scientifique sur la question peut mettre à la disposition de ses lecteurs les nouveaux titres suivants […]»36
En 1976, François Duprat représente bien plus qu’un médiateur, il devient un passeur idéologique. Fournisseur attitré de la propagande «révisionniste», il distribue par le biais de ses différents journaux les écrits «révisionnistes» en France et à l’étranger.
Le 18 mars 1978, entre les deux tours des législatives, François Duprat est tué dans l’explosion de sa voiture. Son ascension fulgurante s’arrête net. Outre ses collaborations à Défense de l’Occident et à Rivarol, François Duprat avait écrit, entre autres, dans les Cahiers universitaires, Le Soleil, Europe Action, Occident-Université, Le Combat européen, Le National et Militant. Il est l’initiateur des revues Les Cahiers européens, la Revue d’histoire du fascisme et Année Zéro. Il est l’auteur de Histoire des SS37, Les Campagnes de la Waffen SS, L’Ascension du MSI (édités aux Sept Couleurs, maison d’édition de Maurice Bardèche) et des Mouvements d’extrême droite en France depuis 1944. Il venait de réussir à accentuer un peu plus la coloration antisémite et «révisionniste» du Front national avec la présentation de Mark Fredriksen aux législatives en juin 1978, dans la seconde circonscription de la Seine-Saint-Denis, sous l’étiquette du parti de Jean-Marie Le Pen. François Duprat achevait un ouvrage sur le financement des partis politiques, Argent et politique. Sa mort demeure aujourd’hui inexpliquée, aucune piste n’ayant abouti.
Les obsèques de François Duprat sont célébrées selon le rite Saint-Pie V à Saint-Nicolas-du-Chardonnet par Monseigneur Ducaud-Bourget, chargé de l’office. Ce dernier résume la vie du défunt dans cette phrase éloquente: «François Duprat était un exemple de dévouement et de maintenance de tout ce qui est noble et beau.»38 Toute la presse d’extrême droite est au rendez-vous. Jean-Marie Le Pen et Alain Renault se révèlent extrêmement touchés par le décès de leur ami. Le dirigeant du Front national perd plus qu’un militant actif. Rivarol rend compte de l’émotion de Jean-Marie Le Pen. Citant Robert Brasillach, Jean-Marie Le Pen évoque la mort de son ami en ces termes:
«Ceux qui meurent peu après la trentaine ne sont pas des consolidateurs mais des fondateurs. Ces êtres disparaissent avant les autres, avant l’équilibre, avant leur propre réussite. Ils ne sont pas venus apporter au monde la paix mais l’épée.»39
Mort à trente-sept ans, François Duprat devient le «martyr de la droite nationale»40.
En avril 1978, la mort de François Duprat occupe une grande place dans Le National, journal officiel du Front national41. Un «hommage à François Duprat», article non signé, mérite l’attention. Ce ne sont plus des allusions mais des phrases dénuées de toute ambiguité qui parlent du «combat» de François Duprat et de ses incidences sur le Front national:
«Dans le MANIFESTE NATIONALISTE-REVOLUTIONNAIRE, tu avais bien montré la situation de domination, d’aliénation et de colonisation dans laquelle se trouve présentement notre Nation. […] Et puis enfin, pour mieux conditionner encore nos concitoyens, il y avait tous ces tabous hérités du second conflit mondial. En tant qu’historien soucieux de la vérité historique, tes patientes études t’avaient amené à remettre en question ces «mensonges nourriciers», à t’attaquer à tous ces tabous et préjugés grâce auxquels l’ennemi a réussi, depuis plus de trente ans, à imposer son exécrable domination. Tu faisais partie de ce qu’il est convenu d’appeler l’école historique «révisionniste» et, naturellement, tu te trouvais en relations avec d’autres historiens de même tendance, tel ce R. Harwood, dont tu diffusais en France l’une des brochures les plus explosives […]. Explosive, hélas oui […] puisque, en la diffusant, tu signais par là même ton arrêt de mort. […] Aujourd’hui où tout le monde a à la bouche le mot de «liberté», c’est par l’interdit (Bardèche), les procès (Rassinier), et enfin à coup de bombes (Duprat) que certains prétendent réfuter une thèse d’histoire […]. Ils devraient toutefois savoir, les assassins, et leurs complices, qu’on ne dissout pas, qu’on n’interdit pas, qu’on ne tue pas une Idée. Et que personne n’a jamais réussi à museler la Vérité. [. . .] Sache en tout cas que tu n’es pas mort pour rien, car nous reprenons le flambeau. Ton oeuvre sera poursuivie !»42
Depuis la mort de François Duprat, Jean-Marie Le Pen se rend, avec sa fidèle équipe, tous les 18 mars, sur la tombe de son ami, «le penseur puissant de la jeune droite révolutionnaire, journaliste de talent et de courage, militant infatigable et efficace»43. Quelques mois après sa mort, la veuve de François Duprat signifie, dans Le National 44, que son mari a toujours été fidèle au Front national et n’a jamais envisagé de réviser sa position à l’intérieur de ce parti. Au seuil des années quatre-vingt, les sentiments de Jean-Marie Le Pen à l’égard de son ami se font plus discrets. Bien que vénérée, l’image de François Duprat est occultée par le président du Front national. En décembre 1980, la veuve de François Duprat rappelle, dans le journal Militant, la place que son mari occupait au sein du Front national. Surtout, elle corrige avec fermeté certaines déclarations de Jean-Marie Le Pen tendant à affirmer que François Duprat avait dissous, sur l’ordre du président du Front national, les GNR dès 1977. Corrélativement, elle remarque très justement que le nom de son mari ne figure pas dans la liste «des victimes droitières du terrorisme évoquées par Jean-Marie Le Pen dans son discours de La Trinité»45. A cette époque, l’obsession de Jean-Marie Le Pen est déjà le gain d’un électorat de masse. Le Front national se doit d’adopter une façade respectable.
La mort de François Duprat a comme première conséquence la disparition des GNR. C’est à ce moment que le Front national entame une nouvelle évolution idéologique, indispensable pour l’évolution de son parti. Après le décès de François Duprat, la FANE et l’équipe de Militant quittent le Front national. L’émergence médiatique de la «Nouvelle Droite», l’arrivée au Front national de la fraction «Union solidariste» et le renouveau de l’intégrisme catholique sont alors les trois facteurs politiques qui entraînent le parti de Jean-Marie Le Pen à modifier ses thèmes de mobilisation et ses méthodes de recrutement46. Dans l’immédiat, les «solidaristes», essentiellement incarnés par Jean-Pierre Stirbois confèrent une nouvelle ligne au parti de Jean-Marie Le Pen. Cette mutation officielle n’empêche pas certains membres du Front national de continuer à soutenir les thèses de Robert Faurisson.
Lors de l’«affaire» Faurisson, on peut lire sous la plume d’Alain Renault, élu secrétaire général du Front national en avril 1978, dans le journal Militant:
«[…] Il est évident que le chiffre de six millions de Juifs exterminés n’est qu’une grossière affabulation. […] Après avoir fixé un chiffre par victirne, il convenait d’avoir un multiplicateur pour parvenir à un total. L’intérêt financier d’Israël passait par le plus grand multiplicateur possible et la position morale de la RFA ne lui permettait guère la discussion. […] Cette hystérie des sionistes et de leurs valets d’épée ou de plume lorsqu’on aborde «le problème» se justifie car il déborde largement la simple curiosité historique.»47
Pour les législatives de mars 1978, Militant s’engageait au côté du parti d’extrême droite en présentant la totalité des membres de son service de rédaction et de diffusion comme candidats du Front national48. Jusqu’à fin 1981, date de rupture de l’équipe de Militant et du Front national, les écrits de l’équipe de Militant ne doivent pas être dissociés de l’idéologie frontiste.
C’est lors de la polémique liée à la diffusion du feuilleton américain Holocauste, que certaines voix se font entendre. François Brigneau, éditorialiste à Minute, se réjouit du passage d’Holocauste à la télé. Dans une «lettre ouverte au président d’Antenne 2», il requiert l’organisation d’un débat équitable opposant les «révisionnistes» aux «tenants de la thèse officielle»:
«Pour la première fois en France depuis un tiers de siècle on va pouvoir, en pleine lumière, discuter de ce sujet terrible et tabou: la déportation et l’extermination de six millions de Juifs dans les camps de concentration allemands de 1939 à 1945. On va pouvoir examiner les faits et les chiffres, comparer les témoignages […], bref, obtenir les preuves de ce que fut la réalité, donc la vérité. C’est là une entreprise difficile, dangereuse même, considérable et d’un intérêt capital […]. C’est le jeune homme que j’étais, le jeune homme qui eut vingt ans en 1939, qui ne peut pas l’oublier et qui n’accepte pas qu’on lui refabrique son passé […]. M. Faurisson, après dix-huit années d’études […] prétend avoir acquis la conviction que les thèses établies à Nuremberg sur les chambres à gaz, la solution finale, etc., ne sont pas exactes […]. Il est bien évident, Monsieur le président, que vous ne pouvez pas tolérer que M. Jammot organise après «Holocauste» un de ces débats bidons, de ces débats arrangés comme on dit des matches de catch pour lesquels sa nature prudente nourrit une certaine dilection. Si l’on désire clouer le bec à M. Faurisson «et autres analogues» […], si l’on veut établir à tout jamais une vérité à laquelle tous les Français puissent croire, il importe qu’aux tenants des thèses officielles […] soient opposés, et en nombre égal […] les tenants des thèses différentes, considérées aujourd’hui comme sacrilèges […]. Il faut donc inviter aussi le professeur Faurisson et lui donner les moyens de se faire entendre. Il faut inviter également MM. Maurice Bardèche […], Arthur B. Butz, auteur de «La supercherie du siècle», Richard E. Harwood, historien, collaborateur d’Historical Review.»49
Emmanuel Allot, dit François Brigneau, occupe une place particulière au sein du Front national et de sa presse écrite. Cet ancien milicien, membre du premier bureau politique du Front national, fait partie de la première génération des «révisionnistes». Il intègre la défense des thèses de Robert Faurisson dans le schéma propre à l’après-guerre. Alors que ses anciens éditoriaux de Minute étaient favorables à Israël, François Brigneau fait passer, lors de l’«affaire» Faurisson, les thèses «révisionnistes» assorties d’un antisionisme virulent. Au fil du temps, ses convictions «révisionnistes» deviennent ostentatoires. Après avoir été évincé de Présent50, François Brigneau revient à l’écriture avec ses chroniques hebdomadaires à National Hebdo. Il y conseille comme lectures les Annales d’histoire révisionniste de Pierre Guillaume, la Revue d’histoire révisionniste d’Henri Roques ou encore Revision (qui venait de publier l’intégralité des Protocoles des Sages de Sion) d’Alain Guionnet. En 1989, il écrit une hagiographie de Robert Faurisson.
