Les Faussaires de l’Histoire:
«révisionnistes» et négationnistesPierre MILZA
Chapitre VI de Pierre Milza, L’Europe en Chemise noire,
Les Extrêmes Droites en Europe de 1945 à aujourd’hui, Fayard, 2002© Pierre Milza/Fayard 2002 – Reproduction interdite sauf autorisation de l’auteur
ou de ses ayants droit
Remarques (par PHDN)
Nous reproduisons ici le chapitre 6 de l’ouvrage de Pierre Milza, présentant une synthèse de l’histoire, des objectifs, et des mécanismes rhétoriques du négationnisme, à jour au tout début des années 2000. Il reprend, développe et complète son étude de 1991, «Le négationnisme en France». Notons qu’il y manque cependant le rôle important de François Duprat dans l’histoire du négationnisme. La situation du négationnisme a évidemment évolué avec l’explosion d’Internet et des réseaux sociaux et la relance du négationnisme dans l’espace public par les entrepreneurs Alain Soral et Dieudonné M’Bala.
Introduction — Préhistoire du négationnisme — Rassinier ou la déportation trahie par l’un des siens — La génération des «faurissonniens» — Instrumentalisation et récupération politique du négationnisme — La relève — D’un rivage de l’atlantique à l’autre: le négationnisme anglo-saxon — Négationnisme et «révisionnisme historique» en allemagne — La diffusion des thèses négationnistes en europe
INTRODUCTION
Pris dans son sens littéral, le révisionnisme est consubstantiel à la discipline historique et il n’y a guère d’historiens dignes de ce nom qui ne passent une partie de leur vie à reconsidérer leurs propres écrits à la lumière de ce que de nouveaux matériaux documentaires ou de nouveaux instruments d’interprétation peuvent apporter à la compréhension de l’objet historique qu’ils ont choisi d’examiner. Seraient-ils tentés de se fossiliser sur des positions épistémologiques apparemment inexpugnables que de nouvelles générations de chercheurs seraient là pour leur rappeler qu’il n’existe pas, en histoire – comme d’ailleurs dans les autres sciences sociales, et dans la science elle-même –, de certitude définitive.
Ce n’est donc pas le révisionnisme stricto sensu qui est en cause ici, mais bel et bien la falsification de l’histoire par un petit nombre d’individus qui, contre l’évidence même d’un fait universellement établi, s’appliquent à en nier l’existence sur le seul critère de contradictions ponctuelles relevées dans certains témoignages de quelques-uns des protagonistes, victimes et bourreaux, de l’extermination des Juifs européens. De là la nécessité de les désigner par un mot qui prête moins à confusion que celui dont ils se sont eux-mêmes parés en s’auto-proclamant disciples de l’«école révisionniste». On a donc plutôt tendance depuis une vingtaine d’années à parler de négationnisme pour qualifier les écrits et les comportements de tous ceux qui considèrent le génocide perpétré par les nazis à l’encontre des Juifs européens comme un «mensonge» fabriqué par les Alliés pour justifier la «punition» infligée aux dirigeants du IIIe Reich et à leurs complices.
Est-il légitime de consacrer un chapitre à cette question dans un ouvrage consacré à l’histoire de l’extrême droite en Europe après 1945? Tous les courants politiques qui relèvent de cette mouvance ne partagent pas en effet le délire des négateurs de l’extermination des Juifs. Certains représentants de l’ultra-gauche ont fait également leur miel des écrits d’un Rassinier (lui-même issu de cette famille politique), d’un Faurisson ou d’un Harwood, à commencer par les tenants d’un «trotskysme» tiers-mondiste et pro-arabe qui, en France, se meuvent dans l’orbite de La Vieille Taupe. Il est clair toutefois que la dissymétrie est grande entre ces deux formes de rejet radical d’une histoire qualifiée par les négationnistes de «mensongère»: d’un côté une droite extrémiste pour laquelle l’antisémitisme constitue un pôle fédérateur, de l’autre de maigres bataillons de gauchistes dévoyés dont certains sont d’ailleurs passés avec armes et bagages dans l’autre camp.
Qu’on me permette encore cette précision. Le terme employé ici pour désigner la négation de l’Holocauste n’a pas valeur universelle. Je pense en effet qu’il serait parfaitement légitime d’en faire usage pour stigmatiser l’attitude de tous ceux qui, pendant des décennies, ont nié l’évidence du Goulag, et de ceux qui, aujourd’hui encore, refusent d’admettre l’énormité des crimes du communisme. L’accent mis dans ce chapitre sur l’occultation de l’indicible par une fraction importante de la droite radicale ne doit point nous faire oublier que, si symétrie il y a, c’est à ce niveau qu’elle se situe.
PRÉHISTOIRE DU NÉGATIONNISME
La «révision» de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale par les admirateurs du IIIe Reich n’est pas une exclusivité française, mais c’est en France – et ce au lendemain même de la guerre – qu’elle a trouvé son terrain de prédilection, en même temps que ses propagandistes les plus zélés1. Le branle a été donné, quelques années seulement après la défaite de l’Axe, par Maurice Bardèche, ancien condisciple à l’École normale supérieure et beau-frère de Brasillach, devenu après l’exécution de ce dernier le défenseur inlassable des anciens collaborationnistes et le théoricien du fascisme à la française2.
Lorsque paraît en 1948 Nuremberg ou la terre promise3, livre qui vaudra à son auteur – non sans tergiversations d’ailleurs de la part de l’appareil judiciaire – une condamnation à la prison ferme4, l’enjeu pour les anciens collaborationnistes est de se réinsérer dans la société française à la faveur de la guerre froide et de la fièvre anticommuniste qui accompagne celle-ci. Pour les moins compromis d’entre eux, pour ceux qui se sont contentés d’être les spectateurs plus ou moins silencieux de la dérive fascisante de Vichy, pour ceux qui peuvent se prévaloir d’un «double jeu» visant à éviter le pire, l’opération est relativement facile. La guerre idéologique bat son plein et la menace communiste est alors suffisamment forte pour que la classe politique manifeste quelque mansuétude à l’égard des bonnes volontés qui s’offrent.
Il n’en va pas tout à fait de même pour les autres, qu’il s’agisse des croisés de la LVF et de la Waffen-SS française, des supplétifs de la police allemande dans la chasse aux «terroristes» ou de simples combattants de la plume passés au service des purificateurs de la race, bref des survivants d’une épuration contre laquelle Bardèche avait prononcé en 1947 un violent réquisitoire dans sa Lettre à François Mauriac5. Pour blanchir ces champions de la collaboration idéologique avec les nazis, et pour réhabiliter en même temps le principe de la collaboration d’État voulue par les hommes de Vichy, l’auteur de Nuremberg ou la terre promise va s’appliquer à démontrer que les crimes dont se sont rendus responsables les nazis et leurs auxiliaires français n’étaient en rien différents des atrocités ordinaires imputables au fait guerrier. Ni les morts d’Oradour ni les exécutions d’otages ne suffisent à classer les crimes de guerre de la Wehrmacht et de la SS dans une autre catégorie que ceux perpétrés par les Alliés, par exemple à l’encontre des centaines de milliers de civils innocents pris en otages par ceux qui ont ordonné les bombardements de Dresde ou d’Hiroshima.
Tout l’argumentaire des défenseurs de Klaus Barbie, lors du procès du chef de la Gestapo lyonnaise en 1987, est déjà contenu dans ce propos. Une seule chose peut faire la différence entre les «crimes de guerre», dont tout belligérant peut un jour ou l’autre se rendre coupable, et ce crime suprême contre l’humanité que constitue l’élimination physique, dans des conditions horribles, d’une population entière: l’assassinat de millions d’êtres humains froidement prémédité et décidé au sommet, programmé avec une rigueur mécanique par les technocrates du système et sadiquement exécuté à la base.
Cette distinction constitue le fondement même du «révisionnisme». Pour que le nazisme devienne historiquement supportable, pour que ceux qui se sont réclamés de son idéologie et qui continuent après la guerre d’en exalter les aspects «positifs» puissent à la fois s’exprimer au grand jour et exiger leur réhabilitation, il faut convaincre l’opinion que l’extermination de six millions de Juifs n’a jamais existé, que les camps de la mort ne sont qu’une invention des vainqueurs, une «falsification de l’histoire», une mise en scène de surcroît orchestrée par les «soi-disant» victimes. «On a eu la bonne fortune, écrit Bardèche, de découvrir en janvier 1945 des camps de concentration, dont personne n’avait entendu parler jusqu’alors, et qui devinrent la preuve dont on avait précisément besoin, le flagrant délit à l’état pur, le crime contre l’humanité qui justifiait tout. On les photographia, on les filma, on les publia, on les fit connaître par une publicité gigantesque, comme une marque de stylo6.» Le mobile de cette falsification étant, selon Bardèche, de prouver la barbarie de l’Allemagne, de liquider ses principaux dirigeants et de dédouaner les vainqueurs de leurs propres crimes.
«Mensonge», «machinerie», «admirable montage technique», voilà ce que dit l’auteur de Nuremberg ou la terre promise, voilà ce que répéteront après lui les figures de proue du négationnisme, lesquels auront pour eux cette chance, si l’on veut, que les concepteurs et les exécutants de la «solution finale de la question juive» ont effectivement (et souvent avec succès) essayé de faire disparaître toute trace de leurs atrocités. À la question: que sont devenus les millions de disparus? ils ne donnent pas de réponse. Ou s’ils répondent, c’est pour évoquer le manque d’hygiène des détenus, les épidémies, la sous-alimentation due à la pénurie ambiante: bref «des conditions qui ont été indépendantes de la volonté des Allemands7». Ou pour dire avec Arthur Butz, le chef de file des «révisionnistes» américains, que, beaucoup de ménages ne tenant que pour des raisons de convention, mari et femme ont «refait leur vie chacun de son côté» après leur libération des camps et ont «préféré ne plus donner de leurs nouvelles à leurs époux légitimes8». Quant aux centaines de milliers de rescapés de l’enfer, ils mentent affirme Bardèche, suggérant au passage que les horreurs commises l’ont été par les Juifs eux-mêmes, responsables des baraquements.
En même temps qu’il rejetait sur les Alliés la responsabilité d’un mal pire que le crime, la falsification du crime, le beau-frère de Brasillach plaçait au centre de la «conspiration» ceux qui, proclamait-il, n’avaient pas hésité avant 1939 à «combattre tout esprit de conciliation, c’est-à-dire à entraîner notre pays dans une guerre désastreuse, mais souhaitable, parce qu’elle était dirigée contre un ennemi de leur race9». De l’application à l’Holocauste de la classique théorie du complot, il résultait ceci:
- que l’Holocauste lui-même était un «mensonge» forgé de toutes pièces dans l’entourage «judaïsé» des décideurs américains et britanniques;
- que s’il n’y avait pas eu d’élimination voulue et systématique des Juifs, les «erreurs» et les «excès» qui pouvaient être imputés aux nazis relevaient de la catégorie ordinaire du «crime de guerre» et qu’il n’y avait pas de différence de nature entre ces produits de la «guerre moderne» et les «atrocités commises par les Alliés» ;
- que par conséquent il était légitime de considérer que le peuple allemand et son Führer avaient accompli, «d’une façon maladroite mais avec beaucoup de courage», la mission de «défenseurs de l’Europe tout entière contre l’invasion russe10», et qu’il avait été tout aussi légitime de collaborer avec eux pendant la guerre ;
- que les Juifs enfin méritaient doublement d’être condamnés en tant qu’initiateurs du deuxième conflit mondial et qu’inspirateurs de la «plus grande machination de l’histoire»
.RASSINIER OU LA DÉPORTATION TRAHIE PAR L’UN DES SIENS
C’est donc de la fraction la plus radicale de l’ultra-droite, de celle qui avait lié son sort à celui de l’Europe hitlérienne qu’est venue la première mise en forme élaborée des thèses négationnistes. Celles-ci ont cependant reçu presque aussitôt un renfort inespéré, surgi d’un tout autre horizon politique, en la personne de Paul Rassinier, un ancien militant libertaire, membre de la Fédération anarchiste et qui, arrêté pour faits de Résistance, avait personnellement connu les horreurs de Buchenwald et de Dora11.
