QER 4

Une réponse à la "Q&A" 4 par Nizkor


4. 

Si Dachau était en Allemagne et si même Simon Wiesenthal déclare que ce n’était pas un camp d’extermination, pourquoi des milliers de vétérans américains déclarent-ils que c’était un camp d’extermination?

[Ce que l’on sait à propos de la chambre à gaz de Dachau]

Les négationnistes de l’IHR répondent:

«Parce que après que les alliés ont capturé Dachau, des milliers de G.Is furent amenés à travers Dachau, on leur montra des bâtiments dont on prétendait que c’étaient des chambres à gaz, et parce que les masse-media ont largement, mais faussement, déclaré que Dachau était un camp de “gazage”»

Nizkor répond:

Dans la mesure où des dizaines de milliers de personnes ont été affamées à mort et sporadiquement assassinées dans ce camp, oui, Dachau était un camp de la mort. Le terme «camp d’extermination» ne devrait probablement pas être appliqué à Dachau, car il désigne en général un des grands camps de la Pologne occupée où des gazages de masses ont été effectués (cf. question 3).

Ce qui ne peut pas être remis en question, c’est qu'une chambre à gaz a effectivement existé. Les alliés ont mis la main sur une note envoyée par le Dr. Sigmund Rascher de Dachau à Himmler, que voici (cf. Kogon, Langbein, Rückerl, Les chambres à gaz secret d’état, Seuil, Points Histoire, pp. 252-253):

«Comme vous le savez, on a construit au camp de concentration de Dachau les mêmes installations [les chambres à gaz] qu'à Linz [il s’agit de l’institut d’euthanasie de Hartheim]. Puisque les convois d’invalides finissent d’une manière ou d’une autre dans les chambres qui leur sont destinées, je pose la question suivante: ne serait-il pas possible de vérifier dans ces chambres, sur des personnes qui leur sont d’une manière ou d’une autre destinées, l’efficacité de nos gaz de combat? Jusqu'ici nous ne disposons que d’essais faits sur des animaux, ou de rapports relatifs à des accidents qui se sont produits lors de la fabrication. A cause de ce paragraphe j'envoie ma lettre sous la mention “Secret.”»

Un reporter américain a fait un film qui montre la chambre à gaz peu après la capture du camp; on y voit qu'elle était désignée sous l’inscription «Brausebad» («douches»), malgré le fait qu'elle ne soit pourvue d’aucune installation de douche.

La question de savoir si on peut prouver si la chambre à gaz a été effectivement utilisée n’a pas reçu de réponse définitive. Certains historiens sont persuadées qu'elle ne fut jamais utilisée. D’autres disent que la question demeure ouverte. La réponse se trouve dans deux témoignages: celui d’un officier britannique nommé Payne-Best qui déclare qu'il a entendu parler de gazages par le Dr. Rascher, ainsi que celui effectué sous serment par le Dr. Franz Blaha, sur des gazages expérimentaux. Pour plus d’informations, on se reportera à l’ouvrage de Kogon, Langbein et Rückerl cité plus haut, pp. 252-253, ainsi que le témoignage de Blaha dans Trial of the Major War Criminals, 1947, vol. V, pp. 167-199. Le docteur Charles Larson, expert médico-légal, après avoir examiné des victimes de gazages à Dachau, a déclaré: «Seul un nombre relativement faible de prisonniers que j’ai personnellement examinés à Dachau ont été assassinés de cette façon» (John Dennis McCallum, Crime Doctor: Dr. Charles P. Larson, world’s foremost medical-detective, reports from his crime file, Writing Works, 1978, p. 61) [ce qui semble bien signifier qu'un certain nombre, l’a été (N.d.T)].

Les négationnistes, bien-sûr, présentent uniquement le point de vue de ceux qui soutiennent qu'aucun gazage n’a eu lieu à Dachau [sans rappeler toutefois l’existence effective de la chambre à gaz. (N.d.T)]. Ils s’appuient souvent sur un extrait d’une lettre de 1960 écrite par le directeur de l’Institut für Zeitgeschichte (L’institut d’histoire contemporaine), à Munich (cf. Die Zeit, 19 Août, 1960, p. 16):

«Pas de Gazage à Dachau

Ni à Dachau, ni à Bergen-Belsen, ni à Buchenwald ne furent gazés de juifs ou d’autres prisonniers.»

La lettre, bien entendu, confirme ensuite que les gazages de masse ont eu lieu dans les plus grands camps. Les négationnistes n’aiment pas mentionner cette partie. Ils n’aiment pas non plus mentionner que, depuis 1960, l’Institut a effectué plus de recherches et est arrivé à de nouvelles conclusions. A présent ils déclarent:

«…une chambre à gaz a été établie [à Dachau] dans laquelle... quelques gazages expérimentaux furent effectués, ainsi que des recherches plus récentes l’ont confirmé.»

Enfin, les «mass media», pour la plupart, citent les faits: Dachau a été utilisé pour des gazages sur une très petite échelle. Que le terme «camp de gazage» fut approprié ou non dépend probablement du contexte. Si l’IHR peut présenter une citation qui démontre qu'un journal ou un magazine a imprimé des faits inexacts, ils sont les bienvenus. Ce ne sera ni la première ni dernière fois que quelque chose d’erroné est imprimé. Si les négateurs de génocide pensent que les erreurs dans les journaux les aident à prouver que la Shoah n’a pas eu lieu, ils se fourvoient manifestement.

