Rassinier, un imposteur
Introduction
Le guru posthume des négationnistes, Paul Rassinier, est une véritable icône avec chanson de gestes à l’appui. Cette chanson de gestes est nécessaire pour faire avaler l’énorme couleuvre négationniste rassinienne.
Le mythe Rassinier suit grosso modo un certain canon qui est le suivant :
Rassinier, socialiste, résistant dès 1941 est l’un des fondateurs du mouvement Libération-Nord. Il est arrêté par la Gestapo en 1943 et torturé. Il est envoyé à Buchenwald puis Dora d’où il revient invalide à plus de 100 %. Elu député de Belfort après la guerre, il est médaillé de la résistance et continue son activisme auprès des mouvements pacifistes. Il rédige dès 1949 un témoignage sur sa déportation, dans lequel il dénonce le caractère artificiel de la littérature concentrationnaire et la responsabilité de certains déportés, notamment les communistes dans les souffrances subies dans les camps de concentration. C’est sa continuelle poursuite de la vérité qui lui vaut d’être vilipendé et notamment d’être exclu du parti socialiste en 1951, «malgré le respect qu’impose sa personne».
Fermez le ban !
Bonjour le pedigree !
Hélas, la seule source de la biographie de Rassinier..., c’est Rassinier ! Et lorsque l’on examine la réalité, l’auto-biographie constamment renouvelée de Rassinier n’est qu’une auto-révision. Ses ouvrages sur les camps et sa négation progressive de l’extermination des Juifs par le régime nazi ne sont que dédouanement du nazisme et antisémitisme très mal dissimulés.
Jean Lacouture a su résumer ce que fut Rassinier avant la guerre :
«[…] fils de paysans catholiques du Territoire de Belfort, lui-même instituteur, militant communiste à l’époque du stalinisme primaire, rallié par dépit au socialisme de la tendance la plus aveuglément pacifiste, celle que son leader Paul Faure conduisit en 1940 à l’adhésion au système de Vichy, passé à une résistance apparemment ambiguë mais assez active pour lui valoir d’être arrêté par les nazis. Déporté aux camps de concentration de Buchenwald et de Dora, il en revint en 1945 gravement malade. Il devait mourir en 1967, à 61 ans1.»
Lorsque Rassinier pose à l’homme de gauche et au révolutionnaire, c’est pour oublier de préciser qu’il fut un stalinien «pur et dur» pendant dix ans. Il ne devait jamais abandonner cet esprit stalinien... Sur sa résistance et sa déportation Rassinier devait raconter une série de mensonges plus gros les uns que les autres...
Après la guerre Rassinier fut l’ami de l’extrême-droite et des antisémites de France, d’Europe et d’ailleurs, qu’il pilla allègrement, notamment le fasciste Bardèche, qui fut son éditeur, le sous-Céline Albert Paraz, le “Pape” de l’antisémitisme français Henry Coston qui fut aussi son éditeur. Rassinier en devint d’ailleurs le plagiaire puisqu’il a allègrement pompé dans les pamphlets de Henry Coston pour fustiger «les banques israélites»2. Le dernier opus de Rassinier fut publié par les Nouvelles Éditions latines de Fernand Sorlot, éditeur de Pétain, d’Hitler et de toute une littérature fascisante et «nostalgique» après-guerre3 .
Rassinier fut l’ami d’anciens (mais toujours actifs) nazis allemands. En Allemagne, il fut publié par l’ancien SS et nazi fanatique Karl-Heinz Priester. Priester organisa à Rassinier une tournée de conférences en Allemagne devant des parterres d’anciens nazis, avec lesquelles Rassinier eut de nombreuses discussions... En 1961, Rassinier fit une tournée semblable en Autriche. A cette occasion il rencontra le frère d’Adolf Eichmann (dont le procès devait s’ouvrir deux mois plus tard en Israël), auquel il proposait d’adapter les mémoires d’Eichmann en français4 .
Rassinier rencontra également en Autriche Eberhard Fritsch5 , fondateur du journal nazi, en Argentine, Der Weg6 , cité parfois par Rassinier...
Et ce n’est pas tout.
Contributeur régulier à Rivarol, publié par le fasciste Bardèche ou l’antisémite Coston en France, publié et acceuilli par le nazi Priester en Allemagne, Rassinier était en contact épistolaire cordial avec Johann von Leers, responsable de la propagande antisémite de Nasser et ancien bras droit de Goebbels ! Entre Priester, Bardèche, Coston et Leers, Rassinier était véritablement “choyé”...
Et l’on se prend à rire lorsque l’on vient à savoir que Rassinier osa déclarer :
«Le socialiste que je suis n’a rien à voir de près, ni de loin avec les organisations néo-nazistes [sic] que vous citez7 .»
Ou encore, lorsqu’il fut interdit de territoire allemand pour cause d’appartenance à un «groupe international de tendance fasciste», il qualifia cela d’«ignoble calomnie»8 .
Les mensonges de Rassinier sont légions. Il écrivait dans Rivarol sous un pseudonyme des articles élogieux sur... Rassinier. Lors d’un procès il nia écrire dans Rivarol. Il fut confondu.
Rassinier qui a menti sur ses actes de résistance, sur sa déportation, sur ses décorations, sur ses compétences, Rassinier le schizophrène qui signait «Bermont» des éloges de... Rassinier, dans la presse d’extrême droite, Rivarol en l’occurence, et le niait ensuite devant les tribunaux, Rassinier fut bien un imposteur.
Le négationniste Faurisson aura le culot d’écrire de Rassinier : «Révolutionnaire authentique, résistant authentique, déporté authentique, [Rassinier] aimait la vérité comme il faut l’aimer : très fort et par dessus tout»9 . Cela permet de juger ce que vaut la vérité pour Faurisson...
On trouvera une brève, mais éclairante biographie de Rassinier dans Nadine Fresco, article «Paul Rassinier» in Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, publié sous la direction de Jean Maitron, Les Éditions Ouvrières, 1991. pp. 394-395.
Sur les nombreux mensonges et le négationnisme de Rassinier on se reportera aux deux ouvrages indispensables :
Florent Brayard, Comment l’idée vint à M. Rassinier, Naissance du révisionnisme, Fayard, 1996.
Nadine Fresco, Fabrication d’un antisémite, Seuil, 1999. Voir tout particulièrement les pages 513 et 514 de cet ouvrage, concernant les inventions proprement délirantes et diffamantes de Rassinier sur son séjour à Buchenwald.
Notes
1. Jean Lacouture, «Le cas Rassinier, Stalinien, déporté, négationniste...», Nouvel Observateur, n°1788, p. 96.
2. Nadine Fresco, Fabrication d’un antisémite, Seuil, 1999, p. 552.
3. Nadine Fresco, op. cit., p. 25.
4. Florent Brayard, Comment l’idée vint à M. Rassinier, Naissance du révisionnisme, Fayard, 1996, p. 370.
5. Nadine Fresco, op. cit., p. 40.
6. Patrice Chairoff, Dossier néo-nazisme, Editions Ramsay, 1977, p. 408.
7. Paul Rassinier, «Mise au point», la voix de la résistance, septembre 1962, cité par Brayard, p. 371.
8. Nadine Fresco, op. cit., p. 40.
9. Cité par Pierre Vidal Naquet, «Un Eichmann de papier», dans Les assassins de la mémoire, réed., Seuil, Point Essais, 1995, p. 49.
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