Auteur de deux «témoignages» sur l’univers des camps nazis, Le Passage de la ligne ou l’expérience vécue, et Le Mensonge d’Ulysse, publiés respectivement en 1949 et 1950, Rassinier a longtemps servi d’alibi à l’extrême droite «révisionniste», en ce sens que, originaire d’une famille politique adverse et résistant authentique, il pouvait être cité à la barre comme non coupable du péché de fascisme. Ce qui était probablement vrai au moment où l’ancien déporté de Buchenwald publia son premier livre, mais moins évident, semble-t-il, une décennie plus tard. L’illusion d’objectivité était d’autant plus grande que l’auteur du Mensonge d’Ulysse affichait des prétentions de «chercheur» et d’«historien» et émaillait ses récits de quelques critiques adressées à la politique raciale des nazis: ce qui rendait son propos plus crédible auprès de ceux qui se cherchaient des raisons d’avoir, ou d’avoir eu, des tendresses pour le Reich hitlérien.
Que celui que les «révisionnistes» français considèrent comme le véritable fondateur de leur «école» soit issu de l’ultra-gauche n’a rien de surprenant si l’on se réfère aux précédents historiques de ce que Philippe Burrin a appelé la «dérive fasciste12». Il n’en reste pas moins qu’au moment où Rassinier donne une suite à ses premiers écrits avec Ulysse trahi par les siens en 196113, suivi du Véritable Procès Eichmann ou les vainqueurs incorrigibles en 196214 et du Drame des Juifs européens en 196415, l’ancien militant libertaire est devenu un homme de la droite extrême et qu’il s’aventure beaucoup plus loin que Maurice Bardèche dans son entreprise de réhabilitation de l’empire SS et de dénonciation du «mensonge historique» que constitue à ses yeux l’évocation de la Shoah.
D’abord, il n’y a pas eu, selon Rassinier, six millions de Juifs morts en déportation, mais un million tout au plusA. Sur ce million de victimes reconnues – parce qu’il faut quand même expliquer certains vides manifestes –, nombreuses sont celles qui ont succombé à des souffrances «ordinaires» (les «fatigues du voyage», le froid, la maladie, les bombardements alliés) ou qui ont subi les sévices des «bureaucraties concentrationnaires», c’est-à-dire des «Kapos» et autres responsables issus de la masse des déportés. Les Allemands n’ont jamais eu l’intention d’exterminer un peuple ou une «race», et par «solution finale de la question juive» il faut entendre «émigration des Juifs d’Europe vers l’Est16». D’ailleurs, écrit Rassinier dans l’un de ses livres en forme de témoignage vécu, «le IIIe Reich nous fournit […] tout ce dont nous avons besoin: la nourriture, les moyens d’une hygiène impeccable, un logement confortable dans un camp modernisé au possible, des distractions saines, de la musique, de la lecture, des sports, un sapin de Noël, etc. Et nous ne savions pas en profiter17».
La solution finale constitue donc pour Rassinier «la plus tragique et la plus macabre imposture macabre de tous les temps18», un mythe exploité par Israël pour que l’Allemagne continue à lui verser des indemnités19. Les aveux de Nuremberg? Ils ont été extorqués par la force, à la suite de «pénibles emprisonnements». Les expériences médicales? Une affabulation du Centre de documentation juive contemporaine. Les chambres à gaz? Elles n’ont jamais existé. Ou lorsqu’elles ont existé, «elles étaient annexées aux blocs sanitaires de la désinfection». Le zyklon B? Si l’on ne peut nier qu’il a été employé à Auschwitz, on ne sait pas très bien dans quelles circonstances ni à quelles fins, car là où il existait près des douches des cabines destinées à l’«assainissement» des prisonniers, «les gaz utilisés étaient des émanations de sels prussiques, produits qui entrent dans la composition des matières colorantes20».
LA GÉNÉRATION DES «FAURISSONNIENS»
Tous les arguments, tous les fantasmes, tous les poncifs que vont développer dans les années 1980 les tenants d’un «révisionnisme» à la française sont donc présents, une vingtaine d’années plus tôt, dans les écrits d’un Bardèche ou d’un Rassinier. Le second notamment a servi de modèle à tous ceux qui, niant l’existence du génocide des Juifs, plaçaient au centre de leur argumentaire la question des chambres à gaz, devenue le symbole de la négation de l’Holocauste, comme elle est restée pour les gardiens de la mémoire d’Auschwitz celui du massacre programmé.
Robert Faurisson, universitaire, spécialiste de Rimbaud et de Laurtréamont, dont les écrits occupent depuis plus de vingt ans une place centrale dans la littérature «révisionniste», a lui-même souligné l’influence qu’avait eue sur sa «réflexion» et sur ses «recherches» la piste ouverte par l’auteur du Passage de la ligne. «Jusqu’en 1960, écrivait-il en janvier 1979 dans une lettre publiée par Le Monde, j’ai cru à la réalité de ces gigantesques massacres dans les “chambres à gaz”. Puis, à la lecture de Paul Rassinier, ancien déporté résistant et auteur du Mensonge d’Ulysse, j’ai commencé à avoir des doutes. Après quatorze ans de réflexions personnelles, puis quatre ans d’une enquête acharnée, j’ai acquis la certitude, comme vingt autres auteurs révisionnistes, que je me trouvais devant un mensonge historique21.»
Que cet agrégé de lettres converti à l’exégèse des documents historiques, que cet «homme de gauche» (au dire de ses hagiographes)22 passé dans les rangs des nostalgiques de l’ordre nouveau23 ait pu s’engager dans un tel combat relève vraisemblablement de la psychiatrie. Nous y reviendrons. Plus important toutefois est d’expliquer pourquoi le disciple a effectué une percée dans les médias que le maître n’avait pas connue, et ce à un moment où les écrits de l’ancien déporté converti au «révisionnisme» paraissaient devoir entrer dans un oubli définitif. Il y a à cela plusieurs raisons.
Contemporaine de celle de la Nouvelle Droite, l’émergence du phénomène Faurisson s’effectue à la fin des années 1970, dans un contexte européen et mondial qui est celui du retour à la guerre froide. Après le scandale, au demeurant très limité, qu’avaient provoqué la publication de Nuremberg ou la terre promise puis celle des ouvrages les plus ouvertement antisémites de Paul Rassinier, le négationnisme n’avait plus rencontré en France qu’une audience confidentielle, comme l’était celle de la famille politique qui lui servait de bouillon de culture. Le filon n’avait certes pas disparu, mais il était surtout constitué par la traduction d’ouvrages étrangers, diffusés par de petites maisons d’édition proches de l’extrême droite (celle de Bardèche par exemple). Leur audience ne dépassait guère le cercle étroit des nostalgiques de l’hitlérisme. À l’heure de la détente, l’instrumentalisation du passé nazi, revisité et réhabilité par les historiens «révisionnistes», ne s’imposait plus avec la même prégnance dans certains milieux que quinze ou vingt ans plus tôt.
Or, on le sait, le contexte change au milieu de la décennie 1970, révélant aux Occidentaux les illusions de la détente et substituant à celle-ci un climat de guerre froide propice à la radicalisation du discours anticommuniste. La menace des SS 20, les craintes suscitées par l’ampleur de la vague pacifiste et l’effet Soljénytsine jouant dans le même sens, l’idée de croisade reprend corps dans certains secteurs de l’opinion et avec elle la volonté de réinsérer le passé nazi dans l’histoire de l’Occident et de sa résistance millénaire aux dangers venus de l’Est.
L’entreprise faurissonnienne s’est glissée dans cette brèche, en même temps que celle du GRECE (c’est au cours de l’été 1979 que s’est développée dans la presse française la polémique autour de la Nouvelle Droite) qui visait elle aussi, quoique de manière plus feutrée, à «historiciser» le nazisme, tandis que l’initiative de certains historiens allemands (Ernst Nolte, Joachim Fest, etc.), dont le discours passablement provocateur – ne faisaient-ils pas de la solution finale une réponse «cohérente» au bolchevisme et à la «déclaration de guerre» sioniste? – débouchait sur l’Historikerstreit, la «querelle des historiens» allemands.
À cette raison fondamentale et qui tient à l’air du temps, s’en ajoutent d’autres: l’éloignement temporel de l’Holocauste qui fait que de moins en moins nombreux sont ceux qui peuvent encore témoigner, ou simplement se souvenir; la dépolitisation croissante d’une opinion qui, la crise aidant, focalise son attention sur des préoccupations d’ordre strictement matériel; la tendance manifestée par les médias à rechercher à tout prix le scoop et à promouvoir le spectacle, quelles qu’en soient les conséquences sur l’évolution du sentiment public; enfin l’aggravation et l’élargissement du conflit israélo-arabe, dont la responsabilité exclusive est attribuée à Israël – donc au «sionisme», donc en fin de compte aux Juifs – par les partisans les plus outranciers d’un tiers-mondisme devenu, avec la débâcle de l’orthodoxie marxiste, l’ultime refuge des inconditionnels de la lutte des classes.
C’est dans ce contexte qu’a éclaté, à la fin de 1978, la «bombe» faurissonnienne, sous la forme d’une lettre adressée au journal Le Monde par le disciple de Rassinier, maître de conférences à l’université de Lyon-II et spécialiste pointu de la «mystification littéraire». Titre de l’article publié par le quotidien de la rue des Italiens après vingt-deux tentatives infructueuses en quatre ans: «Le problème des chambres à gaz ou la rumeur d’Auschwitz.» Dans sa version intégrale, il avait paru quelques mois plus tôt dans la revue de Maurice Bardèche, Défense de l’Occident; Robert Faurisson y développait une thématique à peu près semblable à celle des écrits les plus virulents de Rassinier, et qui, de façon plus manifeste encore que ne l’avait fait ce dernier, plaçait la question des chambres à gaz au cœur de l’argumentaire.
D’entrée, il était clair cependant que le problème de l’élimination des Juifs par le zyklon B n’était que le prétexte choisi par Faurisson, comme il l’avait été par ses prédécesseurs, pour mettre en cause l’authenticité même de l’Holocauste. Après avoir, écrivait-il, «visité et revisité Auschwitz et Birkenau, où l’on nous présente une “chambre à gaz reconstituée” et des ruines dites de “crématoires avec chambres à gaz”», puis «examiné des locaux présentés comme des “chambres à gaz en état d’origine”», et enfin «analysé des milliers de documents, en particulier au Centre de documentation juive contemporaine de Paris», il pouvait affirmer urbi et orbi que l’extermination des Juifs par le gaz n’avait jamais existé et que, par conséquent, conformément à ce qu’avaient affirmé Bardèche et Rassinier, il y avait eu en 1945 une immense machination visant à légitimer, au profit du sionisme, «une gigantesque escroquerie politico-financière».
Du «mensonge» sur les chambres à gaz, on passe tout naturellement à la «mystification» constituée, selon Faurisson et consorts, par l’évocation même du génocide. On voit ici à quel point l’accent mis sur les modalités du massacre constitue un enjeu capital, en ce sens que la récusation de cette seule pièce du dossier entraîne pour les «révisionnistes» la négation globale du crime contre l’humanité dont les nazis se sont rendus coupables: ce qui leur permet et de réhabiliter Hitler, promu défenseur de l’Occident, et de nourrir le discours antisémite résurgent, tout en protestant de leur innocence en ce domaine non par tendresse philosémite, mais parce que la loi en France punit les manifestations publiques du racisme et de l’antisémitisme, et qu’il est dès lors indispensable – telle est également, on le verra, la stratégie adoptée par le GRECE – d’avancer à visage couvert.