[N.d.T : Si la preuve définitive de l’utilisation effective de la chambre à gaz de Dachau n’a pu être apportée, le consensus historiographique est néanmoins qu'elle a été utilisée à très petite échelle, au moins pour des expérimentations, mais probablement pas pour des exécutions de masse (Günther Kimmel, «Das Konzentrationslager Dachau. Eine Studie zu den nationalsozialistischen Gewaltverbrechen», in Martin Broszat et Elke Froehlich (éditeurs), Bayern in der NS-Zeit, bd II, R. Oldenburg Press, Munich, 1979, p. 391, cité par Institut für Zeitgeschichte, Les assassinats par gazages, un bilan, 1992. Voir surtout Stanislav Zámečník, C’était ça Dachau: 1933-1945, Cherche Midi, 2013 — 1re édition 2003 —, qui recoupe plusieurs témoignages concordants, attestant d’une utilisation ponctuelle de la chambre à gaz. Stanislav Zámečník, citoyen tchèque né en 1922, déporté à Dachau en février 1941, est devenu historien après la guerre, métier qu'il a pratiqué jusqu'au Printemps de Prague, en 1968, lorsque par mesure de rétorsion, le régime lui interdit de l’exercer. Il n’a ensuite cependant jamais cessé de mener à bien un travail sur l’histoire du camp de Dachau, utilisant les résultats des études les plus récentes sur l’administration du camp, et surtout en exploitant les centaines de témoignages, publiés ou non, en toutes langues. Le résultat a été publié au début des années 2000 et constitue la meilleure présentation disponible de l’histoire de Dachau. L’originalité du travail de Zámečník est d’avoir mis à jour et recoupé, notamment sur la question des gazages, des témoignages peu ou pas connus de l’historiographie occidentale et d’être allé au delà des deux principaux témoignages connus jusqu'alors, ceux de Blaha et Payne-Best).

Le prisonnier Frantisek Blaha, lui-même médecin, fait une première déposition le 3 mai 1945, quatre jours après la libération de Dachau par les Américains, attestant de l’utilisation – a minima expérimentale – de la chambre à gaz, dont il a observé directement l’utilisation à une occasion (d’après lui, la première). Lors de dépositions ultérieures, il confirme le principe de cette utilisation mais fournit un nombres de victimes différent pour ce premier gazage dont il avait été témoin (huit ou neuf au lieu de sept). Par contre, contrairement à ce qui a été parfois écrit dans l’historiographie de Dachau, dès cette première déposition Blaha a mentionné qu'il y avait eu d’autres gazages (tout en précisant qu’il n’avait été le témoin direct que d’un seul), ce que l’historien Stanislav Zámečník a confirmé dans son étude. Celui-ci, lui-même ancien déporté à Dachau et ayant connu personnellement Blaha, souligne d’ailleurs que la première déposition de Frantisek Blaha du 3 mai 1945 est sans doute fiable quant à la réalité des gazages car «elle concorde de manière extrêmement surprenante avec le contenu de la lettre de Rascher et que le 3 mai 1945, Frantisek Blaha encore au camp, juste après la libération ne pouvait absolument pas avoir eu connaissance de cette lettre.» (Stanislav Zámečník, C’était ça Dachau: 1933-1945, Cherche Midi, 2003, p. 333). Le capitaine des Renseignements de l’armée britanique Sigismund Payne-Best arrêté par les Allemands en 1939, a cotoyé à la toute fin de la guerre Rascher alors prisonnier (arrêté pour enlèvement d’enfant). Payne-Best a rapporté que Rascher lui avait confié qu'il était responsable de la construction de la chambre à gaz de Dachau et de son utilisation (S. Payne Best, The Venlo Incident, Hutchison & Co., London, 1950, page 186). On pourra compléter les présentes réflexions par la lecture de Barbara Distel, «Die Gaskammer in der “Baracke X” des Konzentrationslagers Dachau und die “Dachau-Lüge”» in Günter Morsch & Bertrand Perz (éd.), Neue Studien zu nationalsozialistischen Massentötungen durch Giftgas. Historische Bedeutung, technische Entwicklung, revisionistische Leugnung, Berlin: Metropol Verlag, 2012.

On retiendra enfin que les négationnistes passent très rapidement sur le fait que la chambre à gaz, avec ses pommeaux de douche fictifs, ses installations techniques particulières destinées à la ventilation et à l’introduction du gaz, sa fausse dénomination Brausebad alors même qu'aucune douche n’y était possible, est bien une pièce conçue pour permettre l’assassinat par gazage. Ils se perdent généralement dans des arguties techniques hypercritiques pour finir généralement par suggérer plus ou moins finement que ce sont les Américains qui ont effectué ces aménagement après la libération du camp, sans apporter le moindre élément probant à leurs allusions et faisant fi de la documentation disponible et des témoignages.]


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20/07/1997 — mis à jour le 10/02/2018