En 1979, Présent, mensuel depuis 1975, publie un article de son fondateur Bernard Antony, plus connu sous le nom de Romain Marie51. Avec cet article, le journal catholique intégriste se place directement du côté des «révisionnistes». Son discours comprend différentes articulations classiques du discours «révisionniste»:
La révision de l’histoire et la réhabilitation du régime de Vichy
«Xavier Vallat, le plus grand penseur catholique qui accepta un rôle plus qu’ingrat pour protéger de son mieux des milliers et des milliers de vies humaines. […] C’est pour essayer de préserver ce qui pouvait l’être de l’intérêt national, pour sauvegarder le maximum de vies humaines que Vichy dût en passer par bien des contraintes.»:
Le «révisionnisme» avec la banalisation du génocide juif et la diabolisation du communisme
«Ce que nous disons, c’est que finalement les conditions de vie des déportés de Buchenwald n’étaient certainement pas pires que celles que connaissent aujourd’hui les millions de déportés des goulags qui s’étendent du Rideau de fer aux rives de la mer de Chine.»:
Le «révisionnisme» par le sous-entendu
Romain Marie évoque les «six millions de mort du nazisme» sans préciser les six millions de morts juifs:«Ce que nous disons, donc, c’est que les six millions de morts du nazisme sont bien évidemment de trop mais que les cent cinquante et quelques millions du communisme représentent un chiffre plus de vingt-cinq fois supérieur et qui est hélas bien loin d’être définitif.»:
L’antisémitisme
L’évocation du «problème juif» incarné par la dénonciation de la finance juive internationale (les Rothschild) et le communisme (Karl Marx):«Incontestablement, il y a, il y a eu et il y aura, tant que le monde sera monde, un problème juif. Les Juifs sont au centre de l’histoire; il n’est pas original de constater cette évidence. Aucun peuple si petit numériquement, quelques millions d’individus à peine, ne joue le dixième ou le centième du rôle que joue le peuple juif dans le monde. D’une certaine manière, on pourrait même dire que, après plusieurs siècles d’absence, le monde moderne est caractérisé par une nouvelle intrusion du phénomène juif. Les Juifs sont au centre de nos débats contemporains: Marx et Rothschild sont un peu les deux faces de la même médaille.»:
La conversion/assimilation ou le rejet des Juifs de la communauté nationale
Bernard Antony n’est pas défavorable à l’existence de l’Etat d’Israël. Pour lui, le sionisme serait une solution favorable pour les Juifs de France.«Nous disons que les Juifs français doivent opter: s’ils peuvent, très légitimement, éprouver de la sympathie pour l’Etat d’Israël ils doivent enfin décider si leurs intérêts sont ceux de leur communauté internationale ou s’ils font vraiment partie intégrante de la communauté française.»:
Le «complot juif»
Romain Marie dénonce le lobby «politico-médiatique» et insiste sur l’omniprésence des Juifs et sur leur domination sur l’opinion publique française:«[…] Un autre aspect du problème juif, est la tendance qu’ont les Juifs à occuper tous les postes clés des nations occidentales. Comment ne pas observer qu’à notre télévision, par exemple, il y a plus de MM. Aron, Ben Syoun, Naoul El Kabbasch, Drucker, Grumbach, Zitrone, que de MM. Dupont ou Durand, et que si les Juifs ne représentent qu’une minorité dans ce pays, ils sont à la tête des journaux, de notre radio-télévision nationale, et, dans le monde des affaires, dans une proportion indiscutablement supérieure à celle des Auvergnats ou des Bretons.»52
Présent épouse une orientation négationniste au fil des années. L’arrivée de François Brigneau, au sein de l’équipe, en 1980, le confirme. En 1981, Jean Faure déclare, dans Présent, que l’existence des chambres à gaz est «un vague murmure qui parcourt les ondes depuis trente-cinq ans»53 Deux ans plus tard, François Brigneau exprime ses regrets quant à l’absence de Robert Faurisson à l’émission d’Alain Decaux consacrée au docteur Gerstein54. Présent fait partie, comme Minute ou Rivarol, de la presse «amie» du Front national. Le journal soutient la personnalité de Jean-Marie Le Pen, ce «leader responsable, réfléchi, dont l’éloquent lyrisme met en musique la sagesse d’une pensée équilibrée»55.
Jean-Marie Le Pen ne commente aucun de ces propos. Il choisit de ne pas évoquer publiquement ses opinions à propos de la révision de l’histoire. Par contre, lors de «L’Heure de vérité» du 13 février 1984, Jean-Marie Le Pen répond à quelques questions relatives à l’antisémitisme et à la présence au sein de son parti d’anciens SS. Lorsque Jean-Louis Servan-Schreiber requiert la réaction du président du Front national sur la phrase d’Alain Renault («Autre bombe, celle d’Anvers, plus exactement une grenade jetée discrètement par un Palestinien sur un groupe d’adolescents juifs, progéniture en balade des diamantaires d’Anvers»), Jean-Marie Le Pen déclare la condamner. Le dialogue s’instaure entre le journaliste et le président du Front national:
J.-L. S.-S.: «Alors pourquoi avez-vous accepté des gens comme cela autour de vous ?
J.-M. L.P.: Je ne sais à quelle occasion la personne dont vous parlez à fait cette déclaration.
J.-L. S.-S.: A propos d’un attentat qui a eu lieu.
J.-M. L.P.: Dans quel journal ?
J.-L. S.-S.: Je n’ai pas la citation exacte du journal mais je vous la retrouverai.
J.-M. L.P.: Je crois savoir qu’il s’agit d’un journal qui n’est pas un journal du Front national et je crois savoir que quand M. Renault a écrit cette phrase il n’était plus au Front national à l’époque où il a écrit cela et par conséquent je ne suis pas responsable avant ni après, ni même pendant qu’ils sont là.»56
Les propos d’Alain Renault sont extraits du journal Militant de septembre 1980, paru après l’attentat meurtrier d’Anvers, visant un groupe d’enfants juifs. Ils se poursuivent par ces mots:
«Remarquez tout d’abord qu’on peut s’étonner de l’existence d’une descendance chez cette intéressante communauté de modestes tailleurs de verroterie puisqu’on nous affirme qu’elle fut entièrement exterminée par les vilains SS du défunt Hitler. On ne saurait, c’est bien connu, discuter la véracité de l’Holocauste: il doit donc s’agir d’une génération spontanée.»:
Il est vrai que depuis mars 1980 (date de sa démission), Alain Renault n’est plus secrétaire général du Front national. Mais bien avant 1978, il était intégré au Front par la tendance des nationalistes-révolutionnaires qu’il incarnait avec François Duprat. Pendant l’«affaire» Faurisson, alors qu’il est secrétaire général du Front national, il tient plusieurs propos du même acabit57. Et, à cette date, l’équipe de Militant constitue encore une sensibilité du Front national.
Jean-Marie Le Pen poursuit et déclare que le cas Barbie ne l’intéresse pas plus qu’il n’intéresse tous les autres Français. Sur la présence d’un ancien SS — Pierre Bousquet, membre du premier bureau politique du Front national et son trésorier pendant neuf ans — dans son parti, Jean-Marie Le Pen répond:
«M. Bousquet a peut-être eu les responsabilités que vous dites, il a peut-être été un ancien SS mais moi je suis de ceux qui sont pour la réconciliation des Français…»58
Pierre Bousquet est loin d’être l’unique cas de ce genre au Front national. A cette époque, le Front national est en quête de respectabilité. Il essaie de rendre discrets les éléments compromettants. Parfois, Jean-Marie Le Pen décide de se séparer de l’un des hommes affectant l’image du Front national59. Quand le journaliste lui demande ce qu’il pense du cas Brigneau, condamné en 1979 pour incitation à la haine raciale — avec comme attendu: «a encouragé les lecteurs à penser que les Juifs sont incapables d’agir ou de participer à la politique du pays comme un citoyen normal et qu’ils sont les auteurs de machinations occultes60» —, Jean-Marie Le Pen ne désapprouve pas son ami.