Le cas Faurisson ne présente d’intérêt, pour qui cherche à comprendre la genèse du négationnisme, que dans la mesure où il révèle une structure mentale pathologique, porteuse de sa logique propre, complètement déconnectée du réel et qui présente les signes cliniques clairement repérables de la paranoïa. Ne faut-il pas rappeler qu’avant de se lancer dans la «révision» de l’histoire récente, celui que ses partisans ont baptisé «le professeur» avait consacré la majeure partie de ses «travaux» à repérer quelques-unes des grandes «mystifications» de l’histoire littéraire, donnant dès 1961 du Sonnet des voyelles d’Arthur Rimbaud une interprétation érotique24, dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle dénotait chez son auteur une forte aptitude à l’autotorture mentale25, puis, une dizaine d’années plus tard, une thèse de doctorat consacrée à l’œuvre de Laurtréamont, dont Faurisson disait qu’il n’était pas d’exemple «d’une mystification littéraire aussi grave et aussi prolongée26»? Comme l’a montré Nadine Fresco dans un article paru en 1980 dans Les Temps modernes, il n’est pas besoin de procéder à une analyse lexicale très poussée de la prose faurissonnienne pour constater à quel point elle fourmille de références à des termes tels que «mystification», «supercherie», «leurre», «énigme», «faussaire», etc.27. Tout cela relève à l’évidence d’un délire interprétatif qui, appliqué successivement à Rimbaud, à Nerval, à Laurtréamont, voire à Victor Hugo, a fini par conduire l’ancien maître de conférences de Lyon-II à une interprétation paranoïaque des témoignages sur le génocide nazi28.
Comment, dans ces conditions, un individu dont la pensée procède de l’idée fixe et du délire a-t-il pu, en quelques années, devenir le pape du «révisionnisme» hexagonal et faire figure d’«expert» auprès de ses homologues français et étrangers, et ce dès la réunion en 1979 à Los Angeles de la première «Convention révisionniste»29? Poser la question revient à se demander comment fonctionne dans une société le délire antisémite, et comment Vacher de Lapouge, Jules Soury et autres Drumont ont pu en leur temps capter l’attention d’une clientèle nombreuse, voire comment Hitler lui-même a pu mobiliser tout un peuple sur des fantasmes déments. Au moins les uns et les autres pouvaient-ils se prévaloir d’une construction idéologique cohérente: folle, criminelle, mais visant à une explication globalisante. Ce n’est le cas ni de Robert Faurisson ni de son principal disciple, Henri Roques, auteur d’une «thèse» soutenue à Nantes en 1985 dans des conditions plus que douteuses et annulée un an plus tard, pour graves irrégularités administratives, par le ministre délégué, chargé de la Recherche, Alain Devaquet. Le premier se refuse à prendre le problème de la «solution finale» autrement que par le petit bout de la lorgnette. Hitler, écrit-il, ne l’intéresse «pas plus que Napoléon Bonaparte», et à un lecteur frustré qui lui demande d’élargir ses horizons, il répond: «Je me sens incapable d’entreprendre une critique plus exhaustive de l’histoire du nazisme et de la Seconde Guerre mondiale. Je ne suis pas un aigle, mais une petite fourmi qui ne se sent à l’aise que dans la vétille30.» Le second consacre les deux volumes de sa thèse d’université à l’étude comparative des différentes versions des «Confessions» de Kurt Gerstein, un officier SS qui avait été chargé de livrer des produits chimiques au camp de Belzec où il assista au gazage des déportés, et il tire argument des contradictions entre les versions successives de ce texte pour conclure que le témoignage n’a aucune valeur, et pour suggérer (de manière allusive) en conclusion que les chambres à gaz n’ont pas existé. Travail de «fourmi» donc, comme celui de Faurisson, travail parcellaire visant à prendre l’adversaire en défaut sur un point particulier, de manière à produire une fissure dans l’édifice des certitudes et des évidences, puis à ébranler l’ensemble par des raisonnements inductifs douteux, en laissant à d’autres le soin d’en tirer des enseignements pour le présent et des gains politiques immédiats.
INSTRUMENTALISATION ET RÉCUPÉRATION POLITIQUE DU NÉGATIONNISME
Ce qui a compté, dans la France des années 1980, et ce qui compte encore à l’heure actuelle, ce ne sont pas les délires fantasmatiques d’une poignée de professionnels de la négation. C’est la manière dont leurs «recherches» et leurs «travaux» ont été instrumentalisés par des organisations politiques pour lesquelles le génocide des Juifs constitue un verrou qu’il convient à tout prix de faire sauter, dans une perspective de légitimation du discours et de l’action antisémites, ou simplement de réhabilitation d’une culture politique dont se réclament, plus ou moins explicitement, les complices des falsificateurs de l’histoire.
À l’extrême gauche, parmi les rescapés d’un gauchisme tiers-mondiste qui n’en finit pas de régler ses comptes avec le «grand capital», et qui a transféré sa vision en noir et blanc de la lutte des classes sur le plan des relations internationales, l’argumentaire négationniste sert de cheval de bataille à un combat «antisioniste» dans lequel tous les moyens sont bons pour déconsidérer l’adversaire. Le phénomène n’est pas nouveau. N’a-t-il pas donné naissance, dans les années 1880-1890, à un antisémitisme populaire et gauchisant qui a constitué l’une des matrices du fascisme français? C’est un dévoiement de même nature qui s’exprime, un siècle plus tard, par le truchement du petit groupe qui s’est structuré autour de la maison d’édition La Vieille Taupe, dirigée par un ancien militant de Socialisme et Barbarie, Pierre Guillaume, et qui, après avoir réédité deux livres de Rassinier31, a publié en 1980 un ouvrage intitulé vérité historique ou vérité politique? Le dossier de l’affaire Faurisson. La question des chambres à gaz, dont l’auteur, Serge Thion, se présente comme un militant des luttes anti-impérialistes.
L’existence d’un «révisionnisme» anarcho-trotskyste, organisé autour de La Vieille Taupe, et le rôle que celle-ci a joué dans la diffusion en France et à l’étranger des thèses négationnistes ne permettent pas cependant de renvoyer dos à dos les deux franges extrêmes du spectre politique français. Les Pierre Guillaume, Serge Thion et autres Jacob Assous ne représentent en effet qu’une fraction extrêmement minoritaire de l’ultra-gauche, celle des intégristes du marxisme «antistalinien»32. Leur dérive «anti-impérialiste» les a conduits très loin de leurs options originelles, comme celle de certains syndicalistes révolutionnaires «soréliens» de la fin du XIXe siècle que le thème corradinien de la nation prolétaire avait fini par transformer en ultra-nationalistes et à projeter dans l’antichambre du fascisme. À l’extrême droite au contraire, qu’il s’agisse de la fraction ultraciste de cette famille politique, ou du courant majoritaire national-populiste qui s’incarne dans le Front national, c’est la grande majorité des groupes qui la composent qui, à des degrés divers, se trouvent impliqués dans l’entreprise négationniste.
Celle-ci s’opère tantôt au grand jour, par l’écho qui est donné des thèses et des «travaux» de Faurisson et de ses émules dans les colonnes d’organes comme Rivarol, Présent et Minute, tantôt en usant de l’euphémisation et de la litote pour faire passer en douceur dans le public un certain nombre de messages dont il est clair qu’ils ont pour enjeu de battre en brèche le consensus sur l’extermination des Juifs européens. C’est ainsi que, depuis 1987, Jean-Marie Le Pen s’est laissé aller à quelques dérapages verbaux dont il est peu probable qu’ils n’aient pas été calculés, tant il est vrai qu’après une courte période d’indignation et de recul dans les sondages, le coup porté a régulièrement permis à son auteur de rebondir un peu plus haut.
N’en a-t-il pas été ainsi de l’affaire du «point de détail» sur les chambres à gaz, à l’automne 1987? Interrogé lors d’un «Grand Jury RTL/Le Monde» sur sa position dans le débat ouvert par les «révisionnistes», le leader du Front national a cru bon d’afficher, en usant de cette expression, le peu de cas qu’il faisait de cet «épisode» de la Seconde Guerre mondiale, ce qui revenait sinon à nier ouvertement l’existence des chambres à gaz, du moins à considérer qu’il s’agissait d’un problème «dépassé», au même titre que l’était le comptage des victimes. Il y a eu, expliquait-il, des centaines de milliers, peut-être des millions de morts («les historiens en débattent»), juifs et autres: ce qui impliquait de sa part une banalisation du phénomène, considéré comme un crime de guerre, non comme un crime majeur commis contre l’humanité. Prononcée sur le mode goguenard dont est familier l’ancien député poujadiste, la petite phrase sur le «point de détail» avait une fonction identique à celle des longues diatribes d’un Rassinier ou d’un Faurisson, à cette différence près qu’elle était assénée devant des millions d’auditeurs par un habile tacticien du verbe. On connaît d’ailleurs le résultat de l’opération. Après une forte baisse dans les sondages (7 % d’intentions de vote au lendemain de l’émission contre 12 % lors du sondage précédent), Le Pen battait six mois plus tard, à l’occasion de la présidentielle du printemps 1988, tous les records du vote d’extrême droite.
De même, la levée de boucliers qui avait suivi, en septembre 1988, la «maladresse de langage» à propos de l’ancien ministre centriste Michel Durafour («Durafour-crématoire»), si elle avait à court terme provoqué quelque flottement sur le front des troupes et dans l’état-major lepéniste33, n’a pas empêché l’organisation d’extrême droite de conserver ses positions lors des consultations électorales de mars et de juin 1989. La preuve était faite que l’on pouvait désormais en France tourner en dérision la mémoire du génocide, ou en nier plus ou moins explicitement l’existence, sans se couper durablement d’une partie de l’opinion oscillant à cette époque entre 13 et 15 % du corps électoral.
LA RELÈVE
Depuis les premiers écrits de Bardèche, la stratégie de l’extrême droite n’a pas changé. À cette différence près qu’il ne s’agit plus seulement de blanchir quelques milliers de «rêveurs casqués» et d’épurés de la Libération en affirmant que la cause pour laquelle ils avaient combattu était pure de toute compromission avec le diable, Hitler n’ayant jamais eu l’intention d’exterminer les Juifs et les crimes de l’armée allemande étant dépassés en horreur par ceux des Alliés, mais de refaire une virginité à l’idéologie qui, depuis plus d’un siècle, sert de support à l’ultra-droite française.
Suggérer que les chambres à gaz n’ont «peut-être pas existé», que l’Holocauste est un mythe, que le Reich hitlérien n’a été après tout qu’un rempart contre la barbarie stalinienne et que les Juifs sont à la fois coupables d’avoir poussé à la guerre contre lui et de l’avoir ensuite diabolisé par une «machination» sans précédent, voilà ce qui permet de réhabiliter toute la tradition, toute la culture politique qui a triomphé avec Vichy de la démocratie «décadente». Et par conséquent de rattacher l’entreprise actuelle de la droite extrême à un versant de l’idéologie française que la tache collaborationniste avait passablement terni. On voit qu’au-delà du délire interprétatif et des obsessions morbides de quelques individualités à l’équilibre fragile, c’est d’un formidable enjeu de mémoire dont est porteur le débat engagé depuis un demi-siècle avec les falsificateurs de l’histoire.
Ni les témoignages présentés par des survivants du génocide lors du procès de Klaus Barbie à Lyon en 1987, ni la programmation sur les écrans de la télévision française du film de Claude Lanzmann, Shoah, ni les mises au point rigoureuses faites par une légion d’historiens français ou étrangers (Pierre Vidal-Naquet, François Bédarida, Philippe Burrin, Raul Hilberg, Eugen Kogon, etc.) n’ont pu faire rendre les armes aux propagateurs de l’obsession négationniste. On aurait pu penser que la publication en France en 1993 de l’ouvrage de Jean-Claude Pressac, paru quatre ans plus tôt aux États-Unis sous le titre Auschzwitz: Technique and Operations of the Gas Chambers, allait mettre un terme définitif aux divagations des négateurs du génocide. Pharmacien de profession et ancien associé de Faurisson, investi par celui-ci d’une mission destinée à prouver sur le terrain l’inexistence des chambres à gaz, Pressac – qui dans l’intervalle s’était brouillé avec le «professeur» – s’était effectivement rendu à Auschwitz pour y mener une enquête rigoureusement technique dont les conclusions démentaient fondamentalement les thèses faurissonniennes. Publié dans sa version française par les éditions du CNRS, sous le titre Les Crématoires d’Auschwitz. La machinerie du meurtre de masse34, le livre fut salué par l’immense majorité de la presse comme un événement majeur qui apportait la preuve définitiveB de l’existence des chambres à gaz, donc de la volonté exterminatrice des nazis.
