A propos d’un texte de Vincent Despres


Le site d’Israel Shamir vient de publier (en décembre 2005) une «Réponse à M. Karmasyn».

Dans un premier temps, Israel Shamir a présenté cette réponse comme émanant de Régine Deforges, qui avait protesté en 2003 contre le retrait d’un ouvrage de Shamir, et à laquelle nous avions adressé une lettre restée jusqu’à aujourd’hui sans réponse.

Cette présentation constituait un faux pur et simple, une escroquerie. En effet, jamais Régine Deforges n’a fait parvenir à Israel Shamir de «Réponse à M. Karmasyn». Suite à la protestation de Mme Deforges, Israel Shamir a été contraint de supprimer la présentation frauduleuse et de réattribuer cette «réponse» à son véritable auteur, un certain Vincent Despres. Israel Shamir la fait désormais précéder d’un extrait du mail que lui a envoyé Vincent Despres, extrait où il est avancé que le texte nous aurait été transmis pas mail. Jamais M. Despres ne nous a fait parvenir quoi que ce soit.

Ce texte conteste évidemment l’antisémitisme de Shamir, mais sans jamais répondre aux exemples que nous en donnons. Quelques passages suffiront à analyser la bonne foi et le sérieux de son auteur (Vincent Despres et non Régine Deforges). S’il semble d’abord être une réponse à la lettre que nous adressions à Régine Deforges en novembre 2003, il est s’agit en réalité d’une tentative de commentaire de la page que nous consacrons à Israel Shamir. Cependant M. Despres ne répond à aucun des éléments avancés dans ces deux textes. Il se contente de défendre la «bonne foi » d’Israel Shamir, dont nous ne doutons d’ailleurs pas: Israel Shamir est un antisémite de bonne foi. Cela ne saurait l’exonérer de son antisémitisme.

M. Despres commence sa réponse ainsi:

«Gilles Karmasyn a certainement produit une des meilleure charge contre Adam Israel Shamir, en fustigeant des dérapages, des provocations, ainsi que des fréquentations jugées tendancieuses par la “pensée unique”. Dont acte.»

Quiconque se reportera à notre page sur Shamir pourra constater que les «dérapages» en question constituent le corps de notre démonstration et qu’il s’agit non de «dérapages», mais de propos répétés et systématiques de Shamir qui reprennent les pires poncifs antisémites, les plus violents et les plus obscènes. Les nombreux exemples fournis démontrent que Shamir souscrit à la fois à un antisémitisme chrétien classique, mais également à ses formes nazies, staliniennes, néo-nazies et négationnistes. Sur ces exemples de l’antisémitisme de Shamir, Vincent Despres n’a pas le moindre commentaire. Par ailleurs, M. Despres ne s’étend guère sur les «fréquentations jugées tendancieuses par la “pensée unique”». Et pour cause; il s’agit de néo-nazis avérés, de négationnistes, de suprémacistes blancs et d’adeptes divers des théories du complot juif, que non seulement Shamir fréquente, mais dont il fait l’éloge. Faut-il donc vraiment appartenir à une «pensée unique» pour juger que de telles fréquentations jettent une lumière inquiétante sur la pensée d’Israel Shamir? Le laconisme et l’ironie de M. Despres sont ici parfaitement déplacés.

M. Despres nous prête cependant un argumentaire qu’il nous faut relever. Il écrit:

« La “dénonciation” de la conversion de Shamir à une autre religion, comme un argument à charge, est par contre très ambiguë de la part d’un “intellectuel”» 

Et plus loin:

«Seule la personnalité et la religion de l’auteur est attaquée par Karmasyn. Et par là, le débat politique et historique, philosophique passe complètement à la trappe».

M. Despres nous a fort mal lu. Nous ne «dénonçons» absolument pas la conversion de Shamir à la religion grecque-orthodoxe. Nous la mentionnons très brièvement dans la page consacrée à Shamir (et non dans notre lettre à Régine Deforges), non dans le but de la juger mais pour apporter une information de plus sur le «Juif Israel Shamir». Nous y consacrons vingt mots dans un texte de plus de quatre mille cinq cent mots, 0,5% du texte. Les 99,5% restant de la page sur Shamir ne font l’objet que de la remarque globale de M. Despres: «Seule la personnalité et la religion de l’auteur est attaquée par Karmasyn». C’est une présentation mensongère et frauduleuse de notre étude qui mentionne et analyse au contraire de nombreuses déclarations de Shamir et de nombreux extraits de ses textes.