2. Un terrible «détail»
Aux élections de juin 1984, Bernard Antony est élu membre de l’Assemblée européenne sur la liste FN. Ces élections européennes — lors desquelles le Front national obtient 11,2% des suffrages, soit dix députés — affirment l’ancrage du parti d’extrême droite au courant intégriste traditionaliste. Jean-Marie Le Pen n’exprime pas encore franchement ses doutes quant à l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Il n’a pas non plus condamné la révision-négation de l’histoire Faurissonienne. En octobre 1985, Jean-Marie Le Pen inaugure une nouvelle phase avec ces mots:
«Je dédie votre accueil à Jean-François Kahn, à Jean Daniel, à Yvan Levai, à Elkabach, à tous les menteurs de la presse de ce pays. Ces gens-là sont la honte de la profession.»:
Au printemps 1986, la presse officieuse du Front national se réjouit de l’«affaire» Roques61. Le soutien aux thèses négationnistes est sans réserve. Ces journaux n’ont officiellement aucun lien avec le Front national. Cette dissociation est avant tout tactique de la part de Jean-Marie Le Pen. Elle lui évite de compromettre son parti lorsque certains journalistes, membres du Front national, «dérapent». Depuis des années, Rivarol soutient les négationnistes et leur discours. Présent, quotidien depuis 1982, accrédite les thèses «révisionnistes», avec une certaine discrétion, sur la base d’un antijudaisme religieux et économique. En 1988, il est présenté comme une publication amie, au même titre que National Hebdo, par le Front national. Quant à National Hebdo, nombreux sont les membres du Front national qui sont ses collaborateurs. Les bulletins du parti frontiste recommandent la lecture de l’hebdomadaire qui rend compte des activités du Front national et donne la parole à ses dirigeants. Ces journaux occupent leur stand à la fête annuelle du Front.
Le coup d’envoi est lancé par Mathilde Cruz, alias François Brigneau, dans Présent. A cette époque, l’ancien milicien est directeur de la rédaction et de la publication du journal. Dans une longue litanie, Mathilde Cruz présente, non sans erreurs Henri Roques et sa thèse. Il défend les thèses négationnistes avec véhémence. Un encart présente «neuf livres révisionnistes pour vous faire une opinion»62. Les principaux livres négationnistes, accompagnés d’un commentaire, y figurent: Le Mythe d’Auschwitz de Wilhelm Stäglich, «un livre d’une importance capitale»63; Le Mensonge d’Ulysse de Paul Rassinier, «l’ouvrage de base par un ancien député socialiste de retour de Buchenwald»64; Droit et Histoire de Pierre Guillaume, un livre «nécessaire à qui veut comprendre l’ampleur de la bataille pour la vérité»65 et les incontournables livres de Robert Faurisson, tous édités à La Vieille Taupe. Mathilde Cruz présente chaque livre et fournit l’adresse pour se les procurer. Un mois plus tard, François Brigneau est écarté de la rédaction de Présent, pour cause de «révisionnisme» semble-t-il66. Pendant l’été 1986, Olivier Mathieu, chantre du «post-révisionnisme» et néo-nazi convaincu, signe quelques articles dans le journal de Jean Madiran sur le sujet de la télévision.
Comme Présent, Rivarol donne la boîte postale de La Vieille Taupe et encourage la diffusion des thèses négationnistes. Comme Présent, Rivarol se reconnaît dans le Front national. La même semaine, «l’hebdomadaire de l’opposition nationale et européenne» publie trois longues pages pour «la longue marche vers la vérité historique»67. Antisémitisme et négationnisme alimentent les colonnes de cet article qui se conclut par ces mots:
«Les lobbies juifs ne peuvent donc pas accepter que l’on remette en cause l’un des fondements de leur légitimité, les «chambres à gaz», clef de voûte sans laquelle les «six millions» seraient à leur tour contestés, puis la décision d’extermination, etc. Ils entraînent malheureusement la France dans une politique à courte vue de société multiculturelle, comme les protestants l’entraînèrent dans une politique d’anticléricalisme (Ferry, Combes…) en négligeant les questions sociales et internationales. Aujourd’hui les lobbies juifs, acharnés contre le Front national, ne voient pas que leurs coreligionnaires seront les premières victimes de la mainmise musulmane sur la société française, que LICRA et SOS Racisme encouragent à qui mieux mieux.»68
La thèse d’Henri Roques inaugure une nouvelle phase pour le parti de Jean-Marie Le Pen. Pour la première fois, les dirigeants du Front réagissent concrètement au négationnisme. C’est à l’occasion du discours d’Alain Devaquet que les certitudes du Front national commencent à poindre. A l’issu du discours indigné du ministre des Universités à propos de la thèse d’Henri Roques, seul le groupe des députés du Front national n’applaudit pas. Interrogés par Le Journal du Dimanche, les députés du Front national adoptent tous une «modération relative». Sans jamais exprimer franchement leur assentiment aux thèses négationnistes, ils choisissent l’ambiguité.
Christian Baeckeroot, député FN du Nord, décide de détourner la question en évoquant d’autres génocides, une attitude courante au sein du Front national:
«Ce qui m’intéresse aujourd’hui, c’est le génocide d’Afghanistan. Cela dit, tous les génocides sont condamnables. Il n’est pas question d’éclairer un génocide plus qu’un autre. Et depuis 1945, il y en a eu des génocides occultés par la grande presse! […]. Mais parler de ce problème et en l’occurrence de la thèse d’Henri Roques, c’est éviter de parler des problèmes économiques qui ont atteint le voyant rouge.»:
Bruno Gollnisch, ancien doyen de l’université Lyon III et député FN du Rhône:
«Il est certain qu’Hitler a voulu supprimer un grand nombre de Juifs. Mais cela n’a rien à voir avec la thèse de Roques. Et je tiens à ce propos à souligner que ma réponse n’est en aucun cas un désaveu par rapport au jugement des collègues qui ont présidé la thèse.»:
Pierre Sergent, député FN des Pyrénées-Orientales:
«Génocide? Cela veut bien dire destruction d’un peuple? Il y a eu tentative, certes, mais elle n’a pas abouti complètement.»69
C’est dans National Hebdo que Jean-Marie Le Pen donne son opinion sur la thèse d’Henri Roques et sur les idées qu’il défend. Voilà ce que prétend Jean-Marie Le Pen à propos de la thèse d’Henri Roques. Ces propos sont ses premières manifestations publiques au sujet des thèses niant les chambres à gaz:
«Cette affaire ne relève ni de l’administration ni de la justice, mais de la seule recherche historique […]. Tous les gens raisonnables admettent, je crois, la mort en masse de Juifs dans les camps nazis. Les historiens dits «révisionnistes» mettent, eux, en doute le moyen de cette extermination — les chambres à gaz — et son étendue — les six millions. N’étant pas spécialiste, j’ai entendu comme tout le monde le chiffre de six millions, mais je ne sais pas exactement comment il est établi. Pour prendre le cas d’un autre génocide — le génocide vendéen — j’observe que les estimations ont varié de 50 000 à 500 000 morts pendant deux cents ans, et qu’aujourd’hui seulement un système d’évaluation sérieux — d’ailleurs imparfait — situe le chiffre à 117 000. Tout cela est de la technique historique qui relève des spécialistes, et, en ce qui regarde le génocide juif, il ne me semble pas incompréhensible que les historiens des deux bords, en toute bonne foi, prennent du temps à établir leur chiffrage. Quant aux chambres à gaz, je m’en tiens aux historiens officiels, qui pensent aujourd’hui qu’elles n’ont fonctionné qu’en Pologne.»70
La rhétorique frontiste se met en place sur plusieurs points. Les propos lepénistes approuvent et légitiment le discours d’Henri Roques. Ils reprennent les thèmes chers aux négationnistes. En qualifiant d’historiens MM. Roques, Bardèche et Faurisson, Jean-Marie Le Pen accrédite l’idée d’un travail scientifique et labellise le négationnisme. Le révisionnisme dubitatif de Jean-Marie Le Pen et de ses acolytes introduit la thématique négationniste au sein du Front national. Rivarol est le plus ouvertement favorable aux thèses négationnistes. Dans un entretien qu’elle accorde à Présent, Camille-Marie Galic, directrice de Rivarol, rend compte de ses préoccupations et de la position de son journal par rapport au Front national. Auparavant Présent l’évoque de ces mots:
«Camille-Marie Galic porte sur le spectacle du monde politique l’un des regards les plus avertis, les plus lucides et les plus courageux qui soient. Toutes ces qualités se trouvent en outre servies par de remarquables dons de polémiste. Non par la violence des mots. Non par la hardiesse chirurgicale de ses analyses, qui incisent l’actualité au scalpel, disséquant avec une précision scientifique les tumeurs et les abcès profonds, nés de mensonges politiques, historiques ou idéologiques.»71
La directrice de Rivarol précise ses combats:
«Rivarol a soutenu le professeur Faurisson dès le début, lorsqu’il exerçait son révisionnisme non pas sur les chambres à gaz mais sur… Lautréamont […]. Cela dit, nous avons fait du révisionnisme bien avant Robert Faurisson ou Arthur Butz […]. Nous avons été les seuls, dès 1952, à publier Paul Rassinier. A l’époque il signait dans Rivarol sous le pseudonyme de Bermont. [. ..] Pendant très longtemps, j’ai été la seule journaliste présente aux conférences de Jean-Marie Le Pen. […] Cette parfaite continuité dans les grandes lignes de son discours me paraît le signe d’une inspiration profonde et du bien-fondé du combat qu’il mène. C’est ce que je m’efforce de faire comprendre à la frange de nos lecteurs restée — ou devenue — méfiante vis-à-vis du Front national. Tant que Jean-Marie Le Pen se battra pour ses idées, celles-ci coincidant avec les nôtres, nous le soutiendrons, surtout contre les chacals.»72
Quelques mois plus tard, Jean-Marie Le Pen confirme officiellement les liens négationnisme-extrême droite. D’un révisionnisme dubitatif, il passe à un négationnisme ostensible. L’épisode du «détail» doit être considéré comme le véritable tournant de la stratégie négationniste frontiste. A une négation latente succède une négation patente.