C’était compter sans la perversion mentale de gens qui allaient aussitôt tirer parti de l’ambiguïté du livre de Pressac. Non content en effet d’exposer avec force détails le mécanisme de la mise à mort dans les camps d’extermination nazis, celui-ci se livrait à une forte révision à la baisse des chiffres jusqu’alors avancés par les meilleurs spécialistes mondiaux du génocide (à commencer par Hilberg), parlant au cours d’un entretien avec Valérie Igounet d’un «cœfficient multiplicateur émotionnel» variant de 2 à 7 et s’indignant du «pitoyable niveau de la science concentrationnaire, basée exclusivement jusqu’à nos jours sur les “sacro-saints” témoignages35». Il n’en fallait pas plus pour que, Faurisson en tête, les négationnistes se livrent à leur jeu favori: induire d’une évaluation excessive partielle du nombre des victimes qu’il y avait eu «mensonge concerté», et que par conséquent tout ce qui visait à accréditer la thèse de l’extermination des Juifs relevait de la pure et simple affabulation.
En France, depuis une dizaine d’années, le camp négationniste a néanmoins perdu du terrain. On parle moins de lui dans les médias et si Faurisson, mis à la retraite en 1990, conserve un certain prestige dans le monde exigu des faussaires de l’histoire, son audience a fortement décru. Plus dispersée que la précédente, la nouvelle génération des négateurs lui dispute le terrain en renchérissant sur les thèses des faurissonniens et en portant le «débat» sur l’histoire globale de la Seconde Guerre mondiale. Parmi les représentants de cette école «post-révisionniste» (c’est l’étiquette qu’ils se sont eux-mêmes choisie), émergent de jeunes militants extrémistes qui, au-delà du discours sur le «mensonge d’Auschwitz», affichent un antisémitisme et un racisme de choc: un Olivier Mathieu par exemple, dont l’action s’exerce notamment en Belgique où il sera condamné à dix-huit mois de prison ferme en 1990 pour «incitation à la haine raciale», ou un Alain Guionnet, ancien militant de l’ultra-gauche étudiante des années 1970, ex-animateur de La guerre sociale et auteur de plusieurs brûlots antisémites (Mémoire en défense, Joseph Kramer contre joseph Kramer, etc.). En 1989, cet ancien collaborateur des Annales d’histoire révisionniste a fondé sa propre revue, Revision, dans laquelle il diffuse les principaux thèmes «postrévisionnistes» et multiplie les titres provocateurs: «Les coupeurs de verges à la grande vergue36», «Salut Hitler37», ce qui vaut au mensuel de Guionnet d’être régulièrement cité devant les tribunaux.
En relation avec les représentants d’une «internationale révisionniste» dont les principaux foyers se situent aujourd’hui en Europe du Nord et aux États-Unis, les négationnistes français se sont regroupés au début des années 1990 dans plusieurs associations ultra-confidentielles telles que l’Association normande pour l’éveil du citoyen (ANEC), présidée par l’ingénieur chimiste Vincent Reynouard, et l’organisation Amnistie nationale pour les internés et victimes de la loi Gayssot (ANIV), animée par Philippe Costa, ingénieur à EDF. Suspendue par décision judiciaire, l’ANIV s’est reconstituée en 1993 en une nouvelle association, Mémoire et Histoire, dont les statuts affirment la volonté des adhérents à vouloir «participer à toutes formes d’action pour le respect de la vérité et de la mémoire liées à la Seconde Guerre mondiale38». Le projet est sans équivoque.
La diffusion des écrits révisionnistes s’effectue par un double canal: celui, destiné à un large public, des organes directement ou indirectement liés au Front national, comme National-Hebdo ou Présent, et celui, beaucoup plus confidentiel, des publications de l’ultra-droite néo-nazie ou des revues dont la spécificité est clairement négationniste comme Revision, les Annales d’histoire révisionniste, la Revue d’histoire négationniste, ou encore la Revue d’histoire non conformiste de Jean-Dominique Larrieu. Interdites d’affichage et essentiellement vendues par abonnement, ces publications – comme celles de la Nouvelle Taupe – trouvent néanmoins leur place dans les rayons des librairies d’extrême droite de l’Hexagone. À Paris, la librairie Ogmios, qui avait bénéficié en 1987 du soutien financier de Wahid Gorji, le numéro 2 de l’ambassade d’Iran39, ayant dû fermer ses portes en septembre 1993, a été aussitôt remplacée par une autre antenne de la diffusion négationniste, La Librairie, rue Saint-Honoré, qui passera elle-même le relais quelques années plus tard à la librairie L’Aencre. Ni ces délocalisations ni ces changements d’enseigne ne modifient beaucoup le contenu des stocks et la nature de la clientèle. On peut y trouver aussi bien les traductions et rééditions des «classiques» du national-socialisme et de l’antisémitisme, du Mythe du XXesiècle d’Alfred Rosenberg et des Protocoles des Sages de Sion au dernier ouvrage de Roger Garaudy, en passant par les innombrables brochures, publications périodiques et autres libelles produits à l’échelle internationale par la nébuleuse négationniste et néo-nazie.
D’UN RIVAGE DE L’ATLANTIQUE À L’AUTRE: LE NÉGATIONNISME ANGLO-SAXON
Si le premier flux du négationnisme est français, le second est américain et ne surgit qu’au début des années 1960 avec la publication du livre de Harry Helmer Barnes, Blasting their Historical Blackout. Parmi les admirateurs outre-Atlantique du Reich hitlérien, Barnes n’est pas tout à fait un inconnu. Dès les années vingt, il s’est illustré dans la défense des thèses visant à dédouaner l’Allemagne de ses responsabilités dans le déclenchement du premier conflit mondial. Son philogermanisme a ensuite évolué dans un sens favorable au nazisme dont il nie les «prétendus crimes de guerre» dans sa plaidoirie de 1962. Quatre ans plus tard, c’est l’extermination des Juifs européens que Barnes met en doute dans Revisionism: a Key to Peace, après quoi, ayant fait la connaissance de Rassinier, il entreprend de traduire ses livres en anglais: entreprise qui prend fin en 1968 avec le décès du premier négationniste américain. Le flambeau est repris, dès l’année suivante, par son disciple, David L. Hoggan, auteur d’un petit livre de 120 pages, The Myth of the Six Million, dans lequel les témoignages de Rudoph Höss, commandant du camp d’Auschwitz, et de Kurt Gerstein, témoin des premières expériences de gazage, sont tenus pour de pures affabulations.
C’est par le truchement de Hoggan que les idées négationnistes vont passer en Grande-Bretagne au début de la décennie suivante. En 1974, paraît en effet à Londres, sous la signature d’un certain Richard Harwood, un opuscule d’une trentaine de pages intitulé Did Six Million really Die? Inspiré du livre de David L. Hoggan, le texte s’applique à «démontrer» qu’il n’y a eu ni adoption par les nazis d’une politique d’extermination ni massacre programmé de six millions de Juifs au cours du second conflit mondial. Pour parer l’entreprise d’un vernis scientifique, la brochure «révisionniste» a été placée sous un label éditorial savant, la Historical Review Press, tandis que son auteur était présenté comme «un écrivain et un spécialiste des aspects politiques et diplomatiques de la Seconde Guerre mondiale» travaillant à l’université de Londres40.
En réalité, Harwood est le pseudonyme d’un individu connu pour ses sympathies d’extrême droite, Richard Verrai, qui deviendra quelques années plus tard membre du comité directeur du National Front et rédacteur en chef du journal publié par cette organisation, Spearhead. Quant à la Historical Review Press, dont le siège est à Brighton, elle appartient à Anthony Hancock et est également liée à la formation néo-fasciste britannique.
Traduit en plusieurs langues et réédité en 1977 et 1978, le pamphlet de Harwood vise à prouver l’impossibilité du génocide des Juifs, lequel aurait été en contradiction fondamentale avec la rationalité et avec la logique du capitalisme allemand. Il aurait signifié en effet «un gaspillage de main-d’œuvre, de temps et d’énergie, à un moment où l’Allemagne se battait désespérément sur plusieurs fronts pour survivre41». Le reste constitue un démarquage des thèses de Rassinier et de ses épigones d’outre-Atlantique, mêlées aux vieilles lunes de l’antisémitisme classique. La déportation des Juifs dans des camps de concentration, dont Harwood ne nie pas l’existence? L’équivalent de l’internement des Japonais résidant aux États-Unis après Pearl Harbor. L’opération Nacht und Nebel (Nuit et Brouillard)? Non pas l’annonce codée de la solution finale, mais un simple projet d’«évacuation» des Juifs vers l’Est européen. Les morts vivants découverts lors de la libération des camps en 1945? Le résultat du chaos provoqué par les bombardements alliés qui auraient empêché le ravitaillement des camps, favorisant la diffusion de la famine et du typhus. Les six millions de victimes de la Shoah? Une imposture à laquelle Harwood oppose le chiffre (déjà avancé par Rassinier) de 1,2 million de disparus, révisé par la suite à la baisse par le négationniste anglais qui comparera ce bilan «dérisoire» aux deux millions de civils allemands tués dans les bombardements terroristes perpétrés par les Anglo-Américains.
L’essai de Harwood, véritable manifeste de l’«école révisionniste» anglaise, a été suivi de plusieurs textes de la même mouture. En 1978, c’est le même Harwood qui publie dans Historical no 2 un texte intitulé «Nuremberg and Other War Crimes Trials. A New Look», dans lequel il compare le procès de Nuremberg – œuvre de la «juiverie internationale» – aux procès staliniens de l’immédiat avant-guerre. L’année suivante, un autre représentant du négationnisme britannique, Michael McLaughlin, prend la plume à son tour pour célébrer la mémoire de «ceux qui ne peuvent pas parler», à savoir les millions de soldats tués durant les deux guerres mondiales, holocauste d’une tout autre dimension que celle des Juifs déportés. Il conclut que la justice doit être rétablie et le régime hitlérien réhabilité42. En 1982, une officine baptisée par ses promoteurs Center for Historical Review (Review pour révision) fait paraître une feuille de quatre pages, intitulée par dérision Holocaust News. Il n’y aura pas de numéro 2, mais ce brûlot n’en aura pas moins été tiré à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires distribués gratuitement43.
Une place particulière doit être faite à l’historien David Irving qu’un amalgame hâtif tend parfois à assimiler aux négationnistes. Dans l’ouvrage qu’il a publié en 1977, Hitler’s War44, Irving ne met en doute ni la volonté exterminatrice des nazis ni le gazage des victimes du génocide. Sa thèse vise essentiellement à dédouaner Hitler en affirmant que la responsabilité de l’Holocauste était imputable à Himmler et à Heydrich, le Führer étant tenu à l’écart de la décision et de son exécution, et ayant même donné l’ordre formel, en novembre 1941, de «ne pas liquider les Juifs». En contradiction avec ce que nous savons du dictateur nazi et de son pouvoir, la thèse d’Irving, fondée sur un document unique, d’interprétation malaisée et que l’historien cite de manière partielle45, n’a évidemment convaincu que ceux qui avaient envie de l’être. Les négationnistes de stricte observance, quoique réservés, on s’en doute, sur la question des chambres à gaz, n’en ont pas moins fait leur miel dès lors qu’elle leur donnait raison, estimaient-ils, sur un point. Irving, il faut le dire, n’a pas fait grand-chose pour empêcher cette récupération, comme en témoigne sa présence à la «convention révisionniste internationale» de 1983 aux États-Unis46.
À cette date, l’épicentre du négationnisme anglo-saxon a déjà repassé l’Atlantique. En septembre 1979 s’est tenu à la Northrup University de Los Angeles la première rencontre de la «Convention révisionniste». L’initiative en revient à un organisme constitué quelques mois plus tôt par Willis Carto, dirigeant d’une association d’extrême droite, le Liberty Lobby, dont l’hebdomadaire, Spotlight, est connu pour ses prises de position racistes et prohitlériennes. Ainsi mis sur orbite par ce que l’ultra-droite américaine connaît de plus virulent en matière d’antisémitisme, l’Institute for Historical Review (c’est le nom qui a été donné à l’organisation par son fondateur) s’est aussitôt fixé comme objectif de coordonner à l’échelle mondiale l’action des cercles négationnistes.