Dans le même esprit, Vincent Despres écrit : 

«En faire [d’Israel Shamir] un antisémite primaire, hystérique, parce qu’il se révulse contre les pratiques colonialistes et inhumaines des siens, tient de la manipulation intellectuelle. Shamir attaque, oui, il choque, peut être, il condamne, certainement. Rien d’autre.»

M. Despres semble une fois encore avoir fort mal lu les pages qu’il prétend critiquer. En effet, il y est bien précisé qu’Israel Shamir  «est un antisémite hystérique, non parce qu’il critique Israël, mais parce qu’il reprend quasi intégralement tous les poncifs de l’antisémitisme ». Ces poncifs n’ont guère de rapport avec la critique d’Israël. Il suffit de se reporter aux exemples que nous fournissons. Qu’Israel Shamir critique par ailleurs, avec la virulence qu’il veut, la politique d’Israël n’est pas, n’a jamais été, le motif de notre diagnostic de son antisémitisme. Réduire à  «rien d’autre» la comparaison par Shamir des Juifs avec un virus, son éloge des politiques antisémites des Nazis ou de Staline, ses appels à voter Le Pen, à s’allier avec les néo-nazis américains, ses connivences avec les négationnistes, est rien moins que malhonnête.

Par ailleurs, M. Despres commet une trahison de Shamir lui-même en prétendant que la prose de Shamir cible « les siens». En effet, Shamir ne se définit pas comme israélien, mais comme «palestinien russe» et il ne considère évidemment pas juif puisqu’il s’est converti à la religion grecque-orthodoxe. On voit bien en quoi la mention de cette conversion, que nous ne jugeons pas, dérange les thuriféraires de Shamir, puisqu’elle ne leur permet plus de défendre Shamir au titre de sa «judéité». A ses propres yeux, Shamir n’est ni israélien ni juif. Il pourrait être demeuré l’un et l’autre, cela ne diminuerait en rien le caractère antisémite d’une grande partie de sa prose.

Une autre affirmation de M. Despres doit être relevée, à propos de l’ouvrage d’Israel Shamir défendu en novembre 2003 par Régine Deforges :

«La critique de Karmasyn ne cite aucun passage du livre pour étayer ses accusations d’antisémitisme».

Il s’agit d’un mensonge au premier degré. En effet, tant dans la page web où nous reproduisons notre lettre à Régine Deforges que dans la page consacrée à Israel Shamir, nous renvoyons explicitement à une page entièrement consacrée à des citations antisémites de l’ouvrage de Shamir. Gageons qu’aux yeux de M. Despres — encore faudrait-il qu’il daignât prendre acte de l’existence de ces citations et les lire — il ne s’agit là nullement de passages antisémites. Au lecteur de juger.

Par ailleurs, M. Despres avance que :

«La question de la violence abjecte d’Israël posée par l’auteur [Shamir] n’est nullement contestée, ou même justifiée, elle est niée. La “négation” d’un livre n’a jamais et ne sera jamais une attitude intellectuelle valable, et il serait heureux de pouvoir lire un peu plus qu’une page de “diabolisation” contre Shamir de la part de Karmasyn. […]. Ras le bol du fascisme intellectuel !».

Il ajoute sur le même registre, à la fin de son texte :

«Les “négationnistes” des crimes contre l’humanité d’Israël […] sont des salauds !».

Là encore, M. Despres utilise un procédé tout à fait contestable. Nous ne «nions» aucunement la validité de la critique par Israel Shamir de la politique d’Israël. Cette critique n’est ni le sujet ni le motif de nos pages sur Shamir, ce que nous disons très explicitement, aussi nous ne l’abordons pas. L’accusation de «négation» n’est pas anodine puisque PHDN est d’abord consacré à l’étude et la réfutation du négationnisme, à savoir le discours niant la réalité et l’ampleur du génocide des Juifs par les Nazis et leurs complices. Notre critique de l’antisémitisme de Shamir n’a rien à voir avec une contestation quelconque de quelque crime que ce soit. Suggérer le contraire, d’abord d’une façon alambiquée, puis sans la moindre ambiguïté, constitue un mensonge et un procédé ignoble. Par ailleurs nous ne diabolisons pas M. Shamir; nous lisons ce qu’il écrit et nous constatons que dans de nombreux cas, où il n’est d’ailleurs pas question d’Israël, il s’agit d’une prose antisémite hystérique. M. Despres se garde soigneusement de citer nos exemples et notre argumentaire. Et pour cause, il aurait fallu les discuter ce qui aurait été fort embarrassant pour M. Despres. Le fascisme intellectuel consiste à prêter à son adversaire un discours qu’il ne tient pas afin, effectivement, de le diaboliser et de le disqualifier. C’est ce que fait M. Despres à notre endroit. Mais jamais nous n’avons fait dire à Israel Shamir autre chose que ce qu’il disait. 