Le 13 septembre 1987, au jury RTL-Le Monde, le leader du Front national évoque les chambres à gaz comme «un point de détail de la Seconde Guerre mondiale», demande si «c’est la vérité révélée à laquelle tout le monde doit croire» et prétend qu’il «y a des historiens qui débattent de ces questions». Pour la seconde fois, Jean-Marie Le Pen qualifie les négationnistes d’historiens. Quand Olivier Mazerolles demande à Jean-Marie Le Pen s’il connaît les thèses de MM. Faurisson et Roques, Jean-Marie Le Pen répond par la négative. Pourtant, quelques mois avant, le président du Front national commentait l’«affaire» Roques dans National Hebdo. Le «détail» n’est pas un dérapage. Il parachève cette mise en place progressive du négationnisme au sein de l’électorat frontiste. La négation des chambres à gaz devient un élément à part entière de l’idéologie du Front national. Jean-Marie Le Pen ne dément jamais ses propos. Lors d’une conférence de presse, il tente de faire quelques mises au point qui s’avèrent peu concluantes.
Du «détail» découlent plusieurs incidences. D’une part, le gouvernement s’insurge contre cette remise en cause du génocide juif. La réprobation atteint l’opinion publique et même certains membres éminents du Front national tel Olivier d’Ormesson, premier d’une longue liste à quitter le parti à cause de ses tendances «révisionnistes»73. Cependant, pour la première fois, la «question» des chambres à gaz a été évoquée devant des millions de téléspectateurs. A l’automne 1987, l’opinion publique sait que le Front national remet en cause le déroulement du génocide juif. D’autre part, le soutien unanime de la presse d’extrême droite envers Jean-Marie Le Pen entérine véritablement la nouvelle place des thèses négationnistes au sein de l’appareil frontiste. François Brigneau, le nouveau venu à National Hebdo, se réjouit des propos de Jean-Marie Le Pen. Dans Présent, Jean Madiran s’étonne de cette «discrimination hystérique contre Jean-Marie Le Pen»74. Pour d’autres, Jean-Marie Le Pen aurait utilisé sciemment les thèses «révisionnistes» afin d’attirer les médias. Quelques jours après, le leader du Front national tient ses propos: «Je suis en train de me payer pour des milliards de publicité qui ne me coûtent pas un centime !»75
Dans cette cohorte frontiste, les commentaires de l’abbé Laguérie sont particulièrement significatifs. Le curé de Saint Nicolas-du-Chardonnet soutient Jean-Marie Le Pen par des propos antisémites et conforte les négateurs dans leur mission:
«Tout le flot de haine qui est dirigé contre Jean-Marie Le Pen est suscité, organisé par la grande banque juive qui tient la France en dictature depuis quarante-cinq ans. […] D’ailleurs les thèses des professeurs Roques et Faurisson sont parfaitement scientifiques.»75
Encore plus révélateur est le sondage BVA-Paris Match, au lendemain des déclarations de Jean-Marie Le Pen. Celui-ci obtient 13% des intentions de vote aux présidentielles, son meilleur résultat; une tendance affirmée par le journal Présent qui titre en première page: «La campagne contre Le Pen a échoué»77. Quinze jours après le «détail», le bureau politique du Front national ne constate aucune défection au parti78. Présent fait remarquer que la manifestation anti-Le Pen organisée la même semaine que la fête annuelle du Front national ne mobilisait que 2 000 personnes. Les «Bleu-Blanc-Rouge» en comptait dix fois plus. D’ailleurs, à la fête du Front national, était vendue une nouvelle revue: les Annales d’histoire révisionniste, créées au printemps 1987 par Pierre Guillaume. Quand on interroge Jean-Marie Le Pen sur le stand révisionniste des BBR, il répond toujours selon la même stratégie. Il s’insurge avec véhémence contre cette vente soi-disant illicite en se gardant de juger les travaux «révisionnistes»:
«“Nous avons été trompés, cette vente de livres révisionnistes s’est faite malgré nous […]. Chaque fois que nous avons pu les éliminer, chaque fois que les services d’ordre se sont rendu compte que des gens essayaient de profiter de ce grand rassemblement populaire pour vendre leur camelote, nous avons soit confisqué les livres ou les insignes, soit mis ces types à la porte. Ils viennent là par provocation, c’est évident… Je vous montrerai les lettres où leur demande de location a été refusée.” La colère de Le Pen s’amplifie lorsque nous lui indiquons qu’un des vendeurs des livres révisionnistes nous avait menacés de voie de fait, si nous en parlions. “N’entrons pas dans l’anecdotique vaseux. Elargissez.”»79
Les thèses négationnistes n’effraient pas l’électorat frontiste. Celui-ci se trouve à son apogée quelques mois après le scandale médiatique du «détail», scandale dont le dessein était, au moins, de souligner la teneur révisionniste du discours de Jean-Marie Le Pen. Le négationnisme correspond donc à une certaine attente de l’électorat du Front national. S’il n’est en aucun cas choqué par la profusion des thèses négationnistes, l’électorat frontiste paraît même préparé à les recevoir et, pourquoi pas, à les diffuser. Lors de ses universités d’été, le Front national inculque à ses militants les bases élémentaires de la rhétorique frontiste. Dans un texte de l’Institut de formation nationale, distribué aux cadres du parti afin de les inciter à créer leur propre vocabulaire, on peut lire: «Aucun mot n’est innocent […]. On peut même dire que les mots sont des armes, parce que derrière chaque mot se cache un arrière-plan idéologique et politique.»80 Le témoignage d’un adhérent du parti d’extrême droite confirme la tactique de Jean-Marie Le Pen:
«Le génie de Le Pen, m’a expliqué Jean-Pierre le jour où j’ai découvert sa carabine, c’est d’avoir choisi la voie des élections. En procédant calmement on fera mieux passer nos idées. Regarde: si tu tues un Arabe quand Le Pen il fait 0,5% t’as de suite le tollé, on te traite de raciste. Quand on est à 15%, les gens déjà ils crient moins. Alors, il faut continuer et tu verras, à 30% les gens ils ne crieront plus. C’est pour ça que pour l’instant faut faire attention à ce que tu dis. Si tu lâches en public «le problème c’est les youtres» ou «les Arabes, il faut les tuer», tu te rattrapes aussitôt en disant que Le Pen, justement, il est trop mou comme ça les gens ne peuvent pas faire l’amalgame avec le Front. Si tu veux apprendre à bien parler, je te conseille de suivre une université d’été du Front, parce que là on apprend à ne pas dire n’importe quoi.»81
L’importance du «détail» se révèle tangible. Jean-Marie Le Pen achève son travail de perversion de la mémoire. Le discours du Front national se radicalise. Dès lors, la presse d’extrême droite ne cesse de dénoncer le «mythe des six millions». La réceptivité des thèses négationnistes par l’électorat frontiste s’avère encourageante et incite Jean-Marie Le Pen à persister dans cette voie. Huit mois après cette «affaire», le leader du Front national obtient 14,6% des voix lors des élections présidentielles, record sans précédent pour l’extrême droite française. Jean-Marie Le Pen ne bénéficie pas seulement d’une embellie. Son discours de type national-populiste canalise parfaitement le sentiment de cette fin du XXe siècle. Le «triptyque», comme le nomme Pierre-André Taguieff, «immigration-insécurité-chômage» rend compte du programme du Front national. Le national-populisme du Front national demeure le vecteur le plus sûr des thèses négationnistes. Le 2 septembre 1988, lors de l’université d’été du Front national au Cap-d’Agde, Jean-Marie Le Pen lance ce «jeu de mots», qui participe directement de la logique négationniste, à l’encontre de Michel Durafour:
«M. Durafour et Dumoulin, obscur ministre de l’ouverture, dans laquelle il a d’ailleurs immédiatement disparu, a déclaré: "Nous devons nous allier aux élections municipales y compris avec le PC, car le PC perd des forces tandis que l’extrême droite ne cesse d’en gagner", M. Durafour-crématoire, merci de cet aveu.»82
Pour certains militants du Front, «Durafour-crématoire» est la preuve accablante du «révisionnisme» de Jean-Marie Le Pen, ce qui provoque leur départ83. La presse d’extrême droite continue d’apporter son soutien au parti nationaliste. L’affaire «Durafour» n’y occupe pas une grande place. Rivarol donne raison à Jean-Marie Le Pen. «La réponse du Front national» concernant ce «calembour» est retranscrite dans Présent:
«Le bureau politique du Front national attire l’attention des Français, sensibles à juste titre à l’horreur des fours crématoires dans l’univers concentrationnaire, sur le fait que de tels fours sont installés dans les hôpitaux français et qu’y sont brûlés chaque jour les corps de centaines d’enfants arrachés vivants du sein de leur mère en vertu des lois Veil et Roudy.»84
Comme pour son précédent «dérapage», Jean-Marie Le Pen est poursuivi en justice. Comme pour le «détail», il feint de ne pas comprendre l’acharnement médiatique corrélatif à ce jeu de mots. En une année, le leader du Front national se permet de «déraper» à plusieurs reprises — consciemment, semble-t-il — sur le génocide juif. La remise en cause des moyens de la politique d’extermination nazie et la banalisation du génocide juif s’intègrent parfaitement dans la rhétorique frontiste.