Les Britanniques ne sont pas complètement absents de l’entreprise. Le premier directeur de l’ICR est en effet un sujet de Sa Gracieuse Majesté installé aux États-Unis, qui a pris le pseudonyme de Lewis Brandon et n’est autre que David McCalden: ancien membre du National Front et auteur de divers opuscules racistes et antisémites publiés en Grande-Bretagne. À Los Angeles, lors du premier congrès de la Convention révisionniste auquel ont été conviés les «historiens» et «chercheurs» de plusieurs pays, ce ne sont toutefois ni Carto ni McCalden qui tiennent la vedette mais Robert Faurisson, qui trouve là sa consécration internationale, et le négationniste américain Arthur Butz, professeur d’informatique et auteur en 1975 d’un livre intitulé The Hoax of the Twentieth Century ( La supercherie du XXe siècle) qui doit beaucoup à Rassinier. La rencontre, qui était destinée selon ses organisateurs à «faire du révisionnisme historique une réalité irréfutable et un mouvement de pensée que rien ne pourra arrêter47», donna lieu à une publication dans la revue trimestrielle de l’ICR: le Journal of Historical Review. L’expérience sera renouvelée, toujours aux États-Unis, en 1980, 1981, 1982 et 1983.
NÉGATIONNISME ET «RÉVISIONNISME HISTORIQUE» EN ALLEMAGNE
Patrick Moreau explique que l’extrême droite allemande a nourri son discours visant à la réhabilitation du IIIe Reich – donc à la légitimation du néo-nazisme – en s’appuyant sur plusieurs types d’écrits «révisionnistes». Jusqu’au début des années 1960, l’effort a porté essentiellement sur trois points: la glorification du soldat héroïque, l’apologie de la SS et la dénonciation des «crimes alliés»48.
Les «sagas militaires» constituent le genre le plus répandu et le plus apprécié des lecteurs. Elles relatent dans un style héroïque les exploits de combattants des trois armes dont le sacrifice a consisté non seulement à défendre leur patrie, mais également à mourir pour préserver l’Occident de la barbarie communiste. Peu de références à l’idéologie et à la politique dans ces ouvrages «grand public», sinon pour affirmer qu’Adolf Hitler, le «guide génial et bon», a été trahi par ses subordonnés et que les crimes de guerre imputés au Führer et à la Wehrmacht sont le fait d’une SS fanatisée ayant agi de manière autonome.
C’est au contraire la défense de l’Ordre noir qui est au cœur des écrits du second type. Souvent rédigés par d’anciens SS, affiliés à la HIAG et membres d’organisations néo-nazies, ces ouvrages mettent en scène des unités d’élite présentées comme une composante de l’armée allemande utilisée pour mener les actions les plus périlleuses et dont les pertes auraient atteint 90 % des effectifs engagés. On évoque bien sûr plus fréquemment la Waffen-SS combattante que les Totenkopf employés à la garde des camps de concentration, et l’on explique que les actions de représailles menées à l’encontre des populations civiles n’ont été que la réplique aux violences «terroristes» perpétrées par les «communistes». Il est à noter que ces deux catégories d’ouvrages apologétiques ont été traduits dans de nombreuses langues et ont alimenté un inépuisable fonds de commerce dont les librairies d’extrême droite sont loin d’avoir été les seules bénéficiaires49.
Les «crimes» imputés aux Alliés constituent le troisième volet de cette littérature de réhabilitation. Relèvent de cette catégorie, selon les auteurs révisionnistes, aussi bien les violences commises à l’encontre de soldats et de prisonniers allemands et le pillage de l’ancien Reich par les vainqueurs que les bombardements de populations civiles – dont celui de Dresde, qui a fait des dizaines de milliers de victimes en février 1945 – ou que les déplacements de populations consécutifs aux annexions de l’immédiat après-guerre. Comment a-t-on pu, s’interrogent les auteurs, condamner des dirigeants nazis pour crimes de guerre, alors que les Alliés et tout particulièrement les Russes se sont livrés à de véritables «génocides»? Des crimes contre l’humanité, froidement exécutés par les serviteurs de la dictature hitlérienne, il n’est évidemment pas question dans ces écrits. Le seraient-ils que l’ampleur des atrocités dont le peuple allemand a eu à souffrir suffit à imposer à tous l’oubli du passé.
On aurait pu penser que les thèses négationnistes d’un Bardèche ou d’un Rassinier se seraient aisément imposées en Allemagne, du moins parmi les auteurs d’écrits visant à réhabiliter le IIIe Reich. Or ce n’est qu’au début des années 1980, à la faveur de la relève générationnelle, de la banalisation du passé qui en découle et de la contagion des thèses faurissonniennes que se développe en RFA un courant antiexterminationniste aussitôt récupéré et instrumentalisé par l’ultra-droite. Jusqu’à cette date, le révisionnisme a conservé en Allemagne les traits qu’il avait acquis au lendemain de la guerre, en évitant d’aborder la question des camps de la mort – objet d’une réprobation très fortement majoritaire en République fédérale – et en mettant l’accent sur la non-responsabilité de l’Allemagne dans le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale.
L’offensive visant à démontrer l’innocence de Hitler et de ses principaux lieutenants dans le processus belligène fut lancée au début des années 1960 par l’Américan David L. Hoggan et par l’Allemand Udo Walendy. Le premier a publié en 1961 un ouvrage, aussitôt traduit en allemand, dans lequel il expliquait que le IIIe Reich avait été poussé à la guerre par l’intransigeance des démocraties50. Le second a fait paraître quatre ans plus tard sa Vérité pour l’Allemagne, dont il ressortait que le second conflit mondial avait pour cause principale le Diktät imposé aux Allemands en 1919 par les puissances victorieuses51. L’un et l’autre présentaient les choix diplomatiques effectués par Hitler à partir de 1934 comme l’inéluctable conséquence du traité de Versailles. Le refus systématique opposé par la France aux revendications allemandes concernant notamment les frontières orientales du Reich avait incité Hitler à réarmer son pays, puis à réoccuper la Rhénanie et enfin à opérer des «rectifications» rendues nécessaires soit par la légitime aspiration des peuples germanophones à réintégrer le giron de la mère-patrie, soit par l’agressivité des Etats voisins, Tchécoslovaquie et Pologne. Pas un mot sur le programme expansionniste élaboré par Hitler dix ans avant son arrivée à la chancellerie. Hoggan et Walendy voulaient bien admettre que le «pacifique guide du peuple allemand» avait poussé au rouge les chaudières de la militarisation et développé un discours belliqueux, mais le but, expliquaient-ils, était de stabiliser le nouveau pouvoir et de relancer l’économie par une politique d’armement à vocation essentiellement défensive. Qu’il y ait eu dans l’Europe des années trente des fauteurs de guerre, cela ne faisait à leurs yeux aucun doute, mais ils s’appelaient Churchill, Barthou, Daladier et consorts: Hitler, lui, ne faisait que riposter au complot des démocraties, et c’est pour en déjouer les effets qu’il avait passé contrat avec Staline en août 1939.
Présentée comme le résultat de recherches approfondies dans les archives et appuyée sur un appareil critique impressionnant (mais fondé sur des documents soigneusement triés et souvent tronqués), cette fable n’avait guère de chance de convaincre les historiens professionnels. Mais tel n’était point le but. Il s’agissait essentiellement de déculpabiliser les Allemands en leur «démontrant» que les responsables de leurs malheurs n’étaient pas les nazis mais les dirigeants des démocraties occidentales. Relié à l’argumentaire portant sur les crimes de guerre des Alliés, sur la «trahison» dont Hitler avait été l’objet de la part de certains de ses collaborateurs, sur la nouvelle injustice infligée au peuple allemand après 1945, ce discours avait vocation, aux yeux de l’extrême droite – qui s’en était aussitôt saisi –, de réinsérer le IIIe Reich dans l’histoire nationale et de légitimer sa propre action.
Peu de traces toutefois de négation du génocide dans le discours révisionniste officiel des années soixante et soixante-dix. Certes, la prose de Bardèche et de Rassinier, plus tard celle de Harwood, Butz et autres Faurisson est connue dans les milieux néo-nazis. Leurs ouvrages circulent sous le manteau et font les délices des nostalgiques de l’ordre nouveau hitlérien. La presse d’extrême droite se fait l’écho de leurs «travaux». Mais le NPD refuse de faire de la question des chambres à gaz un thème de sa propagande et préfère (par prudence plus que par conviction) s’en tenir aux arguments développés par les historiens qui opèrent dans sa mouvance, comme Udo Walendy.
Le début de la décennie 1980 marque un net changement dans la stratégie de réhabilitation du nazisme par l’extrême droite allemande. Les raisons en sont multiples. Avec le temps, la mémoire des crimes nazis s’est faite moins prégnante. La nouvelle génération n’a pas, s’agissant du fascisme et du nazisme, les mêmes préoccupations que celle qui a «fait la révolution» en 1968. L’immense production éditoriale grand public concernant la Seconde Guerre mondiale et glorifiant l’héroïsme des soldats allemands a fait passer au second plan certains aspects moins glorieux de l’épopée de la Wehrmacht. Les biographes de Hitler se sont appliqués à évoquer un personnage plus complexe, moins inhumain ou moins dément que celui qu’avaient décrit leurs prédécesseurs. Il y a donc bel et bien un risque de banalisation du nazisme. Le seul verrou concerne, ici comme en France et comme dans d’autres États européens, le crime majeur contre l’humanité dont l’hitlérisme s’est rendu coupable avec l’extermination des Juifs. Tel est donc le terrain sur lequel va se développer à partir de 1980 la nouvelle offensive révisionniste.
Celle-ci va tirer parti de l’argumentaire concocté par les têtes pensantes du négationnisme international, alors en plein essor. C’est à ce moment en effet que se constitue autour de l’Institute for Historical Review et de sa revue trimestrielle une instance de coordination réunissant chaque année en «congrès» des «révisionnistes» originaires de différents pays. Faurisson et Butz en sont les vedettes et les thèmes qu’ils développent sont aussitôt diffusés dans les cercles néo-nazis européens et extra-européens. Mais l’extrême droite allemande ne s’appuie pas seulement sur les divagations des «anti-exterminationnistes». Elle a trouvé un renfort inespéré dans les travaux d’historiens de réputation internationale, comme Martin Broszat, directeur de l’Institut d’histoire contemporaine de Munich, que nul ne peut suspecter d’indulgence à l’égard du nazisme et des crimes hitlériens. Dans un article publié dans l’hebdomadaire Die Zeit en 1960D, mais qui n’avait pas à cette date retenu l’attention des néo-nazis, Broszat expliquait qu’il fallait établir une distinction entre camps de concentration et camps d’extermination. L’Allemagne (dans ses fontières de 1937) n’avait connu pendant la guerre que des camps de la première catégorie, les autres étant situés en Pologne occupée. Conclusion de l’historien: il n’y a pas eu de gazage de masse sur le territoire du Reich.
De cette mise au point devenue classique, et essentiellement destinée à l’époque à ne pas brouiller les cartes, les négationnistes des années 1980 ont tiré une tout autre leçon. En parlant de gazages à Buchenwald ou à Bergen-Belsen, les détracteurs du nazisme ont commis un faux, n’hésitant pas pour cela à user de témoignages inventés ou tronqués. Pourquoi dans ces conditions faudrait-il accorder le moindre crédit aux accusations portées contre le IIIe Reich concernant le «soi-disant génocide» et la mise à mort de centaines de milliers de Juifs dans les chambres à gaz d’Auschwitz?
On voit comment un travail scientifique honnête peut être retourné contre la vérité historique, du seul fait que, dans la précipitation et l’émotion qui ont caractérisé des travaux effectués à chaud, ont pu se glisser des contradictions ou des incertitudes. À partir de quoi un raisonnement inductif tordu a conduit les «révisionnistes» à nier l’évidence des faits et à tenter d’accréditer auprès d’une clientèle toute prête à partager leur délire la thèse du «complot sioniste» visant à légitimer l’Etat d’Israël et à «extorquer au peuple allemand» des fonds exigés au titre des réparations.