Notons un lapsus de M. Despres. Il écrit:

«Ce n’est pas parce qu’Adam Israël Shamir dit que son sentiment est que les juifs sont des salauds, qu’il est antisémite.»

Or, justement, le problème vient de ce qu’Israel Shamir, en partant d’une critique d’Israël en vient à proférer les pires horreurs sur les Juifs en général. Ce qui fait de lui un antisémite. Que M. Despres le conteste ne saurait surprendre. Il poursuit son exercice d’invention en écrivant :

«Les musulmans qui luttent contre l’intégrisme sont-ils des ennemis de l’Islam? Oui!…disent les intégristes..! Oui dit Karmasyn en parlant de Shamir! Les israéliens qui critiquent Israël sont immanquablement traités de traître. Et les non-juifs traités d’antisémites.»

Suggérer que nous qualifions Shamir de traître est une contre-vérité infâme. Nous ne considérons ni n’avons jamais considéré (nous ne sommes d’ailleurs  pas en position d’émettre de tels jugements) qu’un Israélien qui critiquait Israël devait être considéré comme tel. Si Israel Shamir est effectivement un antisémite, c’est non parce qu’il critique Israel, contrairement à ce que M. Despres tente obstinément et mensongèrement de nous faire dire, mais parce qu’il aligne des poncifs antisémites, que M. Despres s’obstine à passer sous silence. Il s’excite dans le vide et critique un discours qui n’est pas et n’a jamais été le notre. Le fait que M. Despres nous range aux cotés des intégristes (toujours sans avoir discuté le moindre de nos arguments) se passe de commentaire. Il poursuit :

«Le fait que Karmasyn insiste sur la conversion d’ Adam Israël Shamir au Christianisme montre sa volonté de le bannir moralement d’Israël sur le principe que ce pays considère les non-juifs comme des citoyens de seconde zone. C’est scandaleux. Sionistes/Wahabites, même combat!»

Rappelons ici que «le fait que Karmasyn insiste sur la conversion d’ Adam Israël Shamir au Christianisme» n’existe pas : il s’agit d’une invention de M. Despres. Nous mentionnons cette conversion, sans la juger, dans une phrase qui constitue 0,5% de la page principale consacrée à Shamir, mais largement moins si l’on prend en compte toutes les pages consacrées à Shamir. Drôle de façon d’«insister». Nous ne nous préoccupons guère de « bannir» qui que ce soit de quoi que ce soit. C’est cependant Shamir lui-même qui refuse de se considérer comme israélien. Le traitement qu’Israël réserve à ses citoyens non juifs est ici hors sujet. Pour couper court aux insinuations probables d’un émule de M. Despres, précisons que cela ne signifie pas que nous considérions qu’il soit hors critique. Remarquons que M. Despres nous qualifie clairement, bien qu’implicitement, de « sioniste». Il est manifeste que chaque fois que nous avons mentionné l’antisémitisme de Shamir, ses thuriféraires ont systématiquement eu recours à ce qualificatif, péjoratif dans leur discours, sans avoir jamais discuté les exemples de l’antisémitisme de Shamir que nous fournissions. Qui parle de «fascisme intellectuel»?

M. Despres aborde par ailleurs le sujet de l’interdiction du livre d’Israël Shamir, interdiction accompagnant la condamnation d’Israel Shamir et de son éditeur pour antisémitisme en novembre 2005. M. Despres ne rappellera à aucun moment que c’est le motif, clairement exposé dans les attendus du jugement (voir notamment dépêche AFP du mercredi 2 novembre 2005). Il parle de livre «brûlé en France», «censuré par la justice française». Il n’y a cependant ni bûcher ni censure. Le livre a pu paraître et le procès intenté à Shamir et à son éditeur ne fait que s’appuyer sur la législation française. La défense a pu faire valoir ses arguments. Suffisamment faibles, semble-t-il pour qu’une condamnation sévère soit prononcée, alors même que le régime sur la liberté de la presse en France favorise plutôt qu’il ne limite certains excès. Il suffit au lecteur de se reporter aux exemples tirés du livre de Shamir, que nous donnons, contrairement aux allégations répétées et mensongères de M. Despres, pour qu’il se fasse une idée du caractère authentiquement antisémite de l’ouvrage et du caractère fondé de la condamnation.