Certains dirigeants du Front national intègrent la négation des chambres à gaz homicides dans leur discours afin de bouleverser la mémoire collective de ces cinquante dernières années. La première étape de ce remodelage de la mémoire s’inscrit dans la réhabilitation des valeurs nationalistes:
«La France fut longtemps la première puissance en Europe, et l’une des principales du monde: elle ne l’est plus. Plus grave, elle subit désormais l’histoire des autres. Son abaissement accompagne celui d’une Europe divisée en deux depuis la Seconde Guerre mondiale, aboutissement logique de Yalta, comme de la signature des accords d’Helsinki.»85
Cette histoire, établie par les vainqueurs, se doit d’être révisée, reconstruite sur de nouvelles bases. Pour ce, il paraît nécessaire de remanier les manuels scolaires dont «l’enseignement facilite la manipulation des esprits»86. Le raisonnement lepéniste s’inscrit dans la dénonciation d’un passé trop lourd, d’un passé qu’il faut alléger en supprimant les épisodes les plus indigestes:
«Nous allons vivre pendant quelques années encore dans l’évocation du cinquantenaire de la Deuxième Guerre mondlale. Le poids du passé est trop lourd pour nos pays, dans nos civilisations. Nous marchons à reculons, en quelque sorte. En permanence, nous regardons ce qui s’est passé.»87
Le Front national se charge de modifier le passé, de l’adapter à ses conceptions. Le négationnisme est une des composantes nécessaires à une telle recontextualisation. Il parachève l’ultime étape du discours lepéniste qui s’inscrit dans la dénonciation d’«un pouvoir juif».
Fin 1989, l’issue des élections législatives partielles annonce des résultats encourageants pour le parti de Jean-Marie Le Pen. Marie-France Stirbois est élue à Dreux avec 61,30% des suffrages. Marie-Claude Roussel obtient, à Marseille, 47,18% des suffrages au second tour. Le discours national-populiste du Front national est le garant de son succès. Le programme du Front national, fondé essentiellement sur l’arrêt de l’immigration, ne doit pas occulter la nouvelle orientation prise par le parti dès l’été 1989:
«Ce vote à dominante xénophobe, centré sur le rejet de l’immigration, ne doit pas faire oublier ou négliger la surprenante relance, sur la place publique, d’une offensive antisémite depuis l’été 1989. La signification générale de cette offensive paraît claire: il s’agit d’une instrumentalisation des attaques antijuives dans le cadre d’une stratégie de contestation et d’illégitimation des élites politiques en place. L’antisémitisme est instrumentalisé par la contestation populiste de la classe politique, polémiquement amalgamée avec le système médiatique, comme en témoigne l’expression frontiste: «le lobby politico-médiatique».88
Les propos de Jean-Marie Le Pen sur «l’Internationale juive» ouvrent officiellement cette période. Interrogé par Jean Madiran, le président du Front national dénonce un «pouvoir juif». Ses réponses ont été «mûrement pesées»89 et longuement réfléchies. Les paroles de Jean-Marie Le Pen sont lourdes de sens. A la question:
«Vous avez plusieurs fois parlé de l’influence du «lobby mondialiste». Que peut-on savoir des personnes ou des groupes qui le constituent, et des buts qu’il poursuit?»:
Jean-Marie Le Pen répond:
«Ce n’est pas à des gens ayant votre formation politique que Je vais apprendre quelles sont les forces qui visent à établir une idéologie mondialiste, réductrice, égalisatrice. Je pense à l’utilisation qui est faite des droits de l’homme de façon tout à fait erronée et abusive, mensongère: il y a la Maçonnerie. Je crois que la Trilatérale joue un rôle. Les grandes internationales, comme l’internationale juive, jouent un rôle non négligeable dans la création de cet esprit antinational. Je dirais qu’il est presque naturel que des forces structurellement, fondamentalement internationales se heurtent aux intérêts nationaux. Mais il faut être prudent quand on dit que la Maçonnerie et l’internationale juive jouent un rôle. Cela n’implique pas tous les maçons ou obédiences, ni toutes les organisations juives ni tous les Juifs, c’est évident. Mais il y a des gens qui parlent au nom des autres et qui agissent de cette manière.»90
La dénonciation de «l’internationale juive» s’inscrit dans la réhabilitation d’un antisémitisme moderne. Les propos du directeur de National Hebdo et membre du bureau politique du Front national, Roland Gaucher, en novembre 1989 — dans un numéro hors série de son journal — s’intègrent dans un schéma semblable de dénonciation:
«Nous sommes à l’aube d’un formidable rapport de forces, d’un formidable combat à l’échelle planétaire entre l’Internationale juive et l’Internationale chrétienne, catholique d’abord. Selon l’issue de ce combat, qui est le grand affrontement religieux et politique de l’an 2000, selon l’issue de cette bataille, ou bien le christianisme réussira à se maintenir face à la fantastique force du monde juif. Ou bien, croyants et incroyants, nous vivrons sous la loi de la religion nouvelle: celle de la Shoah.»91
Le 30 mars 1990, Edwy Plenel révèle la constitution du conseil scientifique du Front national. Ce conseil vient chapeauter les multiples organisations du FN sous les directions de Bruno Mégret et de Jean-Yves Le Gallou. Il est chargé «d’éclairer son président Jean-Marie Le Pen et sa direction sur les problèmes économiques et sociaux»92. La divulgation de cette information provoque deux conséquences. Les médias se penchent sur le cas Notin, auteur d’un article dans une revue scientifique quelques mois avant et membre du conseil scientifique. l’«affaire» Notin débute. Corrélativement, les inquiétudes à propos de l’infiltration du corps enseignant, par l’extrême droite, s’accentuent. Suite à l’«affaire» Notin, les ramifications universités/Front national sont réellement mises à jour. Le sud de la France apparaît fortement dans ce décryptage.
Au printemps, le cimetière juif de Carpentras est profané. Quelques mois plus tard, le gouvernement décide de voter une loi tendant à réprimer toute forme de manifestation antisémite. Venue compléter le système législatif antérieur, la loi Gayssot vise avant tout les négationnistes. Seul le Front national se bat contre cette loi. Marie-France Stirbois, l’unique député du Front national, intervient publiquement pour dénoncer le «totalitarisme» de la loi Gayssot, une loi qui «est inquisitoriale, car elle vise à ériger en dogme officiel des vérités politiques et historiques […] en ce qui concerne la Seconde Guerre mondiale»93. Malgré la loi Gayssot, la presse militante continue de soutenir les négationnistes et leurs thèses. La loi Gayssot change seulement la manière. Les journaux d’extrême droite contournent la loi Gayssot en utilisant avec précaution les mots ou concepts qu’ils jugent condamnables. Par l’intermédiaire de Jean Madiran, Présent nous offre un véritable mode d’emploi et atteste sa nouvelle orientation stylistique:
«L’emploi du mot “juif” dans un contexte qui omettrait d’être ostensiblement élogieux provoque le soupçon d"’antisémitisme", et c’est, par le temps qui court, un soupçon qui tue (moralement). L’accusation arbitraire d’antisémitisme est chaque jour davantage la grande imposture de la fin du XXe siècle: d’arme psychologique qui ne pardonne pas, elle devient une arme judiciaire qui pardonne encore moins. L’ antisémitisme n’est pas une opinion, c’est un “crime” a décrété […] le président Fabius. […] Nous avons décidé une seconde mesure préventive, analogue à la précédente. Dans nos titres et nos articles, le mot “juif” sera désormais remplacé par le mot “tabou”.»94
En septembre 1990, Le Choc du Mois publie un entretien avec Robert Faurisson, dans lequel sont tenus des propos négationnistes, ce qui entraîne la première condamnation au titre de la nouvelle loi. Dans les années quatre-vingt-dix, le Front national accepte indéniablement le discours de Robert Faurisson. Ce qui n’existe plus, c’est une attitude de rejet face au discours négationniste. Un mois avant le vote de la loi Gayssot, un journaliste du Choc du Mois s’entretient avec Bruno Mégret. Ce journaliste tient des propos révélateurs, auprès du numéro deux du parti, lorsqu’il lui fait remarquer que «le FN donne aujourd’hui l’impression d’intégrer dans son combat la défense des travaux contestés des historiens révisionnistes…». Sans se prononcer sur la validité de ces thèses, Bruno Mégret précise:
«Le révisionnisme historique n’est pas notre problème, et nous n’avons jamais pris position dans ce débat qui concerne l’histoire et non la politique. Cependant, interdire à certains de douter d’une vérité “officielle”, et les pourchasser sans autre forme de procès revient à établir en France un délit d’opinion aboli depuis plus d’un siècle ainsi qu’à remettre en cause la liberté d’expression.»95
En novembre 1991, Bruno Mégret présente ses «Cinquante propositions». L’une d’elles réclame l’abrogation des lois Pleven et Gayssot. Une autre requiert la «mise en valeur des grandes heures de notre histoire»96 et par la même, la modification des contenus des manuels scolaires. A l’occasion de ses vingt ans, le Front réitère ses demandes. Les «16 axes d’action pour réussir la grande alternance» sont davantage ciblés puisqu’ils sont inclus dans le programme gouvernemental du Front national. Les clauses proposées concernent directement les négationnistes. Elles rétablissent la «défense des libertés fondamentales d’enseignement, de recherche, d’entreprise, de travail et d’information» et assurent la «garantie de la liberté d’expression par l’abrogation des lois liberticides»97. La loi Pleven de 1972 entend avant tout prohiber l’incitation à la haine raciale et ses dérivés. Le but de la loi Gayssot s’inscrit directement dans la mise en délit du discours niant les chambres à gaz homicides. La condamnation frontiste unanime des deux lois, plus particulièrement de la loi Gayssot, doit être perçue comme une allusion très nette au négationnisme. Bruno Mégret prétend que «ce qui s’écroulera alors, après ce nettoyage salvateur, ce sont toutes les idées, tous les tabous, tous les mythes résultant de l’après-guerre»98 Le Front national demeure l’unique parti du paysage politique français à prendre en compte les négateurs dans son programme.