À l’appui de leurs dires, les négationnistes allemands se retranchent derrière les «preuves irréfutables» du «mensonge» qui leur sont fournies par leurs homologues étrangers. Le livre de Richard Harwood, Did Six Million Die? qui a été traduit en allemand dès 197552, rencontre quelques années plus tard une audience relativement importante, due aux efforts prodigués par Udo Walendy pour faire connaître le révisionniste anglais. De son argumentaire, et de ceux de Rassinier et de Faurisson, également à l’honneur dans l’ultra-droite nazie, le négationniste Wilhelm Stâglich tirera la substance de son livre, Der Auschzuitz Mythos. Légende und Wirkleicht? («Le mythe d’Auschwitz, légende ou réalité?»)53, publié en 1979, assorti de photos reproduisant une série de documents officiels.
L’année précédente, un ancien gardien du camp d’Auschwitz, Thies Christophersen, a apporté sa pierre à l’édifice anti-exterminationniste en publiant son «témoignage» dans un ouvrage intitulé Die Auschwitz Lüge («Le mensonge d’Auschwitz»)54. Ce brûlot, que les négationnistes présentent comme la réplique aux confessions de Rudolf Höss et de Kurt Gerstein, «extorquées sous la torture», décrit à la manière de Rassinier une sorte de camp de vacances, où la nourriture était abondante, l’hygiène impeccable, les loisirs assurés, certains anciens détenus n’hésitant pas, vingt-cinq ans plus tard, à écrire à leur ancien gardien pour lui faire part de leur reconnaissance et témoigner du bon temps qu’ils ont passé à Auschwitz55. Le caractère surréaliste de ce texte ne l’empêchera pas d’être diffusé à plus de 30 000 exemplaires: une audience qui dépasse de beaucoup le petit cercle des organisations néo-nazies.
À partir de 1985, on assiste au reflux de cette offensive négationniste. L’extrême droite allemande tentera bien une fois encore de relancer la polémique sur les chambres à gaz en utilisant l’argumentaire du «rapport Leuchter», sans parvenir toutefois à mobiliser les foules. C’est à la demande des défenseurs d’Ernst Zündel, un Allemand résidant au Canada, accusé d’antisémitisme et d’usage de faux pour avoir diffusé le libelle négationniste de Richard Harwood, que Fred Leuchter, spécialiste de la construction de chambres à gaz dans les prisons américainesC, fut contacté par Faurisson et chargé par celui-ci de se rendre à Auschwitz et de vérifier la présence ou non de chambres à gaz. C’était une mission identique à celle que le «professeur» avait confiée à Jean-Claude Pressac, mais les conclusions des deux «experts» divergeaient fondamentalement. Dans le long rapport rédigé à son retour de Pologne56, Leuchter affirmait qu’il n’avait pas trouvé trace sur le site d’Auschwitz de pièces ayant pu être utilisées pour des gazages de masse. Refusé par le tribunal en tant qu’expertise scientifique, le rapport Leuchter sera purement et simplement mis en pièces à la suite de plusieurs contre-expertises, mais dans l’intervalle, publié aux États-Unis et traduit en plusieurs langues, il sera distribué clandestinement dans divers pays, dont l’Allemagne, où il fera une fois encore miel des milieux extrémistes.
Une fois passé le gros de la vague négationniste, c’est sur un autre terrain que vont s’affronter partisans et adversaires d’une révision de l’histoire destinée sinon à réhabiliter l’hitlérisme, du moins à «expliquer» certains errements du IIIe Reich. À l’origine de cette «querelle des historiens» (Historikerstreit), un article paru le 6 juin 1986 dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung; le grand quotidien de centre-droit, sous la signature du professeur Ernst Nolte, spécialiste mondialement reconnu du fascisme. Dans cet article intitulé «Le passé qui ne veut pas disparaître», Nolte propose du génocide nazi (dont il ne nie pas l’existence) une explication pour le moins provocatrice. Il explique en effet qu’Auschwitz et les autres camps d’extermination doivent être replacés dans le cours de l’histoire allemande: une histoire dominée par la situation géopolitique de l’Allemagne. Placée entre l’Est et l’Ouest, celle-ci se trouve amenée à réagir aux impulsions venues de part et d’autre du continent. Hitler, aussi excessive qu’ait été sa réaction, n’a fait qu’obéir à cette loi de l’histoire.
Considérant que les massacres nazis s’inscrivent dans le vaste courant de violences et de totalitarisme qui caractérise le passage de l’Europe à la modernité, l’historien berlinois voit dans le génocide une simple «réponse» aux initiatives agressives des bolcheviks et des Juifs. Chaïm Weizmann, président du Congrès juif mondial, n’a-t-il pas «déclaré la guerre à l’Allemagne» en prenant ouvertement parti pour la Grande-Bretagne en 1939? Est-il anormal dans ces conditions que les Juifs aient été traités par le Reich comme des ennemis et comme des «prisonniers de guerre»? À ces questions, Nolte répond sans la moindre hésitation par l’affirmative, et il précise qu’il existe un lien logique entre les «crimes asiatiques» perpétrés par les Bolcheviks (parmi lesquels figuraient nombre de Juifs) et le massacre de masse qui a été en quelque sorte imposé au Führer. Autrement dit, le Goulag explique Auschwitz, et ce d’autant plus que la violence de classe, initiée par Lénine et poussée à son paroxysme par son successeur, précède de dix ans et plus la violence raciale du Reich hitlérien.
On sait que cette thèse, dont Nolte donnera par la suite des développements qui sont aujourd’hui encore l’objet de vifs débats, a provoqué en RFA une violente polémique que nous n’avons pas à examiner ici dans le détail. Retenons seulement que la première estocade a été donnée par le sociologue jürgen Habermas dans un article paru le 11 juillet 1986 dans Die Zeit: article dans lequel ce représentant de l’école de Francfort (qui pas plus que son interlocuteur n’est un modèle d’irénisme politique) dénonce les tendances apologétiques de l’historiographie allemande, et fait grief à Nolte et à certains de ses collègues de vouloir réhabiliter le nazisme et laver l’Allemagne de toute culpabilité.
La polémique soulevée par les articles de Nolte et de Habermas a donné lieu en Allemagne à un véritable débat historique portant sur la question de la rupture ou de la continuité représentée par le nazisme57. Tout le gotha des «vingtiémistes» universitaires y a participé, en adoptant des attitudes plus ou moins tranchées. Dans les rangs du «révisionnisme historique», figurent des historiens de renom qui, sans être d’accord avec Nolte sur tous les points soulevés par celui-ci, s’accordent au moins pour souligner les similitudes existant entre nazisme et communisme. Joachim Fest, auteur d’une biographie de Hitler qui a fait date et rédacteur-éditeur de la Frankfurter Allgemeine Zeitung, compare (dix ans avant le Livre noir du communisme) l’extermination nazie à celle, programmée par Staline, de la bourgeoisie comme classe. Hagen Schulze et Klaus Hildebrand soulignent les points communs entre la «solution finale» et la liquidation des koulaks. Andreas Hillgruber, professeur à Cologne, exige des historiens de la Seconde Guerre mondiale qu’ils veuillent bien s’identifier aux populations allemandes et à leurs souffrances, ainsi qu’aux soldats de la Wehmarcht qui combattaient pour leur patrie contre le totalitarisme soviétique et tentaient de préserver leurs compatriotes de la barbarie concrète des Russes.
Dans le camp des adversaires de Nolte, Eberhard Jäckel explique que s’il est permis de comparer nazisme et communisme, le lien causal que l’auteur du Fascisme dans son époque tente d’établir entre les deux totalitarismes – les crimes hitlériens étant interprétés comme une réaction défensive de l’Allemagne face au bolchevisme exterminateur – est un leurre. Nombre d’historiens, à commencer par Jäckel lui-même, ont abondamment démontré que l’antisémitisme avait en Allemagne des racines profondes et que celui des nazis n’avait nul besoin du stimulant bolchevique pour exister. Telle est également, avec des nuances et avec des variantes, l’attitude adoptée par Hans Mommsen et Martin Broszat, l’un et l’autre estimant qu’Auschwitz a constitué une rupture dans l’histoire de l’Allemagne, le caractère systématique et bureaucratique de la «solution finale» conférant au génocide nazi sa singularité.
La «querelle des historiens» est étroitement liée aux problèmes intérieurs de la RFA, à un moment où la gauche intellectuelle conteste avec virulence la majorité chrétienne-démocrate au pouvoir à Bonn depuis 1982. Pour certains dirigeants de la CDU-CSU, l’heure est venue pour l’Allemagne, quarante ans après la chute du nazisme, d’affirmer une identité nationale retrouvée et de «marcher la tête haute» au sein du concert des nations démocratiques. Le projet n’a rien de particulièrement scandaleux, s’agissant d’une génération d’hommes politiques qui n’a pas eu de responsabilités dans le nazisme58. À condition de ne pas se faire au détriment de la «mémoire» allemande du nazisme, comme pouvaient le laisser entendre certaines déclarations de Franz Josef Strauss et de Helmut Kohl. À condition surtout de ne pas vouloir à tout prix dédouaner l’hitlérisme en expliquant qu’il n’y avait pas d’autre voie possible que celle adoptée par Hitler pour contrer les «crimes asiatiques» perpétrés par les bolcheviks.
Nolte n’est peut-être pas allé jusque-là. Son «révisionnisme» s’arrête en principe aux portes des camps d’extermination. Il est vrai qu’il lui est arrivé d’user de formules ambiguës, lorsqu’il parle par exemple, comme le relève Jean-Louis Schlegel, de «prétendue solution finale59». Faisons-lui crédit toutefois d’avoir voulu signifier ainsi que l’Holocauste était le résultat d’un engrenage de décisions ponctuelles, plutôt que l’application d’un choix programmé et méthodiquement réalisé, ce qui est après tout la thèse des «fonctionnalistes». Le professeur de l’université libre de Berlin n’est pas un négationniste, pas plus que les historiens qui ont saisi l’occasion qui leur était faite par le débat ouvert par son article et par celui de Habermas pour faire passer, comme Hillgruber, des idées non-conformes à l’historiographie officielle.
Et l’extrême droite dans tout cela? A-t-elle tiré profit des arguments d’Ernst Nolte et de ses collègues «révisionnistes»? Oui assurément, même si, sur le point essentiel du génocide, aucune voix ne s’est élevée durant la «querelle des historiens» pour nier la réalité du massacre. Sur toutes les autres questions, à condition qu’on accepte ses postulats de départ, Nolte a apporté sans le vouloir du grain à moudre aux néo-nazis et à la droite radicale. À partir du moment où l’on admet que l’initiative des violences exterminatrices est imputable aux communistes, que les nazis ne font que répondre à une agression visant à la destruction de l’Allemagne et que les Juifs sont impliqués dans ce projet, l’entreprise hitlérienne devient sinon excusable, tout au moins compréhensible, et il n’y a qu’un pas à franchir pour juger légitime l’action en réhabilitation des nostalgiques du IIIe Reich. Après tout, les partis communistes n’ont-ils pas fait de même à l’égard d’un système de terreur et d’extermination qu’ils ont commencé par nier en bloc, avant de lui rechercher des excuses dans l’âpreté de la lutte inexpiable contre la bourgeoisie?
LA DIFFUSION DES THÈSES NÉGATIONNISTES EN EUROPE
La France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne ne sont pas les seuls pays européeens à avoir subi les assauts du «révisionnisme», sous la forme exacerbée de la négation du génocide des Juifs.