M. Despres monte sur son grand cheval blanc de défenseur de la liberté d’expression et nous interpelle :

«il serait intéressant, écrit-il, de connaître l’avis, dépassionné si c‘est possible, de Karmasyn, sur la liberté d’édition en France. La critique de la politique française est autorisée, de la République aussi par les royalistes, la critique de l’Islam et du Christianisme sont [sic] autorisées, la critique de tous les régimes et de toutes les idéologies, de toutes les pensées sont [re-sic] autorisées, et c’est une bonne chose. Une liberté. La critique du sionisme aussi doit l‘être, et, pour ceux qui le souhaitent, la critique du judaïsme doit également être libre et autorisée.»

En France, la liberté d’édition est totale et doit le demeurer. Mais elle est associée à une responsabilité devant la loi. Auteurs et éditeurs sont responsables devant la loi de ce qu’ils écrivent et publient. Après publication (et non avant puisque la censure n’existe pas en France), ceux-ci peuvent avoir à répondre devant l’instance adéquate du respect ou non de la loi par le texte publié. En France, les incitations à la haine pour motifs d’appartenance, réel ou supposé, à une communauté sont hors la loi. Mais, si tant est qu’ils en soient accusés, auteurs et éditeurs ont droit à un procès public, équitable où leur défense est assurée selon des normes qui, en France du moins, leur sont plutôt favorables : le nombre de condamnations y est en effet faible dans les procès qui invoquent la loi sur la liberté de la presse de 1881. Cela est bien ainsi. Lorsqu’il y a condamnation, c’est en général que la virulence du propos est patente et  l’infraction caractérisée. Il semble que pour un M. Despres, il ne saurait y avoir de responsabilité ou que l’incitation à la haine ne pose pas de problème. Par ailleurs, contrairement à ce qu’il suggère, ce n’est pas la critique du sionisme, ni même celle du judaïsme qui font problème dans le cas d’Israel Shamir, mais le recours à des propos antisémites virulents, qui ne relèvent absolument pas des critiques en question, qui doivent avoir, et ont dans les fait, toute latitude à être exprimées, du moins tant qu’elles ne servent pas de prétexte pour faire passer un discours antisémite, comme cela peut arriver. Nous renvoyons ici à l’avertissement de notre section «antisémitisme et antisionisme».

M. Despres s’enflamme et poursuit :

« Si on enlève les livres, il ne restera que les bombes! Est-ce ce que souhaitent la LICRA, Mr Karmasyn et la "justice française"? Peut être…Les promoteurs du choc des civilisations peuvent se frotter les mains, ils ont en France de solides alliés!»

Le mécanisme que décrit M. Despres nous semble tout à fait douteux et relever d’un chantage implicite mortifère. Apparemment, à ses yeux, l’encadrement de la liberté d’expression, en l’occurrence le fait de limiter l’expression de certaines incitations à la haine, semble justifier le passage à l’acte criminel. Etrange philosophie politique. Curieux éloge d’une peine de mort motivée par une contrainte pourtant légère, encadrée par le droit. Dans son élan, M. Despres fait de nous un complice du passage à l’acte terroriste (perpétré par qui d’ailleurs?) et un allié des «promoteurs du choc des civilisations». Rien que ça.

Le reste de la réponse de M. Despres ne constitue qu’une justification de la prose de Shamir et une dénonciation d’Israël qui sont ici hors sujet, puisque nous ne traitons pas de la critique d’Israël mais de l’antisémitisme très concret d’Israel Shamir, sujet soigneusement évité par M. Despres.

Au final, la réponse de M. Despres à nos pages sur Israel Shamir est rien moins qu’indigente et infâme. D’une part, in fine, M. Despres ne répond pas aux pages que nous consacrons à Israel Shamir, ce qui lui évite certainement d’avoir à batailler avec les multiples exemples de l’antisémitisme rabique de Shamir. Il en travesti au contraire complètement le contenu, n’hésitant pas à mentir à leur sujet sur plusieurs points (place et nature de notre mention de la conversion de Shamir, existence de citations de son ouvrage, caractérisation de Shamir, motifs de nos accusation d’antisémitisme contre lui, etc.). D’autre part M. Despres nous aura qualifié de sioniste, d’intégriste, de négationniste, de partisan du choc des civilisations, de complice plus ou moins assumé du terrorisme et de salaud. Bonjour le pedigree! Le tout sans étayer le moins du monde ces accusations sur quoi que ce soit de concret. Un infâme tour de force. Il s’agissait sans doute en quelque sorte de nous punir de notre insupportable dénonciation, étayée elle, de l’antisémitisme d’Israel Shamir. Au lecteur de juger.

Avec des amis comme M. Despres, Israel Shamir n’a plus besoin d’ennemis.

[ Israel Shamir  |  Antisionisme  |  Antisémitisme  |  Toutes les rubriques ]