C’est avant tout en tant qu’époux d’une conseillère municipale à Colombes, élue sur la liste de Jean-Yves Le Gallou, qu’Henri Roques participe aux universités d’été du Front national. Officiellement, il est proche du parti de Jean-Marie Le Pen mais n’est pas adhérent. Lors de l’université d’été du Front national de 1992, l’auteur de la thèse de Nantes se réjouit de la progression du révisionnisme au sein du Front national et Bernard Antony, membre du Bureau politique du Front national et organisateur de l’université d’été, rend «hommage aux historiens non conformistes»99. Interrogé par l’Agence-France-Presse, Jean-Yves Le Gallou, membre du bureau politique et président du groupe Front national au conseil régional d’Ile-de-France, déclare que «M. Roques est quelqu’un de très sympathique. Il accompagne sa femme. De toute manière, on ne va pas faire d’ostracisme à l’égard de ceux qui ont une vision de l’histoire différente de celle dispensée par la pensée officielle».100
L’«affaire» Garaudy-abbé Pierre représente une aubaine pour l’extrême droite française. Lors du défilé du Front national, le 1er mai 1996, des manifestants crient: «A Paris comme à Gaza, Intifada partout. L’abbé Pierre avec nous…» On lisait sur des affiches, collées sur les boulevards du périphérique parisien: «Et si l’abbé Pierre avait raison?» signées «Union et défense de la liberté d’expression». Les Mythes fondateurs de la politique israélienne se vendent très bien à l’Aencre, la librairie néo-nazie de Paris. Les commentaires de la presse d’extrême droite approuvent Roger Garaudy. Dans National Hebdo, Martin Peltier trouve que «Pierre Guillaume au lieu d’éditer le texte de Garaudy en bouquin, a eu l’idée astucieuse d’en faire un numéro hors commerce de sa revue, ce qui rend les poursuites judiciaires plus difficiles»101 mais, rajoute-t-il, «on ne trouve rien dans Les Mythes fondateurs de la politique israélienne qu’on ne trouve exposé ailleurs (Faurisson, Stäglich, Gripari, etc.) avec plus de talent et de précision»102. Dans sa chronique, François Brigneau considère comme anormal le peu de lignes consacrées à Robert Faurisson, un homme qui travaille depuis plus de trente ans sur le sujet:
«Je ne reviendrai pas sur le fond du livre. M. Garaudy n’est pas de notre paroisse. Certains aspects de son ouvrage sont déplaisants. Je pense à l’exploitation qui est faite des découvertes du professeur Faurisson […], de ses travaux d’investigation, et de l’ensemble de son oeuvre qu’il a payée si cher, alors que Garaudy ne lui consacre que trois lignes en passant… C’est assez pénible. Cela dit Les Mythes de la politique israélienne devraient figurer dans toutes les bibliothèques politiques et historiques des esprits libres et curieux. […] En retenant l’attention, ce samizdat de Roger Garaudy pourrait améliorer notre condition. En tout cas, empêcher qu’elle ne s’aggrave. D’autant qu’une troisième édition est annoncée. Elle serait préfacée par un rabbin américain. Après l’abbé Pierre, un rabbin! Si la rumeur se confirme ça va bouillir.»103
La rhétorique de Jean-Marie Le Pen demeure identique depuis quelques années. En 1992, des journalistes lui demandent s’il est partisan des thèses négationnistes. Jean-Marie Le Pen invoque la loi Gayssot et explique qu’il ne peut répondre à cette question étant donné la législation française qui intervient «dès que l’on exprime une opinion sur ce sujet». Il conclut: «Mais en principe, je suis partisan de la liberté d’expression.»104 Au printemps 1996, des journalistes veulent savoir ce que Jean-Marie Le Pen pense du dernier livre de Roger Garaudy. Le président du Front national refuse de répondre. Son argumentation est encore une fois: le sujet dont traite Roger Garaudy est «tabou» ou «interdit»105. Une loi empêche d’en parler librement. En cette fin de siècle, le négationnisme apparaît comme le ciment de tout un édifice idéologique. Le Front national ne fait pas que s’accomoder de la négation des chambres à gaz. Il s’en nourrit.
Notes.
1. En ce qui concerne les deux termes, cf. la note d’Alain Bihr, infra.
2. Maurice Bardèche, Nuremberg ou la Terre promise, Paris, Les Sept Couleurs, 1948, pp. 9-10-23.
3. Ibidem, pp. 17, 18, 19. Sur Maurice Bardèche. Cf. Ghislaine Desbuissons, «Maurice Bardèche: un précurseur du “révisionnisme”», Relations internationales, printemps 1991, pp. 23-37. Pierre Milza, «Le négationnisme en France», Relations internationales, ibidem, pp. 9-13.
4. Ibid.,p. 112.
5. Ibid., p. 128.
6. Ibid., pp. 130-197.
7. Ibid., pp. 24-25-26.
8. Ibid, pp. 133, 193, 194, 195
9. A ce sujet, Maurice Bardèche écrit: «Il s’agit de l’entreprise de camouflage et d’aménagement poursuivie par les vainqueurs à l’intention de certain tourisme publicitaire. Pour impressionner les imaginations, on a transformé un certain nombre de camps en musées. On conserve ainsi, au moyen de mannequins de cire, de chambres à gaz reconstituées, de scènes de tortures composées comme au musée Grévin, le souvenir des horreurs décrites par la propagande. […] On a construit à Auschwitz et à Dachau, par exemple, des fours crématoires supplémentaires […]. C’est ainsi qu’on écrira l’histoire: on voit même par là qu’on peut la fabriquer.» Nuremberg ou la Terre promise, op. cit., pp. 145-146.
10. François Duprat, Les Mouvements d’extrême droite en France depuis 1944, Paris, Albatros, 1972, p. 35.
11. Ibidem.
12. Paul Rassinier est le premier révisionniste convaincu qui s’associe avec Maurice Bardèche et écrit quelques articles dans le mensuel. Après sa mort, l’équipe de Maurice Bardèche s’unit pour défendre sa mémoire et perpétuer ses oeuvres et ses idées.
13. François Duprat, «Le mystère des chambres à gaz», Défense de l’Occident, juin 1967, pp. 30-33.
14. Les derniers articles du n°64 de Défense de l’Occident sont signés Pierre Fontaine et Paul Rassinier. Le premier voit dans la création de l’Etat hébreu un véritable subterfuge en vue de la maîtrise du pétrole arabe. «Le Moyen-Orient à l’heure du pétrole» se veut préventif. Il réitère ses inquiétudes à l’égard d’Israël qui, par ses provocations permanentes, risque de provoquer un Troisième conflit mondial. L’ultime article de Paul Rassinier, «Une Troisième Guerre mondiale pour le pétrole ?», publié dans Le Soleil de Pierre Sidos, suit la même Idée.
15. Cf infra.
16. François Duprat, «Israël», Défense de l’Occident, numéro spécial «L’agression israélienne», juillet 1967, pp. 22, 23, 24, 25.
17. François Duprat, «Les violations des accords d’armistice par Israël», Défense de l’Occident, numéro spécial «L’agression israélienne», ibid., p. 28.
18. François Duprat, Les Mouvements d’extrême droite…, op. cit., p. 216. La FANE ou Henry Coston parleront de journal «vendu aux sionistes «.
19. François Duprat, Les Mouvements d’extrême droite…, op. cit., p. 215.
20. Etienne Lardenoy, «Quand les pays démocratiques refusaient d’accueillir les Juifs qui voulaient échapper à Hitler», Rivarol, 12 août 1965, p. 10.