En Suisse, la cause négationniste a trouvé un partisan zélé en la personne de Gaston-Armand Amaudruz. Sa revue, Courrier du Continent, a régulièrement accueilli dans ses colonnes les contributions des faurissonniens et de leurs homologues d’outre-Manche et d’outre-Atlantique. En 1986, Mariette Paschoud, professeur d’histoire dans un établissement secondaire de Lausanne, a donné à Paris une conférence de presse dans laquelle elle émettait des doutes sur l’existence des chambres à gaz. Son époux, Claude Paschoud, a été jusqu’en 1988 rédacteur au Pamphlet, une feuille lausannoise dans laquelle il a publié des informations sur l’«école révisionniste». La Suisse alémanique a accueilli à plusieurs reprises les chefs du négationnisme français, Faurisson en tête60. Les extrémistes de droite y entretiennent des liens étroits avec les groupes étrangers et avec la «centrale» californienne. En septembre 1994, à la veille de la votation portant sur les dispositions antiracistes, trois représentants du courant ultra-nationaliste, Arthur Vogt, Andres J.W. Studer et Jürgen Graf, ont fondé un mouvement baptisé Communauté de travail pour la «détabouisation» de l’histoire contemporaine (Arbeitsgemein schaft zur Enttabuisierung der Zeitgeschichte, AEZ), qui s’est aussitôt engagé dans des activités de propagande négationniste61.
En Belgique, le négationnisme a sa branche francophone et sa branche flamande. La première a vu se développer dès le milieu des années 1960 un courant ultra-minoritaire qui s’est manifesté au travers de publications comme L’Europe réelle et Europe Magazine. La prudence des dirigeants d’organisations telles que le Front national, le Front de la jeunesse ou le Parti des forces nouvelles a fait que ces formations se sont officiellement tenues à l’écart du débat sur le génocide nazi, ce qui n’a pas empêché certains dirigeants de laisser poindre, à la manière d’un Le Pen, leur opinion sur la question. N’est-ce pas le président du FN belge qui, en 1992, déclarait au journal étudiant Le Politique: «Sans vouloir faire de révisionnisme, j’attends toujours qu’on me prouve par A + B qu’il y a eu six millions de Juifs tués lors de la dernière guerre mondiale62»?
En Flandre, le courant négationniste a rencontré une audience un peu plus large grâce à Roland Raes, vice-président du Vlaams Blok et admirateur déclaré de Bardèche et de Faurisson. En octobre 1989, Raes a publié dans la revue Dietsland-Europa un article intitulé «Un pavé dans la mare», véritable panégyrique à la gloire du «professeur» et des Annales d’histoire révisionniste, dont le premier numéro a paru durant le procès de Klaus Barbie. Évoquant les conclusions du «rapport Leuchter», il écrit ceci: «Si toutes les affirmations des révisionnistes ne sont pas également convaincantes, cela n’empêche pas qu’ils sont courageux et persévérants, que, sur leur terrain, ils adoptent des positions hardies en faveur de la liberté d’expression que les super-démocrates s’emploient à juguler. D’une façon globale, le révisionnisme sert ainsi la cause de la vérité63.»
Ce sont également des membres influents du Vlaams Blok, André Van Hecke, président d’honneur d’une association d’anciens de la Waffen-SS et tête de liste du VB à Bruxelles64, sa compagne, Jeannine Colson, également candidate du «bloc» dans la capitale belge, et Jos Rogiers, responsable de la rédaction du Standaard, qui animent le groupe VHO (Vrij Historisch Onderzœk: Libre recherche historique), dont les publications périodiques – la Bibliothèque révisionniste et la Lettre d’information – ne cessent de ressasser les thèmes éculés du négationnisme: les chambres à gaz d’Auschwitz étaient des «chambres mortuaires», le zyklon B ne servait qu’à «tuer les poux», etc.65.
En Suède autour de G. Felderer, aux Pays-Bas, en Autriche et dans d’autres pays européens, de petits groupes négationnistes se sont également manifestés de manière sporadique au cours des trente dernières années. En Italie, comme en Allemagne, le «révisionnisme historique», dans sa version fréquentable, est constitutif de la question identitaire nationale et du rapport que les Italiens entretiennent avec leur passé fasciste. Nous l’évoquerons donc dans un chapitre ultérieur, consacré à l’évolution de l’extrême droite après 1980. S’agissant du négationnisme proprement dit, il n’est pas pour autant absent du paysage politique de la péninsule où il occupe, comme en France, un territoire exigu mais turbulent, comprenant un versant néo-fasciste (ou néo-nazi) et un versant gauchiste, «anti-impérialiste et antisioniste».
L’émergence d’un étroit filon négationniste au sein du mouvement néo-fasciste transalpin date des années 1966-1967. Faurisson n’a pas encore fait parler de lui, mais Bardèche et Rassinier ne sont pas des inconnus pour les représentants de l’ultra-droite italienne. C’est dans la mouvance du Centro Studi Ordine Nuovo, que dirige Pino Rauti, qu’il a été décidé de publier en italien (chez des éditeurs proches du MSI) deux ouvrages de l’ancien déporté libertaire, Le Mensonge d’Ulysse66 et Le Drame des Juifs européens67. Sans grand succès, y compris auprès d’un public sensibilisé aux thèses développées dans la frange extrémiste du MSI, fasciné par la personnalité et par les écrits de Julius Evola et peu enclin de ce fait à conjuguer «défense de la race», telle qu’elle a fonctionné en Italie jusqu’en 1943, et gazage de masse.
Ici également, le changement intervient à la fin des années 1970, avec la percée faurissonnienne et l’émergence d’une organisation négationniste internationale basée aux États-Unis. En 1979, le mensuel à grand tirage Storia illustrata publie une série d’articles de Robert Faurisson. L’effet est le même que dans les autres pays affectés par le bacille révisionniste: à savoir que si la révélation au public des thèses faurissonniennes soulève une vague d’indignation, l’écho qu’elle suscite dans les médias offre au «professeur» et à ses émules une audience inespérée. N’est-ce pas le but recherché par les négationnistes: instiller un doute dans une partie de la population quant à la réalité du génocide nazi?
En 1984, un petit groupe de néo-fascistes donne naissance à la revue Orion qui ne tardera pas à devenir le point de ralliement du négationnisme de droite. Il faut préciser en effet qu’en Italie, comme en France et plus qu’en France peut-être, les propagateurs du «mensonge d’Auschwitz» ont recruté une partie de leurs troupes parmi les représentants de l’ultra-gauche «trotskyste» et «bordiguiste», rassemblés autour de la petite revue L’Internazionalista et des éditions Graphos. En publiant et en diffusant les écrits de Rassinier, de Faurisson, de Pierre Guillaume et plus tard de Roger Garaudy (Les Mythes fondateurs de la politique israélienne)68, ces militants de la cause «anti-impérialiste» ne poursuivent pas le même but que leurs homologues d’extrême droite. Il ne s’agit pas pour eux de légitimer le néo-fascisme en réhabilitant Hitler et son allié latin, mais de délégitimer et de déstabiliser Israël en affirmant que l’État hébreu, «fer de lance du capitalisme mondial et de l’impérialisme américain», a été fondé sur une immense supercherie. Les prémisses diffèrent, mais l’ennemi stigmatisé par les deux camps est le même et la conclusion identique69. Ce qui explique l’intérêt que porte une revue ultra-droitière comme Orion aux textes publiés par Graphos et par L’Internazionalista, et aussi, entre autres mobiles, les itinéraires de certains militants de la cause négationniste passés d’un extrême à l’autre.
C’est néanmoins l’extrême droite néo-fasciste qui fournit au négationnisme italien ses propagateurs et ses moyens de diffusion les plus nombreux. À la revue Orion, noyau dur de la nébuleuse révisionniste, se sont ajoutées, durant les années 1980 et depuis, Avanguardia, éditée en Sicile, L’Uomo libero, publiée à Milan, la Sentinella d’Italia, dont le siège est à Monfalcone, dans la région de Trieste. Des maisons d’édition néo-fascistes ont consacré une partie de leur production aux écrits des négateurs de la Shoah70. L’une d’elles, animée à Parme par un ancien militant du groupe terroriste de Padoue lié à l’attentat meurtrier de la Banca nazionale dell’Agricoltura à Milan, Claudio Mutti, a publié dans une collection intitulée «La Sfinge» (Le Sphinx) les textes des «grandes figures» du «révisionnisme» international (Rassinier, Faurrisson, Christophersen, Felderer, etc.), ainsi que les écrits du premier auteur négationniste italien, Carlo Mattogno, auteur d’un ouvrage paru en 1991 sous le titre La Soluzione finale: problemi e polemiche71, et de nombreux articles publiés dans Orion, dans la Sentinella d’Italia et dans les Annales d’histoire révisionniste. En 1989, Mattogno était déjà suffisamment connu dans le petit monde du négationnisme international pour que les responsables de l’Institute of Historical Review l’invitent à leur congrès annuel en Californie.
L’organisation américaine a cessé de jouer un rôle moteur dans la diffusion actuelle des thèses anti-exterminationnistes. Elle constitue certes un relais important de la propagande négationniste, mais l’épicentre de ce phénomène transnational se trouve désormais ailleurs, au cœur de l’aire arabo-musulmane et notamment dans les pays du Proche et du Moyen-Orient. Les liens entre l’islamisme et les mouvements extrémistes de droite et de gauche ne sont pas nouveaux. Ils reposent sur la dénonciation d’un ennemi commun: le «sionisme», considéré comme l’allié et le cheval de Troie de l’impérialisme américain, mais ils se sont resserrés depuis une quinzaine d’années et ont pris un caractère multiforme qui favorise la pénétration des idées extrémistes dans certains secteurs de l’opinion.
De l’alliance qui s’est ainsi constituée entre les organisations néo-fascistes et néo-nazies européennes et nord-américaines, certains groupuscules gauchistes et les officines «antisionistes» en activité dans divers pays musulmans, est née une nouvelle «internationale révisionniste», plus discrète peut-être que la centrale californienne (qui n’est pas la dernière d’ailleurs à bénéficier de ses largesses), mais plus riche (la manne pétrolière y est pour beaucoup), plus structurée et beaucoup plus efficace.
Un bon exemple des ramifications existant entre ces différents acteurs est l’action menée au début de la décennie 1990 en Suède par Ahmed Rami, un ancien officier de l’armée marocaine réfugié dans ce pays après la tentative de coup d’État contre Hassan II en 1972. Islamiste de stricte obédience, Rami a créé à Stockholm en 1987 une station radiophonique, Radio Islam, dont les programmes comportaient des émissions ouvertement antisémites et négationnistes qui lui vaudront une peine de six mois de prison ferme pour «manque de respect envers le peuple juif»72. Il est vrai que le directeur de Radio Islam ne s’embarrassait pas de circonlocutions pour dénoncer, en écho aux propos des négationnistes de Suède et d’ailleurs, le «mensonge d’Auschwitz». «La version juive de l’histoire du monde en général, déclarait-il, et celle de la Deuxième Guerre mondiale, qui est adoptée par cet Occident judaïsé, est rejetée par le monde arabo-islamique et considérée comme un bluff sioniste gigantesque visant à légitimer l’usurpation de la Palestine73.»
De Bardèche à Ahmed Rami et à ses complices faurissonniens et néo-nazis, c’est le même discours qui circule depuis un demi-siècle, réunissant dans une haine commune des extrémistes des deux bords dont la propagande s’opère aujourd’hui par les nombreux et insaisissables sites négationnistes du WEB.
Notes.
1. Sur le négationnisme en France, nous disposons aujourd’hui d’excellents ouvrages. On verra notamment: IGOUNET (Valérie), Histoire du négationnisme en France, Paris, Seuil, 2000; VIDAL-NAQUET (Pierre), Les Assassins de la mémoire. «Un Eichmann de papier» et autres essais sur le révisionnisme, Paris, La Découverte, 1987; FINKELKRAUT (Alain), L’Avenir d’une négation, Paris, Seuil, 1982; BÉDARIDA (François), Le Nazisme et le génocide. Histoire et enjeux, Paris, Nathan, 1989; Négationnistes: les chiffonniers de l’histoire, Villeurbanne, Éditions Golias, 1997; JANOVER (Louis), Nuit et brouillard du révisionnisme, Éditions Paris-Méditerranée, 1996; BRAYARD (Florent), Comment l’idée vint à M. Rassinier, Paris, Fayard, 1996.
2. Sur Bardèche: cf. DESBUISSONS (Ghislaine), Itinéraire d’un intellectuel fasciste: Maurice Bardèche, thèse pour le doctorat d’histoire de l’IEP de Paris, 1990, 3 vol. dactyl.