21. Henri Lebre, «Israël face aux Arabes», Rivarol, 24 novembre 1965 , p. 10.
22. Ces arguments sont, en partie, exprimés dans cette lettre adressée à Rivarol: « Si je fais une différence entre les Juifs et Israël, si je fais une différence entre le peuple arabe et ses chefs, je vois qu’en 1967, par son courage, un peuple est parvenu à faire un jardin d’une contrée désertique, alors que les voisins n’ont résolu aucun de leurs problèmes. Je vois aussi que, derrière cela, c’est du communisme qu’il s’agit. Alors devant choisir, j’ai choisi ISRAEL.» M. P. (Nord), «J’ai choisi Israël», «Nos lecteurs nous écrivent», Rivarol, 6 juillet 1967, p. 2.
23. Mme A. V (Val-d’Oise), «Le droit d’exister devrait appartenir à tous», Rivarol, ibidem. Bien plus marginale est la position accusant Rivarol de soutenir les Juifs Franchement antisémites, les propos de cette lectrice montrent à quel point l’attitude du journal d’extrême droite peut être perçue différemment. Toujours en total accord avec l’argument principal, les lecteurs et lectrices de Rivarol se montrent amers quant à la nouvelle victoire israélienne, interprétée comme une preuve supplémentaire de la puissance et de l’infiltration mondiale juives: «Un seul mot suffit pour caractériser d’après moi, votre attitude: elle est bête. Lire l’éloge des youpins dans Rivarol relève de la pire sottise […]. […] Vous avez peut-être raison quant au fond. Une victoire des Arabes serait une nouvelle victoire du communisme […]; juridiquement, l’Etat juif brûlot de guerre installé par la puissance juive, devrait disparaître: pratiquement, ils ont mis la terre en valeur; qu’on cherche donc une attitude de conciliation […]. Je ne pense tout de même pas que vous soyez vendus à Rothschild, mais j’avoue m’être parfois posé la question… «. F. M., «Votre attitude est bête», «Nos lecteurs nous écrivent», Rivarol, 13 juillet 1967, p. 4.
24. Christian Delacampagne, «Histoire de l’antisémitisme en France (1945-1993)» dans Léon Poliakov (sous la direction de), Histoire de l’antisémitisme, 1945-1993, Paris, Le Seuil, 1994, pp. 135-136.
25. Pierre-André Taguieff, «Sur “l’antisémitisme”: pour une nécessaire rupture», Lignes, mai 1993, p. 117.
26. Europe-Action (1963-1967) use des thèses révisionnistes pour parfaire son idéologie néo-nazie et antisémite. Cf Joseph Algazy, La Tentation néo-fasciste en France. 1944-1965, Paris, Fayard, 1984, p. 264. Pierre Milza, Fascisme français. Passé et Présent, Paris, Champs-Flammarion, 1991, pp. 328-330. René Monzat et Jean-Yves Camus, Les Droites nationales et radicales en France, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1992, pp. 45-46. Le mouvement Occident (1964-1968) apparaît sur la scène politique au printemps 1964, après la rupture entre Dominique Venner et Pierre Sidos au sein d’Europe-Action. Début 1966, Pierre Sidos fonde Le Soleil et prend ses distances vis-à-vis du groupuscule. On trouve alors à Occident François Duprat, Alain Madelin, Alain Robert et Gérard Longuet. Deux mots d’ordre fondent leur combat: l’anticommunisme et l’antigauchisme. Dès ses origines, Occident est connu pour sa violence. Son journal, Occident-Université, développe les thèses révisionnistes dès ses premiers numéros en exposant cette idée: en exploitant les six millions de morts, le régime démocratique entend avant tout mettre un terme définitif au nazisme et à toutes ses réminiscences contemporaines: «Ce sont les fausses vérités qui font la force des démocraties. Il fallait tuer à tout jamais, dans l’esprit des hommes, le nationalisme ou les doctrines s’en rapprochant; pour cela, tous les moyens sont bons: bourrage de crânes, truquage de la vérité, […] propagande bien orchestrée […] l’imposture et l’hypocrisie de nous «mettre sur le dos» Auschwitz, Dachau, Buchenwald et d’inventer la fable de six millions de morts.» «La conscience universelle», Occident-Université, n° 3, non daté.
27. René Monzat et Jean-Yves Camus, Les Droites nationales et radicales en France, op. cit., p. 80.
28. Il y tient la rubrique «Nouvelles du front» et signe sous les pseudonymes de François Cazenave ou François Solchaga.
29. Année aussi où il dirige en Afrique les services de propagande de Moise Tschombé, à Radio-Congo. Cf. Rivarol, «Notre camarade de combat François Duprat», 23 mars 1978, p. 2.
30. Cf. supra.
31. Joseph Algazy, L’Extrême Droite en France, Paris, L’Harmattan, 1989, pp. 163-163.
32. Page de couverture des Cahiers européens de juin 1974, Jean-Yves Camus, «Origine et formation du Front national», dans Nonna Mayer et Pascal Perrineau (sous la direction de) Le Front national à découvert, Paris, PFNSP, 1989, p. 25.
33. François Duprat, «L’opposition nationale en France de 1973 à 1975», supplément n° 8 à la Revue d ’histoire du fascisme, 1975, p. 23.
34. Les Cahiers européens-Notre Europe, 12 octobre 1976.
35. Ibidem.
36. Ibidem.
37. Dans Histoire des SS (Paris, Les Sept couleurs, 1968, p. 142), François Duprat écrit: «Submergés par l’afflux des déportés, les SS se sont montrés incapables de leur assurer un minimum vital, ce qui a entraîné de très nombreux décès. Mais le problème des chambres à gaz reste toujours entier; le fameux gaz Zyklon B servait bien, le fait est aujourd’hui démontré, à la désinfection des habits des détenus. Son achat par les SS n’est donc pas une preuve d’une volonté d’extermination par le gaz. La seule vraie Solution Finale a été effectuée par les populations locales, beaucoup plus que par les Allemands.»
38. «Les obsèques de François Duprat», Rivarol, 30 mars 1978, p. 3.
39. Ibidem, p. 4.
40. Le National, septembre 1978.
41. La rédaction du National est essentiellement due à l’union des équipes de Militant et de François Duprat.
42. Article non signé, «Hommage à François Duprat», Le National, avril 1978, p. 10-1 1.
43. Jean-Marie Le Pen, «Les feux croisés de la haine», Le National, avril 1978, p. 1 . En 1986, Jean-Marie Le Pen se rend sur la tombe de François Duprat, accompagné de la délégation parlementaire du FN: «Il sait qu’il n’est pas tombé pour rien. Le combat pour lequel il a donné sa vie se poursuit pour la grandeur et l’indépendance de notre pays, la survie et le bonheur de notre peuple.» Propos rapportés par Philippe Chanterre, «1978-1988: François Duprat n’est pas tombé pour rien», Ecrits de Paris, mars 1988, p. 27. En 1990, l’association des Amis de François Duprat organise une réunion sur la tombe du nationaliste-révolutionnaire. Y participent, entres autres, le Parti nationaliste français, l’association Pétain-Verdun, Espace nouveau. Maurice Bardèche et Henry Coston assistent à la cérémonie. Cf. Jean-Yves Camus et René Monzat, Les Droites nationales et radicales en France, op. cit., p. 394.
44. Mme Duprat, «Le sens d’un combat», Le National, septembre 1978, p. 5.
45. Mme Duprat, « La mémoire courte», Militant, décembre 1980, p. 12.
46. Cf. Jean-Yves Camus, «Origine et formation du Front national», art. cit., pp. 17-36.
47. Alain Renault, « Vérité et mensonge», Militant, nov.-dec. 1978, pp. 3-4.
48. Militant, «Le combat du Front national continue», avril-mars 1978, p. 14.
49. François Brigneau, «Je suis pour “Holocauste” aux “Dossiers de l’écran”», Minute, 6 décembre 1978, pp. 12-13.
50. Cf. infra.
51. En ce qui concerne la sensibilité catholique-traditionaliste, incarnée par Bernard Antony, et son évolution au sein du FN, cf Jean-Yves Camus, «Intégrisme catholique et extrême droite en France. Le parti de la contre-révolution 1945-1988», Lignes, octobre 1988, n° 4, pp. 76-89.
52. «Justice pour 156 millions de morts». Entretien avec Romain Marie, Présent, février 1979, p. 2-3.
53. Jean Faure, Présent, mars 1981, p. 12.
54. Mathilde Cruz (pseudonyme de François Brigneau), Présent, 24 mars 1983, p. 4.
55. Présent, 16 mars 1984.
56. Propos retranscrits dans Jean-Marie Le Pen, Les Français d’abord, Paris, Editions Carrère-Lafon, 1984, p. 231.
57. Cf. supra.
58. Jean-Marie Le Pen, Les Français d ’abord, op. cit., p. 231.
59. C’est à cette époque qu’il prend ses distances avec Léon Gaultier, ancien Waffen-SS, avec qui il crée la SERP en 1962. Ce dernier voit dans la manoeuvre de Jean-Marie Le Pen une certaine «habilité»: «Il m’a fait comprendre que ma présence n’était plus ardemment souhaitée, c’est tout. On n’a jamais eu d’explication et on n’en aura jamais. […] Il a bien de la chance d’avoir si bien réussi, avec nos idées en grande partie, et après avoir tiré de nous toute une série d’aides et d’avantages matériels et pratiques […]. Tel que je le connais, il se peut que ce soit une manoeuvre habile. On accède au pouvoir en étant confit en dévotion, et le jour où on y est, on devient un tout autre personnage.» «Léon Gaultier, le bagnard et la manière», Les Dossiers du Canard, «Le Pen, le vrai», octobre 1992, pp. 34-35.