3. BARDÈCHE (Maurice), Nuremberg ou la terre promise, Paris, Les Sept Couleurs, 1948.
4. Bardèche fut condamné pour «apologie de crimes de guerre» après une longue procédure judiciaire émaillée de non-lieux, d’acquittements et d’appels, à un an de prison ferme. Amnistié par le président de la République René Coty, il ne sera en fait incarcéré que pendant trois semaines.
5. BARDÈCHE (Maurice), Lettre à François Mauriac, Paris, La Pensée libre, 1947.
6. BARDÈCHE (Maurice), Nuremberg ou la terre promise, op. cit., p. 23.
7. Comme Bardèche le dira lors d’un entretien avec J. Algazy en 1981, Cf. ALGAZY (Joseph), La Tentation néo-fasciste…, op. cit., p. 210.
8. BUTZ (Arthur R.), The Hoax of the Twentieth Century, Chapel Ascote, 1977, pp. 242-243.
9. BARDÈCHE (Maurice), Nuremberg…, op. cit., p. 188.
10. Entretien de Joseph Algazy avec Maurice Bardèche, op. cit., p. 208.
11. BRAYARD (Florent), Comment l’idée vint à M. Rassinier. Naissance du révisionnisme, Paris, Fayard, 1996.
12. BURRIN (Philippe), La Dérive fasciste. Doriot, Déat, Bergery, Paris, Seuil, 1986.
13. RASSINIER (Paul), Ulysse trahi par les siens, Paris, Documents et témoignages, 1961.
14. RASSINIER (Paul), Le Véritable Procès Eichmann ou les vainqueurs incorrigibles, Paris, Les Sept Couleurs, 1962.
15. RASSINIER (Paul), Le Drame des Juifs européens, Paris, Les Sept Couleurs, 1964.
16. RASSINIER (Paul), Ulysse…, op. cit., p. 79.
17. RASSINIER (Paul), Le Mensonge d’Ulysse…, op. cit., p. 123.
18. RASSINIER (Paul), Le Véritable Procès…, op. cit., p. 112.
19. Ibid., p. 40.
20. RASSINIER (Paul), Le Mensonge d’Ulysse, op. cit., p. 124.
21. Le Monde, 16-1-1979.
22. Bien qu’il ait collaboré dès 1963 à la revue littéraire Accent grave, très marquée à droite, Faurisson se présentait encore en 1996 comme «apolitique». «On s’enquiert souvent de mes opinions politiques, écrivait-il à cette date. C’est vain et malheureusement bien français. […] En quoi mes opinions politiques donneraient-elles un début de consistance soit au dogme de l’existence des chambres à gaz, soit à la thèse de l’inexistence des chambres à gaz? Que je sois de droite ou de gauche, philosémite ou antisémite, en quoi cela ferait-il naître une chambre à gaz nazie à Auschwitz où il n’y en eut jamais?» «Quelques réflexions sur l’affaire Garaudy/abbé Pierre», 27 avril 1996; cité in IGOUNET (Valérie), op. cit., p. 148.
23. Défense de l’Occident, juin 1978.
24. FAURISSON (Robert), «A-t-on lu Rimbaud?», numéro spécial de la revue Bizarre, 4e trimestre 1961.
25. Le A était de toute évidence le triangle renversé du pubis; le E, qu’il fallait imaginer en écriture manuscrite et posé horizontalement, les deux seins blancs de la femme…; le reste était à l’avenant.
26. FAURISSON (Robert), «A-t-on lu Lautréamont?», Paris, 1972.
27. FRESCO (Nadine), «Les redresseurs de morts. Chambres à gaz: la bonne nouvelle. Comment on revisite l’histoire», Les Temps modernes, no 407, juin 1980, pp. 2150-2211.
28. MANNONI (O.), «Le besoin d’interpréter», Les Temps modernes, mars 1962.
29. À l’occasion de ce congrès auquel assistèrent des «révisionnistes» venus du monde entier, il fut offert une prime de 50 000 dollars à toute personne qui ferait la preuve que les nazis avaient utilisé des chambres à gaz pour éliminer des Juifs.
30. Annales d’histoire révisionniste, no 4, printemp. 1988, p. 181.
31. Le Mensonge d’Ulysse en 1979 et Ulysse trahi par les siens en 1980.
32. FINKELKRAUT (Alain), L’Avenir d’une négation…, op. cit.
33. François Bachelot, ancien député de la Seine-Saint-Denis, a été exclu du Front national en même temps que Yann Piat, députée du Var, pour avoir mis en cause la crédibilité du leader FN, et Pascal Arrighi, ancien député des Bouches-du-Rhône, s’est «suspendu pour toujours» de la formation lepéniste.
34. PRESSAC (Jean-Claude), Les Crématoires d’Auschwitz. La machinerie du meurtre de masse, Paris, CNRS, coll. «Histoire-xxe siècle», 1993.
35. Entretien avec Jean-Claude Pressac réalisé en 1996 par Valérie Igounet, cité in IGOUNET (Valérie), Histoire du négationnisme en France, op. cit., pp. 454-455.
36. Révision, no 9, novembre 1989, p. 25.
37. Révision, no 14, avril 1990, p. 17.
38. Statuts de l’association Mémoire et Histoire enregistrés en janvier 1993 à la sous-préfecture de Fontainebleau, cités in IGOUNET (Valérie), op. cit., p. 565.
39. Comme le révéla à l’époque Le Canard enchaîné, c’est un chèque de 120 000 francs, tiré à la banque Melli Iran sur le compte de Gordji, qui a servi de caution bancaire pour l’édition du catalogue de la librairie Ogmios.
40. Je me suis inspiré ici de l’excellent article de Robert Frank: «Les négationnistes britanniques», in Relations internationales, no 65, printemp. 1991, pp. 39-47.
41. HARWOOD (Richard), Did Six Million really Die? Historical fact no 1, s.d., Historical Review Press, p. 36.
42. McLAUGHLIN (Michael), «For those Who cannot Speak», Historical Fact, no 3, 1979.
43. Selon The Times, 30 000 exemplaires de cette feuille antisémite auraient été distribués par provocation parmi les représentants de la communauté juive. Cf. FRANK (Robert), «Les négationnistes britanniques», op. cit., p. 40.
44. IRVING (David), Hitler’s War, Londres, The Viking Press, 1977.
45. Cf. DAWIDOWICZ (Lucy S.), The Holocaust and the Historians, Cambridge (Massachusetts), et Londres, Harvard University Press, 1981, pp. 35-38.
46. Irving y a présenté une communication et a y rencontré Faurisson qui lui reprochera par la suite de ne pas être allé «assez loin dans sa recherche».
47. MATTOGNO (Carlo), «Le mythe de l’extermination des juifs», Annales d’histoire révisionniste, printemp. 1987, no 1, p. 64.
48. MOREAU (Patrick), Les Héritiers du IIIe Reich, op. cit. pp. 130 sq.
49. Patrick Moreau donne comme exemple les livres de Hans-Ulrich Rudel, dont Pilote de Stukas, qui connaîtra en France un vif et durable succès.
50. HOGGAN (David L.), Der erzwungene Krieg. Ursachen und Huhreber des Zweiten Weltkriegs, 1961.
51. WALENDY (Udo), Wahrheit für Deutschland. Die Schuldfrage des 2. Weltkrieges, Vlotho, 1965.
52. HARWOOD (Richard), Starben wirklich sechs Millionen? Historische Tat sache, no 1, Vlotho, 1975.
53. STÄGLICH (Wilhelm), Der Auschwitz Mythos. Legende und Wirkmichkeit? Tübingen, Grabert-Verlag, 1979.
54. CHRISTOPHERSEN (Thies), Der Auschwitz Lüge, Kritik-Folge, no 23, 1978.
55. MOREAU (Patrick), Les Héritiers…, op. cit., p. 141.
56. LEUCHTER (Fred A.), Das Leuchter-Gutachten, USA, 1988.
57. Cf. sur cette question: SOUTOU (Georges-Henri), «La “querelle des historiens allemands”: polémique, histoire et identité nationale», Relations internationales, no 65, printemp. 1991, pp. 61-81. Le dossier des différentes interventions a été réuni par les éditions Piper de Munich en 1987, sous le titre: Historikerstreit – Die Dokumentation der Kontroverse um die Einzigartigkleit der nationalsozialistischen Judenvernichtung. Une traduction française est parue aux éditions du Cerf en 1988, avec une introduction de Joseph Rovan: Devant l’Histoire.
58. SCHLEGEL (Jean-Louis), «Épilogue. Les troubles de mémoire, 1944-1988», in L’Allemagne de Hitler, 1933-1945, Paris, L’Histoire/Seuil, 1991, p. 393.
59. Ibid., p. 398.
60. En 1986, Robert Faurisson, Henri Roques et Pierre Guillaume ont effectué une tournée de conférences en Suisse romande. En 1993, Faurisson a donné une conférence à Berne devant une assistance clairsemée.
61. ALTERMATT (Urs), KRIESI (Hanspeter), L’Extrême Droite en Suisse, op. cit., pp. 92-93.
62. Cité in Le Désarroi démocratique. L’extrême droite en Belgique, op. cit., p. 146.
63. Dietsland-Europa, octobre 1989.
64. Membre d’un Schutz Kommando durant la Seconde Guerre mondiale, Van Hecke fut condamné à vingt ans de prison en 1946.
65. VANDER VELPEN (Jos), Les voilà qui arrivent…, op. cit., pp. 121-122.
66. La Menzogna di Ulisse, Milan, Le Rune, 1966.
67. Il Dramma degli Ebrei europei, Rome, Edizioni Europa, 1967.
68. GARAUDY (Roger), Les Mythes fondateurs de la politique israélienne, La Vieille Taupe no 2, décembre 1995.
69. Sur les «liaisons dangereuses» entre négationnistes de droite et de gauche, et sur le négationnisme italien en général, cf. CALDIRON (Guido), «Liaisons romaines», in Négationnistes: les chiffonniers de l’histoire, Villeurbanne & Paris, Éditions Golias et Syllepse, 1997, pp. 179-192.
70. Ibid., pp. 181-183.
71. MATTOGNO (Carlo), La Soluzione finale: problemi e polemiche, Parme, Edizioni all’insegna del Veltro, 1991.
72. IGOUNET (Valérie), Histoire du négationnisme en France…, op. cit., pp. 580-584.
73. «Intifada antijuive à Stockholm», Internet, Radio Islam.
A. [note de PHDN] Il y a ici un raccourci erroné (imputable plutôt à Rassinier qu’à Milza): les Juifs assassinés par les nazis ne l’ont pas tous été «en déportation», ni même pas tous dans les centres de mise à mort industrielle après déportation, mais également lors de fusillades de masse, dans les camions à gaz, ainsi que dans les ghettos via la famine et la maladie organisées par les nazis. Dans les camps de concentrations stricto sensu (hors Auschwitz, Majdanek et évidemment les centres de mise à mort industrielle de Chelmno, Belzec, Sobibor, Treblinka qui ne furent pas des «camps de concentration»), environ cent cinquante mille Juifs ont été assassinés.
B. [note de PHDN] Il aurait fallu souligner la naïveté des journalistes (mais pas seulement, hélas), à adhérer, a minima dans l’expression, implicitement au programme négationniste (hypocrite) de recherche, sinon d’exigence, de «preuve définitive». Ce n’est pas ainsi que fonctionne la démarche historienne. La certitude et la connaissance se bâtissent par convergences de preuves, de traces de toutes natures qui se corroborent, et non par exposition spectaculaire de «preuves définitives».
C.. [note de PHDN] Pierre Milza commet ici une erreur: Leuchter n’a jamais été «spécialiste de la construction de chambres à gaz dans les prisons américaines». Il n’en a conçu ni installé aucune, et avait notamment usurpé le titre d’ingénieur.
D. [note de PHDN] Nous avons corrigé une coquille. L’article (en fait une lettre) de Martin Broszat, dans Die Zeit date bien de 1960 et non de 1962 (comme indiqué dans le texte original).