60. Les Français d ’abord, op. cit., 1984, p. 232.
61. En juin 1985, Henri Roques soutient, à l’université de Nantes, une thèse sur «Les Confessions de Kurt Gerstein, étude comparative des différentes versions». Elle se conclut sur ces mots: «Les textes de Gerstein ont généralement été lus avec précipitation, sans mettre en doute leur véracité “pour l’essentiel”. Paul Rassinier fut le premier à réclamer une particulière vigilance à tout moment de leur lecture. C’est en nous inspirant de l’exemple de Paul Rassinier que nous nous sommes permis d’aller au-delà du simple établissement des textes, en nous interrogeant sur leur authenticité et sur leur véracité. […] Les «confessions» de Gerstein ont fourni un support à la naissance de croyances diverses; nous estimons, pour notre part, que ce support n’était pas digne de confiance. Il faut maintenant relire les "confessions" de l’officier SS sans oublier un seul instant ce que Raymond Aron appelait "l’esprit fécond du doute".» Des mois plus tard, les médias révèlent le contenu de la thèse, le passé d’Henri Roques, etc., ce qui entraîne, en juillet 1986, l’annulation de la thèse pour «irrégularités administratives».
62. Mathilde Cruz, «L’affaire de la thèse universitaire “scandaleuse” d’Henri Roques — Lanzmann péremptoire: “Face de rat!” «, Présent, 26-27 mai 1986, p. 4.
63. Ibidem.
64. Ibidem.
65. Ibidem.
66. Le Monde du 5 mai 1990 date l’éviction de François Brigneau de 1985. C’est en juin 1986 qu’un petit encart annonce de ces mots la mise à l’écart de l’ancien milicien: «Pour des raisons de convenances personnelles et de santé, François Bngneau s’est mis, à partir du 1er juin 1986, en congé de toutes ses fonctions à Présent et il prend un mois de repos» (Présent, 2-3 juin 1986, p. 1). Par contre, Le Monde donne pour explication que Jean Madiran désapprouvait l’athéisme de Robert Faurisson .
67. Rivarol, 30 mai 1986, p. 1, 6, 7.
68. Ibid, p. 7.
69. «Les hommes de Le Pen et la thèse scandaleuse», Le Journal du Dimanche, paroles retranscrites dans Rivarol, 30 mai 1996, p. 6.
70. Jean-Marie Le Pen, National Hebdo, 11 juin 1986, p. 6.
71. Présent, 4-5 mai 1987, p. 4.
72. Propos recueillis par Jean Madiran, Pierre Durand, Alain Sanders, Jean Cochet, Présent, 6 mai 1987, p. 4.
73. Dans un entretien qu’il accorde au Monde quelques années plus tard, Olivier d’Ormesson confirme que le «détail» n’est en rien une bavure. Cet ancien résistant affirme que Jean-Marie Le Pen est révisionniste et confirme l’interdépendance des thèses négationnistes et du raisonnement frontiste: «[…] C’est cela le fond du problème: peut-on refaire une histoire où l’on mette Staline d’un côté et Hitler de l’autre, en disant: Et bien! Hitler, c’était tout de même mieux? C’est cela le problème de Jean-Marie Le Pen et c’est cela le problème de son entourage. […] Mon sentiment est que M. Le Pen a une attirance pour la manière dont Hitler a subjugué les foules pour arriver au pouvoir Ses meetings, d’ailleurs, sont toujours très orientés vers le culte du chef. Leur mise en scène est très proche des meetings nationaux-socialistes […]. Il existe dans l’entourage de Jean-Marie Le Pen une véritable école nazie et […] c’est pour cela que le Front national est dangereux…» Propos recueillis par Daniel Carton, «Un entretien avec M. Olivier d’Ormesson», Le Monde, 7 février 1992, p. 8.
74. Présent, 16 septembre 1987, p. 2.
75. Richard Bellet, «Ce que disent ceux qui l’ont quitté «, L’Evénement du Jeudi, 18 au 25 mars 1992, p. 47.
76. 16 septembre 1987, La Cinq.
77. Présent, 28-29 septembre 1987, p. 1 .
78. Dans un entretien qu’il a accordé récemment, Jean-Marie Le Pen prétend que suite à ses déclarations, l’électorat frontiste a doublé: «Avant l’affaire du “détail”, il y avait 2,2 millions d’électeurs F.N. Après: 4,4 millions.» Un entretien exclusif avec le leader du Front national, «Le Pen face à lui-même», La Une, novembre 1996, n° 1, p. 9.
79. Pierre Jouve et Ali Magoudi, Les Dits et les non-dits de Jean-Marie Le Pen, Paris, La Découverte, 1988, p. 152.
80. Reproduit dans Serge Moati et Jean-Claude Raspiengeas, La Haine antisémite, Paris, Flammarion, 1991, p. 193.
81. Anne Tristan, Au front, Paris, Gallimard, 1987, pp. 251 -252.
82. Propos rapportés par Alain Rollat et Edwy Plenel, La République menacée, dix ans d’effet Le Pen, Paris, Le Monde éditions, 1992, pp. 62-63.
83. Comme d’autres, François Bachelot décide de partir du Front national après ce second dérapage. Député du Front national pendant deux ans, chargé avec Bruno Mégret de la direction de la campagne présidentielle de Jean-Marie Le Pen en 1988, le docteur Bachelot relate sa convocation devant un conseil de discipline pour son exclusion: «[…] Jean-Marie Le Pen m’a rappelé que le Front national était là pour prendre une revanche contre l’anti-France, les Juifs et les francs-maçons. Je ne comprenais plus rien, moi qui, avec mon collègue Pierre Descaves, avait discrètement été chargé en juin 1987 d’une mission de confiance auprès de la Knesset, pour préparer une visite de Le Pen à Jérusalem. Comme pour Jeanne d’Arc, je me suis aperçu que cela faisait aussi partie d’une stratégie électorale bien élaborée. En réalité, Le Pen et ses amis veulent faire payer aux Juifs leur mise à l’écart de la scène politique française depuis 1945.» Daniel Carton, «La mémoire des repentis», Le Monde, art. cit., p. 8.
84. «Les fours crématoires fonctionnent en France, aujourd’hui». Présent, 8 septembre 1988, p. 1. La réponse du bureau politique du Front national témoigne d’une certaine évolution rhétorique. A cette époque, le joumal Présent soutient déjà le docteur Xavier Dor à la tête d’un commando anti-avortement. Les termes propres aux camps nazis de la Seconde Guerre mondiale vont être de plus en plus attribués au thème de l’avortement considéré comme un véritable «génocide». Ceci témoigne d’une volonté délibérée de banalisation ou de négation du génocide juif Sur ce sujet, cf. le livre de Fiammetta Venner, L’Opposition à l’avortement. Du lobby au commando. Paris, Berg International Editeurs, 1995, 197 p.
85. Jean-Marie Le Pen, Pour la France, Paris, Albatros, 1985, p. 187
86. Ibidem, p. 142.
87. «Jean-Marie Le Pen répond à nos six questions politiques», Présent, 11 août 1989, p. 4
88. Pierre-André Taguieff, «Mobilisation national-populiste en France: vote xénophobe et nouvel antisémitisme politique», Lignes, mars 1990, p. 91.
89. «Jean-Marie Le Pen répond à nos six questions politiques», propos recueillis par Bernard Fontanges, Présent, 11 août 1989, p. 3.
90. Ibidem, p. 4.
91. Propos retranscrits dans Alain Rollat et Edwy Plenel, La République menacée. Dix-ans d’effet Le Pen, Paris, Le Monde éditions, 1992, p. 51.
92. Note de la délégation générale du Front national rapportée par Edwy Plenel, «La force intellectuelle du Conseil scientifique», Le Monde, 30 mars 1990.
93. Marie-France Stirbois, «Un seul racisme: le racisme antifrançais», Ecrits de Paris, juillet-août 1990, p. 11.
94. Jean Madiran, « Nous dirons “tabou” et “censure” «, Présent, 28 juillet 1990, p. 1.
95. Propos recueillis par Robert Guérin auprès de Bruno Mégret: «Le Front national n’est pas prêt à perdre son âme», Le Choc du Mois, juin 1990, p. 26.
96. «Les “Cinquante propositions” de Bruno Mégret», Présent, 22 novembre 1991, p. 7.
97. Bulletin du Front national, «1972-1992, le Front national a 20 ans — Le Front national c’est vous!», 1992, p. 11.
98. Bruno Mégret, Présent, 2 juin 1990 dans L’Evénement du Jeudi, op cit., p. 4.
99. Propos d’Henri Roques dans une dépêche de l’Agence-France-Presse, 27 août 1992.
100. Propos de Jean-Yves Le Gallou, ibidem.
101. Martin Peltier, «Editorial «, National Hebdo, 25 avril 1996, p. 2.
102. Martin Peltier, édito, «L’Eglise et le pouvoir». National hebdo, 6 au 12 décembre 1996, p. 2.
103. François Brigneau, «Le samizdat de Garaudy», «Le carnet de balles de François Brigneau», National Hebdo, 16 au 22 avril 1996
104. «Le Front national — la nébuleuse «, Envoyé spécial, Antenne 2, novembre 1992.
105. France Inter, «Objections «, mercredi 5 mai 1996.